Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.315/1999
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5P.315/1999

                 IIe  C O U R   C I V I L E
                 **************************

                         9 mars 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Fellay.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________, représenté par Mes Michel A. Halperin et Georges
Reymond, avocats à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 18 juin 1999 par la Cour de justice du can-
ton de Genève dans la cause qui oppose le recourant à
Y.________ Assurances Générales (anciennement Y.________,
compagnie générale d'assurances), représentée par Me Claude
Debieux, avocat à Fribourg, faisant élection de domicile en
l'étude de Me Jean-Flavien Lalive, avocat à Genève;

             (art. 4 aCst.; contrat d'assurance)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  Le 15 décembre 1978, X.________ (ci-après:
l'assuré ou le recourant) a conclu avec Y.________, compagnie
générale d'assurances (actuellement: Y.________ et ci-après:
l'assureur), un contrat d'assurance portant sur des tapis
dont il était propriétaire et qui étaient entreposés auprès
du Port-Franc de Genève. Le contrat, rédigé en anglais, avait
pour objet les tapis entreposés, sans précision relativement
au local choisi, et contenait la clause suivante (traduc-
tion):

        "L'assureur répond de la perte et du dommage
        seulement lorsque ceux-ci sont la conséquence
        directe du feu ou du vol par effraction, selon
        les "GCMI 1968" et la clause relative pour ob-
        jets ayant une valeur artistique ou de collec-
        tion ci-annexées".

Les conditions générales annexées au contrat d'assurance
(GCMI 1968) excluaient l'application de l'art. 46 LCA (art.
31) et prévoyaient que "les droits contre l'assureur s'étei-
gnent si on ne les fait pas valoir en justice dans les deux
ans qui suivent la survenance du sinistre" (art. 28).

   Le 8 octobre 1993, la police a procédé à un constat
de cambriolage dans le local du Port-Franc où étaient entre-
posés les tapis en question, vol qui, selon elle, aurait été
commis entre le 15 juin 1992 et le 8 octobre 1993. Le sinis-
tre a été annoncé à l'assureur en date du 12 octobre 1993.
Par courrier du 25 novembre 1993, l'assureur a refusé d'en-
trer en matière sur la demande d'indemnisation de son assuré,
motif pris que le dommage ne résultait pas d'un vol avec ef-
fraction et que les tapis n'étaient plus entreposés dans un
local hermétiquement fermé. Le 19 janvier 1994, à la suite
d'un échange de correspondance entre parties, l'assureur a

maintenu son refus d'indemnisation, tout en transmettant un
exemplaire des conditions générales au conseil du recourant.

   B.-  Par assignation déposée le 5 octobre 1995 de-
vant le Tribunal de première instance de Genève, le recourant
a réclamé à l'assureur l'indemnisation de son dommage, estimé
à 650'000 USD, avec intérêts à 8 % l'an dès le 8 novembre
1993.

   L'assureur a conclu au déboutement de l'assuré des
fins de sa demande en paiement, subsidiairement à l'admission
des intérêts moratoires à hauteur de 5 % seulement. Il a fait
valoir principalement que l'action était périmée et subsi-
diairement que le vol n'était pas couvert par l'assurance,
dès lors qu'il n'avait pas été commis par effraction.

   Par jugement du 25 avril 1995, le tribunal de pre-
mière instance a rejeté l'objection de péremption et ouvert
une instruction sur le fond du litige. Sur appel de l'assu-
reur, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du
18 octobre 1996, annulé ce jugement et renvoyé la cause au
premier juge pour instruction et nouvelle décision dans le
sens des considérants. Par jugement du 24 septembre 1998, le
tribunal de première instance a condamné l'assureur à payer
au recourant la somme de 717'500 fr. avec intérêts à 6 % dès
le 8 novembre 1993.

   Sur nouvel appel de l'assureur, la cour de justice
a, par arrêt du 18 juin 1999, annulé le second jugement de
première instance et débouté l'assuré de toutes ses conclu-
sions au motif que son action était périmée.

   C.-  L'assuré a exercé, le 1er septembre 1999, un
recours de droit public pour violation de l'art. 4 aCst. con-
tre cet arrêt, en concluant à son annulation.

   L'intimée n'a pas été invitée de déposer une répon-
se.

