Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.843/1999
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6S.843/1999/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                       6 mars 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger, Juge, et Mme Brahier
Franchetti, Juge suppléante.  Greffière: Mme Angéloz.
                        ___________

           Statuant sur le pourvoi en nullité
                        formé par

X.________, représenté par Me Dominique Lévy, avocat à
Genève,

                         contre

l'arrêt rendu le 25 octobre 1999 par la Chambre pénale de
la Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton de   G e n è v e;

               (faux dans les certificats)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Le 1er avril 1997, X.________ a été in-
terpellé au poste de douane de Thônex-Vallard. Il était
muni d'un passeport russe établi à son nom et d'un visa
d'entrée valable en Suisse. Il était également en posses-
sion, entre autres pièces d'identité, d'un passeport
grec, sur lequel figurait sa photo et le nom de
Y.________, ainsi que d'un permis de conduire et d'une
carte bancaire établis à cette même identité. Il avait
déjà fait usage du passeport grec en s'annonçant à
l'hôtel Bristol à Genève en octobre 1996.

  Entendu par la police dès son arrestation, il a
d'abord affirmé que le passeport grec appartenait à son
frère, puis a déclaré qu'il lui avait été délivré par le
Ministère grec de l'Intérieur à Athènes en raison d'une
procédure de naturalisation en cours, disant avoir choisi
le nom de sa mère et le prénom de son père. X.________
n'était cependant pas naturalisé au moment du jugement et
aucun renseignement précis n'a été fourni en plus de deux
ans de procédure pénale.

  L'enquête a établi que le passeport grec saisi
faisait partie d'un lot de documents en blanc dérobés à
la Préfecture d'Athènes quelques mois auparavant; le do-
cument de base était authentique, mais le code IACO était
faux et les données inscrites à la machine au lieu d'une
imprimante.

  B.-  Par jugement du 7 avril 1999, le Tribunal de
police de Genève a condamné X.________, pour usage de

faux dans les certificats étrangers (art. 252 CP en re-
lation avec art. 255 CP), à la peine d'un mois d'empri-
sonnement avec sursis pendant deux ans et à l'expulsion,
sans sursis, pour une durée de cinq ans.

  Statuant le 25 octobre 1999 sur appel du condam-
né, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise a
partiellement modifié ce jugement en ce sens que l'expul-
sion a été limitée à trois ans et assortie du sursis pen-
dant cinq ans.

  C.-  X.________ se pourvoit en nullité au T-
ribunal fédéral. Invoquant une violation des art. 252 CP
et 23 LSEE ainsi que diverses atteintes à ses droits
constitutionnels, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.- a) Le pourvoi en nullité ne peut être formé
que pour violation du droit fédéral, à l'exception de la
violation directe d'un droit de rang constitutionnel
(art. 269 PPF).

  En l'espèce, le pourvoi est par conséquent irre-
cevable dans la mesure où le recourant se plaint d'at-
teintes à ses droits constitutionnels, notamment d'une
violation du principe "in dubio pro reo" et d'une viola-
tion de son droit d'être entendu, griefs qu'il a d'ail-
leurs soulevés dans le recours de droit public déposé pa-
rallèlement.

  b) Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cas-
sation, sous réserve de la rectification d'une inadver-
tance manifeste, est liée par les constatations de fait
de la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF), ainsi
que par celles de la juridiction inférieure dans la
mesure où elles sont reprises au moins implicitement dans
la décision attaquée (ATF 118 IV 122 consid. 1 p. 124).
Il ne peut être présenté de griefs contre les constata-
tions de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nou-
veaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). La qualification juri-
dique des actes doit donc se faire sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, de sorte que les
moyens fondés sur un autre état de fait ne peuvent être
pris en considération (ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81
consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).

  2.-  Faisant valoir qu'il n'a fait usage du faux
passeport grec que pour s'annoncer à l'hôtel Bristol à
Genève en octobre 1996, le recourant soutient que l'art.
252 CP n'est pas applicable et que seul l'art. 23 de la
loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étran-
gers (LSEE; RS 142.20) pourrait éventuellement entrer en
ligne de compte.

  a) L'art. 252 CP sanctionne notamment le compor-
tement de celui qui, dans le dessein d'améliorer sa si-
tuation ou celle d'autrui, aura fait usage, pour tromper
autrui, de pièces de légitimation contrefaites ou falsi-
fiées. Si l'auteur agit uniquement pour des motifs tou-
chant à la police des étrangers, sans même envisager une
utilisation à d'autres fins, son comportement tombe sous
le coup de l'art. 23 LSEE (ATF 117 IV 170 consid. 2b
p. 174). Cette dernière disposition punit notamment celui

qui sciemment emploie des papiers authentiques qui ne lui
sont pas destinés (art. 23 par. 1 al. 2 LSEE).

  Pour déterminer laquelle des deux dispositions
précitées est applicable, il faut se fonder sur l'inten-
tion de l'auteur, conformément à la jurisprudence rela-
tive aux rapports entre le code pénal et le droit pénal
spécial ou administratif (cf. ATF 117 IV 332 sur le rap-
port entre l'art. 251 CP et l'art. 14 AFAIE; ATF 122 IV
25 sur le rapport entre l'art. 251 CP et le droit pénal
fiscal). Ainsi, selon la jurisprudence, celui qui utilise
un faux uniquement pour éluder les dispositions du droit
fiscal et exclut tout emploi - bien qu'il soit objective-
ment possible - du faux dans un autre domaine que celui
des impôts, doit être jugé exclusivement sur la base du
droit pénal fiscal; en revanche, s'il peut être établi
que l'auteur a usé d'un faux non seulement à des fins
fiscales mais également dans un autre but ou l'a à tout
le moins envisagé, il y a concours entre l'infraction
fiscale et l'art. 251 CP (ATF 122 IV 25 consid. 3b/bb
p. 31).

  b) Le passeport litigieux est aussi bien une
pièce de légitimation au sens de l'art. 252 CP qu'une
pièce de légitimation destinée à être employée dans le
domaine de la police des étrangers au sens de l'art. 23
LSEE.

