Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.399/1999
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5P.399/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                       14 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

R.________, représenté par Me Jacques Piller, avocat à
Fribourg,

                           contre

l'arrêt rendu le 7 septembre 1999 par la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg dans la cause qui
oppose le recourant à P.________, intimée;

                   (art. 4 Cst.; faillite)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                   les f a i t s suivants:

   A.- Sur requête de P.________, l'Office des pour-
suites de la Sarine a notifié le 17 novembre 1998 à
R.________ un commandement de payer le montant de 2'292 fr.
60, correspondant à des cotisations arriérées dues jusqu'au
24 juillet 1998. Ce commandement de payer étant resté sans
opposition, la créancière a requis la continuation de la
poursuite puis, après notification le 7 janvier 1999 d'une
commination de faillite au débiteur, la faillite de celui-ci.

   Le 2 mars 1999, le Président du Tribunal de la Sari-
ne a cité le débiteur à son audience appointée au 22 mars
1999, précisant qu'il statuerait sur la réquisition de fail-
lite, sauf retrait ou paiement au greffe du Tribunal d'un
montant de 2'524 fr. 05. Aucune partie n'a comparu à l'au-
dience du 22 mars 1999, et la faillite de R.________ a été
prononcée à 9 h 30.

   B.- Le 14 avril 1999, R.________ a appelé de ce ju-
gement auprès de la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg, en invoquant en substance ce qui suit. Le
recourant avait repris en 1988 l'exploitation d'un tea-room-
pub à Villars-sur-Glâne avec son épouse, laquelle se char-
geait de toute la partie administrative de l'exploitation.
S'étant retrouvé seul à la tête de l'exploitation à la suite
de son divorce prononcé en 1996, le recourant a accumulé un
important retard administratif. Devant cette situation, il a
décidé en septembre 1998 de prendre des mesures drastiques,
commençant à acquitter comptant les factures des fournisseurs
ainsi que toute nouvelle créance; parallèlement, afin de se
mettre à jour, il a acquitté auprès de l'Office des poursui-
tes des montant importants, à savoir 112'247 fr. 90 au 14
avril 1999.

   Par arrêt du 7 septembre 1999, la cour cantonale,
dont le Président avait octroyé le 16 avril 1999 l'effet
suspensif à l'appel, a rejeté celui-ci et confirmé l'ouver-
ture de la faillite avec effet au 7 septembre 1999 à 11 h 20.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, R.________ conclut avec suite de frais
et dépens à ce que cet arrêt soit mis à néant et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans
le sens des considérants.

   Le 20 décembre 1999, après avoir invité l'autorité
cantonale et l'intimée à se déterminer, le Président de la
Cour de céans a accordé l'effet suspensif réclamé par le
recourant.

   Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures sur le
fond.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le prononcé de dernière instance cantonale ac-
cordant ou refusant la mise en faillite du débiteur ne peut
faire l'objet que d'un recours de droit public au Tribunal
fédéral, au sens de l'art. 84 al. 1 OJ (ATF 119 III 49 con-
sid. 2; 118 III 4 consid. 1; 107 III 53 consid. 1). Déposé en
temps utile contre un tel prononcé, le recours est ainsi re-
cevable au regard des art. 87 et 89 OJ. Le chef de conclu-
sions tendant au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision dans le sens des considérants est tou-
tefois superfétatoire (cf. ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb).

   2.- a) L'autorité cantonale a retenu que la première
condition posée à l'annulation du jugement de faillite par
l'art. 174 al. 2 ch. 2 LP était réalisée, le recourant ayant

déposé au greffe du Tribunal cantonal un montant de 2'700 fr.
à l'attention de sa créancière. Examinant ensuite point par
point les divers éléments avancés à l'appui de son appel par
le recourant, les juges cantonaux sont toutefois parvenus à
la conclusion que celui-ci n'avait pas rendu vraisemblable sa
solvabilité (arrêt attaqué, consid. 3 p. 4-6).

