Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2C.2/1999
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2C.2/1999 /dxc

Séance du 26 mars 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Betschart, Juge présidant,
Müller, Yersin, Merkli et Zappelli, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________,
demandeur, représenté par Me Thierry Thonney, avocat,

contre

Etat de Vaud, 1014 Lausanne, défendeur, représenté par Me Philippe Conod,
avocat.

Dommage et intérêts,

procès civil direct.

Faits:

A.
Né en 1955, X.________ est titulaire depuis 1983 d'une maîtrise en théologie
protestante de l'Université des sciences humaines de Strasbourg. Par contrat
de droit privé du 25 septembre 1986 prenant effet dès le 1er décembre 1986,
l'Etat de Vaud l'a engagé en qualité de pasteur auxiliaire au sein de
l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (ci-après: EERV), dans la
paroisse d'Ormont-Dessus. X.________ a aussitôt été affilié à la Caisse de
pension de l'Etat de Vaud. Le 27 novembre 1987, le Conseil d'Etat du canton
de Vaud a ratifié son élection en qualité de pasteur de la paroisse
d'Ormont-Dessus.

Le 26 juin 1992, le Conseil d'Etat a ratifié son élection en qualité de
pasteur de la paroisse de Genolier. Des difficultés relationnelles sont
apparues entre le pasteur et certains de ses paroissiens. En 1995, le conseil
de  paroisse a alors décidé de mettre sur pied une commission chargée
d'accompagner le pasteur dans l'exercice de son ministère pour tenter de
résoudre ces difficultés. Dans son rapport du 16 mai 1995, ladite commission
a notamment relevé que les erreurs commises par le pasteur X.________
suscitaient une vague de fond croissante d'oppositions et de critiques à son
égard, ce qui rendait l'exercice de son ministère extrêmement douloureux.
Elle conseillait au pasteur X.________ de mettre lui-même fin à son ministère
à Genolier, dès que possible, et d'éviter ainsi le prolongement d'un travail
effectué dans des conditions insupportables. Le 26 octobre 1995, la
commission a précisé que, malgré les efforts, réels et reconnus, faits de
part et d'autre, le climat des relations entre le pasteur et la paroisse
restait difficile et douloureux, si bien que le pasteur X.________ devait
quitter la paroisse. Le 26 novembre 1995, X.________ a présenté sa démission
avec effet au 31 juillet 1996. Par lettre du 7 décembre 1995, le Conseil
synodal de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (ci-après: le
Conseil synodal) a pris acte de cette démission et l'a informé qu'il avait
chargé A.________, responsable des ministères, d'examiner des propositions
d'accompagnement adéquates; il s'engageait notamment à offrir à X.________ un
remplacement d'une durée de douze mois, période au cours de laquelle il
ferait l'objet d'une évaluation qui déterminerait son aptitude à poursuivre
ou non le ministère au sein de l'EERV.

B.
Le 5 juin 1996, X.________, qui souffrait d'un état anxio-dépressif
important, a consulté le docteur B.________, médecin-psychiatre, qui lui a
prescrit un traitement d'antidépresseurs et de tranquillisants, ainsi qu'une
psychothérapie.
Le 10 juin 1996, l'Etat de Vaud a engagé X.________ par contrat de droit
privé en qualité de pasteur remplaçant, du 1er août 1996 au 31 juillet 1997,
dans la paroisse de Sainte-Croix. Faisant suite à la demande du Conseil
synodal, un groupe d'accompagnement de X.________ a été constitué. Dirigé par
le pasteur A.________, il était composé en outre de C.________, animatrice de
formation pour adultes au sein de l'EERV, de D.________, déjà membre de la
commission d'accompagnement de Genolier, et du pasteur E.________, membre
choisi par X.________. Ce groupe a rencontré X.________ une première fois le
3 septembre 1996. L'objectif de l'accompagnement, arrêté à cette occasion,
était double: soutenir et aider l'intéressé dans l'exercice de son ministère
d'une part et évaluer son activité en vue de formuler un préavis quant à la
poursuite de son ministère au sein de l'EERV. Une série de rencontres a été
fixée aux 19 septembre, 29 octobre, 4 décembre 1996 et 15 janvier 1997.
Durant la séance du 4 décembre 1996, les relations entre X.________ et le
groupe d'accompagnement se sont tendues, notamment à la suite d'un échange de
vues assez vif entre E.________ et X.________. Il en a été de même lors de la
séance du 15 janvier 1997.

