Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.89/1999
Zurück zum Index Kassationshof in Strafsachen 1999
Retour à l'indice Kassationshof in Strafsachen 1999


6A.89/1999/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                 Séance du 30 mars 2000

Présidence de M. Schubarth, Président du Tribunal
fédéral.
Présents: M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et
Mme Escher, Juges.  Greffière: Mme Angéloz.
                       ___________

     Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

le Service des automobiles et de la navigation du canton
de   V a u d, à Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 29 octobre 1999 par le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud dans la cause qui oppose le
recourant à Y.________;

     (retrait d'admonestation du permis de conduire)

        Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

  A.-  Née en 1971, Y.________ est notamment au
bénéfice d'un permis de conduire pour véhicules auto-
mobiles depuis 1990. Elle n'a pas d'antécédents connus en
matière de circulation routière. Célibataire, elle habite
une ferme isolée entre C.________ et D.________. Après
avoir occupé un emploi à E.________, elle a été un
certain temps au chômage; elle travaille actuellement à
A.________, où elle ne peut que difficilement se rendre
autrement qu'en voiture depuis son domicile.

  Le 8 juin 1999, à 7 heures 25, elle a été enre-
gistrée par un radar alors qu'elle circulait à B.________
en direction de F.________, à une vitesse de 72 km/h
(marge de sécurité déduite), bien que la vitesse à cet
endroit était limitée à 50 km/h, commettant ainsi un
excès de vitesse de 22 km/h. Elle a déclaré avoir circulé
sur ce tronçon, annoncé par le signal "Vitesse maximale,
Limite générale", à la vitesse réglementaire, mais avoir
accéléré trop tôt, soit avant le signal marquant la fin
de la limitation, passant ainsi à une vitesse excessive
devant le radar. Bien qu'à ce moment le trafic était
important à cet endroit, il n'a pas été constaté qu'elle
aurait créé un danger grave.

  B.-  Par décision du 2 août 1999, le Service des
automobiles et de la navigation du canton de Vaud (ci-
après: SAN) a ordonné, en application des art. 16 et
17 LCR, le retrait du permis de conduire de Y.________
pour une durée d'un mois dès le 14 septembre 1999.

  Y.________ a recouru contre cette décision au
Tribunal administratif du canton de Vaud, sollicitant
l'effet suspensif, qui lui a été accordé le 16 août 1999.

  Par arrêt du 29 octobre 1999, le Tribunal admi-
nistratif a admis le recours, annulé la décision attaquée
et renvoyé la cause au SAN pour qu'il statue à nouveau au
sens des considérants. Relevant que B.________ est un
petit hameau, composé d'une dizaine de bâtiments dont
seule la moitié se trouve à proximité immédiate de la
route cantonale, il a estimé que, dans ces conditions, il
y avait lieu d'admettre que l'infraction avait été com-
mise hors localité; or, selon les critères applicables en
tel cas, l'excès de vitesse constaté pouvait encore être
considéré comme un cas de peu de gravité au sens de
l'art. 16 al. 2 in fine LCR, dès lors que les circons-
tances concrètes (accélération à la fin de la zone de
limitation, absence de création d'un danger grave) et
la réputation de l'intéressée le permettaient; en consé-
quence, le retrait de permis devait être remplacé par un
avertissement.

  C.-  Le SAN forme un recours de droit adminis-
tratif au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de
l'art. 16 al. 2 LCR, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et à la confirmation de sa décision du 2 août
1999.

  Dans sa réponse, l'intimée demande au Tribunal
fédéral d'examiner son cas en tenant compte de la diffi-
culté qu'elle aurait de se rendre à son travail autrement
qu'en voiture et de la nécessité que la mesure soit exé-
cutée de manière à ce qu'elle ne se retrouve pas au
chômage.

  Le Tribunal administratif vaudois conclut au
rejet du recours, se référant pour l'essentiel à sa
décision.

