Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.801/1999
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6S.801/1999/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     27 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
                        _________

           Statuant sur le pourvoi en nullité
                        formé par

X.________, représenté par Me Christian Marquis, avocat à
Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 7 juin 1999 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

                 (fixation de la peine)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Par jugement du 18 mai 1998, le Tribunal
criminel du district de Lausanne a notamment condamné
X.________, pour infraction grave à la LStup, à la peine
de 20 ans de réclusion, l'a expulsé du territoire suisse
à vie, dit qu'il était le débiteur de l'Etat de Vaud de
la somme de 9'000'000 fr. à titre de créance compensa-
trice, maintenu le séquestre sur un passeport yougoslave
au nom de X.________, et mis les frais de la cause à la
charge du condamné.

  Par arrêt du 31 août 1998, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis
le recours de X.________. Elle a réduit le montant de la
créance compensatrice à 600'000 fr. et ordonné la levée
du séquestre sur le passeport yougoslave et sa resti-
tution au recourant. Elle a confirmé le jugement pour le
surplus, notamment s'agissant de la peine prononcée.

  Le 4 mars 1999, la Cour de cassation pénale du
Tribunal fédéral a rejeté dans la mesure où il était
recevable le recours de droit public déposé par
X.________. Elle a par contre partiellement admis son
pourvoi en nullité, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

  Statuant à nouveau le 7 juin 1999, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiel-
lement admis le recours de X.________ et réformé le ju-
gement du 18 mai 1998 en ce sens que le recourant est
condamné, pour infraction grave à la LStup, à la peine de
16 ½ ans de réclusion, peine complémentaire à la peine de

3 ½ ans de réclusion criminelle prononcée le 21 décembre
1995 par le Président de la Première Chambre du Tribunal
de sûreté de l'Etat d'Istanbul. La cour cantonale a ré-
duit le montant de la créance compensatrice à 600'000 fr.
et ordonné la levée du séquestre sur le passeport yougos-
lave et sa restitution au recourant. Elle a confirmé le
jugement pour le surplus.

  B.-  L'arrêt du 7 juin 1999 repose notamment sur
les faits suivants:

   a) En août 1992 puis en janvier 1993, le nom de
X.________ est apparu dans deux enquêtes concernant des
livraisons de plus de 10 kg d'héroïne saisis dans les
cantons de Vaud et Zurich. Le 28 janvier 1993, le Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a ouvert
une enquête contre le recourant, lequel a été signalé
sous mandat d'arrêt avec diffusion internationale le
26 avril 1993.

  En février 1994, X.________ a été interpellé
à son domicile au Kosovo par la police locale qui lui a
fait savoir qu'il était recherché par les autorités suis-
ses en raison d'un trafic de drogue. Les policiers lui
ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à renoncer à son
arrestation pour autant qu'il accepte de collaborer avec
eux, mais X.________ a préféré quitter le Kosovo pour se
rendre en Turquie. Il y a été arrêté le 3 novembre 1994.
Le Juge d'instruction a signé une demande d'extradition
le 10 novembre 1994. Il y exposait que X.________ était
l'un des chefs d'un réseau de trafiquants yougoslaves
ayant importé en Suisse depuis 1991 une quantité
d'héroïne dépassant les 300 kg.

  Le 1er mars 1995, deux inspecteurs de la police
de sûreté se sont rendus à Istanbul afin de ramener
X.________ en Suisse en exécution du mandat d'arrêt et de
la demande d'extradition. Ayant appris l'arrivée des
inspecteurs, ce dernier s'est accusé faussement d'avoir
fourni à des tiers détenus dans la même prison que lui 6
kg d'héroïne. Il a été mis en détention préventive de ce
chef par un juge d'instruction turc le 9 mars 1995, son
extradition en Suisse étant ainsi différée. Depuis sa
cellule, X.________ a poursuivi son activité délictueuse
au moyen de téléphones mobiles. Le 21 décembre 1995, il a
été condamné, sur la base de sa fausse déclaration, à la
peine de 3 ½ ans de réclusion criminelle et à une amende,
par le Président de la première chambre du Tribunal de
sûreté de l'Etat d'Istanbul. Le 9 juillet 1996, les
autorités turques ont interrompu l'exécution de la peine
infligée à X.________, l'ont replacé en détention
préventive pour le compte de la Suisse et l'ont extradé
le 11 juillet 1996.

