Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 68/1999
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B 68/99 Co

                       IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

                   Arrêt du 30 août 2000

                       dans la cause

C.________, recourant, représenté par T.________ avocat,

                          contre

Caisse de pensions et de secours des Chemins de fer fédé-
raux suisses, Schwarztorstrasse 55, Berne, intimée,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- Né le 11 décembre 1951, C.________, marié, père de
deux enfants, est entré le 1er novembre 1989 au service des
Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) en qualité d'ouvrier
d'exploitation auprès de l'ancienne division principale
d'exploitation I, à Lausanne. Il fut affecté au service du
nettoyage des voitures en gare de Lausanne.

     En vue de déterminer son aptitude, sur le plan médi-
cal, à exercer son poste et dans le but aussi de décider si
son admission à la Caisse de pensions et de secours des
Chemins de fer fédéraux suisses (ci-après : la caisse de
pensions) était possible sans restriction, l'employé avait
auparavant répondu à un questionnaire médical, le 29 sep-
tembre 1989. Il a notamment répondu «non» à la question lui
demandant s'il souffrait de «maux de tête, vertiges, éva-
nouissements, épilepsie, attaque d'apoplexie, paralysie,
troubles psychiques, toxicomanie, dépressions nerveuses,
névrite ou autres maladies du système nerveux». Il a égale-
ment répondu par la négative à la question : «Avez-vous été
traité par un psychologue, un chiropraticien ou physiothé-
rapeute?». Sur la base de ses déclarations, il a été affi-
lié sans réserve à la caisse de pensions.

     B.- C.________ a été totalement incapable de tra-
vailler dès le 29 janvier 1996. Il a perçu un plein salaire
jusqu'au 31 janvier 1997, puis un demi-salaire dès le
1er février 1997.
     Par lettre du 26 septembre 1997, le chef de la région
«vente et production Lausanne» des CFF a résilié les rap-
ports de service de C.________, pour juste motif, avec
effet au 31 décembre 1997. Cette décision était motivée par
le fait que l'employé avait fourni de fausses déclarations
sur son état de santé quand il avait répondu au question-
naire précité. En particulier, il n'avait pas mentionné, à
l'époque, l'existence de troubles psychiques qui avaient
conduit à son incapacité de travail. Il était précisé que
la résiliation résultait de la faute propre de l'intéressé
au sens des statuts de la caisse de pensions.
     Par décision du 18 décembre 1997, la Direction généra-
le des CFF a rejeté le recours formé contre cette décision
par C.________.

     Le 7 novembre 1997, C.________ a été mis au bénéfice
d'une rente entière de l'assurance-invalidité, fondée sur
un degré d'invalidité de 100 pour cent, avec effet au
1er janvier 1997.
     Le 28 mars 1998, la caisse de pensions a informé son
assuré qu'il avait droit, dès le 1er janvier 1998, à une
rente d'invalidité, au titre de la prévoyance profession-
nelle obligatoire selon la LPP, de 970 fr. 50 par mois,
assortie de deux rentes pour enfants, de 388 fr. 20 au
total. Les rentes étaient calculées selon un avoir de
vieillesse déterminant de 161 752 fr. 10 et un taux de
conversion de 7,2 pour cent.

     C.- Par écriture du 3 juillet 1998, C.________ a
assigné la caisse de pensions devant le Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud en paiement d'une rente d'invali-
dité de 1445 fr. 55 au minimum et de rentes pour enfants
correspondant chacune au sixième de ce montant. La caisse
de pensions a conclu au rejet de la demande.
     Statuant le 19 mars 1999, le tribunal des assurances a
rejeté la demande.

     D.- C.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif dans lequel il conclut, sous suite de frais et
dépens, à l'annulation du jugement cantonal et à l'admis-
sion de sa demande du 3 juillet 1998.
     La caisse de pensions conclut au rejet du recours.
Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il estime
que le litige concerne essentiellement l'interprétation des
dispositions réglementaires de la caisse de pensions et
renonce, par conséquent, à se prononcer sur le recours.

                  Considérant en droit :

     1.- L'intimée est une institution de prévoyance de
droit public pratiquant la prévoyance obligatoire et plus

étendue (institution dite «enveloppante» : ATF 117 V 45
consid. 3b).
     Il n'est pas contesté par ailleurs que le recourant,
en raison de son incapacité de gain, a droit à une rente
d'invalidité au titre des prestations minimales obliga-
toires selon la LPP (art. 6 LPP). Est seul litigieux le
droit à une rente d'invalidité plus élevée découlant de la
prévoyance professionnelle plus étendue (art. 49 al. 2
LPP).

