Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.327/1999
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5P.327/1999

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                       14 janvier 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi
et Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

N.________, représentée par Me J.-Potter van Loon, avocat à
Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 5 août 1999 par la 1ère Section de la Cour
de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la
recourante à T. et M.S.________-W.________, représentés par
Me Alain Köstenbaum, avocat à Genève;

             (art. 4 Cst.; prononcé de faillite)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- N.________ (ci-après: N.________), dont le siège
est au Panama, exploite une succursale inscrite au Registre
du commerce de Genève. Le 2 juin 1998, les époux S.________-
W.________ ont intenté à l'encontre de N.________ une pour-
suite concernant sa succursale de Genève, pour un montant de
100'000 fr. plus intérêts. Le commandement de payer n° 98
209155 T a été notifié par voie diplomatique à l'adresse à
Bruxelles du vice-président de la société. La poursuivie n'a
pas formé opposition.

   Le 19 août 1998, dans le cadre de la même poursuite,
les créanciers ont fait signifié une commination de faillite
à la succursale genevoise de N.________. Le 9 avril suivant,
ils ont requis du Tribunal de première instance la faillite
de cette succursale. Envoyée à l'adresse de celle-ci, la co-
pie de la requête est revenue en retour avec la mention "re-
fusé".

   B.- Par jugement du 11 mai 1999, le Tribunal de pre-
mière instance de Genève a prononcé la faillite de
"N.________ ... Panama" ..., "pour une dette de sa succursale
de Genève".

   Statuant le 5 août 1999 sur l'appel déposé par
N.________ contre ce prononcé, la Cour de justice du canton
de Genève a rejeté le recours et confirmé le jugement du Tri-
bunal de première instance.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, N.________ conclut à l'annulation de
l'arrêt du 5 août 1999, au renvoi de la cause à l'autorité

cantonale pour qu'elle statue dans le sens des considérants
et au rejet de toutes autres ou contraires conclusions. Des
observations n'ont pas été requises.

   D.- Par ordonnance du 9 septembre 1999, le président
de la cour de céans a refusé l'effet suspensif au recours.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- a) La décision qui prononce ou refuse la mise en
faillite du débiteur ne peut faire l'objet que d'un recours
de droit public (ATF 119 III 49 consid. 2 p. 51 et l'arrêt
cité; 107 III 53 consid. 1 p. 55). Le recours est dès lors
recevable de ce chef. Formé en temps utile contre une déci-
sion finale rendue en dernière instance cantonale, il l'est
également au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

   b) Le chef de conclusions tendant au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale est superfétatoire; ce n'est que
la conséquence d'une annulation éventuelle (cf. ATF 112 Ia
353 consid. 3c/bb p. 354).

   2.- Selon la recourante, l'autorité cantonale aurait
commis un déni de justice formel en omettant de statuer sur
la requête d'effet suspensif présentée dans son mémoire d'ap-
pel. Il existerait de ce fait une incertitude juridique sur
le moment de l'ouverture de la faillite prononcée à son en-
contre.

   La décision attaquée est muette sur l'effet suspen-
sif. Cette omission peut être interprétée comme un refus (cf.
ATF 114 Ia 332). Il est aussi possible de considérer que
l'autorité cantonale s'est estimée en mesure de statuer immé-
diatement sur les conclusions au fond, ce qui rendait sans
objet le débat relatif à l'effet suspensif (cf. Bertossa/

Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile
genevoise, vol. II, n. 2 ad art. 305). Dans l'un et l'autre
cas, le moment de l'ouverture de la faillite ne présente au-
cune incertitude: il s'agit de celui indiqué dans le jugement
de première instance (Antoine Favre, Droit des poursuites, 3e
éd. 1974, p. 275).

   Une éventuelle incertitude quant au moment de l'ou-
verture de la faillite ne permet de toute façon pas à elle
seule d'admettre que la recourante soit lésée au sens de
l'art. 88 OJ (cf. ATF 118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid.
1a p. 490); or, cette condition doit aussi être réalisée
lorsque le grief soulevé est, comme ici, de nature purement
formelle (ATF 120 Ia 165 consid. 1a p. 167). Dès lors que la
recourante ne présente aucun élément de fait qui permettrait
de déterminer dans quelle mesure l'absence de décision sur
l'effet suspensif porte une atteinte actuelle et pratique à
ses intérêts juridiquement protégés, le grief doit être dé-
claré irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 173
consid. 1b p. 175; 123 I 279 consid. 3c/bb p. 280; 120 Ia 227
consid. 1 p. 229).

   3.- La recourante se plaint d'avoir été convoquée
pour l'audience de faillite à sa succursale de Genève plutôt
qu'en l'étude de son avocat, où elle avait élu domicile dans
le cadre de l'action en annulation de la poursuite n° 98
209155 T, action intentée parallèlement en vertu de l'art.
85a LP. Elle reproche à cet égard à la Cour de justice
d'avoir violé l'art. 76 al. 1 de la loi de procédure civile
du canton de Genève, du 10 avril 1987 (LPC gen.).

   a) L'élection de domicile, prévue aux art. 75 ss LPC
gen., est la déclaration par laquelle une partie manifeste sa
volonté que les actes de procédure relatifs à une contesta-
tion lui parviennent en un lieu distinct de son domicile, de

sa demeure ou de l'endroit où elle exerce habituellement sa
profession. Selon l'art. 76 al. 1 LPC gen., elle est valable
pour toutes les significations, notifications ou communica-
tions relatives au litige pour lequel elle a été formée. Une
élection de domicile faite "aux fins des présentes" n'a pas
de portée générale et ne vaut que pour l'instance pour la-
quelle elle a été formulée (Bertossa/Gaillard/Guyet, op.
cit., vol. I, n. 1 et 2 ad art. 57 et n. 1 ad art. 76).

