Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.378/1999
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5P.378/1999

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                 ***************************

                       13 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Bruchez.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ , représentée par Me Y.________, avocat à Genève,

                           contre

la décision prise le 16 septembre 1999 par la Présidente de
la Cour de justice civile du canton de Genève;

          (art. 4 Cst.; choix de l'avocat d'office)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

     A.- Le 3 mars 1999, la Vice-présidente du Tribunal de
première instance du canton de Genève a rejeté la requête de
X.________ tendant à la nomination d'un nouvel avocat en lieu
et place de Me A.________ commise selon décision du 22 jan-
vier précédent;

     Statuant le 25 mai 1999, le Président de la Cour de jus-
tice civile a annulé cette décision, nommé Me L.________ com-
me avocate d'office de X.________, relevé Me A.________ de
son mandat et reconnu à Me Y.________ le droit d'être indem-
nisé, dans les limites de l'art. 18 du Règlement du 18 mars
1996 sur l'assistance juridique (RAJ), pour l'activité dé-
ployée depuis le 19 janvier 1999 en vue de la défense de
l'assistée dans le cadre de la procédure en divorce pendante
à Genève.

     Par arrêt du 19 juillet 1999, la IIe Cour civile du Tri-
bunal fédéral a annulé ce prononcé. Alors même que
Me Y.________ semblait maîtriser le danois et qu'aucun motif
ne paraissait s'opposer à sa désignation, l'autorité cantona-
le ne pouvait sans arbitraire désigner Me L.________, motif
pris que celle-ci peut comprendre sans difficulté le danois,
dès lors qu'elle parle le suédois et le norvégien.

     Le 16 septembre 1999, la Présidente de la Cour de justi-
ce civile a refusé derechef de désigner Me Y.________ et a
nommé Me M.________ - qui parle le danois - pour assister
X.________. A l'appui de sa décision, elle a en bref exposé
que Me Y.________ n'avait précédemment pas respecté le règle-
ment sur l'assistance juridique.

     B.- X.________ forme un recours de droit public au Tri-
bunal fédéral, concluant, principalement, à l'annulation de
l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause pour nouvelle déci-
sion. Subsidiairement, elle demande à la cour de céans de lui
désigner Me Y.________ comme avocat d'office et, plus subsi-
diairement, de l'amener "à prouver par toutes voies de droit
les faits et droits allégués, au besoin en comparaissant per-
sonnellement avec son conseil" devant le Tribunal fédéral.
Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciai-
re.

     La Présidente de la Cour de justice civile se réfère à
ses considérants. Me M.________ ne se prononce pas sur le
fond du recours, mais se contente de contester les alléga-
tions de la recourante sur l'exécution de précédents mandats.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

     1.- Si le chef de conclusions tendant au renvoi de la
cause est superfétatoire (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb
p. 354/355 et les références), celui qui vise la désignation
de Me Y.________ comme avocat d'office est irrecevable (arrêt
du 28 avril 1992 de la Ie Cour de droit public dans la cause
A. c./ S., consid. 3 in fine; cf. aussi: Philippe Gerber, La
nature cassatoire du recours de droit public, thèse Genève
1997, p. 234 ss et la jurisprudence mentionnée, ainsi que
p. 302 ss, spéc. p. 305).

     2.- Il n'y a aucun motif d'ordonner une procédure proba-
toire pour élucider les faits au sens de l'art. 95 al. 1 OJ
(cf. Philippe Gerber, op. cit., p. 98; Messmer/Imboden, Die
eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992,
n. 160). Au demeurant, si la recourante demande - très subsi-
diairement d'ailleurs - de pouvoir prouver par toutes voies

de droit les faits allégués dans son mémoire, elle ne donne
aucune précision sur cette requête et n'indique en particu-
lier pas quels faits elle aimerait prouver ni ne donne de
renseignements sur les moyens de preuve qu'elle entendrait
utiliser. En outre, dans la mesure où le recours est fondé
sur l'arbitraire, une telle requête est irrecevable (Messmer/
Imboden, op. cit., n. 160, note 34). De même, aucune circons-
tance importante ne justifie de tenir des débats, en applica-
tion de l'art. 91 al. 2 OJ. Enfin, les conditions d'un second
échange d'écritures - qui n'est prévu qu'à titre exceptionnel
(art. 93 al. 3 OJ) - ne sont pas remplies en l'espèce (cf.
ATF 118 Ia 305 consid. 1c p. 308); l'autorité cantonale a re-
noncé à se déterminer et la réponse de Me M.________ ne con-
tient rien de nouveau qui soit décisif pour la cause.