     2.- a) Dans les limites de la LPP, les institutions de
prévoyance peuvent adopter le régime de prestations, le
mode de financement et l'organisation qui leur conviennent
(art. 49 al. 1 LPP). Elles doivent établir les dispositions
nécessaires sur les prestations, l'organisation, l'adminis-
tration et le financement, le contrôle, et les rapports
avec les employeurs, les assurés et les ayants droit; dans
le cas des institutions de droit public, ces dispositions
sont édictées en principe par la collectivité publique dont
elles dépendent (art. 50 al. 1 et 2 LPP).

     b) Les statuts de la Caisse de pensions et de secours
des Chemins de fer fédéraux suisses ont fait l'objet de
versions successives, la dernière en date ayant été adoptée
par le conseil d'administration des CFF le 18 août 1994 et
approuvée par l'Assemblée fédérale le 15 décembre 1994
(RS 172.222.2); cette version est entrée en vigueur, en
même temps que la LPP, le 1er janvier 1995.
     Selon l'art. 38 des statuts, l'affilié qui, de l'avis
de la division médicale (BAD), est devenu incapable d'exer-
cer ses fonctions ou d'autres fonctions pouvant raisonna-
blement être exigées de lui (invalidité) a droit à une
pension d'invalidité si ses rapports de service ou de tra-
vail sont résiliés de ce chef par les CFF (al. 1). Le droit
aux prestations d'invalidité court dès que les rapports de
service ou de travail ont été résiliés ou dès que le salai-
re a été réduit (al. 4).

     Conformément à l'art. 39 des statuts, la pension d'in-
validité s'élève à 60 pour cent du gain assuré au moment où
les rapports de service ou de travail ont été résiliés ou
modifiés pour cause d'invalidité; lorsque l'assuré n'aurait
pas eu 40 ans d'assurance à 65 ans révolus, la pension
d'invalidité est réduite selon les taux actuariels; la
Direction générale publie les taux de réduction sous forme
de tableaux. En outre, le bénéficiaire d'une pension d'in-
validité a droit à une rente pour enfant pour tout enfant
qui, à son décès, aurait droit à une rente d'orphelin; le
montant de la pension d'enfant équivaut au sixième de la
pension d'invalidité (art. 41 al. 1 et 2 des statuts).

     c) Pour nier le droit du recourant à des prestations
de la prévoyance professionnelle plus étendue, la caisse de
pensions et les premiers juges se sont fondés sur l'art. 43
des statuts, qui, sous le titre «Prestations en cas de
résiliation administrative des rapports de service», a la
teneur est la suivante :

     ¹Les prestations des art. 39 à 40 sont versées
      lorsque :

      a. les rapports de service sont résiliés sans faute
         de l'affilié, conformément aux articles 54, 55,
         57 ou 62d, StF, ou aux dispositions correspon-
         dantes des autres rapports de service

      b. l'affilié a fait partie pendant au moins 19 ans
         sans interruption de la caisse de pensions et que

      c. l'affilié a plus de 50 ans.

     ²L'autorité qui nomme statue sur le comportement
      fautif de l'agent. Sa décision lie la CPS.

     ³Les CFF remboursent à la caisse de pensions la
     réserve mathématique manquante dans les cas
     cités au premier alinéa.

     Les premiers juges considèrent que le licenciement de
l'assuré est dû à sa faute, au sens de cette disposition.
En effet, au moment où il a rempli le questionnaire en vue

de son engagement au service des CFF, il ne pouvait passer
sous silence le fait qu'il souffrait alors d'une affection
psychique, pour laquelle il avait été traité par un psycho-
logue. La résiliation des rapports de service est donc
imputable à faute. En application de l'art. 43 des statuts,
l'institution était ainsi fondée à refuser d'allouer les
prestations d'invalidité réglementaires.