  b) X.________ a été entendu à onze reprises, tant
par la police de sûreté que par le Juge d'instruction.
Lors des trois premières auditions, il a contesté tout
trafic de drogue. Ce n'est qu'à partir du 28 août 1996
qu'il s'est expliqué spontanément, fournissant des
détails qui corroboraient les données des inspecteurs.

  Dans un rapport du 21 janvier 1997, la police de
sûreté a exposé que le trafic de X.________, qui s'est
déroulé de 1992 à 1995, avait porté sur un total de
465,6 kg d'héroïne et que le chiffre d'affaires réalisé
était de l'ordre de 15 millions. Confronté à ces chiffres
en cours d'enquête, X.________ ne les a pas contestés. La
cour cantonale a retenu en définitive un total de 374,365
kg d'héroïne à la charge de X.________. Elle a constaté

que ce dernier occupait une position dominante dans un
réseau de trafiquants de drogue parfaitement organisé. Il
savait pertinemment que son trafic concernait essentiel-
lement la Suisse où l'héroïne était vendue. Il recevait
de son fournisseur la drogue qu'il stockait et faisait
conditionner puis transporter jusqu'en Suisse dans des
voitures aménagées à cet effet. Il était en relation di-
recte avec les transporteurs et avait personnellement
choisi les dépositaires qui recevaient la drogue en Suis-
se et qui se chargeaient de sa distribution. Enfin, il
contrôlait le travail des caissiers qui récoltaient les
fonds avant de les lui transférer en mains propres.

  c) S'agissant de sa situation personnelle, il a
été constaté que X.________, né en 1958, est originaire
du Kosovo. Il est venu s'installer en Suisse en 1980 et y
a déposé une demande d'asile. En 1984, il a été extradé
au Kosovo et y a subi 4 ans d'emprisonnement pour une
affaire de faux dollars. Il est revenu en Suisse en 1988
malgré une interdiction d'entrée. Le 5 décembre 1988, il
a été interpellé alors qu'il tentait de se légitimer sous
une fausse identité. Il s'est marié en 1989 et est père
de trois enfants. Définitivement refoulé sur Zagreb le 7
juillet 1989, il a vécu au Kosovo jusqu'en mars 1994,
date à laquelle il est parti pour Istanbul.

  Son casier judiciaire suisse mentionne une con-
damnation à 12 mois de réclusion et à l'expulsion du
territoire suisse pour une durée de 5 ans, prononcée le
4 octobre 1984 par le Tribunal correctionnel de Boudry,
pour vol par métier et dommages à la propriété.

  C.-  En temps utile, X.________ a déposé un
pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt du
7 juin 1999, concluant à son annulation.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.-  La présente cause a déjà été portée, par la
voie du pourvoi en nullité, devant la Cour de céans et
c'est à la suite d'un arrêt de cassation qu'elle a été
renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'il soit statué à
nouveau, comme le prévoit l'art. 277ter al. 1 PPF. Dans
un tel cas, la cour cantonale doit procéder conformément
à l'art. 277ter al. 2 PPF, qui dispose que "l'autorité
cantonale doit fonder sa décision sur les considérants
de droit de l'arrêt de cassation"; elle ne peut donc pas
s'écarter du raisonnement juridique de l'arrêt de cas-
sation et ne peut examiner que les questions laissées
ouvertes par cet arrêt (cf. ATF 121 IV 109 consid. 7
p. 128, 110 IV 116, 106 IV 194 consid. 1c, 103 IV 73
consid. 1). Saisie d'un nouveau pourvoi, la Cour de
céans est elle-même liée par les considérants de droit
du premier arrêt de cassation, sur lesquels il ne sau-
rait être question de revenir (ATF 106 IV 194 consid. 1c,
101 IV 103 consid. 2).

