Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.314/1999
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4P.314/1999

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                        15 mars 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et
Mme Klett, juges. Greffier: M. Ramelet.

                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

Suisa, Société suisse pour les droits des auteurs d'oeuvres
musicales, avenue du Grammont 11bis, à Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 12 novembre 1999 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à Onex Télévision S.A., ch. de Cressy 25, à
Onex;

     (art. 4 aCst.; appréciation arbitraire des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.-  Onex Télévision S.A. a pour but social l'ex-
ploitation d'un commerce d'appareils de télévision, caméras
de télévision en circuit fermé, radios, magnétophones, chaî-
nes de haute fidélité ainsi que de tous articles similaires
et accessoires. Elle effectue des copies, procède à des
transferts et des transcodages de supports audiovisuels -
lesquels peuvent contenir de la musique - pour des entrepri-
ses ou organisations nationales et internationales ainsi que
pour des studios de production et de post-production audio-
visuels.

    La Suisa, Société suisse pour les droits des au-
teurs d'oeuvres musicales (ci-après: Suisa) gère à titre fi-
duciaire les droits des auteurs d'oeuvres musicales non théâ-
trales qui lui ont été cédés par les auteurs et éditeurs à
cette fin. Elle est au bénéfice d'une autorisation délivrée
par l'Office fédéral de la propriété intellectuelle, confor-
mément à l'art. 41 de la loi fédérale sur le droit d'auteur
et les droits voisins du 9 octobre 1992 (LDA; RS 231.1), tant
pour la gestion des droits exclusifs des auteurs à l'exécu-
tion et la diffusion des oeuvres musicales non théâtrales
ainsi qu'à la confection de phonogrammes ou de vidéogrammes
de telles oeuvres que pour l'exercice de leurs droits à rému-
nération prévus aux art. 13, 20, 22 et 35 LDA.

     En juin 1995, Suisa a présenté un projet de contrat
à Onex Télévision S.A., aux termes duquel la seconde s'enga-
geait à informer la première de toutes les duplications de
supports opérées, dans les 30 jours après leur réalisation,
avec mentions du nom et de l'adresse du producteur, du titre
du support s'il était connu, du type de support (Single/LP/
MC/VC etc.), du nombre de copies et de leur destination à

supposer qu'elle fût connue; Onex Télévision S.A. devait en-
core fournir au producteur tous les renseignements dont elle
disposait et dont le producteur avait besoin pour traiter
avec Suisa, à l'exemple des informations afférentes aux sé-
quences musicales utilisées dans le support, ainsi que deman-
der à Suisa les autorisations nécessaires à ses propres pro-
ductions et payer les redevances y relatives, la conclusion
d'un accord distinct permettant l'octroi de rabais étant ré-
servée.

    Onex Télévision S.A. n'a pas signé cette conven-
tion, faisant valoir qu'elle n'était pas un fabricant et que
Suisa devait s'adresser directement aux producteurs.

    B.-  Le 12 février 1999, Suisa a déposé contre Onex
Télévision S.A. devant la Cour de justice du canton de Genève
une demande fondée sur les art. 10 et 51 LDA. La demanderesse
concluait à ce que la défenderesse lui remette, sous la mena-
ce de la condamnation de son administrateur Jean-Pierre
Masmejan selon l'art. 292 CP, "les renseignements suivants
relatifs aux reproductions de vidéogrammes contenant des oeu-
vres musicales non théâtrales, dont les droits sont gérés par
Suisa, qu'elle a effectuées du 1er janvier 1998 au 31 décem-
bre 1999: a) nom et adresse de la personne ayant commandé la
reproduction; b) titre de l'oeuvre audiovisuelle fixée sur le
support reproduit, si ce titre est connu; c) type de support
sur lequel la duplication est effectuée (vidéocassettes,
films 35 mm, DVD, etc.); d) nombre de copies effectuées; e)
destination des copies si elle est connue (ex.: vente au pu-
blic, remise gratuite aux membres d'une société, projection
interne dans le cadre d'une entreprise, etc.)".

    Par arrêt du 12 novembre 1999, la Cour de justice
du canton de Genève a rejeté la demande. Elle a considéré en
substance que la défenderesse n'était pas un utilisateur
d'oeuvres au sens de l'art. 51 LDA, dès lors qu'elle ne fai-

sait qu'exécuter des travaux techniques pour le compte des-
dits utilisateurs. Or, seuls les producteurs des supports
audiovisuels étaient à même de déterminer si ces supports
concernaient des oeuvres protégées soumises à la gestion de
la Suisa. Les informations que la demanderesse exigerait de
la défenderesse sortiraient du cadre de l'obligation de ren-
seignement imposée aux utilisateurs par l'art. 51 LDA. La
demanderesse chercherait à utiliser la défenderesse comme une
sorte d'agent chargé de récupérer des redevances par des me-
sures investigatoires. Or, transformer un tiers en auxiliaire
d'une société de gestion ne serait pas conforme au principe
de la proportionnalité. En outre, la demande de la Suisa se
heurterait à la protection des données. Enfin, les art. 50 et
51 CO ne seraient d'aucun secours à la demanderesse, dès lors
que celle-ci ne demande pas des renseignements dans une af-
faire particulière, mais souhaite obtenir des informations
d'ordre général d'une société qui n'est pas concernée par la
perception de redevances dont les clients de celle-ci sont
redevables.