     d) C'est à tort, cependant, que les premiers juges se
sont placés sur le terrain de l'art. 43 des statuts. En
effet, cette disposition est applicable aux prestations en
cas de résiliation administrative des rapports de travail.
Elle ne suppose pas une invalidité de l'ayant droit et est
applicable par exemple en cas de suppression de poste ou de
non-réélection, quand l'assuré a plus de 50 ans et compte
une durée ininterrompue d'affiliation à la caisse de
19 années au moins (ATF 124 V 327; PETER HAENNI, Personal-
recht des Bundes in : Schweizerisches Bundesverwaltungs-
recht [SBVR], Organisationsrecht, ch. 76; voir aussi ATF
118 V 255). C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs,
l'employeur rembourse à la caisse de pensions la réserve
mathématique manquante, conformément à l'art. 43 al. 3 des
statuts (cf. le message relatif à l'ordonnance concernant
la Caisse fédérale de pensions et aux statuts de la Caisse
de pensions et de secours des Chemins de fer fédéraux du
24 août 1994, FF 1994 V 320). La référence à l'art. 43 des
statuts est d'autant moins pertinente en l'espèce que le
recourant ne remplit aucune des deux conditions - cumula-
tives - prévues sous let. b et c de l'alinéa premier de
cette disposition (19 années de cotisations et limite d'âge
de 50 ans).
     Il n'y a dès lors pas lieu de se demander si le licen-
ciement de l'assuré est ou non fautif au sens de cette
norme statutaire.

     3.- Il est constant que le recourant est invalide,
raison pour laquelle la caisse intimée lui a alloué une

rente d'un montant limité au minimum légal selon la LPP. Ce
qui est donc litigieux, en l'espèce, ce sont des presta-
tions d'invalidité au sens des art. 38 à 40 des statuts.
Et, en réalité, le reproche adressé à l'assuré tant par
l'employeur que par l'intimée est d'avoir commis une réti-
cence au moment où il a répondu au questionnaire destiné au
service médical des CFF. Cela ressort clairement de la dé-
cision de résiliation des rapports de service du 26 sep-
tembre 1997 et de la décision sur recours de la direction
générale des CFF du 18 décembre 1997, décisions sur la base
desquelles la caisse fonde son refus d'allouer les presta-
tions litigieuses.

     a) Dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les
institutions de prévoyance ont la possibilité d'instituer
des réserves, limitées ou non dans le temps, pour les ris-
ques accrus que l'assuré fait courir à l'institution en
raison de son état de santé (ATF 119 V 284 consid. 2a et
les références citées). D'après la jurisprudence, est dé-
terminant le droit applicable lors de la commission préten-
due d'une réticence, et non pas lors de la découverte de
celle-ci (arrêt non publié Q. du 20 avril 2000 [B 46/99]).
     Dans leur version du 10 mars 1987, en vigueur jusqu'au
31 décembre 1994, les statuts de l'intimée prévoyaient, à
l'art. 6 al. 1, que les salariés en instance d'admission,
de même que les assurés, étaient tenus de renseigner exac-
tement les organes de la caisse de pensions sur tout ce qui
avait trait à leurs relations avec la caisse et de fournir
toutes les pièces justificatives requises (cette règle a
été reprise à l'art. 7 al. 1 des statuts du 18 août 1994).
On peut en déduire que l'intimée, par cette disposition, a
fait usage de la possibilité d'instituer des réserves pour
la part des prestations qui excède les prestations légales
obligatoires. C'est notamment dans ce but, d'ailleurs, que
les futurs employés sont invités à remplir un questionnaire
médical.

     Pour juger si un assuré a commis ou non une réticence,
on applique, en l'absence de dispositions statutaires ou
réglementaires idoines, les règles des art. 4 ss LCA (ATF
119 V 286 consid. 4, 116 V 218; RSAS 2000 p. 62 con-
sid. 3a). Hormis la règle susmentionnée sur le devoir de
renseigner, les statuts de l'intimée ne contiennent pas de
disposition à ce sujet.
     Aux termes de l'art. 4 LCA, le proposant doit déclarer
par écrit à l'assureur suivant un questionnaire ou en ré-
ponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui
sont importants pour l'appréciation du risque tels qu'ils
lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion
du contrat (al. 1). Sont importants tous les faits de natu-
re à influer sur la détermination de l'assureur de conclure
le contrat ou de le conclure aux conditions convenues
(al. 2). Sont réputés importants les faits au sujet des-
quels l'assureur a posé par écrit des questions précises,
non équivoques (al. 3).
     Si, lors de la conclusion du contrat d'assurance,
celui qui devait faire la déclaration a omis de déclarer ou
inexactement déclaré un fait important qu'il connaissait ou
devait connaître (réticence), l'assureur n'est pas lié par
le contrat, à condition qu'il s'en soit départi dans les
quatre semaines à partir du moment où il a eu connaissance
de la réticence (art. 6 LCA). Il s'agit d'un délai de pé-
remption. La résolution peut intervenir après la survenance
du sinistre (ATF 118 II 338 consid. 3 in initio et les
références citées).

     b) Le délai de quatre semaines de l'art. 6 LCA ne
commence à courir que lorsque l'assureur est complètement
orienté sur tous les points concernant la réticence et
qu'il en a une connaissance effective complète, un simple
doute à cet égard étant insuffisant (ATF 118 II 338 con-
sid. 3, 116 V 229 consid. 6a).

