Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.446/1999
Zurück zum Index II. Zivilabteilung 1999
Retour à l'indice II. Zivilabteilung 1999


5P.446/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                        28 mars 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

Dame L.________, représentée par Me Bertrand Gygax, avocat à
Lausanne,

                           contre

la décision prise le 3 novembre 1999 par l'Autorité de sur-
veillance des tutelles du canton de Genève;

          (art. 4 aCst.; retrait du droit de garde)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 18 juin 1999, le Tribunal tutélaire du canton
de Genève a retiré à dame L.________ le droit de garde sur sa
fille V.________, née hors mariage le 12 décembre 1995, et
ordonné le placement de l'enfant chez sa tante et son oncle
maternels, F.________ et A.________, domiciliés à Grottaglie
(Tarente/Italie), confirmant ainsi une ordonnance de mesures
provisoires rendue le 14 décembre 1998. Le Tribunal a égale-
ment confirmé les mesures de curatelle instaurées provisoire-
ment le 26 novembre 1998 et confié ces mandats au Service du
tuteur général. Enfin, il a fixé le droit de visite de la mè-
re à raison de quatre jours par mois en Italie et de deux se-
maines au maximum à Genève par périodes de vacances scolaires
de l'enfant, jusqu'à ce que celle-ci ait atteint l'âge de
cinq ans.

   B.- Par décision du 3 novembre 1999, communiquée le
8 novembre suivant, l'Autorité de surveillance des tutelles
du canton de Genève a rejeté le recours formé par dame
L.________, confirmé l'ordonnance rendue en première instance
et débouté la recourante de toutes autres conclusions.

   C.- Dame L.________ exerce un recours de droit pu-
blic au Tribunal fédéral contre la décision du 3 novembre
1999, dont elle demande l'annulation.

   Des observations n'ont pas été requises.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Formé en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, le recours est receva-
ble selon les art. 86 al. 1, 87 et 89 OJ. Il l'est également
au regard de l'art. 84 al. 2 OJ, la voie du recours en réfor-
me n'étant en l'occurrence pas ouverte (ATF 120 II 384 con-
sid. 4b p. 386 et les références).

   2.- La recourante soutient que la décision attaquée
est arbitraire, dès lors qu'elle repose sur une argumentation
contradictoire. L'autorité cantonale se serait en outre fon-
dée sur un motif étranger à l'art. 310 CC et aurait tenu
compte de faits non établis. Sa décision serait enfin dispro-
portionnée et, de surcroît, insuffisamment motivée.

   a) L'autorité cantonale a considéré que le comporte-
ment impulsif et violent de la recourante envers sa fille en
bas âge, ainsi que la nature excessive des relations entre la
mère et l'enfant, étaient le signe d'un déséquilibre sérieux.
Comme la recourante refusait catégoriquement toute aide exté-
rieure, la sécurité de la fillette n'apparaissait pas assu-
rée. L'autorité cantonale a dès lors confirmé l'ordonnance de
première instance, qui était selon elle pleinement justifiée.
Dans ces circonstances, on ne saurait lui faire grief d'avoir
insuffisamment motivé sa décision sur la question litigieuse.
Au reste, comme le démontre son argumentation fondée sur
l'arbitraire, la recourante a manifestement saisi la portée
de l'acte attaqué, qu'elle a pu contester en toute connais-
sance de cause (ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242 et la juris-
prudence citée).

   b) La décision critiquée n'apparaît pas non plus in-
soutenable; du moins, la recourante ne le démontre pas (art.

90 al. 1 let. b OJ; ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3-4). L'Auto-
rité de surveillance a certes relevé que, selon le psychiatre
consulté par la recourante, celle-ci ne souffrait pas de ma-
ladie mentale et n'avait besoin d'aucun traitement à caractè-
re psychiatrique; de plus, le retour de la fillette auprès
d'elle serait bénéfique pour les deux. La cour cantonale a
cependant estimé, sur la base des déclarations des témoins et
de l'audition personnelle de la recourante, qu'un transfert
de la garde présentait des risques pour l'enfant. Ce faisant,
elle ne s'est nullement contredite, mais s'est bien plutôt
livrée à une appréciation des preuves administrées, dont le
résultat n'est pas valablement remis en cause par la recou-
rante. L'Autorité de surveillance a en effet estimé qu'il n'y
avait pas lieu de mettre en doute la véracité des témoignages
recueillis par le Tribunal de première instance, lesquels
émanaient de personnes d'horizons divers (personnel médical
de la Clinique de psychiatrie infantile, aides familiales,
assistantes sociales, éducatrices) et étaient tous concor-
dants; les enquêtes complémentaires ordonnées en deuxième
instance ne conduisaient pas à une appréciation différente.
Au vu des différentes preuves qui ont été administrées, la
recourante ne saurait prétendre que les actes de violence -
tant verbale que physique - qui lui sont reprochés ne sont
pas établis, pour le motif qu'une expertise médicale n'a pas
été ordonnée à ce sujet; au demeurant, il n'est pas nécessai-
re qu'un enfant présente des "séquelles" pour que des mesures
de protection soient prises à son égard.

