Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.899/1999
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6S.899/1999/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     27 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
M. Kolly et Mme Escher, Juges.  Greffière: Mme Angéloz.
                       ___________

            Statuant sur le pourvoi en nullité
                        formé par

X.________, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 22 novembre 1999 par la Chambre pénale de
la Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton de   G e n è v e;

    (infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants)

        Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Par jugement du 22 février 1999, le Tribunal
de police de Genève, statuant sur opposition à une ordon-
nance de condamnation du Procureur général, a condamné
X.________, pour infraction à l'art. 19 ch. 1 LStup,
à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis pendant
3 ans, pour avoir, entre novembre 1996 et mars 1997, ven-
du sans droit dans son commerce des sachets de fleurs de
chanvre en vue de permettre la consommation de leur con-
tenu comme stupéfiants.

  Saisie d'un recours de X.________, la Chambre
pénale de la Cour de justice genevoise, par arrêt du
22 novembre 1999, a confirmé le jugement qui lui était
déféré.

  B.-  Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.

  Au début novembre 1996, l'accusé a ouvert à
Genève un commerce; il y vendait, outre des boissons
énergétiques, des habits et des petits gadgets, des
huiles ou parfums aux senteurs de chanvre, des pâtes
alimentaires à base de chanvre et des "pots-pourris"
composés de fleurs de chanvre séchées ainsi que certains
articles utilisés habituellement par les personnes qui
fument de la drogue, notamment des shiloms et des paquets
de papier à rouler des cigarettes. Il s'est d'abord ap-
provisionné en chanvre auprès de la société Z.________,
qui fournissait sous forme de "coussins thérapeutiques"
du chanvre séché à des commerces spécialisés dans la
vente du chanvre et de ses dérivés, puis auprès d'autres
fournisseurs dès 1997, après l'arrestation du gérant de

la société Z.________, Y.________. Il triait le chanvre
fourni, dont il n'utilisait que les fleurs, qu'il condi-
tionnait dans des sachets de 10 à 20 grammes, vendus en-
viron 20 fr. pièce. Il apposait sur les sachets un au-
tocollant indiquant "Pot-pourri de fleurs de chanvre
suisse. Ne doit pas être utilisé comme stupéfiant.
Interdit aux mineurs".

  L'accusé a vendu des centaines de sachets de
"pots-pourris" de fleurs de chanvre, réalisant, durant
les seuls mois de décembre 1996 à février 1997, soit en
l'espace de trois mois, un chiffre d'affaires avoisinant
30.000 fr., ce qui équivalait à plus de 65 % des recettes
comptabilisées durant cette période. Il s'est efforcé de
ne vendre que des fleurs de chanvre, soit la partie de la
plante contenant la plus forte concentration de substance
hallucinogène, ce qu'il ne pouvait ignorer en tant qu'an-
cien consommateur de marijuana et de haschisch. Il a pris
la précaution d'éviter la vente de ses produits à des mi-
neurs et a apposé sur les sachets mis en vente des auto-
collants indiquant que leur contenu ne devait pas être
utilisé comme stupéfiants. Il a manifestement été en
contact avec d'autres commerçants de chanvre de la place,
qui ont admis que leurs produits étaient fumés par une
partie des clients; ce n'était d'ailleurs un secret pour
personne que les produits vendus sous forme de tisane et
de coussins thérapeutiques par Y.________ équivalaient en
réalité à de la marijuana. Le recourant vendait en outre
des articles, tels que shiloms et paquets de papier à
rouler des cigarettes, employés habituellement par les
personnes qui fument de la drogue.

  Sur la base de l'ensemble de ces éléments, il a
été retenu que l'accusé était parfaitement conscient de
proposer une marchandise susceptible d'avoir des effets
de type cannabinique et qu'il ne pouvait ignorer que le

chanvre vendu était en réalité consommé comme des stupé-
fiants; il y avait en tout cas lieu d'admettre qu'il
avait envisagé l'usage illicite pouvant être fait du
chanvre vendu et qu'il s'en était accommodé. L'accusé
avait ainsi intentionnellement, à tout le moins par dol
éventuel, vendu le chanvre litigieux en vue de l'extrac-
tion de stupéfiants, de sorte que son comportement tom-
bait sous le coup de l'art. 19 ch. 1 LStup.

  C.-  X.________ se pourvoit en nullité au Tri-
bunal fédéral. Contestant que son comportement puisse
tomber sous le coup de l'art. 19 ch. 1 LStup, il conclut
à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision,
sollicitant par ailleurs l'assistance judiciaire.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.-  Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut
être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269
PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté
par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Elle doit donc examiner les questions de
droit qui lui sont soumises en se fondant sur les faits
retenus dans la décision attaquée, dont elle ne peut
s'écarter et que le recourant n'est pas recevable à
remettre en cause (cf. ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81
consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).

