Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 66/1999
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B 66/99 Mh

                        IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

                 Arrêt du 29 février 2000

                       dans la cause

Fondation institution supplétive LPP, avenue de Mont-
choisi 35, Lausanne, recourante, représentée par
F.________, avocat,

                          contre

M.________, intimé,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- Par décision du 6 novembre 1990, la Fondation
institution supplétive LPP (la Fondation) a prononcé
l'affiliation d'office de M.________, appareilleur, avec
effet au 1er août 1988. Elle lui a adressé, le 1er juin

1992, un décompte de primes pour les années 1988, 1989 et
1990, années durant lesquelles celui-ci avait employé du
personnel.
     Aucun paiement n'étant intervenu, la Fondation a fait
notifier le 16 mars 1998, par l'intermédiaire de l'Office
des poursuites de Lausanne-Est, une poursuite à l'adresse
de M.________. Elle requérait paiement de 15 906 fr. 10
avec intérêt à 5 % dès le 1er janvier 1998, ainsi que
150 fr. pour ses frais de contentieux. M.________ a fait
opposition au commandement de payer n° 641668.

     B.- La Fondation a ouvert action contre M.________
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud par
mémoire du 13 janvier 1999. Elle a conclu, en définitive, à
ce que M.________ soit reconnu, sous suite de dépens, son
débiteur pour la somme de 15 906 fr. 10, montant échu au
31 décembre 1997, ainsi qu'à la mainlevée de l'opposition
formée au commandement de payer n° 641668 sous suite de
frais et dépens.
     M.________ a conclu au rejet de la demande.
     Par jugement du 18 mars 1999, notifié le 13 octobre
1999, le tribunal des assurances a rejeté la demande au
motif que celle-ci était prescrite.

     C.- La Fondation interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement. Elle conclut, sous suite de
frais et dépens, à titre principal à ce que M.________ soit
astreint à lui payer la somme de 15 906 fr. 10, montant
échu au 31 décembre 1997, et demande la levée définitive de
l'opposition au commandement de payer n° 641668 de l'Office
des poursuites de Lausanne-Est, subsidiairement le renvoi
de la cause au tribunal des assurances pour nouveau
jugement.
     M.________ n'a pas répondu au recours. De son côté,
l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose
l'admission du recours.

                  Considérant en droit :

     1.- La contestation porte sur la prétention de la re-
courante au paiement des cotisations LPP. Dès lors que la
décision litigieuse n'a pas pour objet l'octroi ou le refus
de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assu-
rances doit se borner à examiner si les premiers juges ont
violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus
de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents
ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

     2.- a) Aux termes de l'art. 41 LPP, les actions en
recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand
elles portent sur des cotisations ou des prestations pé-
riodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à
142 du code des obligations sont applicables. Il résulte de
ces dispositions que, en général, la prescription court à
partir du moment de l'exigibilité de la créance (art. 130
al. 1 CO). A titre exceptionnel, la prescription relative
aux cotisations des années précédentes court seulement dès
l'affiliation (obligatoire) à l'institution supplétive de
la LPP, parce que cette décision crée un rapport juridique
nouveau (RSAS 1994 p. 390 consid. 3b).
     Selon le droit des obligations, le cours de la pres-
cription est interrompu lorsque se produisent certains
faits liés à l'exécution. C'est le cas par exemple d'actes
qualifiés d'exécution forçée du créancier qui utilise les
moyens mis à sa disposition par la loi pour obtenir l'exé-
cution. Il peut s'agir d'actes de poursuite ou d'actes de
procédure, à l'exclusion de simples rappels ou de mises en
demeure. Dans ce cas, un nouveau délai recommence à courir
à partir de cet acte dont la durée est en principe iden-
tique à celle du délai qui a été interrompu.

     b) Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge
de constater d'office la prescription (art. 41 al. 1 LPP en
corrélation avec l'art. 142 CO); au contraire, le moyen
doit être expressément soulevé (RSAS 1994 p. 389 consid. 3a
et les références).

     3.- La juridiction cantonale a considéré que la
créance de la Fondation était prescrite dès lors que le
délai quinquennal était échu. En effet, les primes faisant
l'objet du décompte du 1er juin 1992 étant exigibles le
30 juin 1992, la demande en justice du 13 janvier 1999
était tardive et le délai était échu lors de la noti-
fication du commandement de payer le 16 mars 1998.