     3.- Autant que la recourante reproche à l'autorité can-
tonale de ne pas lui avoir communiqué la lettre du 25 mai
1999 du Président de la Cour de justice à Me Y.________, son
grief tombe à faux. Son acte de recours démontre à l'évidence
qu'elle a eu connaissance de ce document.

     4.- La recourante se plaint d'une violation arbitraire
des art. 9 al. 4 et 5 ainsi que 16 RAJ, lequel conférerait le
droit de choisir librement son avocat d'office. Il serait in-
soutenable de lui imposer Me M.________ comme avocate d'offi-
ce, alors qu'"aucun motif objectif" ne s'oppose, au regard du
droit cantonal sur l'assistance judiciaire, à ce que
Me Y.________ lui soit désigné. En particulier, il serait ar-
bitraire d'invoquer à l'encontre de ce dernier une contraven-
tion au règlement sur l'assistance juridique, plus particu-
lièrement à son art. 9 al. 4 et 5; selon le texte clair de
cette disposition, seul le bénéficiaire de l'assistance juri-
dique, et non son avocat d'office, aurait l'obligation d'avi-
ser l'autorité compétente d'une modification de sa situation
financière.

     a) Le principe, l'étendue et les limites du droit à
l'assistance judiciaire gratuite sont déterminés en premier
lieu par les prescriptions du droit cantonal de procédure. Le
Tribunal fédéral ne revoit l'application du droit cantonal
que sous l'angle de l'arbitraire; il examine en revanche li-
brement la question de savoir si le droit à l'assistance ju-
diciaire, déduit directement de l'art. 4 Cst., dans sa teneur
en vigueur en 1999 (ci-après: art. 4 aCst.), a été respecté
(ATF 124 I 1 consid. 2 p. 2; 122 I 203 consid. 2a p. 204 et
la jurisprudence citée).

     Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifeste-
ment insoutenable, viole gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté ou contredit de manière choquan-
te le sentiment de la justice (ATF 122 I 61 consid. 3a p. 66/
67; 122 III 130 consid. 2a p. 131; 120 Ia 369 consid. 3a
p. 373). Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être
confondus; une violation doit être manifeste et reconnue
d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal
fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation cor-
recte que l'autorité cantonale aurait dû donner aux disposi-
tions applicables; il doit uniquement dire si l'interpréta-
tion qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également conceva-
ble, voire même préférable (ATF 124 I 170 consid. 2g p. 174;
122 I 61 consid. 3a p. 67).

     b) La recourante s'égare lorsqu'elle se plaint d'arbi-
traire dans l'interprétation de l'art. 9 al. 4 et 5 RAJ et
remet en cause l'existence d'une violation du règlement sur
l'assistance juridique. Il appartenait uniquement à
Me Y.________ - en tant que destinataire de la lettre du 25
mai 1999 - de contester le reproche formulé à son encontre
par le Président de la Cour de justice. Il convient à cet
égard de souligner qu'il est pour le moins surprenant que la
recourante se prévale du contenu de ce courrier, alors même

