Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.475/1999
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5P.475/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                        6 avril 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Ninon Pulver, avocate à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 12 novembre 1999 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à dame M.________, représentée par Me Sabina
Mascotto, avocate à Genève;

    (art. 4 aCst.; modification d'un jugement de divorce)
                  mesures provisionnelles)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 15 septembre 1994, le Tribunal
de première instance de Genève a prononcé le divorce des
époux M.________, attribué au père la garde sur les enfants
Esperança, née le 7 août 1983, Hardy, née le 17 janvier 1989
et Patricia, née le 12 octobre 1991, réservé un droit de vi-
site à la mère, institué une curatelle au sens de l'art. 308
al. 1 et 2 CC, et donné acte au mari de ce qu'il renonçait à
toute contribution d'entretien.

   Il s'est révélé par la suite qu'Esperança n'était
pas issue de l'union des époux M.________, mais de la rela-
tion entre celui-ci et F.________, qu'il a épousée le 8 no-
vembre 1995; ce dernier couple étant également en instance de
divorce, la garde d'Esperança a été attribuée, sur mesures
provisoires, à M.________, et F.________ astreinte à payer
200 fr. par mois à titre de contribution d'entretien. Le lien
de filiation concernant Esperança ayant été établi, le Tribu-
nal tutélaire a relevé la curatrice de ses fonctions et invi-
té, le 5 août 1998, M.________ et F.________ à faire modifier
en conséquence l'état civil de l'enfant; depuis lors, dame
M.________ n'exerce plus de droit de visite sur Esperança.

   B.- Le 26 septembre 1997, dame M.________ a sollici-
té la modification du jugement de divorce du 15 septembre
1994. Plusieurs ordonnances de mesures provisionnelles ont
été rendues. Par jugement du 3 juin 1999, le Tribunal de pre-
mière instance de Genève, statuant à titre provisoire, a
attribué à la mère la garde et l'autorité parentale sur les
enfants Hardy et Patricia; réservé au père un droit de visite
devant s'exercer à raison d'un week-end sur deux et, alterna-
tivement, d'un mercredi sur deux, si le défendeur ne travail-
le pas, ainsi que de la moitié des jours fériés et des vacan-

ces scolaires; institué une curatelle au sens de l'art. 308
al. 1 et 2 CC; enfin, condamné le père à verser une contribu-
tion d'entretien de 250 fr. par mois et par enfant, alloca-
tions familiales non comprises.

   Sur le fond, le Tribunal a modifié le jugement de
divorce en ce sens que la garde sur les deux filles est at-
tribuée à la mère, un large droit de visite, dont les modali-
tés correspondent à celles décidées sur mesures provisoires,
étant accordé au père. La mesure de curatelle a par ailleurs
été confirmée et la cause transmise à l'Autorité tutélaire
pour qu'elle nomme un nouveau curateur. Le père a en outre
été condamné à verser à la mère, par mois et par enfant, une
contribution d'entretien de 250 fr. de 5 à 10 ans, 300 fr. de
10 à 15 ans et 350 fr. de 15 ans à la majorité, allocations
familiales et indexation non comprises.

   Statuant sur l'appel de M.________, la Cour de jus-
tice du canton de Genève a, par arrêt du 12 novembre 1999,
confirmé le jugement de première instance et débouté les par-
ties de toutes autres conclusions.

   C.- a) Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic au Tribunal fédéral, M.________ conclut à l'annulation
de l'arrêt du 12 novembre 1999 et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale, avec des injonctions à l'adresse de
celle-ci. Préalablement, il demande que soit ordonné un rap-
port du nouveau curateur.

   Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

   Des observations n'ont pas été requises.

   b) Le recourant a également interjeté un recours en
réforme contre le même arrêt.

   D.- Le 24 décembre 1999, le président de la cour de
céans a rejeté la demande d'effet suspensif du recourant
quant aux mesures provisionnelles.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Selon l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle
générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit
connu sur le recours de droit public. Il n'y a pas lieu en
l'espèce de déroger à ce principe.