  2.-  Invoquant une violation de l'art. 8 al. 1
let. d LStup en relation avec l'art. 19 ch. 1 LStup, le

recourant soutient que le dol éventuel, même s'il est
réalisé, ne suffit pas pour admettre la réalisation de
l'infraction retenue.

  a) Dans un arrêt non publié du 16 novembre 1994
(6S.546/1994), auquel se réfère la cour cantonale en
renvoyant à sa décision incidente du 13 septembre 1999,
il a été jugé que la mise dans le commerce de la plante
de chanvre, même sans ses sommités florifères ou fructi-
fères, tombe sous le coup de l'art. 19 LStup pour autant
que l'auteur ait en vue d'en extraire des stupéfiants.
Certes, les feuilles de la plante de chanvre, non accom-
pagnées de sommités florifères ou fructifères, ne sont
pas des stupéfiants au sens de l'art. 1 de la Convention
unique sur les stupéfiants de 1961 et de l'art. 1 LStup.
Cette convention oblige cependant les Etats à empêcher
l'abus des feuilles de la plante de cannabis. Selon
l'art. 8 al. 1 let. d LStup, le chanvre en vue d'en ex-
traire des stupéfiants et la résine de ses poils glandu-
leux (haschisch) ne peuvent être ni cultivés, ni impor-
tés, ni fabriqués ou mis dans le commerce. Le comporte-
ment interdit par cette disposition est sanctionné par
l'art. 19 ch. 1 LStup, qui réprime donc non seulement la
culture mais également l'importation, la fabrication et
la mise dans le commerce du chanvre, autant que ces com-
portements visent l'extraction de stupéfiants. Il en ré-
sulte que l'interdiction de mettre dans le commerce du
chanvre en vue d'en extraire des stupéfiants touche la
plante dans son entier. Ainsi, l'art. 19 ch. 1 LStup
s'applique non seulement aux stupéfiants visés à l'art.
1 LStup mais aussi à ceux mentionnés à l'art. 8 al. 1
LStup, dont la plante de cannabis dans son entier. Cette
conclusion découle également de l'art. 2 let. e OStup (RS
812.121.1) et de l'appendice 5 de l'Ordonnance de l'OFSP
(RS 812.121.2). En l'occurrence, l'auteur avait distribué
des tracts, accompagnés de sachets contenant des feuilles

de chanvre, éloignées des sommités florifères et fructi-
fères, alors qu'il était conscient qu'un certain nombre
de destinataires allaient tenter de fumer ou de distiller
les feuilles ou d'en obtenir davantage selon les indica-
tions contenues dans les tracts; la distribution qui
lui était reprochée, alliée à la volonté de promouvoir
l'usage des feuilles de chanvre en vue d'en extraire des
stupéfiants, tombait donc sous le coup de l'art. 19 ch. 1
LStup.

  En l'espèce, il est établi que le recourant a
vendu, donc mis dans le commerce, des sachets de fleurs
de chanvre, lesquelles, comme il l'admet lui-même, sont
au demeurant une des parties de la plante à plus forte
teneur en THC. Ainsi qu'il ressort de l'arrêt précité, un
tel comportement tombe sous le coup de l'art. 19 ch. 1
LStup lorsqu'il vise l'extraction de stupéfiants. Cela
n'est du reste pas contesté.

  b) Contrairement à ce que tente de faire admettre
le recourant, la cour cantonale a clairement retenu qu'il
avait agi avec dol direct; ce n'est qu'à titre subsi-
diaire qu'elle a tenu à ajouter qu'"au demeurant (...) le
dol éventuel suffit" et que le recourant avait "pour le
moins" envisagé l'usage illicite pouvant être fait du
chanvre vendu et s'était accommodé de ce résultat au cas
où il se produirait.

  Il y a dol direct lorsque l'auteur est conscient
que le résultat illicite se produira et agit néanmoins,
acceptant ainsi qu'il se réalise (cf. ATF 105 IV 12
consid. 4 p. 14). En l'espèce, cela pouvait être déduit
sans violer le droit fédéral des faits retenus.

  Sur la base d'une appréciation des preuves, il a
été retenu que le recourant a vendu le chanvre litigieux

en étant parfaitement conscient du fait que celui-ci
était en réalité consommé comme des stupéfiants. Cette
constatation relève du fait (ATF 123 IV 155 consid. 1a
p. 156; 122 IV 156 consid. 2b p. 160 et les arrêts cités)
et ne peut donc être remise en cause dans un pourvoi en
nullité (cf. supra consid. 1). Il en résulte que le re-
courant savait que le chanvre litigieux serait consommé
comme des stupéfiants et qu'il l'a néanmoins vendu, ac-
ceptant qu'il en soit fait un tel usage. Il a donc bien
agi par dol direct. L'argumentation du pourvoi, qui tend
exclusivement à faire admettre que, s'agissant de l'in-
fraction en cause, le dol éventuel ne suffirait pas, est
donc vaine.

  c) Les conditions de l'infraction retenue étant
réalisées, la condamnation du recourant de ce chef ne
viole pas le droit fédéral.

  3.-  Le pourvoi doit ainsi être rejeté.

  Comme il était d'emblée dénué de chances de suc-
cès, l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152
al. 1 OJ) et les frais seront mis à la charge du recou-
rant, qui succombe (art. 278 al. 1 PPF).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

  1. Rejette le pourvoi.

  2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

  3. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 800 francs.

  4. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, au Procureur général du canton de
Genève et à la Chambre pénale de la Cour de justice gene-
voise.
                       __________

Lausanne, le 27 janvier 2000

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,