Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.308/1999
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4P.308/1999

                  Ie  C O U R  C I V I L E
                 **************************

                        18 avril 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

                         __________

          Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Jean-Pierre Jacquemoud, avocat
à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 4 novembre 1999 par la Chambre d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recourant à 1. L. P.________ 2. dame
P.________, représentés par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève;

(art. 4 aCst.; procédure civile; appréciation des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.- a) M.________ est un homme d'affaires libanais,
domicilié à Jeddah, en Arabie saoudite. Il est à la tête d'un
groupe de sociétés, dont certaines ont leur siège à Jeddah ou
à Genève. Il bénéficie d'une autorisation de séjour de courte
durée (90 jours par année) à Genève, où il possède un appar-
tement. Il est également propriétaire d'un domaine à Megève
(France) et d'un yacht, dont le port d'attache est Cap d'Ail
(France).

    Le 5 mai 1989, M.________ et L. P.________, ressor-
tissant philippin, ont signé un contrat à Manille (Philippi-
nes), aux termes duquel le premier - dont l'adresse indiquée
était à Genève et la nationalité prétendument suisse - a en-
gagé le second en qualité d'employé de maison pour une durée
de deux ans, moyennant un salaire de 350 US$ par mois, nourri
logé, un jour de congé par semaine, et un billet d'avion
aller-retour Manille-Genève. L'épouse de L. P.________, dame
P.________, a été engagée le même jour à des conditions simi-
laires.

    b) Le 20 septembre 1989, un contrat de travail a
été signé à Jeddah entre L. P.________ et la société saoudi-
enne Y.________. Cette convention stipule des conditions
identiques à celles de l'accord de mai 1989, sous réserve des
art. 13 et 14 qui précisent que les relations entre les par-
ties sont soumises au droit de l'Arabie saoudite et que tout
différend sera tranché par les autorités judiciaires de ce
pays.

    c) Le 21 septembre 1989, L. P.________ et
X.________ Ltd ont à nouveau signé un contrat de travail qui
reprend les mêmes termes que celui du 5 mai 1989. Dame

P.________ a conclu un contrat identique avec la société
précitée.

    d) Le 31 mai 1991, M.________ a formé auprès du
Contrôle de l'Habitant de Genève une demande d'autorisation
de séjour pour prise d'emploi en faveur de L. P.________, en
qualité de valet de chambre pour une durée de trois mois,
moyennant un salaire de 2400 fr. et un horaire de travail de
9 h. 00 à 12 h. 00 et de 14 h. 00 à 19 h. 00.

    Le 10 juin 1993, M.________ a sollicité auprès des
autorités genevoises le renouvellement de l'autorisation de
séjour (120 jours) préalablement accordée à L. P.________,
toujours en qualité de valet de chambre moyennant un salaire
de 2400 fr. Les 20 mai 1994 et 25 avril 1995, il a formulé
des demandes similaires.

    e) Les parties ont mis fin à leurs relations en oc-
tobre 1997. Les circonstances de la rupture sont contestées.
Il est seulement établi que le 7 octobre 1997, sans préavis,
les époux P.________ ont été emmenés à l'aéroport de Genève-
Cointrin, après avoir reçu l'ordre de faire leurs bagages,
accompagnés d'un agent de sécurité privé et d'autres employés
de M.________. Parvenus à la zone de départ de l'aéroport,
ils se sont adressés à un agent de police pour lui signifier
qu'ils ne souhaitaient pas quitter la Suisse. Comme leurs
visas étaient encore valables, la police les a accompagnés à
un taxi qui les a conduits au Syndicat Z.________.

    B.- Le 2 mars 1998, les époux P.________ ont assi-
gné M.________ en paiement de divers montants devant la juri-
diction des prud'hommes du canton de Genève. Dans le dernier
état de leurs conclusions, le demandeur réclamait,
611 474 fr.58 et la demanderesse 480 216 fr.90, intérêts en
sus.

    Par jugement du 23 février 1999, le Tribunal des
prud'hommes a condamné le défendeur à payer à la demanderesse
72 571 fr.15 brut et 13 740 fr. net, et au demandeur
72 688 fr.15 brut et 13 740 fr. net, le tout avec intérêts.

    Les deux parties ont recouru auprès de la Chambre
d'appel des prud'hommes. Par arrêt du 4 novembre 1999, celle-
ci a annulé le jugement de première instance; elle a condamné
le défendeur à verser à la demanderesse 118 729 fr.49 brut et
18 600 fr. net, plus intérêts; pour sa part, le demandeur a
obtenu 167 612 fr.70 brut et 22 410 fr. net, cela également
avec intérêts. Ces montants comprennent notamment la rémuné-
ration d'heures supplémentaires et une indemnité pour rési-
liation immédiate injustifiée au sens de l'art. 337c al. 3
CO.

    C.- Parallèlement à un recours en réforme,
M.________ interjette un recours de droit public au Tribunal
fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt de la Chambre
d'appel.

    Les intimés concluent au rejet du recours.