  L'Office fédéral des routes (OFR), observant
notamment que l'infraction ne saurait être considérée
comme ayant été commise hors localité, conclut à l'admis-
sion du recours.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

  1.-  Lorsque, comme en l'espèce, le recours est
dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans
l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts
ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

  Relevant que l'endroit de l'infraction se trouve
à la hauteur d'un arrêt de bus, le recourant allègue que
cela "permet de supposer avec un certain degré de certi-
tude la présence probable d'autres usagers". Il laisse
ainsi entendre la présence de piétons à l'endroit et au
moment de l'infraction, ce que l'arrêt attaqué ne cons-
tate pas. Comme il l'admet, le rapport de police indique
uniquement que le trafic était important, sans faire état
de la présence de piétons. Au demeurant, à l'appui de sa
réponse au recours, l'intimée a produit un horaire attes-
tant qu'aucun bus ne circulait à cet endroit au moment de
l'infraction. Il n'est dès lors pas établi que l'état de
fait de l'arrêt attaqué serait inexact ou incomplet dans
la mesure où il ne mentionne pas la présence de piétons à
l'endroit et au moment de l'infraction.

  De son côté, l'OFR allègue l'inexistence d'in-
dices selon lesquels l'intimée aurait cru à tort que le
tronçon sur lequel elle circulait n'était pas situé dans
une localité. L'arrêt attaqué ne constate cependant au-
cune erreur de l'intimée sur ce point, que celle-ci n'a
du reste jamais alléguée; il se borne en effet à relever
que rien ne vient infirmer les déclarations de l'intimée,
selon lesquelles celle-ci a circulé à la vitesse régle-
mentaire, qu'elle n'a excédée que pour avoir accéléré
trop tôt, soit avant le signal indiquant la fin de la
zone de limitation; il ne retient aucune erreur de
celle-ci quant au fait qu'elle se trouvait sur un tronçon
où la vitesse est limitée ni quant à l'endroit où cette
zone prend fin. Autre est la question, qui sera examinée
ci-après, de savoir si c'est à tort que l'autorité can-
tonale a considéré qu'il se justifiait d'examiner le cas
d'espèce selon les critères applicables lorsque l'in-
fraction est commise hors localité.

  2.-  Le recourant fait valoir que le cas doit
être considéré comme de moyenne gravité et entraîner un
retrait du permis de conduire.

  a) Selon la jurisprudence, lorsque la vitesse
maximale générale de 50 km/h autorisée dans les localités
est dépassée de 21 à 24 km/h, il y a lieu d'admettre
qu'il s'agit objectivement, c'est-à-dire sans égard aux
circonstances concrètes, d'un cas de gravité moyenne, qui
doit entraîner le retrait du permis de conduire en appli-
cation de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR; un tel dépas-
sement de la vitesse autorisée dans une localité crée en
effet une mise ne danger importante impliquant une faute
correspondante, de sorte que même en présence d'éléments
favorables, il ne peut être renoncé qu'exceptionnellement
à un retrait du permis de conduire, qui doit donc être

prononcé sauf circonstances particulières (ATF 124 II 97
consid. 2b p. 100 s.). Cette jurisprudence ne dispense
toutefois pas l'autorité de tout examen des circonstances
du cas concret; d'une part, l'importance de la mise en
danger et celle de la faute doivent être appréciées, afin
de déterminer quelle doit être la durée du retrait;
d'autre part, il y a lieu de rechercher si des circons-
tances particulières ne justifient pas de considérer
néanmoins le cas comme grave ou, inversement, comme de
peu de gravité, cette dernière hypothèse pouvant notam-
ment être réalisée lorsque le conducteur avait des motifs
sérieux de penser qu'il ne se trouvait plus dans la zone
de limitation de vitesse; dans cette mesure, une appré-
ciation purement schématique du cas, fondée exclusivement
sur le dépassement de vitesse constaté, violerait le
droit fédéral (ATF 124 II 97 consid. 2c p. 101).

  b) Il est établi que l'intimée a dépassé de
22 km/h la vitesse autorisée, dans un hameau où celle-ci
est limitée à 50 km/h selon la signalisation mise en
place, qui comporte, au point de départ de la zone, le
signal "Vitesse maximale, Limite générale" (2.30.1) et, à
la fin de la zone, le signal "Fin de la vitesse maximale
50, Limite générale (2.53.1). Cette limitation générale
de vitesse à 50 km/h s'applique dans toute la zone bâtie
de façon compacte à l'intérieur de la localité (art. 4a
al. 2 1ère phrase OCR), son début devant être annoncé dès
qu'il existe une zone bâtie de façon compacte sur l'un
des côtés de la route et sa fin à partir de l'endroit où
ni l'un ni l'autre des côtés de la route n'est bâti d'une
façon compacte (art. 22 al. 3 OSR). Le dépassement de
vitesse a ainsi été commis sur un tronçon typiquement si-
gnalisé comme se trouvant dans une localité.

