Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.428/1999
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5P.428/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                        14 mars 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

T.________, représentée par Me Eric Maugué, avocat à Genève,

                           contre

la décision prise le 14 septembre 1999 par la Commission de
taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la
cause qui oppose la recourante à dame X.________, représentée
par Me Jean-Marie Crettaz, avocat à Genève;

             (art. 4 aCst.; honoraires d'avocat)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Au mois d'août 1997, T.________ a chargé Me
X.________, avocate à Genève, de la représenter dans la pro-
cédure de divorce intentée par son mari. Par courrier du 9
octobre 1998, elle a résilié le mandat. A titre de rémunéra-
tion de ses activités, l'avocate a adressé à sa cliente une
note d'honoraires d'un montant de 26'500 fr.

   B.- Sur requête de T.________, la Commission de ta-
xation des honoraires d'avocat du canton de Genève a, par dé-
cision du 14 septembre 1999, communiquée le 19 octobre sui-
vant, ramené à 24'902 fr.50 la note d'honoraires présentée
par la mandataire.

   C.- T.________ forme un recours de droit public
contre cette décision, dont elle demande l'annulation. Elle
sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.

   L'intimée propose le rejet du recours.

   La Commission de taxation se réfère aux considérants
de sa décision.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale, le recours est re-
cevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 OJ.

   2.- La recourante reproche à la Commission de taxa-
tion une réduction arbitrairement faible des honoraires liti-
gieux. Elle soutient que le nombre d'heures allégué par l'in-
timée est totalement hors de proportion avec l'activité dé-

ployée par celle-ci dans le cadre de son mandat; de plus, le
travail effectué ne présentait pas de difficulté particulière
et s'est révélé inutile.

   a) Selon l'art. 40 de la loi du canton de Genève sur
la profession d'avocat, du 15 mars 1985 (LPAv), les honorai-
res sont, sous réserve des décisions de la Commission de ta-
xation, fixés par l'avocat lui-même compte tenu du travail
qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de
l'affaire, de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat
obtenu et de la situation de son client. La rémunération de
l'avocat doit demeurer dans un rapport raisonnable avec la
prestation fournie. Elle ne doit pas rendre onéreux à l'excès
le recours à l'avocat qui, s'il n'est pas exigé par la loi,
est nécessaire en fait pour la quasi-totalité des justicia-
bles, peu familiarisés avec les règles de la procédure (ATF
93 I 116 consid. 5a p. 122). La décision de l'autorité de
modération ne sera annulée que si le montant global alloué à
l'avocat apparaît comme ayant été fixé de manière arbitraire
(ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134; 124 I 247 consid. 5 p.
250; 123 I 1 consid. 4 p. 5 et les arrêts cités).

   b) La Commission de taxation a estimé que le tarif
de 380 fr. de l'heure appliqué par l'intimée était trop élevé
"vu la situation financière difficile" de sa cliente et "le
résultat judiciaire décevant". Elle a considéré qu'un coût
horaire de 350 fr. serait plus approprié. Retenant le nombre
d'heures de travail allégué par l'avocate, à savoir 71 h.15,
elle a réduit dans cette mesure la note d'honoraires liti-
gieuse.

   La décision attaquée repose sur des critères prévus
par la loi ainsi que par la jurisprudence. Toutefois, le seul
acte de procédure dont se soit chargée l'intimée consiste
dans la rédaction et le dépôt d'une requête de mesures pré-
provisoires - rejetée par le tribunal - comportant six pages

(et non sept comme le mentionne la décision attaquée), dont
une demie seulement consacrée à l'exposé de droit, au demeu-
rant peu développé; l'avocate a en outre rédigé pour sa cli-
ente un projet de testament d'une page, sans complexité par-
ticulière. Me X.________ estime avoir consacré plus de sep-
tante heures à son mandat. Si l'on s'en tient aux deux actes
susmentionnés, cela paraît manifestement exagéré. Selon la
décision attaquée, l'intimée a certes fait état d'un nombre
important de documents remis par sa cliente; elle a en outre
produit un relevé d'activité mentionnant l'examen de divers
dossiers, la tenue de plusieurs conférences ainsi que des
corrections réitérées de la requête. Même si ces opérations
ont exigé de l'avocate une disponibilité et un engagement
certains, dont on doit en principe tenir compte dans le cadre
de la rémunération de son mandat, le travail allégué, qui ne
se retrouve ni dans la requête de mesures préprovisoires, ni
dans le testament, ne justifie pas l'ampleur des honoraires
réclamés; d'autant que, lorsque l'avocat dépose son mandat en
cours de procédure ou que le mandat, comme en l'espèce, lui
est révoqué, les honoraires subissent en règle générale une
réduction.

   La Commission de taxation a elle aussi relevé que
même si une grande quantité de pièces avait été soumise à
l'avocate en vue de préparer la défense de sa cliente, les
honoraires réclamés n'en paraissaient pas moins élevés pour
une requête de sept (recte: six) pages, en fin de compte re-
jetée par le tribunal. Elle s'est toutefois contentée de ré-
duire de 380 à 350 fr. le tarif horaire appliqué par l'inti-
mée, ramenant ainsi les honoraires de 26'500 à 24'900 fr. en-
viron. Au vu des opérations énumérées dans la note d'honorai-
res et du contenu des actes rédigés par l'intimée, ce montant
apparaît encore arbitrairement élevé. Il est vrai que ce gen-
re d'affaire, au caractère conflictuel souvent exacerbé, né-
cessite une activité parfois intense du mandataire. En l'es-
pèce, il n'est toutefois pas établi que la cause présentait

des difficultés particulières impliquant d'importantes re-
cherches et engageant une responsabilité accrue de l'avocate.
La décision attaquée se révèle ainsi insoutenable dans son
résultat et doit être annulée.

   3.- Le recours doit par conséquent être admis. L'in-
timée, qui succombe, supportera les frais et dépens de la
présente procédure (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). La re-
quête d'assistance judiciaire de la recourante devient dès
lors sans objet.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Admet le recours et annule la décision attaquée.

   2. Met à la charge de l'intimée:
            a) un émolument judiciaire de 1'500 fr.
            b) une indemnité de 1'500 fr. à payer à la recou-
         rante à titre de dépens.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Commission de taxation des hono-
raires d'avocat du canton de Genève.
                         __________
Lausanne, le 14 mars 2000
MDO/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
          Le Président,            La Greffière,