     En l'espèce, il y a lieu de constater que le droit de
l'intimée d'invoquer la réticence était périmé lorsqu'elle
a notifié au recourant la communication de rente du 28 mars
1998, qui pourrait à la rigueur être interprétée comme une
dénonciation implicite du contrat de prévoyance. En effet,
tous les griefs formulés par l'employeur et tirés d'une
réticence du recourant étaient abondamment exposés dans la
décision de résiliation des rapports de service du 26 sep-
tembre 1997, dont la caisse de pensions a reçu une copie.
Il n'est ainsi pas nécessaire de se demander si le recou-
rant a ou non commis une telle réticence au sens de
l'art. 6 LCA.

     4.- Pour le reste, on ne voit pas pour quels motifs
valables l'intimée serait en droit de limiter le versement
de ses prestations au minimum obligatoire selon la LPP.
     Certes, l'art. 38 al. 1 des statuts subordonne le
versement des prestations à la condition que les rapports
de travail aient été résiliés par l'employeur en raison de
l'invalidité; or, l'employeur a en l'occurrence invoqué
d'autres motifs. Mais, à juste titre, la caisse ne se pré-
vaut pas de cette clause. En effet, on peut supposer que la
résiliation des rapports de service serait de toute façon
intervenue en raison de l'incapacité durable du recourant
de reprendre son activité professionnelle. De plus, si l'on
excluait le droit aux prestations au motif que la résilia-
tion est due à une «faute» du recourant, qui consisterait
en une réticence, cela reviendrait à contourner les dispo-
sitions de la LCA à ce propos, en rendant en particulier
inopérant le délai de quatre semaines prévu par l'art. 6
LCA. Enfin, on rappellera que sous l'empire de la prévoyan-
ce pré-obligatoire déjà, le Tribunal fédéral a jugé qu'une
clause statutaire de la Caisse fédérale d'assurance (CFA)
analogue à celle de l'art. 38 al. 1 susmentionné ne devait
pas être prise au pied de la lettre. En effet, conformément
aux principes généraux, il suffit, pour que l'assuré béné-
ficie de la couverture du risque d'invalidité, que l'in-

capacité de travail (à l'origine de l'invalidité) ait débu-
té pendant que le fonctionnaire appartenait encore à l'ins-
titution d'assurance. Au reste, une application littérale
des statuts donnerait en fait à l'employeur le pouvoir de
décider du droit de l'assuré invalide à une rente, en fonc-
tion du motif de résiliation qu'il pourrait être amené à
invoquer (ATF 101 Ib 359 consid. 5). Aussi bien le Tribunal
fédéral a-t-il, dans ce même arrêt, reconnu le droit à une
rente d'invalidité en faveur d'un fonctionnaire fédéral qui
avait résilié ses rapports de service et qui, pendant le
délai de résiliation, avait été frappé de maladie qui
l'avait rendu invalide au sens des statuts de la CFA; peu
importait, à cet égard, que l'employeur n'eût pas résilié
les rapports de service pour cause d'invalidité.
     C'est pourquoi le fait que l'employeur a en l'occur-
rence invoqué des raisons étrangères à l'invalidité à l'ap-
pui de sa décision de mettre fin aux rapports de service ne
s'oppose pas au versement des prestations en cause.

     5.- En conséquence, il convient d'annuler le jugement
attaqué et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle reprenne l'instruction du cas et fixe le mon-
tant des prestations de la prévoyance plus étendue auxquels
peut prétendre le recourant.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
     Tribunal des assurances du canton de Vaud du 19 mars
     1999 est annulé et la cause renvoyée à ce tribunal
     pour instruction complémentaire et nouveau jugement au
     sens des motifs.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La Caisse de pensions et de secours des CFF versera au
     recourant une indemnité de dépens de 2500 fr. (y com-
     pris la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure
     fédérale.

 IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
     bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
     fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 août 2000

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIIe Chambre :

                                    Le Greffier :