II. Zivilabteilung 5P.382/1999
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5P.382/1999 IIe C O U R C I V I L E *************************** 13 janvier 2000 Composition de la Cour: M. Reeb, Président, M. Bianchi et Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Bruchez. Statuant sur le recours de droit public formé par X.________ , représentée par Me Y.________, avocat à Genève, contre la décision prise le 16 septembre 1999 par la Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève; (art. 4 Cst.; choix de l'avocat d'office) Vu les pièces du dossier d'où ressortent les f a i t s suivants: A.- Le 25 mai 1999, le Président de la Cour de justice civile du canton de Genève a rejeté le recours formé par X.________ contre la décision du 25 mars précédent de la Vi- ce-présidente du Tribunal de première instance refusant la désignation comme avocat d'office de Me Y.________, mandatai- re choisi. Statuant le 15 juillet 1999 sur le recours de droit pu- blic de X.________, la IIe Cour civile du Tribunal fédéral a annulé ce prononcé. Elle a en résumé considéré que la recou- rante avait personnellement le droit de savoir pour quelles raisons son choix - dûment motivé (Me Y.________ aurait été le mandataire habituel de sa famille) - n'avait pas été pris en considération; le magistrat intimé ne pouvait se contenter d'indiquer que le mandataire choisi avait été personnellement informé des motifs s'opposant à sa nomination sous l'angle de l'art. 16 al. 2 du Règlement du 18 mars 1996 sur l'assistance juridique (RAJ). Le 16 septembre 1999, la Présidente de la Cour de justi- ce civile a refusé derechef de désigner Me Y.________ et a nommé Me G.________ pour assister X.________. A l'appui de sa décision, elle a en bref exposé que Me Y.________ n'avait précédemment pas respecté le règlement sur l'assistance juri- dique. B.- X.________ forme un recours de droit public au Tri- bunal fédéral, concluant, principalement, à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause pour nouvelle déci- sion. Subsidiairement, elle demande à la cour de céans de lui désigner Me Y.________ comme avocat d'office et, plus subsi- diairement, de l'amener "à prouver par toutes voies de droit les faits et droits allégués, au besoin en comparaissant per- sonnellement avec son conseil" devant le Tribunal fédéral. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciai- re. La Présidente de la Cour de justice civile se réfère à ses considérants. C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 1.- Si le chef de conclusions tendant au renvoi de la cause est superfétatoire (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p. 354/355 et les références), celui qui vise la désignation de Me Y.________ comme avocat d'office est irrecevable (arrêt du 28 avril 1992 de la Ie Cour de droit public dans la cause A. c./ S., consid. 3 in fine; cf. aussi: Philippe Gerber, La nature cassatoire du recours de droit public, thèse Genève 1997, p. 234 ss et la jurisprudence mentionnée, ainsi que p. 302 ss, spéc. p. 305). 2.- Il n'y a aucun motif d'ordonner une procédure proba- toire pour élucider les faits au sens de l'art. 95 al. 1 OJ (cf. Philippe Gerber, op. cit., p. 98; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, n. 160). Au demeurant, si la recourante demande - très subsi- diairement d'ailleurs - de pouvoir prouver par toutes voies de droit les faits allégués dans son mémoire, elle ne donne aucune précision sur cette requête et n'indique en particu- lier pas quels faits elle aimerait prouver ni ne donne de renseignements sur les moyens de preuve qu'elle entendrait utiliser. En outre, dans la mesure où le recours est fondé sur l'arbitraire, une telle requête est irrecevable (Messmer/ Imboden, op. cit., n. 160, note 34). De même, aucune circons- tance importante ne justifie de tenir des débats, en applica- tion de l'art. 91 al. 2 OJ. 3.- Autant que la recourante reproche à l'autorité can- tonale de ne pas lui avoir communiqué la lettre du 25 mai 1999 du Président de la Cour de justice à Me Y.________, son grief tombe à faux. Son acte de recours démontre à l'évidence qu'elle a eu connaissance de ce document. 4.- La recourante se plaint d'une violation arbitraire des art. 9 al. 4 et 5 ainsi que 16 RAJ, lequel conférerait le droit de choisir librement son avocat d'office. Il serait in- soutenable de lui imposer Me G.________ comme avocate d'offi- ce, alors qu'"aucune raison sérieuse" ne s'oppose, au regard du droit cantonal sur l'assistance judiciaire, à ce que Me Y.________ lui soit désigné. En particulier, il serait arbitraire d'invoquer à l'encontre de ce dernier une contra- vention au règlement sur l'assistance juridique, plus parti- culièrement à son art. 9 al. 4 et 5; selon le texte clair de cette disposition, seul le bénéficiaire de l'assistance juri- dique, et non son avocat d'office, aurait l'obligation d'avi- ser l'autorité compétente d'une modification de sa situation financière. a) Le principe, l'étendue et les limites du droit à l'assistance judiciaire gratuite sont déterminés en premier lieu par les prescriptions du droit cantonal de procédure (ATF 124 I 1 consid. 