   D.-  Parallèlement, l'assuré a interjeté un recours
en réforme contre l'arrêt du 18 juin 1999.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.-  En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient
d'examiner en premier lieu le recours de droit public, qui
est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

   2.-  Le recours de droit public n'est recevable que
lorsque la violation prétendue ne peut faire l'objet d'une
action ou d'un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à
une autre autorité fédérale (art. 84 al. 2 OJ). Le recours en
réforme est recevable pour violation du droit fédéral pour
autant que l'arrêt attaqué émane de l'autorité suprême du
canton et que la valeur litigieuse atteigne au moins 8000 fr.
(art. 43 al. 1, 46 et 48 al. 1 OJ). En l'espèce, ces condi-
tions sont réunies, de sorte que le recours de droit public
doit être déclaré irrecevable dans toute la mesure où le re-
courant dénonce la violation ou l'application arbitraire du
droit fédéral.

   3.-  Le recourant soutient que la cour de justice a
administré les preuves de manière insoutenable en omettant de
retenir des faits essentiels, à savoir la nature du contrat
d'assurance et celle des conditions générales annexées; elle
n'aurait pas examiné la question de savoir si le contrat
était un contrat d'assurance-transport ou un contrat d'assu-
rance vol et, partant, n'aurait donc pas retenu en fait que
les parties étaient liées par un contrat d'assurance vol, ce
qui était prouvé par le dossier. En outre, la cour cantonale
n'aurait pas vidé la contradiction existant entre le fait de

conclure une assurance vol et d'annexer à ce contrat des con-
ditions générales relatives à l'assurance-transport, lesquel-
les ne faisaient d'ailleurs pas une seule fois référence au
vol ou au vol par effraction. Le recourant soutient également
que, sur la base des éléments du dossier, les juges cantonaux
devaient retenir en fait que l'intimée avait annexé au con-
trat des conditions générales erronées, qui concernaient un
tout autre type de contrat qu'un contrat d'assurance vol.

   a) Dans la mesure où le recourant fait valoir que
l'autorité cantonale a omis de retenir des faits pertinents,
allégués et prouvés par le dossier, il se plaint d'une viola-
tion de l'art. 8 CC (ATF 114 II  289 consid. 2a p. 290). Un
tel grief est irrecevable dans le cadre du recours de droit
public.

   b) Le juge qui qualifie la nature d'un contrat pro-
cède à une appréciation juridique des faits qui lui sont sou-
mis, appréciation qui relève du droit. En faisant valoir que
la cour de justice n'a pas tranché une question de droit fé-
déral sur laquelle elle aurait dû statuer pour résoudre le
litige, le recourant critique l'application du droit. La
question de savoir si les conditions générales annexées au
contrat d'assurance étaient "erronées" et concernaient un au-
tre type de contrat que celui en cause porte sur l'applicabi-
lité desdites conditions au présent litige et relève donc
également du droit. Ne concernant que l'application du droit
fédéral, le grief soulevé est dès lors irrecevable dans le
cadre du recours de droit public.

   c) Il en va de même du grief par lequel le recourant
reproche à la cour de justice de n'avoir pas examiné en droit
la nature du contrat conclu entre les parties et qui aurait
dû l'amener à déclarer inapplicables les conditions générales
annexées audit contrat.

   d) Par son grief concernant le fardeau de la preuve
relative au respect du délai de péremption, le recourant ne
soulève que des questions ressortissant au droit fédéral, de
sorte que le recours est également irrecevable sur ce point.

   4.-  Le recourant reproche encore à la cour de jus-
tice d'avoir apprécié les faits et appliqué le droit de ma-
nière insoutenable en ce qui concerne le délai de prescrip-
tion. Dans la mesure où il critique la conséquence juridique
que l'autorité cantonale a tirée de l'absence de preuve quant
à la date exacte du vol, ainsi que l'application de l'art. 46
al. 1 LCA, son grief est irrecevable puisqu'il porte sur
l'application du droit fédéral.

   Quant au grief selon lequel la cour de justice au-
rait arbitrairement retenu que le vol était intervenu entre
le 15 juin 1992 et le 4 octobre 1993, il doit être rejeté,
dès lors que la juridiction cantonale n'a pas retenu que le
vol avait eu lieu durant la période invoquée, mais a simple-
ment constaté que les conséquences de l'absence de preuve de
la date du vol devaient être supportées par l'assuré.

   5.-  Il résulte de ce qui précède que le recours
doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux
frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à
répondre au recours.

                       Par ces motifs,

            le  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

         1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

         2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 8'000 fr.

         3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

Lausanne, le 9 mars 2000
FYC/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,