Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.448/1999
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5P.448/1999

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                  *************************

                        11 avril 2000

Composition de la Cour : MM. les Juges Reeb, Président,
Weyermann et Bianchi. Greffière: Mme Bruchez.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

Dame O.________, représentée par Me Luc Jacopin, avocat à
Neuchâtel,

                           contre

l'arrêt rendu le 1er novembre 1999 par la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dans la cause qui
oppose la recourante à La Générale de Berne, Compagnie géné-
rale d'assurance, à Berne, représentée par Me Pierre-Henri
Dubois, avocat à Neuchâtel;

             (art. 4 aCst.; contrat d'assurance,
                         réticence)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 7 décembre 1993, dame O.________ a souscrit
auprès de la Générale de Berne (ci-après: La Bernoise) une
assurance responsabilité civile, accident et casco partiel
pour un véhicule Seat Toledo. La proposition d'assurance a
été signée en son nom par son époux, O.________ et par le
représentant de la compagnie d'assurance, H.________, inspec-
teur d'acquisitions. Celui-ci a rempli le formulaire sur la
base des réponses au questionnaire données par le mari. A la
question numéro trois "Une proposition d'assurance responsa-
bilité, accident ou casco a-t-elle été refusée [...] ou le
contrat a-t-il été accepté ou maintenu moyennant des restric-
tions?", il a été répondu "non". La question numéro cinq por-
tant sur l'existence de sinistres antérieurs à cinq ans a
reçu une réponse affirmative précisée de la manière suivante:
"Vol de véhicule en septembre 1993 en Italie, indemnisation
par la Winterthur".

   Une nouvelle police d'assurance a été établie le 25
janvier 1996, avec effet au 1er janvier précédent, dame
O.________ ayant acquis un véhicule de marque Audi A6 Avant
TDI 2,5 en remplacement de la Seat Toledo. Pour cette nou-
velle voiture, il a été conclu une assurance casco complète.

   B.- Le 2 décembre 1996, O.________ a annoncé le vol
de l'Audi à la police. Il a également avisé La Bernoise du
sinistre et s'est rendu, le 4 décembre 1996, à l'agence de
Neuchâtel pour en exposer les circonstances. A cette occa-
sion, il a fait état de deux précédents vols, à savoir celui
d'une Peugeot 405, en Italie, en septembre 1993 et celui
d'une VW Passat, à Neuchâtel, à une date dont il ne se souve-
nait plus, mais dont l'instruction a révélé qu'il s'agissait
du 7 octobre 1992.

   Par lettre du 19 décembre 1996, La Bernoise a refusé
d'indemniser dame O.________, motif pris de l'existence de
deux réticences qui l'autorisaient à se départir du contrat,
en application de l'art. 6 LCA.

   C.- Le 22 octobre 1997, dame O.________ a ouvert
contre La Bernoise une action en paiement de 52'500 fr., plus
intérêts.

   Statuant le 1er novembre 1999, la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté cette demande. En
bref, elle a admis que dame O.________, par son représentant,
avait tu deux faits importants pour l'appréciation du risque
lors de la conclusion du contrat.

   D.- Dame O.________ exerce simultanément au Tribunal
fédéral un recours en réforme et un recours de droit public.
Dans ce dernier, elle conclut à l'annulation de l'arrêt
cantonal et à la condamnation de La Bernoise à payer 52'500
fr., plus intérêts à 5% dès le 22 octobre 1997.

   L'intimée et l'autorité cantonale n'ont pas été in-
vitées à se déterminer.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.-  Conformément au principe de l'art. 57 al. 5 OJ,
il convient d'examiner en premier le recours de droit public.

   2.- Les conclusions qui excèdent la seule annulation
de la décision attaquée - en particulier celles qui tendent à
la condamnation de l'intimée à payer une somme d'argent -
sont irrecevables (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107 et la ju-

risprudence citée). Elles le sont aussi lorsqu'elles visent à
mettre à la charge de l'intimée les frais et dépens des ins-
tances cantonales, dès lors que le sort de ceux-ci ne peut
être modifié que dans le cas des art. 157 et 159 al. 6 OJ.