   aa) L'autorité cantonale a considéré que le paiement
comptant par le recourant des fournisseurs et de toute nou-
velle créance, quoique témoignant d'un effort louable, appa-
raissait comme un élément neutre n'impliquant pas vraisem-
blance de solvabilité et pouvant même signifier que les cré-
anciers en question ne lui faisaient pas crédit ou encore
qu'il privilégiait ceux-ci au détriment de créanciers plus
anciens (arrêt attaqué, let. a p. 5). Ce faisant, les juges
cantonaux auraient fait fi, selon le recourant, de la décla-
ration de sa fiduciaire du 13 avril 1999, dont il ressortait
que les "[r]ecettes de septembre à décembre 1998 et de jan-
vier 1999 à ce jour [sont] en constante augmentation", que
"[d]epuis le mois de septembre 1998 jusqu'à ce jour les four-
nisseurs sont payés au comptant", que "[l]e loyer et les sa-
laires sont payés ponctuellement et ceci mensuellement" et
que "[l]es arriérés des dettes se font (sic) de manière ré-
gulière et ceci mensuellement".

   bb) Les juges cantonaux ont également retenu que la
déclaration précitée ne leur permettait pas encore de se ren-
dre compte quand et comment le recourant désintéresserait ses
anciens créanciers (arrêt attaqué, let. c p. 5). Là encore,
le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir
tenu compte des éléments attestés par sa fiduciaire dans sa
déclaration précitée du 13 avril 1999.

   cc) L'autorité cantonale a ensuite relevé que la
liste, délivrée par l'Office des poursuites le 14 avril 1999,
des paiements faits par le recourant à cet office entre octo-

bre 1996 et février 1999 pour un total de 112'247 fr. 90 ne
donnait aucune indication sur le montant total actuel de ses
dettes et de ses liquidités (arrêt attaqué, let. c p. 5). Le
recourant fait à cet égard grief à la cour cantonale d'être
tombée dans l'arbitraire en analysant de manière séparée ses
différents arguments, sans tenir compte de l'aspect global de
la situation.

   dd) Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré
que les comptes pour l'année 1997, dont il ressortait que le
bénéfice de l'exercice s'était élevé à 26'300 fr. malgré des
amortissements effectués au maximum du taux légal, ne rensei-
gnaient pas sur la situation financière actuelle du recourant
(arrêt attaqué, let. e p. 5). Sur ce point, le recourant sou-
tient que les créances et passifs ressortant du bilan de
l'exercice 1997 permettaient de connaître sa situation finan-
cière effective au 31 décembre 1997; quant à l'exercice 1998,
il soutient qu'il lui était impossible, compte tenu des dé-
lais de recours, "de produire d'autres éléments que des com-
paraisons qui pouvaient être faites par sa fiduciaire, compa-
raisons qui démontraient que les chiffres d'affaires étaient
en progression ce qui par extrapolation avec la comptabilité
antérieure et le fait que toutes les charges étaient acquit-
tées directement permettait de tirer des conclusions autres
que celles retenues par les juges cantonaux fribourgeois".

   ee) En définitive, selon l'autorité cantonale, la
valeur probante des justificatifs produits à l'appui de
l'appel est insuffisante, même sous l'angle restreint de la
vraisemblance, pour admettre la solvabilité du recourant. En
effet, la déclaration de la fiduciaire du recourant du 13
avril 1999 (cf. consid. a/aa supra) ainsi que la comparaison
par cette même fiduciaire des chiffres d'affaires de janvier
et février 1998 avec ceux de janvier et février 1999 consis-
tent en de simples affirmations, tandis que les comptes pro-
duits (cf. consid. a/dd supra) renseignent uniquement sur les

exercices 1996 et 1997 et que l'attestation de l'Office des
poursuites du 14 avril 1999 (cf. consid. a/cc supra) ne men-
tionne que les dettes payées et non les poursuites en sus-
pens. Le recourant aurait pu produire une liste de ses éven-
tuels débiteurs, voire un extrait de ses poursuites en cours,
ainsi que des comptes annuels récents ou un bilan intermé-
diaire; à défaut de telles pièces, l'appel ne contient aucun
indice concret autorisant à penser que le recourant dispose
ou pourrait disposer des liquidités lui permettant de
s'acquitter de ses obligations courantes et de payer dans un
proche avenir ses dettes échues (arrêt attaqué, p. 6).