     4.- a) La recourante reproche au premier juge d'avoir
constaté d'office la prescription, question non soulevée
par l'intimé ni même évoquée en cours de procédure. Elle
soutient par ailleurs que la prescription ne saurait être
acquise dès lors que sa créance a fait l'objet de poursui-
tes successives, ce qui ressortait du décompte présenté à
l'appui de la demande. Ainsi, si l'autorité judiciaire
avait eu des doutes, il lui appartenait à tout le moins, en
vertu de son obligation d'établir les faits, d'interpeller
la Fondation.

     b) Il est exact que, dans le cas particulier, le moyen
de la prescription n'a pas été soulevé par l'intimé et que
le juge a examiné d'office cette question pour arriver à la
conclusion que les prétentions de la recourante étaient
prescrites. Comme le droit fédéral ne permet pas cet examen
d'office, le jugement entrepris s'avère pour ce premier
motif déjà contraire au droit (art. 104 let. a OJ).

     5.- Par ailleurs, les faits pertinents ont été mani-
festement constatés de manière inexacte (art. 105 al. 2 OJ)
par la juridiction cantonale, lorsqu'elle a retenu qu'aucun

acte interruptif de la prescription n'avait été posé par la
recourante. Or, si le premier juge, contrairement à la dis-
position de l'art. 142 CO, entendait statuer d'office sur
la question de la prescription, il lui incombait aussi
d'examiner d'office si des actes interruptifs de la pres-
cription avaient eu lieu.
     Selon le relevé de compte déposé en procédure cantona-
le, des frais de poursuite, apparemment en relation avec le
non-paiement des primes, avaient été engagés les 23 juillet
1992, 7 juillet 1993 et 21 octobre 1994 et portés en
compte. Ces éléments étaient suffisants pour que le juge
soit tenu de procéder sur ce point à une instruction afin
d'établir les faits déterminants, au besoin avec la colla-
boration des parties. Malgré les limitations à la possi-
bilité de faire valoir de nouveaux moyens de preuve en
instance fédérale (art. 105 al. 2 OJ), ces manquements aux
règles essentielles de procédure justifient d'admettre la
production de nouvelles pièces, soit les commandements de
payer correspondant aux frais de poursuite portés en compte
(Nicolas Wisard, Les faits nouveaux en recours administra-
tif au Tribunal fédéral, PJA 1997, p. 1375).
     Au regard de ces pièces, il apparaît ainsi que l'Offi-
ce des poursuites de Lausanne-Est a notifié à l'intimé
trois commandements de payer les 1er août 1992, 14 juillet
1993 et 12 novembre 1994, sur requêtes de la Fondation qui
réclamait par ce moyen paiement des primes échues avec ac-
cessoires.
     Il en résulte en droit que, contrairement à l'opinion
du premier juge, le cours de la prescription a été inter-
rompu valablement et à temps. Ainsi, lors de l'ouverture de
l'action, le délai pour faire valoir ces créances de coti-
sations n'était pas échu.
     Pour ces motifs, le jugement cantonal doit être an-
nulé, l'autorité judiciaire de première instance devant en-
trer en matière sur la demande de la recourante.

     6.- A titre principal, la recourante conclut à l'ad-
mission de ses prétentions et au prononcé de la mainlevée
définitive. Pour justifier celles-ci, elle produit en ins-
tance fédérale de nombreuses pièces.
     En raison du pouvoir d'examen limité du Tribunal fédé-
ral des assurances (consid. 1 du présent arrêt), de la
nécessité de sauvegarder les droits procéduraux des parties,
il incombe à la juridiction cantonale de se prononcer en
premier lieu sur la demande de la Fondation dès lors qu'à
tort, elle n'est pas entrée en matière. Le dossier lui sera
en conséquence retourné.

     7.- La recourante, représentée par un avocat, obtient
gain de cause. Elle ne saurait, toutefois, prétendre une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale. En effet, les
autorités et les organisations chargées de tâches de droit
public n'ont en principe pas droit à des dépens lors-
qu'elles obtiennent gain de cause (art. 159 al. 2 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). Comptent au nombre des
organisations chargées de tâches de droit public notamment
la CNA, les autres assureurs-accidents, les caisses-maladie
et les caisses de pension (consid. 6 de l'ATF 120 V 352;
ATF 112 V 362 consid. 6).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du 18 mars 1999 du
     Tribunal des Assurances du canton de Vaud est annulé.

 II. La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour
     qu'elle statue sur les prétentions de la recourante.

III. Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont
     mis à la charge de l'intimé.

 IV. L'avance de frais versée par la recourante, d'un mon-
     tant de 1300 fr., lui est restituée.

  V. Il n'est pas alloué de dépens.

 VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
     l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 février 2000

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                    Le Greffier :