   3.- La recourante se plaint d'arbitraire dans la
constatation des faits, soit dans l'appréciation des preuves.

   a) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral se montre réservé dans le domaine de l'appréciation
des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la matiè-
re à l'autorité cantonale. Il n'y a violation de l'art. 4
Cst. - dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999 -
que lorsque l'appréciation des preuves est manifestement in-
soutenable, en contradiction flagrante avec les pièces du
dossier, repose sur une inadvertance évidente ou heurte de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité
(ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30
et les références). Est en particulier arbitraire une appré-
ciation qui prend unilatéralement en considération certaines
preuves, méconnaît celles qui sont pertinentes ou n'en tient
arbitrairement pas compte (ATF 118 précité; 112 Ia 369 con-
sid. 3 p. 371; 100 Ia 119 consid. 4 p. 127).

    b) La recourante considère comme arbitraire la cons-
tatation selon laquelle son époux aurait déclaré à l'agent
H.________ que le vol de la VW Passat datait de plus de cinq
ans; les témoignages M.________ et H.________, auxquels s'est
référée la cour cantonale, ne permettraient pas de tenir pour
établie une telle déclaration.

   Certes, s'agissant du délai de cinq ans, les témoins
ont utilisé des termes ("je pense", "c'est peut-être") lais-
sant planer un certain doute. Cette imprécision est toutefois
compréhensible plus de quatre ans après les faits de la part
d'un tiers non intéressé au contrat et d'un agent qui est

amené à conclure de nombreuses assurances. Il ressort par
ailleurs du témoignage M.________ que le vol n'a pas été por-
té dans le questionnaire parce qu'"il était trop ancien". En
outre, selon l'agent H.________, la règle était de ne pas
mentionner les sinistres antérieurs à cinq ans. A cet égard,
seul le conjoint de la recourante était à même de renseigner
le représentant de l'intimée sur la date de ces événements.
Dans ces circonstances et dès lors qu'il n'est pas établi que
d'autres motifs pouvaient justifier que l'on ne tienne pas
compte de certains sinistres, il n'était pas arbitraire de
conclure que l'agent d'assurance "n'a pas jugé utile de [...]
rapporter [le vol litigieux], parce que, selon les déclara-
tions du mari [...], il datait de plus de cinq ans".

   c) La recourante reproche aux juges cantonaux
d'avoir arbitrairement omis de constater que, le 4 décembre
1996, son époux a indiqué à l'intimée avoir changé d'assuran-
ce en 1993, parce que la Winterthur avait décidé de ne plus
assurer son véhicule contre le vol.

   Ce grief est manifestement mal fondé. L'autorité
cantonale a relevé que le mari de la recourante "a [...] dé-
claré le vol d'un véhicule Peugeot 405, survenu en Italie au
mois de septembre 1993, sinistre que la Winterthur a réglé,
tout en décidant d'exclure le risque vol [...], ce qui a in-
cité [l'assurée] à changer de compagnie d'assurance". Certes,
il ne résulte pas expressément de cette constatation que
cette déclaration aurait été faite dans le cadre de l'entre-
vue du 4 décembre 1996. La référence à l'allégué vingt de la
réponse, lequel tendait précisément à établir la teneur de
cet entretien et a été admis par la recourante, ne laisse
toutefois planer aucun doute à ce sujet.

   4.- Autant que la recourante prétend que l'existence
d'éventuelles réticences ne peut être examinée qu'au regard
des déclarations faites lors de l'établissement de la police

d'assurance du 25 janvier 1996, sa critique ressortit au re-
cours en réforme (art. 43 OJ).

   5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succom-
be, doit être condamnée aux frais de la procédure (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a, en revanche, pas lieu d'allouer de dé-
pens à l'intimée qui n'a pas été invitée à procéder et n'a,
en conséquence, pas assumé de frais en relation avec la pro-
cédure fédérale (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

   2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de la recourante.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 11 avril 2000
BRU/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE,
            Le Président,          La Greffière,