  L'arrêt attaqué considère néanmoins que la confi-
guration des lieux - un petit hameau composé d'une di-

zaine de bâtiments, dont seule la moitié se trouve à
proximité immédiate de la route cantonale - conduit à
admettre que l'infraction a été commise hors localité et
en déduit que, selon les critères applicables dans un tel
cas, l'excès de vitesse constaté peut encore être consi-
déré comme un cas de peu de gravité.

  Ce raisonnement ne peut être suivi, dès lors qu'il
revient à faire abstraction de la signalisation routière
mise en place - qui indique clairement que le tronçon de
route en question est situé dans une localité - et à
admettre que les limitations de vitesse fixées par l'au-
torité compétente puissent être remises en cause. Or,
selon la jurisprudence, les signaux sont juridiquement
valables lorsqu'ils ont été placés à la suite d'une
décision et d'une publication conformes de l'autorité
compétente, visiblement exprimées sous la forme de la
signalisation concrète (ATF 100 IV 71 consid. 2 p. 73 s.,
récemment confirmé dans un ATF 6S.539/1999 du 28 janvier
2000 consid. 2a, destiné à la publication). Au demeurant,
l'intimée n'a jamais allégué qu'elle ignorait la portée
de la signalisation mise en place; selon l'arrêt attaqué,
elle a du reste respecté cette signalisation sur une par-
tie du tronçon, qu'elle semble d'ailleurs avoir emprunté
habituellement, ne dépassant la limitation signalée que
pour avoir accéléré trop tôt, soit avant le signal indi-
quant la fin de la zone de limitation. En conséquence,
c'est à tort que l'arrêt attaqué admet l'application au
cas d'espèce des critères à prendre en considération en
cas de dépassement de vitesse commis hors d'une localité.

  c) L'intimée ayant dépassé de 22 km/h (marge de
sécurité déduite) la vitesse maximale autorisée à l'inté-
rieur d'une localité, c'est avec raison que le recourant
se prévaut de la jurisprudence précitée (cf. supra,
let. a), qui est applicable. Conformément à cette ju-

risprudence, il s'agit donc objectivement d'un cas de
moyenne gravité, sans égard aux circonstances concrètes,
devant entraîner un retrait du permis de conduire, à
moins que le cas ne doive être considéré comme grave ou,
inversement, comme de peu de gravité en raison de cir-
constances particulières.

  Comme on l'a vu, un cas de peu de gravité peut
entrer en considération lorsqu'il est établi que le
conducteur avait des motifs sérieux de penser qu'il ne
se trouvait plus dans la zone de limitation de vitesse
(cf. ATF 124 II 97 consid. 2c p. 101). Au reste, cela
ne saurait être admis que lorsqu'on se trouve en présence
de circonstances analogues à celles qui justifient de
renoncer à une peine en application de l'art. 66bis CP
(ATF 124 II 97 consid. 2b p. 101; 118 Ib 229 consid. 3
p. 232 s.).

  En l'espèce, on ne discerne pas de circonstances
particulières justifiant de renoncer à un retrait du per-
mis de conduire. Comme on l'a vu (cf. supra, consid. 1),
aucune erreur de l'intimée quant à l'endroit où prend fin
la zone de limitation de la vitesse n'a été constatée;
une telle erreur n'a du reste jamais été alléguée par
celle-ci. Que le dépassement litigieux ne soit intervenu
que vers la fin de la zone de limitation de la vitesse ne
constitue certes pas une circonstance particulière, telle
que définie ci-dessus, justifiant que l'on s'écarte du
principe posé par la jurisprudence.

  Il est vrai que l'intimée, qui conduit depuis une
dizaine d'années, n'a pas d'antécédents en matière de
circulation routière. Dans un arrêt récent du 19 novembre
1999 (6A.48/1999) destiné à la publication, le Tribunal
fédéral, modifiant sur ce point sa jurisprudence, a
certes admis que le prononcé d'un simple avertissement

n'est pas exclu lorsque le contrevenant jouit depuis
longtemps d'une réputation sans taches, mais pour autant
toutefois que la faute commise soit légère. Or, comme
on l'a vu (cf. supra, let. a), un dépassement de 21 à
24 km/h de la vitesse autorisée dans une localité crée
une mise en danger importante impliquant une faute
correspondante, laquelle n'est donc pas légère.