    C.-  La Suisa saisit le Tribunal fédéral parallèle-
ment d'un recours de droit public et d'un recours en réforme.
Dans le recours de droit public, fondé sur l'art. 4 aCst.,
elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, la cause
étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvel établisse-
ment des faits.

    L'intimée conclut au rejet du recours, alors que
l'autorité cantonale déclare n'avoir rien à ajouter à ses
considérants.

        C o n s i d é r a n t    e n    d r o i t  :

    1.-  a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de
droit public.

    b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'es-
pèce, le recours de droit public n'est qu'une voie de cassa-
tion et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision atta-
quée (ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I
87 consid. 5). Dans la mesure où les conclusions de la recou-
rante ne se limitent pas à cela, elles sont donc irreceva-
bles.

    c) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).

    En vertu de la subsidiarité absolue de cette voie
de droit, la recourante ne saurait soulever une question re-
levant de l'application du droit fédéral, car celle-ci pou-
vait in casu faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43
al. 1 et 84 al. 2 OJ). La recourante peut toutefois prétendre
que la cour cantonale a arrêté arbitrairement l'état de fait
qui lie le Tribunal fédéral lorsqu'il est appelé à statuer
sur un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ).

    d) En instance de recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière
assez claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel
est le droit constitutionnel dont l'application est en jeu.
Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (art. 90 al. 1 let.
b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les références). S'agissant

plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'éta-
blissement des faits, il appartient au recourant de démontrer
que la décision est arbitraire parce que le juge n'a manifes-
tement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve,
qu'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un
moyen important propre à modifier la décision attaquée ou en-
core parce que, sur la base des éléments recueillis, il a
fait des déductions insoutenables (ATF 120 Ia 31 consid. 4).

    2.-  a) La recourante soutient d'abord que la cour
cantonale a retenu arbitrairement qu'elle n'a pas contesté
les explications de la défenderesse, laquelle a affirmé que
ce n'était pas à elle mais bien à ses clients - studios de
production ou autres producteurs - de faire les demandes
d'utilisation des illustrations musicales.

    Déterminer, en l'occurrence, qui est obligé, en
vertu du droit d'auteur, de verser des redevances à la deman-
deresse et de lui communiquer des informations relève claire-
ment de l'application du droit fédéral. Au vu de ce qui pré-
cède, ce point ne saurait donc être débattu dans la présente
instance. Et la recourante, à bon droit, ne prétend pas que
les faits allégués par sa partie adverse ont été considérés
comme admis selon les règles de la procédure cantonale, ce
qui exclurait l'examen de la question dans le procès de ré-
forme. Le moyen est irrecevable dans toute son étendue.

    b) La recourante reproche ensuite à la Cour de jus-
tice d'avoir retenu que la défenderesse effectuait des copies
pouvant contenir de la musique, sans indiquer que les droits
sur cette musique étaient gérés par Suisa. On ne voit cepen-
dant pas l'incidence que cette constatation de fait aurait
sur l'application du droit. La recourante ne formule d'ail-
leurs aucun développement à ce sujet. Faute de motivation, le
moyen est irrecevable.

    c) La recourante fait grief aux juges cantonaux de
n'avoir procédé à aucune constatation sur le contenu de ses
tarifs, alors que de telles constatations auraient été indis-
pensables pour décider si les renseignements qu'elle a exigés
de la défenderesse étaient nécessaires à l'application des-
dits tarifs. A nouveau, on cherche vainement l'impact que la
constatation incriminée aurait exercé sur l'issue du litige.
Un tel grief ne saurait mériter plus ample examen.

    3.-  Il suit de là que le recours doit être déclaré
irrecevable. Les frais judiciaires seront mis à la charge de
la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée,
qui n'est pas représentée par un avocat et n'a pas fait état
de dépenses particulières, n'a pas droit à des dépens (ATF
125 II 518 consid. 5b; 113 Ib 353 consid. 6b).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

    1. Déclare le recours irrecevable;

    2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge de la recourante;

    3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève.

                        _____________

Lausanne, le 15 mars 2000
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,