2 p. 2; 122 I 203 consid. 2a p. 204 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral ne revoit l'applica- tion du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire; il examine en revanche librement la question de savoir si le droit à l'assistance judiciaire, déduit directement de l'art. 4 Cst., dans sa teneur en vigueur en 1999 (ci-après: art. 4 aCst.), a été respecté (ATF 124 I 1 consid. 2 p. 2; 122 I 203 consid. 2a p. 204 et la jurisprudence mentionnée). Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifeste- ment insoutenable, viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou contredit de manière choquan- te le sentiment de la justice (ATF 122 I 61 consid. 3a p. 66/ 67; 122 III 130 consid. 2a p. 131; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373). Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus; une violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation cor- recte que l'autorité cantonale aurait dû donner aux disposi- tions applicables; il doit uniquement dire si l'interpréta- tion qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également conceva- ble, voire même préférable (ATF 124 I 170 consid. 2g p. 174; 122 I 61 consid. 3a p. 67). b) La recourante s'égare lorsqu'elle se plaint d'arbi- traire dans l'interprétation de l'art. 9 al. 4 et 5 RAJ et remet en cause l'existence d'une violation du règlement sur l'assistance juridique. Il appartenait uniquement à Me Y.________ - en tant que destinataire de la lettre du 25 mai 1999 - de contester le reproche formulé à son encontre par le Président de la Cour de justice. Il convient à cet égard de souligner qu'il est pour le moins surprenant que la recourante se prévale du contenu de ce courrier, alors même qu'elle reproche à l'autorité intimée de ne pas lui avoir transmis cette pièce (cf. supra, consid. 3). On peut même se demander si, dans le présent recours, son mandataire ne dé- fend en réalité pas ses propres intérêts. Au demeurant, quand bien même devrait-on entrer en matière sur le grief, il faut relever que, si la disposition précitée ne semble viser que le bénéficiaire de l'assistance juridique, il n'apparaîtrait pas insoutenable de considérer que l'avocat d'office qui perçoit pour une cliente assistée une certaine somme doit en aviser le service compétent. Celle-là pourrait être non seu- lement susceptible de modifier le droit à l'assistance juri- dique du bénéficiaire, mais aussi le propre droit de l'avocat d'office à demander à l'Etat le paiement de ses honoraires. Or, il découle implicitement du régime de l'assistance judi- ciaire que l'avocat d'office ne saurait requérir de l'Etat le paiement d'honoraires dont il sait qu'ils pourraient être as- sumés par la personne assistée. En définitive, la seule ques- tion litigieuse en l'espèce est celle de savoir si l'autorité intimée a grossièrement violé le droit cantonal, en l'occur- rence l'art. 16 RAJ, en écartant l'avocat de choix. c) Selon cette disposition, l'avocat choisi par le re- quérant lui est en règle générale nommé (al. 1); un autre avocat peut être désigné d'office, notamment lorsque l'avocat choisi n'a, précédemment, pas respecté le règlement sur l'as- sistance juridique (al. 2). Comme le prétend la recourante, ce second alinéa doit être interprété restrictivement, dans la mesure où il constitue une exception au principe du libre choix de l'avocat posé par l'alinéa un. Cela suppose que l'on ne saurait sanctionner n'importe quel comportement, mais seu- lement ceux qui sont étroitement liés au fonctionnement même de l'assistance juridique. C'est dans ce sens que le Tribunal fédéral avait du reste interprété l'art. 15 aRAJ, dont la te- neur ne différait pas sensiblement de l'art. 16 RAJ (cf. ar- rêt 1P.565/1988, Ordre des avocats de Genève et François Brunschwig c./ Conseil d'Etat du canton de Genève, consid. 3). L'autorité de nomination doit avoir de bonnes raisons de penser, sur la base d'expériences passées, que l'avocat choi- si pourrait à nouveau ne pas respecter les obligations que lui impose le règlement. Dans ce contexte, il faut lui recon- naître un certain pouvoir d'appréciation qui astreint le Tri- bunal fédéral à une certaine retenue. En l'espèce, on ne saurait prétendre que la Présidente de la Cour de justice civile a outrepassé arbitrairement cette liberté. Dans sa décision, elle s'est référée à un man- quement aux devoirs réglementaires commis par Me Y.________ "dans une précédente affaire". On pourrait certes arguer que cette seule contravention ne saurait en soi fonder l'opinion selon laquelle l'avocat concerné pourrait derechef faillir à ses obligations envers l'assistance juridique. Il résulte toutefois de la lettre du 25 mai 1999 du Président de la Cour de justice - document que la recourante ne méconnaît pas (cf. supra, consid. 