   b) En l'espèce, l'action en annulation de poursuite
intentée par la recourante constitue une cause différente de
celle ayant abouti au prononcé de faillite litigieux. La re-
courante ne le conteste pas. Selon elle, il serait toutefois
choquant et injustifié que l'élection de domicile faite dans
le cadre de l'action en annulation d'une poursuite déterminée
soit sans effet concernant la requête de faillite portant sur
la même poursuite. Ce faisant, elle se contente d'opposer sa
thèse à celle de l'autorité cantonale, sans démontrer claire-
ment en quoi l'arrêt attaqué serait insoutenable (art. 90 al.
1 let. b OJ; ATF 117 Ia 412 consid. 1c p. 414/415; 110 Ia 1
consid. 2a p. 3/4; 107 Ia 186). La recourante prétend en ou-
tre que sa succursale genevoise ne disposait plus du person-
nel habilité à recevoir ou à refuser des plis pour son compte
à l'adresse inscrite au registre du commerce, de sorte que la
convocation à l'audience de faillite a été refusée par quel-
qu'un qui n'agissait pas pour le compte de l'établissement.
Ce moyen repose cependant sur des faits qui n'ont pas été
constatés dans l'arrêt attaqué. Comme la recourante ne se
plaint pas d'arbitraire à ce sujet (cf. ATF 118 Ia 20 consid.
5a p. 26), son argumentation ne peut qu'être écartée (ATF 107
Ia 265 consid. 2a et les arrêts cités). Enfin, la jurispru-
dence qu'elle cite (SJ 1980 p. 299 ss) concerne une situation
différente de celle de la présente cause, et ne lui est donc
d'aucune utilité. Pour autant qu'il soit recevable, le grief
doit par conséquent être rejeté.

   4.- La recourante reproche à l'autorité cantonale de
n'avoir pas constaté l'irrecevabilité de la requête tendant à
la faillite de sa succursale de Genève. Elle relève qu'une
succursale est dépourvue d'existence juridique et n'a donc ni
la capacité d'ester en justice, ni celle d'être poursuivie.

   a) Selon l'art. 50 al. 1 LP, le débiteur domicilié à
l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être
poursuivi pour les dettes de celui-ci. A la différence des
autres fors spéciaux de poursuite (art. 48 ss LP), qui ne
permettent pas une exécution générale (ATF 107 III 53 consid.
4e p. 59), cette disposition constitue un for pour n'importe
quelle mode de poursuite, y compris la faillite (ATF 114 III
6 consid. 1b p. 9; 107 III 53 consid. 4e p. 59/60; Peter
Gauch, Der Zweigbetrieb im schweizerischen Zivilrecht, Zurich
1974, n. 2085 et n. 2114 ss; Fritzsche/Walder, Schuldbetrei-
bung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. I, Zurich
1984, § 11 n. 15). A cet égard, il est sans importance que la
succursale n'ait pas la capacité d'ester en justice, ni celle
d'être poursuivie. La faillite relative à la succursale n'est
en effet pas dirigée contre elle, mais contre son détenteur
(ATF 120 III 11 consid. 1a p. 13 et les références citées;
P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la pour-
suite pour dettes et la faillite, art. 1-88, Lausanne 1999,
n. 21 ad art. 50; Gauch, op. cit., n. 2085). Eu égard au
principe de la territorialité, la faillite n'a toutefois
qu'un effet limité à la Suisse (ATF 114 III 6 consid. 1b et
les références; Jaeger, Commentaire de la LP, vol. I, n. 4 ad
art. 50, édition française Petitmermet/Bovay, p. 129; Gauch,
op. cit., n. 2127; François Diebold, les succursales suisses
d'entreprises étrangères, thèse Fribourg 1958, p. 115 et les
citations).

   b) La faillite du débiteur domicilié à l'étranger
qui possède une succursale en Suisse est couramment désignée
par l'expression abrégée "faillite de la succursale" (Gauch,

op. cit., n. 2116 et les arrêts cités; cf. aussi Jaeger, op.
cit., p. 128; Gilliéron, op. cit., p. 830 en haut; Diebold,
op. cit., p. 112 ss). En l'espèce, il n'était donc pas insou-
tenable de considérer comme valable la requête des créanciers
désignant la débitrice sous la raison sociale de sa succursa-
le genevoise, au lieu de celle de la maison mère; d'autant
qu'il n'est pas démontré que ce fait ait pu induire la débi-
trice en erreur (cf. ATF 120 III 11). La recourante semble en
outre se plaindre à ce sujet d'une violation de la procédure
civile genevoise, mais sans indiquer clairement quelle dispo-
sition légale aurait été interprétée ou appliquée de manière
arbitraire: une telle motivation est insuffisante au regard
des exigences déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ; au de-
meurant, selon la jurisprudence cantonale - non contestée par
la recourante -, l'assignation d'une société par sa succursa-
le (par définition dépourvue de la personnalité juridique)
n'est pas nécessairement nulle (Bertossa/Gaillard/Guyet, op.
cit., vol. I, n. 3 ad art. 7 et vol. III, n. 11 ad art. 347).

   5.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art.
156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, des
observations n'ayant pas été requises.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1.- Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

   2.- Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 5'000 fr.

   3.- Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, à la 1ère section de la Cour de justice
du canton de Genève et à l'Office des faillites de Genève/
Rive-Droite.

                         __________

Lausanne, le 14 janvier 2000
MDO/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        La Greffière,