Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.422/1999
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5P.422/1999

                 IIe   C O U R   C I V I L E
                *****************************

                        13 mars 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Braconi.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ Ltd, représentée par Me Eric Ramel, avocat à
Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 18 novembre 1999 par la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la
cause qui oppose la recourante à Y.________ Ltd, représentée
par Me Christophe Piguet, avocat à Lausanne;

                  (art. 4 aCst.; séquestre)

              Considérant en fait et en droit:

     1.- a) Donnant suite le 2 mars 1999 à la réquisition de
X.________ Ltd, le Président du Tribunal du district de Lau-
sanne a ordonné, en vertu de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, un
séquestre à concurrence de 10'921'761 fr.65, plus intérêts à
5 % l'an du 2 mars 1999, au préjudice de la société
Y.________ Ltd. Le 15 avril 1999, ce magistrat a, notamment,
accueilli l'opposition formée par la débitrice séquestrée et
révoqué l'ordonnance. Statuant le 18 novembre suivant sur le
recours interjeté par la requérante, la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal vaudois a confirmé, sur ce
point, le prononcé entrepris.

     b) Agissant par la voie du recours de droit public au
Tribunal fédéral, X.________ Ltd demande l'annulation de cet
arrêt; l'intimée n'a pas été invitée à répondre sur le fond.

     Par ordonnance du 20 décembre 1999, le Président de la
IIe Cour civile a attribué l'effet suspensif au recours et
invité la recourante à fournir à la Caisse du tribunal de
céans la somme de 20'000 fr. à titre de sûretés en garantie
des dépens (art. 150 al. 2 OJ).

     2.- a) Déposé à temps contre un arrêt sur opposition au
séquestre rendu en dernière instance cantonale (SJ 120/1998
p. 146 consid. 2, non publié aux ATF 123 III 494), le recours
est recevable du chef des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

     b) Dans un recours de droit public pour arbitraire, les
moyens qui n'ont pas été soumis à l'autorité cantonale sont
irrecevables (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts

cités). Le Tribunal fédéral a, certes, admis la production
d'un avis de droit à l'appui d'un tel recours (ATF 108 II 69
consid. 1 p. 71); mais cette jurisprudence - qui a d'ailleurs
été vivement critiquée (Messmer/Imboden, Die eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 228 n. 19) - ne paraît à tout
le moins valable que lorsque cet avis se limite à renforcer
l'argumentation que le recourant a déjà soutenue en instance
cantonale. Or, cette condition n'est pas réalisée pour l'avis
de droit, établi postérieurement à la décision attaquée, que
la recourante a produit avec son acte de recours (cf. infra,
consid. 4b); l'art. 95 OJ n'y change rien (Messmer/Imboden,
op. cit., p. 231 n. 34).

     3.- a) La recourante se plaint d'abord d'une violation
de son droit d'être entendue; elle soutient, en substance,
que la cour cantonale ne l'a jamais invitée à collaborer à
l'établissement du droit étranger, en l'occurrence anglais,
dont l'application erronée l'aurait prise au dépourvu.

     b) Ce moyen est manifestement mal fondé. Le justiciable
n'a pas le droit d'être entendu sur l'argumentation juridique
à retenir (ATF 108 Ia 293 consid. 4c p. 295), à moins que le
juge envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif
juridique non évoqués dans la procédure antérieure, et dont
aucune des parties ne s'est prévalue, ni ne pouvait supputer
la pertinence in casu (ATF 115 Ia 94 consid. 1b p. 96/97; 114
Ia 97 consid. 2a p. 99 et les références). L'application du
droit anglais à l'espèce n'était pas, comme telle, de nature
à surprendre la recourante, puisqu'elle avait elle-même fondé
toute son argumentation sur cette législation, produisant à
cet égard des consultations juridiques et les normes légales
topiques. On ne saurait faire grief à la cour cantonale de ne
pas avoir requis de son côté un avis de droit; outre le fait
que la recourante n'indique pas quel serait le fondement de