  2.-  Le recourant se plaint de la violation des
art. 7 et 12 de la Convention européenne d'extradition
(CEextr. RS 0.353.1). Ce grief a déjà été soulevé par le
recourant lors du premier pourvoi en nullité déposé
contre l'arrêt cantonal du 31 août 1998. Dans son arrêt
du 4 mars 1999, la Cour de céans a déclaré le grief irre-

cevable, en raison du non épuisement des instances canto-
nales. Le recourant n'est donc pas autorisé à revenir sur
cette question dans le cadre du pourvoi en nullité dirigé
contre la deuxième décision cantonale (cf. supra, consid.
1 et ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95). Son grief est pour
ce motif irrecevable.

  3.-  Le recourant se plaint de la violation des
art. 19 ch. 4 LStup et 4 de la Convention du 26 juin 1936
pour la répression du trafic illicite de drogues nuisi-
bles. A nouveau, il s'agit d'un grief qu'il a déjà fait
valoir dans le pourvoi en nullité dirigé contre l'arrêt
cantonal du 31 août 1998. Dans son arrêt du 4 mars 1999,
la Cour de céans a considéré que ces deux dispositions
n'avaient pas été violées. Le grief est donc irrecevable
(cf. supra, consid. 1).

  4.-  Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le
recourant soutient que la peine infligée est exagérément
sévère.

        a) Tout en exigeant que la peine soit fondée sur
la faute, l'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée
et exhaustive les éléments qui doivent être pris en con-
sidération, ni les conséquences exactes qu'il faut en
tirer quant à la fixation de la peine; il confère donc au
juge un large pouvoir d'appréciation (ATF 123 IV 49 con-
sid. 2a p. 50 s., 150 consid. 2a p. 152 s.; 122 IV 156
consid. 3b p. 160; 121 IV 193 consid. 2a p. 195 et les
arrêts cités). Les éléments pertinents pour la fixation
de la peine ont été exposés de manière détaillée dans les
ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a, aux-
quels il suffit de se référer.

  Même s'il est vrai que la Cour de cassation exa-
mine librement s'il y a eu violation du droit fédéral,
elle ne peut admettre un pourvoi en nullité portant sur
la quotité de la peine, compte tenu du pouvoir d'appré-
ciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale,
que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal,
si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63
CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette dis-
position n'ont pas été pris en compte ou enfin si la pei-
ne apparaît exagérément sévère ou clémente au point que
l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 123 IV 49 consid. 2a p. 50 s., 150 consid. 2a
p. 152 s. et les arrêts cités).

  b) En l'espèce, il n'est pas contesté que la cour
cantonale a fixé la peine complémentaire de 16 ½ ans de
réclusion dans le cadre légal, en suivant les critères
fixés par l'art. 63 CP et sans se laisser guider par des
considérations étrangères à cette disposition.

  Le recourant estime toutefois que la cour canto-
nale a outrepassé les limites de son pouvoir d'apprécia-
tion en ne tenant pas compte dans un sens atténuant de
ses aveux spontanés et du risque énorme qu'il a pris en
collaborant avec la justice suisse. Il cite à cet égard
un arrêt publié aux ATF 121 IV 202 selon lequel il y a
lieu de prendre en considération les aveux d'un trafi-
quant et de réduire la peine en conséquence.

  La cour cantonale a estimé que l'attitude du re-
courant en cours d'enquête ne justifiait pas une atté-
nuation de la peine. Elle a relevé que le recourant avait
commencé par nier toute participation à un trafic de stu-
péfiants et n'avait collaboré à la manifestation de la

vérité qu'au cours de sa troisième audition, alors qu'il
était largement mis en cause. A l'audience de jugement,
il s'est montré sûr de lui et arrogant, et n'a fait preu-
ve d'aucun remords, de sorte qu'on ne peut lui attribuer
une quelconque volonté d'amendement.

