Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.367/1999
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5P.367/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                        21 mars 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

B.________, représenté par Me Jacqueline Curtet, avocate à
Genève,

                           contre

la décision prise le 23 août 1999 par l'Autorité de surveil-
lance des tutelles du canton de Genève;

           (art. 4 aCst.; rémunération du tuteur)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par décision du 8 mai 1998, l'avocat B.________
a été désigné comme coreprésentant légal provisoire de
X.________ puis, le 14 décembre 1998, ensuite de l'interdic-
tion de celui-ci, comme son cotuteur, pour les aspects finan-
cier et judiciaire de la représentation.

   La faillite du pupille a été prononcée le 2 février
1999. Le 9 juin suivant, B.________ a demandé au Tribunal
tutélaire d'être relevé de ses fonctions pour cause de diffé-
rend concernant sa rémunération de tuteur.

   Par ordonnance du 21 juin 1999, le tribunal a donné
suite à cette requête et approuvé les rapports d'activité de
B.________, dont la rémunération a été arrêtée à 43'704 fr.30,
débours inclus; le paiement de cette somme a été mis à la
charge de l'Etat de Genève.

   B.- B.________ a recouru contre cette ordonnance,
dans la mesure où elle portait sur la quotité de ses honorai-
res; il concluait à ce que l'Etat de Genève soit condamné à
lui verser la somme de 95'836 fr.80.

   Par décision du 23 août 1999, communiquée le 31 août
suivant, l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de
Genève a rejeté le recours et confirmé sur ce point l'ordon-
nance attaquée.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, B.________ conclut à l'annulation de la
décision du 23 août 1999 et au renvoi de l'affaire à l'Auto-
rité de surveillance pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Il demande en outre le rejet de toutes autres

ou contraires conclusions, les frais et dépens de l'ensemble
de la procédure étant mis à la charge de l'Etat et du Tribu-
nal tutélaire de Genève.

   L'Autorité de surveillance se réfère aux considé-
rants de sa décision. L'Etat de Genève ne s'est pas déter-
miné.

          C o n s i d é r a n t s  e n  d r o i t :

   1.- a) Par arrêt du 16 novembre 1999, la cour de cé-
ans a déclaré irrecevable le recours en réforme déposé paral-
lèlement par l'avocat Borgeaud. Le présent recours est donc
recevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ. Déposé en temps
utile contre une décision finale rendue en dernière instance
cantonale, il est également recevable au regard des art. 86
al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

   b) Vu la nature cassatoire du recours de droit pu-
blic (ATF 125 II 86 consid. 5a p. 96 et la jurisprudence ci-
tée), les conclusions du recourant qui tendent à autre chose
qu'à l'annulation de la décision attaquée sont irrecevables.

   2.- Le recourant reproche à l'Autorité de surveil-
lance d'avoir arbitrairement fixé sa rémunération en appli-
quant par analogie le règlement cantonal sur l'assistance ju-
ridique en lieu et place du tarif des avocats genevois. Con-
trairement à l'avis du recourant, cette question doit être
jugée sous l'angle de l'arbitraire, la valeur litigieuse ne
jouant aucun rôle à cet égard.

   Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire
lorsqu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe ju-
ridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit de ma-

nière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. La
violation incriminée doit être manifeste et reconnaissable
d'emblée. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solu-
tion autre que celle de l'autorité cantonale apparaît conve-
nable ou même préférable. Enfin, une décision ne sera annulée
que si elle est arbitraire dans son résultat, mais non lors-
que seuls ses motifs sont insoutenables ou encore lorsqu'elle
n'est pas motivée (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134; 124 I
247 consid. 5 p. 250; 123 I 1 consid. 4 p. 5 et les arrêts
cités).

   3.- Le recourant soutient en substance qu'il a été
désigné comme tuteur en sa qualité d'avocat et que son mandat
était essentiellement judiciaire; sa rémunération devait donc
être fixée selon les règles de sa profession. La situation
économique du pupille ne serait pas déterminante puisque les
honoraires et frais de la tutelle sont en l'occurrence assu-
més par un tiers, à savoir l'Etat de Genève. De plus, la por-
tée spécifique de l'art. 143A de la loi sur l'organisation
judiciaire du canton de Genève (LOJ gen.) ne permettrait pas
d'appliquer par analogie le règlement sur l'assistance juri-
dique à la rémunération du tuteur.

   a) Selon l'art. 416 CC, le tuteur a droit à une ré-
munération prélevée sur les biens du pupille; celle-ci est
fixée par l'autorité tutélaire pour chaque période comptable,
eu égard au travail du tuteur et aux revenus du pupille. La
loi ne précise pas comment procéder à cette fixation. Selon
la doctrine et la jurisprudence unanimes, lorsque le tuteur -
ou le curateur - doit fournir des services propres à son ac-
tivité professionnelle, il a droit à une rémunération parti-
culière, fixée en principe sur la base du tarif professionnel
reconnu. Même en pareil cas, l'autorité tutélaire conserve
cependant un certain pouvoir d'appréciation, lui permettant
selon les circonstances - notamment en fonction de la situa-

tion économique du pupille - de réduire l'indemnité qui se-
rait due selon le tarif, voire de s'écarter de ce dernier
(ATF 116 II 399 consid. 4b p. 400-403). En l'absence de biens
du pupille, la rémunération du tuteur est en règle générale
assurée par la collectivité responsable de l'institution de
la tutelle, selon les modalités prévues par le droit cantonal
(ATF 98 V 230 consid. 4c p. 237; Geiser, Commentaire bâlois,
n. 4 ad art. 416 CC). Le recourant ne prétend pas que de tel-
les dispositions existeraient dans le canton de Genève.