   L'autorité cantonale ne peut en outre se voir repro-
cher d'avoir arbitrairement violé l'art. 310 CC, en accordant
une importance décisive au refus catégorique de la mère de
reconnaître ses difficultés et d'accepter de l'aide. La cour
a en effet estimé qu'une mesure de curatelle était indispen-
sable en l'espèce, ce que la recourante ne conteste pas; or,
l'efficacité d'une telle mesure suppose un minimum de colla-

boration de la part du parent concerné. De plus, il n'était
pas insoutenable de considérer que ce refus laissait présager
des difficultés en cas de retour de l'enfant. Contrairement à
ce que prétend la recourante, il n'est par ailleurs nullement
établi que l'autorité cantonale ait voulu la pénaliser de son
attitude en audience, qu'elle qualifie elle-même d'agressive.
Quoi qu'il en soit, la décision attaquée ne pourrait être an-
nulée pour ce seul motif, quand bien même serait-il insoute-
nable (ATF 125 I 10 consid. 3a p. 15, 166 consid. 2a p. 168;
125 II 129 consid. 4b p. 134).

         Enfin, la recourante ne saurait se plaindre de la
distance qui la sépare de sa fille, dès lors que c'est à sa
demande que l'enfant a été confiée à sa famille, après un
premier placement dans un foyer d'Onex. Au reste, il ressort
de la décision incriminée que ni le lieu du placement, ni les
modalités du droit de visite n'ont été contestés devant la
cour cantonale; les critiques formulées à cet égard ne peu-
vent donc être prises en considération (ATF 119 Ia 88 consid.
1a p. 90-91; 118 III 37 consid. 2a in fine p. 39 et les cita-
tions).

   3.- La recourante prétend enfin que la décision at-
taquée viole l'art. 8 CEDH, dans la mesure où elle l'empêche
d'avoir une vie de famille au sens de cette disposition.

   a) La suppression du droit de garde des père et mère
constitue une atteinte grave au respect de la vie privée et
familiale au sens de l'art. 8 par. 2 CEDH. En droit suisse,
cette ingérence des autorités publiques dans l'exercice des
droits parentaux est prévue aux art. 310 ss CC. Dans la mesu-
re où l'application de ces dispositions suppose une pesée
d'intérêts de la part des autorités cantonales, le Tribunal
fédéral fait preuve de retenue en revoyant leurs décisions,

ce qui équivaut à se cantonner pratiquement sur le terrain de
l'arbitraire (ATF 120 II 384 consid. 5 p. 387-388 et les ré-
férences).

   b) En l'espèce, l'autorité cantonale de surveillance
a estimé que les violences physiques et verbales de la mère
envers sa fille, de même que son manque de coopération avec
les services sociaux justifiaient le maintien de la mesure
litigieuse, ce qui ne paraît pas insoutenable; d'autant qu'il
est établi que l'enfant est prise en charge de manière adé-
quate dans sa famille maternelle, avec laquelle elle a noué
de bons rapports affectifs et qui s'emploie à faciliter les
relations mère-enfant. Au demeurant, la recourante se conten-
te surtout de se plaindre de la distance qui la sépare de sa
fille: or, il s'agit d'un grief nouveau, qui ne peut être
pris en compte (cf. supra consid. 2b in fine). Le moyen tiré
de la violation de l'art. 8 CEDH se révèle ainsi mal fondé,
autant qu'il est recevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

   4.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art.
156 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 1'500 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Service du Tuteur général et à
l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève.

                         __________

Lausanne, le 28 mars 2000
MDO/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        La Greffière,