  Il a été retenu que le recourant n'avait fait
usage de cette pièce qu'en octobre 1996, en s'annonçant à
l'hôtel Bristol de Genève.

  L'obligation pour le logeur de remplir un bulle-
tin d'arrivée et de le transmettre aux autorités compé-
tentes découle de la législation fédérale sur le séjour

et l'établissement des étrangers (art. 2 al. 2 LSEE; art.
2 du règlement de la loi fédérale sur le séjour et l'éta-
blissement des étrangers, RSEE, RS 142.201; art. 24 al. 1
et 2 de l'ordonnance concernant l'entrée et la déclara-
tion d'arrivée des étrangers, OEArr, RS 142.211).
L'étranger est également tenu en vertu de cette législa-
tion de donner à son logeur, pour lui permettre de l'an-
noncer à l'autorité, des indications complètes et véridi-
ques (art. 2 al. 1 RSEE) et de lui remettre à cet effet
ses pièces de légitimation (art. 24 al. 2 OEArr). La vio-
lation de ces obligations est punissable en application
de l'art. 23 LSEE (cf. notamment art. 28 OEArr).

  Dans la mesure où le recourant aurait agi unique-
ment dans le but d'éluder ces dispositions de police des
étrangers, l'art. 23 LSEE serait donc seul applicable.

  c) L'autorité cantonale a retenu que le recourant
n'avait pas fait usage du passeport grec pour se légiti-
mer auprès de la police des étrangers, mais uniquement
pour s'inscrire dans un livre d'hôtel; relevant que cette
attitude devait être rapprochée de la possession d'un
permis de conduire et d'une carte de crédit établis à la
même identité usurpée, elle a observé que, potentielle-
ment, le recourant pouvait toujours voyager sous une
identité et se loger sous une autre, ce qui lui permet-
tait de conserver une ubiquité qui ne permettait pas de
retracer ses périples et qui était susceptible de léser
ses interlocuteurs, qui, en cas de nécessité (dettes, par
exemple), ne pourraient retrouver une personne qu'aucun
registre d'état civil ne connaissait; elle a ainsi admis
que l'amélioration de la situation de l'auteur, au sens
de l'art. 252 CP, était réalisée.

  Les conséquences décrites par l'autorité canto-
nale résultent de l'infraction consistant à éluder les
prescriptions en matière de police des étrangers. Celui
qui présente un faux passeport à un hôtelier, trompe ce
dernier et les autorités de police, ce qui peut avoir les
conséquences évoquées. Comme on l'a vu, c'est l'intention
de l'auteur qui est déterminante. Or, l'autorité cantona-
le n'a pas retenu que le recourant aurait eu une inten-
tion autre que celle d'éluder les dispositions sur la po-
lice des étrangers; il ne ressort notamment pas des faits
retenus que le recourant aurait contracté des dettes
qu'il n'aurait pas eu l'intention d'honorer. Par consé-
quent et dans la mesure où il est uniquement établi que
le recourant a remis un faux passeport à un hôtelier,
éludant ainsi les dispositions de police des étrangers,
seul l'art. 23 LSEE s'applique.

  3.-  Le recourant conteste avoir agi sciemment au
sens de l'art. 23 LSEE, faisant en outre valoir qu'il
s'agit d'un cas de peu de gravité au sens de l'art. 23
par. 1 in fine LSEE.

  L'arrêt attaqué retient que le passeport grec a
été volé et falsifié et, écartant comme non convaincantes
les explications du recourant quant à la manière dont il
a acquis ce document, admet implicitement, avec le pre-
mier juge, que le recourant savait ou aurait dû savoir
que le passeport qu'il détenait n'aurait pas dû ou pu lui
être délivré et qu'il ne pouvait l'utiliser dans un autre
but que tromper autrui.

  Ces constatations, qui relèvent du fait, lient la
Cour de céans, de sorte que le recourant est irrecevable
à les remettre en cause dans son pourvoi (cf. supra,
consid. 1b). Elles sont par ailleurs suffisantes, con-
trairement à ce que laisse entendre le recourant en invo-
quant l'art. 277 PPF, pour trancher la question contes-
tée. Comme il a été retenu qu'il savait ou aurait dû sa-
voir que le passeport qu'il détenait n'aurait pas dû ou
pu lui être délivré, le recourant a utilisé sciemment ce
passeport. Les conditions de l'art. 23 LSEE sont donc
réalisées.

  Ceci dit, que l'auteur ait agi sciemment n'exclut
pas que le cas puisse être de peu de gravité.

  4.-  Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit
être partiellement admis dans la mesure où il est receva-
ble. L'arrêt attaqué sera ainsi annulé et la cause ren-
voyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans
le sens des considérants.

  Vu l'issue du pourvoi, il ne sera pas perçu de
frais et une indemnité réduite sera allouée au mandataire
du recourant à titre de dépens.

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

  1. Admet partiellement le pourvoi dans la mesure
où il est recevable.

  2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

  3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
au mandataire du recourant une indemnité de 1500 fr. à
titre de dépens.

  4. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, au Procureur général du canton de
Genève et à la Chambre pénale de la Cour de justice gene-
voise.
                       ___________

Lausanne, le 6 mars 2000

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,