Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.764/1999
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6S.764/1999
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126 IV 147

  24. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
2 mars 2000 dans la cause X. contre Y. et Ministère public
du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
   Art. 2 et 8 al. 1 let. c LAVI.
  Celui qui se prétend victime d'une infraction n'a pas
qualité pour se pourvoir en nullité sur la base de l'art. 8
al. 1 let. c LAVI, lorsqu'il ressort de l'état de fait
définitivement arrêté qu'il n'a pas subi d'atteinte au sens
de l'art. 2 LAVI.
   Art. 2 und Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG.
  Wer Opfer einer Straftat zu sein behauptet, ist nicht
gestützt auf Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG zur eidgenössischen
Nichtigkeitsbeschwerde legitimiert, wenn sich aus den
verbindlichen tatsächlichen Feststellungen ergibt, dass er
keine Beeinträchtigung im Sinne von Art. 2 OHG erlitten hat.
   Art. 2 e 8 cpv. 1 lett. c LAV.
  Chi pretende di essere vittima di un reato, non è
legittimato a proporre ricorso per cassazione giusta l'art.
8 cpv. 1 lett. c LAV, quando dai fatti, quali accertati in
modo definitivo in sede cantonale, egli non risulta essere
stato leso ai sensi dell'art. 2 LAV.
   Y. et son épouse Z., ressortissants portugais, ont
engagé X., citoyenne portugaise née en 1977, pour s'occuper
de leurs deux enfants. X. est arrivée le 24 août 1993 à A.
où les époux occupaient un appartement de trois pièces.
Elle a été logée dans la chambre des enfants où elle a, dès
Noël 1993, partagé un lit avec l'enfant J. Elle devait
faire la lessive à la main, le ménage et la cuisine pour
toute la famille et s'occuper des deux enfants; elle devait
en outre garder les enfants d'autres couples portugais. X.
n'avait aucun jour de
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congé, n'avait pas l'autorisation de sortir seule et était
totalement dépourvue d'argent; dès janvier 1994, elle n'a
plus eu le droit de regarder la télévision et devait se
coucher en même temps que les enfants. Les époux Y. et Z.
ne l'ont pas assurée contre la maladie. Ils n'ont effectué
aucune démarche pour qu'elle obtienne une autorisation de
séjour ou de travail.
  Vers Pâques 1994, Y. a attiré X. dans sa chambre, a
poussé une armoire devant la porte pour l'empêcher de s'en
aller et, malgré les protestations de la jeune fille, l'a
pénétrée. Une semaine plus tard, il l'a obligée à lui faire
une fellation dans les toilettes.
  En mai ou juin 1994, dans la chambre des enfants, il l'a
violemment frappée jusqu'à ce qu'elle ne soit plus en état
de résister, puis l'a sodomisée. A trois reprises dès le
mois d'août 1994, il lui a attaché les mains et l'a
contrainte d'entretenir des relations sexuelles avec lui;
la troisième fois, il l'a violemment frappée au visage et à
la gorge puis lui a attaché les mains et lui a tiré les
cheveux en arrière avant de la sodomiser.
  Par jugement du 6 novembre 1998, le Tribunal
correctionnel du district de B. a reconnu Y. coupable de
lésions corporelles simples qualifiées, de contrainte
sexuelle, de viol et de violation du devoir d'assistance ou
d'éducation ainsi que d'infraction à la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers; il l'a condamné à
trois ans de réclusion et à l'expulsion du territoire
suisse pour une durée de dix ans.
  Le Tribunal a notamment retenu l'infraction de violation
du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) en
relation avec les agressions sexuelles et la violence
physique parce que celles-ci avaient péjoré l'état de santé
physique et psychique de X. Il a par contre nié que cette
infraction soit réalisée en relation avec les conditions de
vie imposées à la jeune fille, estimant que le lien de
causalité entre celles-ci et une mise en danger du
développement physique et psychique de la jeune fille
n'était pas établi.
  Par le même arrêt, le Tribunal a condamné Z. à dix jours
d'emprisonnement pour infraction à la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers.