3 et 4b) - que Me Y.________ s'est vu repro- cher d'autres faits que le magistrat susmentionné a, en par- tie, qualifiés de graves. Sur le vu de l'ensemble de ces cir- constances et compte tenu du fait qu'elle paraît la mieux à même d'apprécier la situation, l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, penser que le comportement futur de l'avocat choisi envers l'assistance juridique pourrait prêter le flanc à la critique. 5.- La recourante soutient aussi que l'autorité cantona- le ne pouvait, sans violer l'art. 4 aCst., refuser de nommer l'avocat choisi, pour le seul motif qu'il a contrevenu au rè- glement sur l'assistance juridique et alors même qu'elle a placé toute sa confiance dans ce mandataire. a) Selon la jurisprudence, l'autorité chargée de dési- gner un défenseur d'office ne peut arbitrairement refuser de tenir compte, dans la mesure du possible, des voeux du justi- ciable quant à la personne du défenseur. Toutefois, vu la di- versité des situations qui peuvent se présenter, l'art. 4 aCst. n'accorde pas au plaideur un droit inconditionnel au choix de son défenseur d'office (ATF 125 I 161 consid. 3b p. 164 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral se limite donc à examiner si l'autorité cantonale est tombée dans l'ar- bitraire en abusant de la liberté d'appréciation dont elle jouit lorsqu'elle nomme un avocat d'office. Tel peut être le cas si la désignation d'un avocat apparaît objectivement pré- judiciable à l'exercice des droits du justiciable, soit en raison des relations personnelles de celui-ci avec la person- ne désignée, soit en raison de la nature particulière de l'affaire. b) Dans le cas présent, il est reproché à Me Y.________ une violation du règlement sur l'assistance juridique. L'au- torité cantonale n'a donc pas refusé sans un motif sérieux et objectif la désignation de cet avocat. Si on ne saurait, au nom de la liberté de choix (cf. supra, consid. 4), imposer à l'autorité cantonale de désigner un avocat qui a manqué à ses obligations réglementaires, on saurait d'autant moins le fai- re sous l'angle de l'art. 4 aCst., qui ne confère pas un droit inconditionnel au choix de l'avocat d'office, et dans le cadre duquel l'autorité dispose d'un large pouvoir d'ap- préciation. Quand bien même un tel manquement ferait défaut, l'argumentation de la recourante ne suffirait pas à démontrer l'existence d'une situation comparable aux hypothèses susmen- tionnées (cf. supra, consid. 5a in fine). Il ne ressort en effet pas de la décision attaquée que l'avocate désignée ne pourrait exercer son mandat d'office en raison de conflits d'intérêts, d'incompatibilité ou d'un autre motif (cf. ATF 114 Ia 101; arrêt du 21 février 1986 publié à la SJ 1986, p. 349). Il n'est en particulier pas prouvé que la défense des intérêts de la recourante imposerait la désignation de Me Y.________ en raison de la nature particulière de l'affai- re ou serait mise en péril du fait des relations personnelles entre l'assistée et l'avocate commise d'office. Me Y.________ est certes le conseil de certains parents de la recourante. Il n'est toutefois pas établi qu'il soit le mandataire habi- tuel de cette dernière ou qu'il ait déjà représenté celle-ci. Par ailleurs, si l'intéressée semble avoir accordé sa con- fiance à cet avocat, aucune circonstance objective n'indique qu'elle ne pourrait pas la placer en Me G.________. Au demeu- rant, si la relation de confiance doit en principe être re- cherchée, l'art. 4 aCst. ne donne pas à l'assisté le droit de refuser l'avocat désigné, parce qu'il n'aurait, pour des rai- sons purement subjectives, pas confiance en lui (cf. ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302), ce d'autant plus lorsque le manda- taire choisi n'a, comme en l'espèce, pas respecté ses obliga- tions réglementaires. Dans ces conditions, le recours est aussi mal fondé au regard de l'art. 4 aCst. 6.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Comme il était d'emblée dénué de toute chance de succès, la demande d'assistance judiciaire de la recourante doit être rejetée (art. 152 OJ). Cela étant, cette dernière supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'autorité intimée (art. 159 al. 2 OJ). Par ces motifs, l e T r i b u n a l f é d é r a l : 1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva- ble. 2. Rejette la demande d'assistance judiciaire de la re- courante. 3. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la charge de la recourante. 4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, à la Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève et à Me G.________. Lausanne, le 13 janvier 2000 BRU/mnv Au nom de la IIe Cour civile du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: Le Président, La Greffière,