Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.440/1999
Zurück zum Index II. Zivilabteilung 1999
Retour à l'indice II. Zivilabteilung 1999


5P.440/1999

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                  *************************

                       14 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann et
M. Merkli, Juges. Greffière: Mme Bruchez.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

L.________, représenté par Me Jérôme Bassan, avocat à Genève,

                           contre

la décision rendue le 28 octobre 1999 par la Présidente de la
Cour de justice civile du canton de Genève;

             (art. 4 Cst.; assistance juridique)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par assignation déposée en conciliation le 2
juin 1998, dame U.________ a ouvert une action en divorce
contre son mari, L.________. Dans le cadre de cette procé-
dure, elle a requis des mesures provisoires. Statuant le 29
avril 1999, le Tribunal de première instance du canton de
Genève a notamment confié la garde de l'enfant, D.________,
née le 15 octobre 1990, à la mère, accordé un droit de visite
au père et condamné ce dernier à verser pour l'entretien de
sa fille 350 fr. par mois dès le 1er février 1999. Il a par
ailleurs attribué à dame U.________ la jouissance exclusive
de l'appartement familial et ordonné à son conjoint de quit-
ter celui-ci.

   L.________ a interjeté un appel contre ce jugement.

   Statuant le 17 août 1999 sur la requête du 28 juin
précédent de dame U.________, la Chambre civile de la Cour de
justice a ordonné, dès le 15 septembre suivant, l'exécution
provisoire, nonobstant appel, du jugement sur mesures provi-
soires du 29 avril 1999, en tant qu'il attribue l'exclusivité
du domicile conjugal à dame U.________. S'agissant de la con-
tribution d'entretien en faveur de l'enfant, elle a considéré
qu'il n'y avait pas une urgence nécessitant une telle mesure.
Par arrêt du 22 novembre 1999, le Tribunal fédéral a rejeté
le recours de droit public formé par L.________ contre ce ju-
gement (5P.347/1999).

   B.- Par décision du 11 février 1999, la Vice-prési-
dente du Tribunal de première instance a accordé l'assistance
juridique à L.________, l'a limitant à la procédure de pre-
mière instance, et a nommé Me Jérôme Bassan comme avocat

d'office. Le 7 juin suivant, L.________ a requis que l'assis-
tance soit étendue à la procédure d'appel contre les mesures
provisoires, ce que la magistrate susmentionnée a refusé le
20 août 1999.

   Le 28 octobre 1999, la Présidente de la Cour de jus-
tice civile a rejeté l'appel interjeté par L.________ contre
cette décision.

   C.- L.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt canto-
nal et à l'extension de l'assistance judiciaire à la procédu-
re d'appel. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

   L'autorité cantonale n'a pas été invitée à se déter-
miner.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- a) Déposé en temps utile contre une décision qui
refuse en dernière instance cantonale l'assistance judiciaire
(art. 143A al. 3 LOJ gen.), le recours est recevable au re-
gard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ (ATF 119 Ia 337
consid. 1 p. 338 et l'arrêt cité).

   b) Les conclusions qui excèdent la seule annulation
de la décision attaquée sont irrecevables (ATF 125 I 104
consid. 1b p. 107 et la jurisprudence mentionnée).

   2.- Saisi d'un recours de droit public pour viola-
tion de l'art. 4 Cst., le Tribunal fédéral ne prend pas en
considération les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas
été soumis à l'autorité cantonale: nouveaux, ils sont irrece-

vables (ATF 119 II 6 consid. 4a p. 7; 118 III 37 consid. 2a
p. 39 et les références indiquées). Le recours est donc irre-
cevable en tant qu'il s'écarte des faits constatés par l'ar-
rêt attaqué, sans démontrer en quoi la cour cantonale les au-
rait arbitrairement retenus (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26).
Tel est notamment le cas, lorsque le recourant affirme que,
la fille de l'intimée, S.________, ayant quitté le domicile
familial, il n'existe plus aucun motif de prononcer le divor-
ce ni des mesures provisoires.

   3.- Le recourant reproche à la Présidente de la Cour
de justice civile de lui avoir dénié le droit à l'assistance
juridique gratuite pour le motif que ses conclusions sont dé-
nuées de chances de succès.

   a) Selon la jurisprudence, il s'agit là d'une garan-
tie de procédure qui découle directement de l'art. 4 Cst.,
dans sa teneur en vigueur en 1999 (ci-après: 4 aCst.) dans la
mesure où, comme en l'espèce, le recourant ne fait pas valoir
que les dispositions cantonales réglant la matière assurent
une protection plus étendue (ATF 124 I 1 consid. 2 p. 2 et
l'arrêt cité; 122 I 267 consid. 1b p. 270 et 322 consid. 2b
p. 324).

   b) L'art. 4 aCst. confère un droit à l'assistance
judiciaire à la partie qui est dans le besoin et pour une
cause dans laquelle ses conclusions ne sont pas dépourvues de
chances de succès; il lui permet, à ces conditions, d'être
dispensée de l'avance des frais ou de la fourniture de sûre-
tés pour les frais et dépens, et si la défense de ses inté-
rêts l'exige, d'obtenir la désignation d'un avocat d'office
(ATF 122 I 8 consid. 2a p. 9 et 267 consid. 2a p. 271; 121 I
321 consid. 2a p. 323; 120 Ia 179 consid. 3a p. 181; 119 Ia
11 consid. 3a p. 11/12 et la jurisprudence mentionnée). Un
procès est dénué de chances de succès lorsque les perspecti-
ves de le gagner sont notablement plus faibles que les ris-