qu'elle reproche à l'autorité intimée de ne pas lui avoir
transmis cette pièce (cf. supra, consid. 3). On peut même se
demander si, dans le présent recours, son mandataire ne dé-
fend en réalité pas ses propres intérêts. Au demeurant, quand
bien même devrait-on entrer en matière sur le grief, il faut
relever que, si la disposition précitée ne semble viser que
le bénéficiaire de l'assistance juridique, il n'apparaîtrait
pas insoutenable de considérer que l'avocat d'office qui
perçoit pour une cliente assistée une certaine somme doit en
aviser le service compétent. Celle-là pourrait être non seu-
lement susceptible de modifier le droit à l'assistance juri-
dique du bénéficiaire, mais aussi le propre droit de l'avocat
d'office à demander à l'Etat le paiement de ses honoraires.
Or, il découle implicitement du régime de l'assistance judi-
ciaire que l'avocat d'office ne saurait requérir de l'Etat le
paiement d'honoraires dont il sait qu'ils pourraient être as-
sumés par la personne assistée. En définitive, la seule ques-
tion litigieuse en l'espèce est celle de savoir si l'autorité
intimée a grossièrement violé le droit cantonal, en l'occur-
rence l'art. 16 RAJ, en écartant l'avocat de choix.

     c) Selon cette disposition, l'avocat choisi par le re-
quérant lui est en règle générale nommé (al. 1); un autre
avocat peut être désigné d'office, notamment lorsque l'avocat
choisi n'a, précédemment, pas respecté le règlement sur l'as-
sistance juridique (al. 2). Comme on vient de le voir, il est
établi que Me Y.________ a violé ce dernier "dans une précé-
dente affaire". Au regard du texte légal, la Présidente de la
Cour de justice civile pouvait, sans arbitraire, considérer
que l'exception posée à l'art. 16 al. 2 RAJ était remplie. En
effet, contrairement à ce qu'il a soutenu dans une affaire
identique (5P.382/1999), le mandataire de la recourante ne
démontre nullement (art. 90 al. 1 let. b OJ) que cette dispo-
sition devrait être interprétée de façon restrictive, sous
peine de réduire à néant le principe du libre choix de l'avo-
cat d'office prévu à l'art. 16 al. 1 RAJ. En particulier, il

ne soutient pas que cet unique manquement ne suffisait pas à
écarter l'avocat de choix, argument qui en soi aurait été
fondé. L'autorité cantonale doit en effet avoir de bonnes
raisons de penser, sur la base d'expériences passées, que
l'avocat choisi pourrait à nouveau ne pas respecter les obli-
gations que lui impose le règlement (cf. sur l'interprétation
de l'art. 15 aRAJ, dont la teneur ne diffère pas sensiblement
de celle de l'art. 16 RAJ: arrêt 1P.565/1988, Ordre des avo-
cats de Genève et François Brunschwig c./ Conseil d'Etat du
canton de Genève, consid. 3). Quoiqu'il en soit, quand bien
même la cour de céans aurait discuté ce grief, elle l'aurait
rejeté - dans le cadre d'un examen limité à l'arbitraire -
compte tenu des autres éléments qui résultent de la lettre du
29 mai 1999 du Président de la Cour de justice - document que
la recourante ne méconnaît pas (cf. supra, consid. 3 et 4b) -
et du pouvoir d'appréciation qu'il faut reconnaître à la Pré-
sidente de la Cour de justice en la matière. Dans ces condi-
tions, la décision attaquée ne saurait être taxée d'arbitrai-
re sous l'angle du droit cantonal sur l'assistance juridique.

     5.- La recourante soutient aussi que l'autorité cantona-
le ne pouvait, sans violer l'art. 4 aCst., refuser de nommer
l'avocat choisi en raison du rapport de confiance qui s'est
instauré entre eux et des mauvaises relations qu'elle entre-
tiendrait avec l'avocate commise d'office.

     a) Selon la jurisprudence, l'autorité chargée de dési-
gner un défenseur d'office ne peut arbitrairement refuser de
tenir compte dans la mesure du possible des voeux du justi-
ciable quant à la personne du défenseur. Toutefois, vu la di-
versité des situations qui peuvent se présenter, l'art. 4
aCst. n'accorde pas au plaideur un droit inconditionnel au
choix de son défenseur d'office (ATF 125 I 161 consid. 3b
p. 164 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral se limite
donc à examiner si l'autorité cantonale est tombée dans l'ar-
bitraire en abusant de la liberté d'appréciation dont elle

jouit lorsqu'elle nomme un avocat d'office. Tel peut être le
cas si la désignation d'un avocat apparaît objectivement pré-
judiciable à l'exercice des droits du justiciable, soit en
raison des relations personnelles de celui-ci avec la person-
ne désignée, soit en raison de la nature particulière de
l'affaire.