   b) En l'espèce, il est admis que le tuteur a été
nommé en sa qualité d'avocat et qu'il a fourni des services
propres à sa formation professionnelle. L'autorité cantonale
a toutefois confirmé la décision de première instance fixant
la rémunération du recourant sur la base du tarif horaire va-
lable en matière d'assistance juridique, soit 150 fr. par
heure, compte tenu de l'insolvabilité du pupille, l'entretien
de celui-ci n'étant au demeurant pas assuré par des proches.
Cette solution n'apparaît pas insoutenable. La doctrine con-
sidère en effet que si l'avocat désigné ès qualités a en
principe droit à être rémunéré sur la base du tarif profes-
sionnel reconnu, cette indemnité sera cependant réduite lors-
que le pupille n'a que peu ou pas de ressources (Egger, Com-
mentaire zurichois, 2e éd., n. 19 ad art. 416 CC; Kaufmann,
Commentaire bernois, 2e éd., n. 20-22 ad art. 416 CC). De
plus, la prise en charge des frais de tutelle par la collec-
tivité publique trouve sa justification dans le fait que
cette institution relève - comme l'accès aux tribunaux - des
mesures auxquelles peut prétendre une personne indigente;
l'existence d'un tel droit répond à des principes semblables
à ceux de l'assistance judiciaire (Geiser, op. cit., loc.
cit.). Au vu du pouvoir d'appréciation dont l'autorité dispo-
se à cet égard, il n'était dès lors pas arbitraire de consi-
dérer que le tuteur pouvait, en principe, être indemnisé se-
lon un tarif inférieur à celui pratiqué par le barreau gene-
vois, bien qu'il ait agi en sa qualité d'avocat; l'autorité

cantonale relève du reste à juste titre que s'il n'avait pas
été désigné comme tuteur, il aurait de toute façon dû tenir
compte de l'indigence de son mandant, soit dans la détermina-
tion de ses honoraires, soit en lui suggérant de requérir -
précisément - l'assistance juridique.

   Selon l'autorité cantonale, des exceptions sont ce-
pendant envisageables en présence de circonstances particu-
lières, notamment lorsqu'il s'agit d'un mandat spécialement
long et complexe et que les services rendus finissent par dé-
passer nettement, du point de vue du temps consacré, la somme
de travail qu'un avocat doit normalement assumer pour un
client qui bénéficie de l'assistance juridique, ou qu'ils em-
pêchent l'avocat de consacrer suffisamment de temps à d'au-
tres mandats plus rémunérateurs lui assurant des revenus dé-
passant la simple couverture de ses frais généraux. En l'oc-
currence, l'avocat et son stagiaire avaient consacré environ
432 heures aux aspects financiers et procéduraux de la tutel-
le de X.________. Toutefois, ces heures avaient été réparties
sur une période de plus de treize mois, laissant à l'étude du
recourant le temps de gérer simultanément d'autres affaires
plus lucratives. Par ailleurs, celui-ci avait été relevé de
ses fonctions de cotuteur à sa demande, de sorte que la char-
ge résultant de l'administration des affaires du pupille
était restée limitée dans le temps.

   Le recourant ne conteste pas ces motifs. Il se con-
tente essentiellement d'affirmer que l'application du règle-
ment sur l'assistance juridique couvre à peine ses frais gé-
néraux, ce que l'Autorité de surveillance n'a pas méconnu; de
plus, ce seul fait ne permet pas de dire que l'autorité can-
tonale ait commis arbitraire. Ses critiques étant pour le
surplus appellatoires, le recourant ne démontre pas que la
décision querellée soit insoutenable dans son résultat (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3/4; 107 Ia
186). Le grief doit par conséquent être rejeté dans la mesure

où il est recevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner les
arguments du recourant en relation avec l'art. 143A LOJ gen.

   4.- Le recourant reproche aussi à l'autorité canto-
nale d'avoir agi contrairement à l'art. 2 al. 2 CC, dès lors
qu'au moment de sa nomination, aucun indice ne lui permettait
de penser que sa rémunération ne serait pas fondée sur le ta-
rif de sa profession. Pour autant qu'il soit suffisamment mo-
tivé (art. 90 al. 1 let. b OJ), ce moyen apparaît manifeste-
ment mal fondé: l'absence de règlement préalable concernant
la base de rémunération ne saurait être interprétée comme une
promesse de l'autorité; de plus, le recourant n'ignorait pas
la faillite de son pupille, de sorte qu'il ne pouvait raison-
nablement exclure que ledit tarif ne soit pas appliqué. Il se
réfère en outre au principe de l'égalité de traitement; ce
grief est toutefois irrecevable, faute d'être suffisamment
motivé.

   5.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art.
156 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

   2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 3'500 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de
Genève.

                         __________

Lausanne, le 21 mars 2000
MDO/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        La Greffière,