  Le Tribunal a alloué à X. la somme de 20'000 francs à
titre de réparation pour tort moral; en revanche, il l'a
renvoyée à agir devant le juge civil s'agissant de ses
prétentions découlant du contrat de travail, au motif
qu'elles n'étaient pas en rapport avec les infractions
retenues finalement à la charge des accusés.
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  Y. a formé un recours auprès de la Cour de cassation
cantonale. Par arrêt du 29 mars 1999, ce recours a été
admis sur la question du sursis à l'expulsion. X. a
également interjeté un recours qui a été rejeté par le même
arrêt. X. se pourvoit en nullité.
                    Considérant en droit:
   1.- La recourante estime avoir qualité pour recourir en
vertu des art. 8 al. 1 let. c de la loi fédérale du 4
octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI;
RS 312.5) et 271 al. 1 PPF (RS 312.0).
  La LAVI accorde certains droits procéduraux à toute
personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte
directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique
(art. 2 LAVI). Une victime peut notamment, aux conditions
de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, former contre le jugement
les mêmes recours que le prévenu (cf. art. 270 al. 1 PPF;
ATF 120 IV 44 consid. 2a et b p. 49).
  Le Tribunal fédéral examine librement si une personne est
une victime au sens de l'art. 2 LAVI et ceci pour chacune
des infractions en cause (ATF 120 Ia 157 consid. 2d p.
162). En l'espèce, la recourante se plaint d'une violation
de l'art. 219 CP en relation avec les conditions de travail
que les intimés lui ont imposées.
  Tant que les faits ne sont pas définitivement arrêtés, il
faut se fonder sur les allégués de celui qui se prétend
lésé pour déterminer s'il est une victime au sens de l'art.
2 LAVI (cf. ATF 125 IV 79 consid. 1c p. 81 s.). En
revanche, lorsque l'autorité cantonale a définitivement
fixé l'état de fait, celui-ci lie le Tribunal fédéral (art.
277bis al. 1 PPF) et sert de base pour déterminer si le
recourant revêt ou non la qualité de victime.
  En l'espèce, l'arrêt attaqué est un jugement de dernière
instance cantonale qui constate l'absence de lien de
causalité entre les conditions de vie imposées à la
recourante et une mise en danger de son développement
physique et psychique. Il s'agit d'une constatation de fait
qui lie la Cour de céans. Par conséquent, en l'absence d'un
lien de causalité entre les conditions de vie endurées et
une mise en danger de la santé physique et psychique de X.,
celle-ci ne peut pas être considérée comme la victime d'une
éventuelle infraction à l'art. 219 CP. Pour les mêmes
motifs, la recourante ne peut pas être considérée comme une
lésée au sens de l'art. 270 al. 1 PPF. Son pourvoi est par
conséquent irrecevable.
   2.- Même si l'on entrait en matière sur le pourvoi, il
ne pourrait être accueilli.
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En effet, le principal argument de la recourante consiste à
soutenir qu'il existait nécessairement un lien de causalité
entre ses conditions de vie chez les intimés et une mise en
danger de son développement physique et psychique. Une
telle critique revient à mettre en cause les constatations
de fait de l'autorité cantonale, ce qui n'est pas
admissible dans le cadre d'un pourvoi en nullité (art. 273
al. 1 let. b PPF).
  Quant au moyen tiré de la violation de l'art. 9 al. 1
LAVI, il est infondé. Le droit de la victime de prendre des
conclusions civiles dans le cadre de l'action pénale
suppose que ces prétentions découlent de l'infraction
alléguée (art. 8 al. 1 let. a LAVI; ATF 120 IV 44 consid. 4
p. 51 s.). En l'espèce, il n'y a pas de lien de causalité
entre les infractions finalement retenues à la charge des
intimés et les conclusions civiles de la recourante,
puisque celles-ci sont fondées sur la violation des
obligations contractuelles de ses patrons (salaire, heures
supplémentaires, indemnité de vacances, indemnité pour
défaut d'une chambre individuelle, indemnité pour retard
pris dans ses études, tort moral causé par la violation du
contrat de travail). De même, il n'y a pas de lien de
causalité entre ces prétentions et une éventuelle violation
de l'art. 219 CP en relation avec les conditions de vie
imposées par les intimés. Le grief est partant infondé.

Lausanne, le 2 mars 2000