     b) Dans le cas présent, il est reproché à Me Y.________
une violation du règlement sur l'assistance juridique. L'au-
torité cantonale n'a donc pas refusé sans un motif sérieux et
objectif la désignation de cet avocat. Si on ne saurait, au
nom de la liberté de choix (cf. supra, consid. 4), imposer à
l'autorité cantonale de désigner un avocat qui a manqué à ses
obligations réglementaires, on saurait d'autant moins le fai-
re sous l'angle de l'art. 4 aCst., qui ne confère pas un
droit inconditionnel au choix de l'avocat d'office, et dans
le cadre duquel l'autorité dispose d'un large pouvoir d'ap-
préciation. Quand bien même un tel manquement ferait défaut,
l'argumentation de la recourante ne suffirait pas à démontrer
l'existence d'une situation comparable aux hypothèses susmen-
tionnées (cf. supra, consid. 5a in fine). Il ne ressort en
effet pas de la décision attaquée que l'avocate désignée ne
pourrait exercer son mandat d'office en raison de conflits
d'intérêts, d'incompatibilité ou d'un autre motif (cf. ATF
114 Ia 101; arrêt du 21 février 1986 publié à la SJ 1986,
p. 349). Il n'est en particulier pas établi que la défense
des intérêts de la recourante imposerait la désignation de
Me Y.________ en raison de la nature particulière de l'affai-
re - Me M.________ parle le danois - ou serait mise en péril
du fait des relations personnelles entre l'assistée et l'avo-
cate commise d'office. A cet égard, on ne saurait tenir comp-
te des explications de la recourante concernant les raisons
personnelles qui l'ont poussée à ne pas demander la désigna-
tion de Me M.________, dès lors qu'elle a omis de les exposer
devant l'instance cantonale; on ne saurait mener un raisonne-
ment juridique sur la base d'un état de fait qui n'a pas été

soumis à l'autorité intimée (cf. ATF 107 Ia 265). Au vu de la
réponse de Me M.________, on peut même se demander s'il exis-
te un réel conflit entre celle-ci et l'assistée ou s'il ne
s'agit pas plutôt d'une querelle entre confrères. Si la re-
courante semble avoir accordé sa confiance à Me Y.________,
aucune circonstance objective ne laisse penser qu'elle ne
pourrait pas la placer en Me M.________. Au demeurant, si la
relation de confiance doit en principe être recherchée,
l'art. 4 aCst. ne donne pas à l'assisté le droit de refuser
l'avocat désigné, parce qu'il n'aurait, pour des raisons pu-
rement subjectives, pas confiance en lui (cf. ATF 105 Ia 296
consid. 1d p. 302), ce d'autant plus lorsque le mandataire
choisi n'a, comme en l'espèce, pas respecté ses obligations
réglementaires. Dans ces conditions, le recours est aussi mal
fondé au regard de l'art. 4 aCst.

     6.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité. Comme il était d'emblée dénué
de toute chance de succès, la demande d'assistance judiciaire
de la recourante doit être rejetée (art. 152 OJ). Cela étant,
cette dernière supportera les frais de la procédure (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'autorité
intimée (art. 159 al. 2 OJ), ni à Me M.________ qui n'est
qu'un tiers intéressé à la procédure.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

     1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

     2. Rejette la demande d'assistance judiciaire de la re-
courante.

     3. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la charge
de la recourante.

     4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de
la recourante, à la Présidente de la Cour de justice civile
du canton de Genève et à Me M.________.

Lausanne, le 13 janvier 2000
BRU/mnv

                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,