    La Chambre d'appel conclut implicitement au rejet
du recours.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t  :

    1.- Conformément à la règle générale, le recours de
droit public est examiné en premier lieu (art. 57 al. 5 OJ).

    2.- Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et
clairement motivés (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 110 Ia 1

consid. 2a). Le recourant se plaint en l'occurrence unique-
ment d'arbitraire dans l'appréciation des preuves en ce qui
concerne l'existence d'heures supplémentaires ou les circons-
tances entourant la fin des relations contractuelles et le
départ des intimés de Genève. Dans la mesure où, ses écritu-
res le montrent, il n'ignore pas les principes applicables
dans ce domaine, tels qu'ils ont été développés par la juris-
prudence, on peut se contenter de renvoyer à son mémoire de
recours sur ce point (art. 36a al. 3 OJ).

    3.- a) Dans son premier grief, le recourant fait en
substance valoir que la cour cantonale a admis la rémunéra-
tion d'heures supplémentaires en se fondant sur un seul té-
moignage, sans se prononcer sur tous les autres qui indi-
quaient qu'il y avait peu d'heures supplémentaires, et que
celles-ci étaient, en tout état, compensées. Ainsi, la cour
cantonale aurait versé dans l'arbitraire en ne se basant que
sur les dires du témoin K.________ pour retenir que les in-
timés travaillaient 55 heures par semaine et qu'ils n'avaient
pu obtenir de compensation en repos.

    b) Le Tribunal des prud'hommes a rejeté les préten-
tions des travailleurs relatives aux heures supplémentaires,
estimant que celles-ci n'étaient pas prouvées. Mais la Cham-
bre d'appel est d'avis que les premiers juges ont omis de
prendre en considération le témoignage de K.________, admis
par l'employeur, dont il ressort que les employés ont effec-
tué 10 heures de travail par jour. Elle souligne aussi que,
selon les déclarations du fils du recourant, les employés
travaillaient cinq jours et demi par semaine, effectuant
ainsi 55 heures hebdomadaires. Enfin, elle considère que, sur
le plan strictement procédural, il appartient à l'employeur
de prouver la compensation des heures supplémentaires, ce que
ce dernier n'a pas fait; il est par ailleurs, note encore la
cour, étonnant que le recourant n'ait retrouvé aucun tableau
de présence de son personnel.

    c) L'argumentation du recourant ne démontre pas en
quoi le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire.
La Chambre d'appel a clairement exposé pourquoi elle retenait
le témoignage K.________ plutôt que les autres. En outre, le
nombre d'heures accomplis par le personnel ressort également
des déclarations d'autres personnes, tels que E.________ (p.
11 de l'arrêt attaqué).

    Quant à la preuve de la prétendue compensation des
heures supplémentaires, on ne voit pas en quoi la Chambre
d'appel aurait retenu arbitrairement qu'elle n'avait pas été
rapportée, au regard des témoignages peu convaincants invo-
qués par le recourant, dont la critique s'avère au demeurant
purement appellatoire.

    4.- a) Le recourant soutient ensuite que la Chambre
d'appel a procédé à une appréciation arbitraire des condi-
tions du départ des intimés. La cour aurait méconnu que, se-
lon les déclarations claires de S.________ - seul témoignage
à ce sujet -, ce serait les travailleurs qui auraient pris
l'initiative de la résiliation des rapports de travail.

    b) D'après l'arrêt attaqué, le recourant s'est mon-
tré contradictoire dans ses diverses déclarations et écritu-
res au sujet des circonstances entourant la fin des relations
contractuelles. Rapportant le témoignage S.________, la cour
cantonale observe que celui-ci émane d'un domestique encore
au service du recourant, de sorte qu'il ne peut être pris en
considération qu'avec circonspection. Elle expose ensuite que
le fait, attesté par les fonctionnaires concernés entendus
comme témoins, que les intimés se soient adressés à des po-
liciers pour ne pas prendre le vol qui leur était assigné,
est révélateur d'un départ effectué sous la contrainte. Elle
en conclut que le dossier contient des indices suffisants
pour retenir que la fin des rapports de travail est le fait

de l'employeur, qui a agi brusquement et sans respect des
délais de congé ni justes motifs.

    c) Ici encore, le recourant se livre à une critique
purement appellatoire qui ne peut qu'être rejetée pour autant
qu'elle soit recevable (art. 90 al. 1 let. b OJ). L'intéressé
ne démontre pas en quoi les considérants de la cour cantonale
sont insoutenables.

    5.- Le recours est mal fondé dans la mesure où il
est recevable. La valeur litigieuse est supérieure à
20 000 fr. Le recourant supportera donc un émolument judi-
ciaire (art. 156 al. 1 et art. 343 al. 2 et 3 CO). Il versera
également une indemnité de dépens aux intimés (art. 159 al. 1
OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

        1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

    2. Met un émolument judiciaire de 7000 fr. à la
charge du recourant;

    3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 8000 fr. à titre de dé-
pens;

    4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève (cause n° C/5181/98-112).

                       _______________

Lausanne, le 18 avril 2000
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le président,

                        La greffière,