  Il est exact que sous l'angle de la situation
personnelle au moment du jugement, le juge doit tenir
compte, en fixant la peine selon les principes de l'art.
63 CP, d'une attitude coopérative durant l'enquête qui
montre que l'accusé a pris conscience de sa faute et a
la volonté de s'amender (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa
p. 204; 118 IV 342 consid. 2d p. 349).

  De manière à lier la cour de cassation saisie
d'un pourvoi en nullité (art. 277bis PPF), l'arrêt canto-
nal retient que le recourant n'a fait preuve d'aucun re-
mords et qu'on ne peut, au vu de son attitude, lui attri-
buer aucune volonté d'amendement. Sur cette base, l'auto-
rité cantonale n'a pas violé l'art. 63 CP en refusant
d'atténuer la peine au motif que le recourant avait passé
aux aveux et collaboré avec la justice suisse.

  c) Le recourant reproche encore à la cour canto-
nale de n'avoir pas réduit sa peine alors qu'elle avait
retenu un bénéfice financier moins important que celui
retenu en première instance.

  Les premiers juges ont estimé que le recourant
avait très fortement minimisé ses bénéfices en situant
ceux-ci aux environ de 600'000 fr. Ils ont estimé que
le recourant avait encaissé des sommes beaucoup plus
importantes. La cour cantonale a estimé le bénéfice à
600'000 fr. et a confirmé que le profit illicite réalisé

par le recourant correspondait bien à son chiffre d'af-
faires global, soit 9'985'500 fr.

  Toutefois, contrairement à ce que semble penser
le recourant, la question n'est pas de savoir si la cour
cantonale a fixé une peine adéquate compte tenu de celle
prononcée en première instance. Seul l'arrêt de la cour
cantonale fait l'objet du pourvoi en nullité (art. 268
ch. 1 PPF). La question est donc uniquement de savoir si
la peine fixée dans l'arrêt attaqué viole ou non le droit
fédéral en fonction des faits retenus par la cour canto-
nale.

  d) La Cour de cassation du Tribunal fédéral, qui
n'interroge pas elle-même les accusés ou les témoins et
qui n'établit pas les faits, est mal placée pour appré-
cier l'ensemble des paramètres pertinents pour indivi-
dualiser la peine; son rôle est au contraire d'interpré-
ter le droit fédéral et de dégager des critères et des
notions qui ont une valeur générale. Elle n'a donc en
aucune façon à substituer sa propre appréciation à celle
du juge de répression. Elle ne peut intervenir, en consi-
dérant le droit fédéral comme violé, que si ce dernier a
fait un usage vraiment insoutenable de la marge de ma-
noeuvre que lui accorde le droit fédéral (ATF 123 IV 150
consid. 2a p. 152 s.).

  En fixant la peine maximum à 20 ans de réclusion
(art. 19 ch. 1 dernier alinéa; art. 35 CP), le législa-
teur a manifesté sa volonté de réprimer sévèrement les
cas graves de trafic de stupéfiants. Il a été retenu en
l'espèce que le recourant occupait une position dominante
dans un réseau de trafiquants parfaitement organisé,
qu'il avait agi par métier, dans un but exclusif d'enri-
chissement et que ses antécédents étaient défavorables.

Son activité a été intense et a porté sur une quantité
exceptionnellement importante de drogue particulièrement
dangereuse (374,365 kg d'héroïne). Une telle activité
dominante dans une organisation conçue pour se livrer
régulièrement au trafic d'héroïne par dizaines de kilos
correspond manifestement à l'hypothèse que le législateur
avait en vue lorsqu'il a fixé la peine maximum.

  Dans ces circonstances, les juges cantonaux n'ont
pas outrepassé leur large pouvoir d'appréciation en pro-
nonçant une peine complémentaire de 16 ½ ans de réclu-
sion.

  5.-  Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la
mesure où il est recevable et le recourant, qui succombe,
sera condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF).

                     Par ces motifs,

          l e  T r i b u n a l  f é d é r a l,

  1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

  2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2'000 francs.

  3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de
Vaud, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois ainsi qu'au Ministère public de la Confédération.
                       ___________

Lausanne, le 27 janvier 2000

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,