cette incombance, une telle solution méconnaît tant la nature
rapide et sommaire de la procédure d'octroi du séquestre, que
l'obligation pour le requérant d'établir le contenu du droit
étranger d'où découle sa prétention (Breitschmid, Übersicht
zur Arrestbewilligungspraxis nach revidiertem SchKG, AJP 1999
p. 1009 ch. 1.3 let. b). Il est, au demeurant, contradictoire
de se plaindre de n'avoir pas pu se prononcer sur le résultat
des "recherches du Juge", tout en critiquant ce dernier pour
avoir précisément omis de recueillir "toutes les informations
nécessaires avant de statuer". L'arrêt paru aux ATF 124 I 49
n'est d'aucun secours: le Tribunal fédéral y a considéré que
le juge enfreint le droit d'être entendu lorsqu'il fait appel
à des avis de tiers, autorités, experts, ou instituts, sans
offrir aux parties la possibilité de prendre connaissance de
ses recherches et de faire valoir leurs observations (p. 54);
or, cette hypothèse n'entre pas en ligne de compte ici.

     4.- La recourante prétend en outre que la cour cantonale
aurait arbitrairement appliqué le droit anglais.

     a) L'autorité inférieure a expressément retenu que, au
regard des dispositions du Financial Services Act de 1986 et
des avis de droit produits par la recourante, il n'était pas
exclu que l'intimée se fût rendue coupable d'une violation de
cette législation pour s'être livrée sans autorisation à des
opérations prohibées. Elle a toutefois considéré que la loi
anglaise ne fondait, fût-ce sous l'angle de la vraisemblance,
aucune prétention en faveur de la recourante, car l'intimée
n'agissait pas pour le compte de cette dernière, en qualité
d'intermédiaire, mais lui proposait des titres qu'elle avait
acquis pour son propre compte; la décision d'achat des titres
appartenait à la seule recourante, qui donnait l'instruction
à sa banque en Suisse de les acquérir.

     b) La recourante ne démontre pas en quoi cette opinion,
longuement motivée, serait insoutenable, mais se borne pour
l'essentiel à lui opposer sa propre interprétation de la loi
anglaise: manifestement appellatoire, le moyen est dès lors
irrecevable dans cette mesure (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12 et la jurisprudence citée). Il
l'est à un autre titre encore. S'appuyant sur l'avis de droit
délivré le 21 décembre 1999 par Me H.________, la recourante
reproche à l'autorité cantonale de ne pas s'être penchée plus
avant sur la loi anglaise et sa systématique et, partant, de
n'avoir pas examiné si les activités de l'intimée tombaient
sous le coup du par. 17 al. 1 let. a - c, en relation avec le
par. 12, du Schedule 1 du Financial Services Act de 1986. Or,
il ne résulte nullement de la décision attaquée (cf. ATF 118
Ia 20 consid. 5a p. 26), pas plus d'ailleurs que du mémoire
de recours cantonal, que ce moyen aurait été présenté devant
la juridiction inférieure; la recourante le confirme du reste
implicitement, lorsqu'elle justifie la recevabilité, dans le
présent recours, de la pièce dont elle se prévaut (cf. supra,
consid. 2b): nouveau, il doit par conséquent être écarté.

^    5.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans la
mesure de sa recevabilité, avec suite de frais à la charge de
son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

     L'intimée n'a pas été invitée à répondre sur le fond;
elle s'est opposée à tort à l'octroi de l'effet suspensif et
ne l'a pas davantage emporté sur la question des sûretés en
garantie des dépens (art. 150 al. 2 OJ), dont le principe n'a
pas été contesté par sa partie adverse. Dans ces conditions,
il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens à raison de ses
écritures sur ces points.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

     1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

     2. Met un émolument judiciaire de 15'000 fr. à la charge
de la recourante.

     3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.

     4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tri-
bunal cantonal du canton de Vaud.

                         __________

Lausanne, le 13 mars 2000
BRA/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,