ques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées
comme sérieuses, en sorte qu'une personne raisonnable et de
condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais
qu'elle s'exposerait à devoir supporter. Il ne l'est en re-
vanche pas lorsque les chances de succès et les risques
d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de
succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 124 I 304 con-
sid. 2c p. 306; 122 I 267 consid. 2b p. 271; 109 Ia 5 consid.
4 p. 9 et les références indiquées). Le Tribunal fédéral re-
voit librement si cette condition est réalisée (ATF 122 I 267
consid. 2b p. 271); il n'examine cependant que sous l'angle
de l'arbitraire les constatations de fait de l'autorité can-
tonale (ATF 124 I 304 consid. 2c p. 306; 120 Ia 179 consid.
3a p. 181 et l'arrêt cité). Savoir quelles circonstances doi-
vent être prises en considération lors de l'examen des chan-
ces de succès, et dans quelle mesure ces circonstances plai-
dent pour le gain du procès, relève du droit. Leur établisse-
ment ressortit en revanche au fait (ATF 124 I 304 consid. 2c
p. 307).

   c) Les arguments que le recourant invoque pour ten-
ter de réfuter l'opinion de la Présidente de la Cour de jus-
tice, selon laquelle l'appel interjeté contre les mesures
provisoires du 29 avril 1999 est dénué de chances de succès,
sont manifestement dépourvus de toute pertinence. Le seul
fait qu'il ait contesté l'existence d'une situation conflic-
tuelle et considère les liens du mariage comme intacts ne
suffit pas à plaider pour le gain du recours. Il oublie que,
selon la loi, après l'introduction d'une demande en divorce,
chacun des conjoints a le droit de cesser la vie commune pen-
dant la durée du procès (art. 145 al. 1 aCC; art. 137 al. 1
CC dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2000) et
qu'en cas de désaccord le juge prend les mesures provisoires
nécessaires, notamment au sujet de la demeure, de l'entretien
de la famille et de la garde des enfants (art. 145 al. 2 aCC;
art. 137 al. 2 CC; Bühler/Spühler, Commentaire bernois, n. 11

ss ad art. 145 CC; Lüchinger/Geiser, Commentaire bâlois, n. 7
ss. ad art. 145 CC).

   C'est par ailleurs en vain que le recourant se pré-
vaut de l'ordonnance préparatoire du 15 avril 1999 du Tribu-
nal de première instance. Cette décision avait uniquement
trait à la procédure de divorce. Le fait que les mesures
provisoires ont été prononcées le 29 avril 1999, alors même
que le délai imparti pour désigner les témoins et fournir
l'avance de frais avait été fixé au 3 mai 1999, permet de
s'en convaincre aisément. Ainsi que l'a en outre relevé à
juste titre la magistrate intimée, le droit cantonal, en
l'occurrence l'art. 393 de la loi de procédure civile du
canton de Genève, du 10 avril 1987, (ci-après: LPC), dispose
que le juge statue sur les mesures provisoires sans instruc-
tion préalable (al. 1), selon les règles de la procédure
accélérée (al. 3) et indépendamment des offres de preuve au
fond (al. 4). Comme, par ailleurs, les parties ont été, à
trois reprises, longuement entendues en audiences de compa-
rution personnelle et que les mesures provisoires doivent
être rendues rapidement au terme d'une instruction sommaire
(Bühler/Spühler, op. cit., n. 419 ad art. 145 CC), le recou-
rant ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que l'ordon-
nance préparatoire visait aussi la procédure de mesures pro-
visoires et tente d'y voir un indice des chances de succès de
son appel.

   Il s'égare en outre lorsqu'il se réfère à l'arrêt de
la Cour de justice du 17 août 1999. Cette autorité y a uni-
quement examiné si les réquisits d'une exécution provisoire,
nonobstant appel, étaient remplies (art. 303 LPC). Elle ne
s'est pas penchée - et n'avait pas à le faire - sur le bien-
fondé des mesures provisoires. En particulier, elle n'a pas
considéré si la situation du recourant justifiait l'alloca-
tion d'une contribution d'entretien, mais si, sur ce point,
le jugement sur mesures provisoires méritait d'être exécuté

nonobstant l'appel, ce qu'elle a nié au regard de la condi-
tion du "péril en la demeure" (art. 303 al. 1 LPC). Le recou-
rant ne saurait dès lors rien tirer de probant de l'arrêt du
17 août 1999 s'agissant des perspectives de succès de son re-
cours. Il importe par ailleurs peu que les juges cantonaux y
aient admis le principe de l'appel contre les mesures provi-
soires; leurs considérations ne visaient que l'aspect formel
(délai et forme) du recours.

   Enfin, l'ordonnance du Président de la IIe Cour ci-
vile du Tribunal fédéral octroyant, dans la cause 5P.347/
1999, l'effet suspensif au recours de droit public interjeté
contre l'arrêt du 17 août 1999 n'est pas d'un plus grand se-
cours à l'intéressé, dès lors qu'elle se fonde sur des consi-
dérations étrangères à la question des chances de succès. Il
en va de même de la critique prise du caractère déplacé des
motifs de la Présidente de la Cour de justice, selon lesquels
le recourant userait de manoeuvres dilatoires; ce point n'a
aucune influence sur l'issue du litige.

   4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable. Comme il était par ail-
leurs d'emblée dénué de toute chance de succès, la requête
d'assistance judiciaire du recourant doit être rejetée (art.
152 al. 1 OJ). Cela étant, ce dernier supportera les frais de
la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer
de dépens à l'autorité intimée (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Rejette la demande d'assistance judiciaire du re-
courant.

   3. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la
charge du recourant.

   4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant et à la Présidente de la Cour de justice ci-
vile du canton de Genève.

Lausanne, le 14 janvier 2000
BRU/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE,
                        Le Président,

                        La Greffière,