   2.- a) Interjeté en temps utile contre une décision
finale prise en dernière instance cantonale, le recours est
recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ,
tant en ce qui concerne la décision prise en application de
l'art. 145 CC (ATF 100 Ia 12 consid. 1a et b p. 14) que le
prononcé sur le fond.

   b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'es-
pèce, le recours de droit public est de nature purement cas-
satoire (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107; 124 I 327 consid.
4a p. 332; 123 I 87 consid. 5 p. 96 et les arrêts cités). Les
conclusions qui tendent à autre chose qu'à l'annulation de la
décision attaquée sont par conséquent irrecevables.

   c) Le recourant sollicite préalablement l'établisse-
ment d'un rapport par le nouveau curateur, afin de démontrer
que le droit de visite a pu s'exercer comme il se doit. Bien
qu'il allègue avoir formulé cette offre de preuve en instance
cantonale, il ne reproche toutefois pas à la Cour de justice
de n'avoir pas donné suite à sa réquisition. Il n'explique
pas non plus en quoi la preuve qu'il propose serait pertinen-
te pour l'issue du litige. Or, ledit curateur ayant été nommé

postérieurement à la reddition du jugement de première ins-
tance, le 3 juin 1999, on ne voit pas comment il pourrait se
prononcer sur le déroulement du droit de visite durant la
période considérée par la Cour de justice, soit de 1997 à
l'été 1999. Une telle offre de preuve doit dès lors être con-
sidérée comme irrecevable, faute d'être suffisamment motivée
(art. 90 al. 1 let. b OJ).

   3.- Le recourant prétend que l'arrêt attaqué est in-
soutenable, dans la mesure où il ne tient pas compte du voeu
exprimé par les enfants de rester vivre auprès de lui; cel-
les-ci n'auraient du reste pas été entendues, bien que leur
audition ait été réclamée. Selon lui, tant les instances can-
tonales que la curatrice ont d'emblée pris le parti de l'in-
timée, alors que les éléments plaidant en sa faveur ont été
occultés. La Cour de justice n'aurait ainsi pas tenu compte
du fait que les enfants vivent avec lui depuis cinq ans et
vont extrêmement bien, de sorte qu'aucun reproche ne peut lui
être adressé quant à ses qualités de père et d'éducateur. Il
conteste enfin avoir entravé l'exercice du droit de visite.
Séparer une fratrie et bouleverser la vie quotidienne des
enfants pour ce seul motif serait dès lors choquant.

   a) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral se montre réservé dans le domaine de l'appréciation
des faits et des moyens de preuve, vu le large pouvoir qu'il
reconnaît en la matière au juge cantonal. Il n'intervient dès
lors, pour violation de l'art. 4 aCst., que si celui-ci a ad-
mis ou nié un fait en se mettant en contradiction évidente
avec les pièces du dossier ou en interprétant celles-ci de
manière arbitraire (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les ar-
rêts cités). Il appartient au recourant d'établir la réalisa-
tion de ces conditions en s'efforçant de démontrer, par une
argumentation précise, que la constatation incriminée est in-
soutenable (ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73 et la jurisprudence
citée). Les critiques de nature purement appellatoire à l'en-

contre de l'appréciation des preuves sont irrecevables (ATF
119 II 380 consid. 3c p. 383).