   Le recourant soutient au contraire avoir "clairement
démontré que depuis septembre 1998, lorsque suite aux péripé-
ties de son divorce, il a repris ses affaires en mains, la
situation de son affaire est saine, en constante progression,
qu'il a régulièrement et complètement acquitté ses charges
courantes ainsi que toutes ses créances (sic) et qu'il a,
d'une manière conséquente, commencé et continué à payer ses
arriérés", et avoir ainsi rendu vraisemblable "sa solvabili-
té, c'est-à-dire la viabilité de son entreprise".

   b) La solvabilité, au sens de l'art. 172 al. 2 LP,
se définit par opposition à l'insolvabilité au sens de l'art.
191 LP (Giroud, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuld-
betreibung und Konkurs, SchKG II, Bâle 1998, n. 25 ad art.
174 LP). Celle-ci, qui n'équivaut pas au surendettement, est
l'incapacité du débiteur, en raison d'un manque de liquidités
qui n'apparaît pas seulement temporaire, de payer ses dettes
échues (Brunner, Commentaire bâlois précité, n. 1 et 2 ad
art. 191 LP). Selon l'art. 172 al. 2 LP, le débiteur doit
seulement rendre vraisemblable - et non prouver - sa solvabi-
lité; il ne peut toutefois se contenter de simples alléga-
tions, mais doit fournir des indices concrets tels que récé-
pissés de paiement, justificatifs des moyens financiers
(avoirs en banque, crédit bancaire) à sa disposition, liste

des débiteurs, extrait du registre des poursuites, comptes
annuels récents, bilan intermédiaire, etc. (Giroud, op. cit.,
n. 26 ad art. 174 LP).

   c) En l'espèce, il ressort certes de la déclaration
de la fiduciaire du recourant du 13 avril 1999 que les recet-
tes sont en augmentation constante depuis le mois de septem-
bre 1998, que depuis lors les fournisseurs sont payés au
comptant et qu'en plus du règlement ponctuel des charges
courantes (loyer et salaires), le recourant amortit chaque
mois une partie de ses arriérés de dettes (cf. consid.
2a/aa). L'augmentation du chiffre d'affaires est par ailleurs
confirmée par la comparaison du chiffre d'affaires des deux
premiers mois de 1999 avec ceux de 1998, qui montre une haus-
se de près de 15% entre ces deux périodes.

   Compte tenu de la brièveté du délai de recours et du
fait que les comptes annuels définitifs ne sont généralement
pas établis avant le deuxième trimestre, l'on ne saurait sans
rigueur excessive reprocher au recourant de ne pas avoir pro-
duit avec son appel des comptes complets pour l'exercice
1998. Toutefois, il ressort du dernier bilan produit par le
recourant, à savoir celui au 31 décembre 1997 que, pour des
actifs de quelque 110'000 fr. (actifs circulants environ
22'000 fr. et valeurs immobilisées environ 88'000 fr.), les
passifs se montaient à quelque 380'000 fr. (engagements à
court terme environ 297'000 fr. et à long terme environ
81'000 fr.), sans compter le compte privé du recourant pour
un montant de quelque 53'000 fr.

   Or le recourant aurait pu à tout le moins produire
un extrait du registre des poursuites qui permette de se
faire une idée sur le montant actuel de ses dettes et leur
évolution depuis 1997, en particulier depuis septembre 1998.
En l'état, force est de constater que les pièces produites -
en particulier la liste du 14 avril 1999, dont il ressort que

sur les 113'662 fr. 95 (112'247 fr. 90 plus le montant des
frais de l'office) payés à l'Office des poursuites entre
octobre 1996 et février 1999 (cf. consid. a/cc supra), seuls
43'002 fr. 35 l'ont été depuis septembre 1998, le dernier
paiement remontant en outre au 8 février 1999 - ne permettent
pas de vérifier dans quelle mesure le recourant a commencé à
désintéresser ses anciens créanciers, et dans quel laps de
temps il serait en mesure des les désintéresser complètement.

   Dans ces conditions, il n'apparaît pas arbitraire de
retenir que le recourant n'a pas rendu vraisemblable qu'il
disposerait des liquidités lui permettant, tout en s'acquit-
tant de ses obligations courantes, d'amortir dans un délai
raisonnable ses dettes échues, d'un montant au demeurant in-
connu.

   3.- En définitive, le recours se révèle mal fondé
dans la mesure où il apparaît recevable au regard des exigen-
ces de motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf.
ATF 120 Ia 369 consid. 3a et la jurisprudence citée). Il ne
peut donc qu'être rejeté dans cette mesure aux frais de son
auteur, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens dès lors que l'intimée n'a pas été invi-
tée à procéder et n'a en conséquence pas assumé de frais en
relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art.
159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la
loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne 1992,
n. 2 ad art. 159 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

   2. Dit que la faillite de R.________ prend effet le
14 janvier 2000 à 11 heures 00.

   3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant.

   4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
à la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal du canton de Fri-
bourg et l'Office cantonal des faillites de Fribourg.

                         __________

Lausanne, le 14 janvier 2000
ABR/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,