  Quant au besoin professionnel que peut avoir le
conducteur de son permis, il ne joue de rôle que pour
décider de la durée du retrait (cf. ATF 123 II 572
consid. 2c p. 574 s.), qui, en l'espèce, avait été fixée
au minimum légal de 1 mois (art. 17 al. 1 let. a LCR).
L'intimée n'a d'ailleurs jamais fait valoir que la dif-
ficulté qu'elle a de se rendre à son travail, à
A.________, avec un autre moyen de transport que l'au-
tomobile justifierait de renoncer à un retrait de son
permis de conduire; comme elle le relève expressément,
elle n'a jamais demandé l'annulation de cette mesure,
mais entendait uniquement obtenir que celle-ci soit
exécutée de manière à ce qu'elle ne soit pas exposée à se
retrouver au chômage. A cet égard, il convient de
rappeler que, conformément au principe de la
proportionnalité, l'autorité, qui conserve en ce domaine
un certain pouvoir d'appréciation, ne saurait en abuser
en refusant d'aménager l'exécution d'un retrait du permis
de conduire de manière à éviter qu'il n'entraîne pour
l'intéressé des conséquences allant au-delà du but de
cette mesure.

  S'agissant d'un cas de moyenne gravité et aucune
circonstance particulière ne justifiant de renoncer à un
retrait du permis, cette mesure devait être prononcée.
Pour l'avoir méconnu, l'autorité cantonale a violé le
droit fédéral. Le recours est donc fondé et l'arrêt
attaqué doit être annulé.

  d) Si l'on voulait envisager la possibilité d'une
sanction moins lourde (retrait du permis avec sursis;
avertissement aussi dans les cas de moyenne gravité) en
présence de circonstances comme celles de la présente
espèce (risque que le conducteur perde son emploi et se
retrouve ainsi au chômage; bons antécédents comme conduc-
teur), il appartiendrait au législateur de modifier la
loi en ce sens.

  e) Lorsque, saisi d'un recours de droit adminis-
tratif, le Tribunal fédéral annule la décision attaquée,
il peut soit statuer lui-même sur le fond, soit renvoyer
la cause pour nouvelle décision à l'autorité inférieure,
voire à l'autorité qui a statué en première instance
(art. 114 al. 2 OJ). En l'espèce, le recours a été formé
par l'autorité qui a pris la décision de première ins-
tance (art. 24 al. 5 let. a LCR), laquelle conclut à la
confirmation de sa décision du 2 août 1999; la Cour de
céans ne pouvant aller au-delà des conclusions du recou-
rant (art. 114 al. 1 OJ), qui demande le retrait du
permis de l'intimée pour la durée minimale légale d'un
mois, il ne reste plus à l'autorité aucune marge d'appré-
ciation. Il se justifie donc de renoncer à un renvoi, qui
constituerait un inutile détour procédural, et de pro-
noncer immédiatement le retrait du permis de conduire de
l'intimée pour une durée d'un mois.

  Il appartiendra à l'autorité compétente de faire
en sorte que la mesure puisse être exécutée de manière à
ce que l'intimée ne soit pas exposée à perdre son emploi,
ce qui irait au-delà du but de la mesure.

  3.-  L'intimée, qui n'a pas contesté le bien fon-
dé de la décision de retrait de son permis de conduire,
n'a pas pris de conclusions tendant au rejet du recours.

On ne saurait donc dire qu'elle succombe dans ses con-
clusions, de sorte qu'il ne sera pas perçu de frais (art.
156 al. 1 OJ).

  Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'au-
torité qui obtient gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

  1. Admet le recours et annule l'arrêt rendu le
29 octobre 1999 par le Tribunal administratif du canton
de Vaud.

  2. Retire le permis de conduire de l'intimée pour
une durée d'un mois.

  3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué
de dépens.

  4. Communique le présent arrêt en copie aux par-
ties, au Tribunal administratif du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des routes.
                       __________

Lausanne, le 30 mars 2000

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
          Le Président,            La Greffière,