   b) La Cour de justice a considéré que, selon le rap-
port du Service de protection de la jeunesse du 23 novembre
1998, le désir des enfants de rester chez leur père ne pa-
raissait pas spontané. En effet, durant l'entretien avec
l'assistante sociale, elles avaient semblé réciter une leçon
apprise et avaient ensuite paru mal à l'aise avec leur mère,
à qui elles avaient relaté tous les propos exprimés au cours
dudit entretien; leur comportement détendu et confiant avec
leur mère n'était en outre pas en rapport avec leurs déclara-
tions. L'autorité cantonale a par ailleurs constaté que le
père ne présentait plus les qualités qui étaient apparemment
les siennes au moment du prononcé du divorce sur le plan de
l'éducation et de la prise en charge des deux enfants, dont
il s'était du reste largement déchargé sur sa fille aînée,
âgée d'une quinzaine d'années. Selon leurs enseignantes, les
deux cadettes paraissaient tristes et renfermées malgré leurs
résultats scolaires satisfaisants. Enfin, il résultait des
différents rapports établis par la curatrice que le père fai-
sait continuellement obstruction à l'exercice du droit de vi-
site.

   c) Le recourant ne démontre nullement en quoi ces
constatations seraient arbitraires. Il se borne à opposer sa
thèse à celle de l'autorité cantonale, non seulement quant à
ses aptitudes éducatives, mais encore quant au déroulement du
droit de visite de l'intimée. Ce faisant, sa critique ne ré-
pond manifestement pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let.
b OJ. Il en va de même du prétendu souhait des enfants de
rester vivre auprès de lui. Sur ce point, il se plaint vaine-
ment de l'absence d'audition de ses filles, dès lors que cel-
les-ci ont été entendues par le Service de protection de la
jeunesse; l'autorité cantonale n'était au demeurant pas tenue
de les entendre personnellement (Deschenaux/Tercier/Werro, Le

mariage et le divorce, 4e éd., p. 165 n. 829). Dès lors, le
grief apparaît en grande partie irrecevable, faute de motiva-
tion suffisante; il est au surplus mal fondé.

   4.- Le recourant critique également la décision sur
mesures provisoires. En tant qu'il reprend les mêmes griefs
que ceux dirigés contre le jugement au fond, ceux-ci doivent
être écartés pour les motifs exposés ci-dessus. Le recourant
prétend aussi que lesdites mesures provisoires ne présentent
aucun caractère d'urgence et ne se justifient donc pas, dès
lors qu'il a été constaté que les enfants n'étaient pas en
danger chez leur père mais qu'elles s'y trouvaient bien. De
plus, ces mesures n'auraient pas de "sens pratique" car elles
se confonderaient avec la procédure au fond; en revanche, el-
les le précipiteraient dans une situation d'endettement. La
motivation de la Cour de justice sur ce point serait enfin
totalement insuffisante.

   Fussent-elles recevables (art. 90 al. 1 let. b OJ),
ces critiques n'apparaissent pas fondées. L'autorité cantona-
le a considéré que, compte tenu de la longueur de la procédu-
re, il était urgent que la solution retenue devienne effecti-
ve. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, cette motiva-
tion est suffisante au regard de l'art. 4 aCst. (cf. ATF 124
II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180 consid. 1a p. 181; 123 II
175 consid. 6c p. 183 s. et les arrêts cités). Au reste, com-
me le démontre son argumentation fondée sur l'arbitraire, le
recourant a manifestement saisi la portée de l'acte attaqué,
qu'il a pu contester en toute connaissance de cause (ATF 114
Ia 233 consid. 2d p. 242 et la jurisprudence citée). Pour le
surplus, ses allégations sont purement appellatoires ou se
heurtent aux constatations, jugées plus haut non arbitraires,
de l'arrêt attaqué. Enfin, le but des mesures provisoires
étant de régler la situation des enfants dans l'attente de
l'entrée en vigueur du jugement au fond, leur utilité appa-
raît évidente.

   5.- Le recours se révèle ainsi mal fondé, en tant
qu'il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera
par conséquent les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). Vu
l'issue - prévisible - de la procédure, sa requête d'assis-
tance judiciaire ne saurait être agréée (art. 152 OJ). Il n'y
a pas lieu d'allouer des dépens, des observations n'ayant pas
été requises.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Rejette la requête d'assistance judiciaire du
recourant.

   3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 1'500 fr.

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

                         __________

Lausanne, le 6 avril 2000
MDO/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
           Le Président,            La Greffière,