C.
Le 18 janvier 1997, X.________ a été hospitalisé à la demande du docteur
B.________, qui lui a prescrit un arrêt de travail à 100% du 18 janvier au 6
avril 1997, puis à 50% du 7 avril au 31 juillet 1997. Depuis le 1er août
1997, X.________, atteint d'une grave dépression, est  entièrement incapable
de travailler. Par lettre du 12 août 1997, la Caisse de pensions de l'Etat de
Vaud a informé X.________ qu'il avait décidé de le mettre au bénéfice d'une
pension d'invalidité totale avec effet au 1er août 1997. Par prononcé du 26
mai 1998, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a reconnu
X.________ invalide à 100% et l'a informé qu'il avait droit à une rente de
l'Assurance-invalidité fédérale (AI) avec effet au 1er janvier 1998.

D.
Le 20 mai 1997, le groupe d'accompagnement a établi son rapport à l'attention
du Conseil synodal. Il en résulte notamment que les rencontres ont porté sur
la pratique de X.________ à Sainte-Croix, que le groupe n'a pas eu de contact
direct avec la paroisse de Sainte-Croix et qu'il s'est tenu à ce que
X.________ pouvait dire de son activité et de ses contacts.
Ce rapport relate en outre:

"(...) La composante la plus importante des problèmes évoqués par X.________
relevait du 'relationnel' (capacité à entrer et à être en relation avec);
cette composante relationnelle 'parasite' l'ensemble de l'activité
ministérielle de X.________ dont la plupart des actes professionnels
(prédication, actes ecclésiastiques, catéchisme, organisation) peuvent
cependant être considérés en eux-mêmes comme satisfaisants. Le groupe a
confronté X.________ sur ce point (relationnel); les deux derniers échanges,
particulièrement serrés, ont mis en évidence le fait que X.________ et le
groupe ne pouvaient pas trouver d'accord quant à la suite de la démarche.

X. ________ demandait des preuves et des garanties quant à la cause et à la
nature relationnelle de ses difficultés; le groupe ne pouvait que le mettre
en face de ses observations et l'inviter à en faire quelque chose. Le groupe
a alors constaté qu'il n'était plus possible de poursuivre la démarche et a
décidé de s'arrêter. Très peu après sa cinquième rencontre avec le groupe -
rencontre au cours de laquelle la confrontation fut particulièrement serrée -
X.________ est entré dans une période d'arrêt de travail pour maladie. Lors
de sa dernière rencontre (sans X.________) le groupe a considéré que, en
l'état, il n'était pas envisageable de confier à X.________ la responsabilité
d'un ministère en paroisse."
Le 27 mai 1997, X.________ a rencontré une délégation du Conseil synodal. Par
courrier du 4 juin 1997, le Conseil synodal a confirmé que, sur la base
notamment du rapport du groupe d'accompagnement, X.________ n'était plus en
mesure de poursuivre un ministère dans l'EERV, vu les problèmes relationnels
qu'il rencontrait depuis un certain nombre d'années.
Le 5 juin 1997, X.________ a demandé au Président du conseil de paroisse de
Sainte-Croix de pouvoir continuer à être pasteur remplaçant pour une année
encore, soit du 1er août 1997 au 31 juillet 1998. Par courrier du 6 juin
1997, A.________, responsable des ministères, a informé la paroisse en
question que cette demande ne pouvait être acceptée. Le 10 juillet 1998,
X.________, représenté par un mandataire professionnel, a demandé que sa
situation soit réexaminée, qu'il fasse l'objet d'une réhabilitation, que le
rôle du groupe d'accompagnement soit stigmatisé et qu'il obtienne une
réparation morale, réserve étant faite d'un préjudice financier. Le 29
septembre 1998, le Conseil synodal a, pour l'essentiel, maintenu ses
conclusions du 4 juin 1997. Par courrier du 17 novembre 1998, X.________ a
réitéré sa demande de réexaminer son cas en annonçant, en cas de refus,
l'ouverture d'une procédure pour violation des droits de la personnalité du
travailleur au sens de l'art. 328 CO. Le 15 février 1999, le Conseil synodal
a refusé de reconsidérer ses conclusions.

E.
Le 29 juillet 1999, X.________ a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de
dommages-intérêts contre l'Etat de Vaud, au sens de l'art. 42 OJ, en
concluant à ce que le défendeur soit condamné à lui payer la somme de 225'000
fr., avec intérêts à 5% dès le 1er août 1999. Il fonde son action
principalement sur la violation de l'art. 328 al. 1 CO.
Dans sa réponse du 5 novembre 1999, l'Etat de Vaud conclut avec suite de
frais au rejet des conclusions de la demande. Les parties ont répliqué et
dupliqué.
Lors de la séance de débats préparatoires du 4 juillet 2000, il a été décidé,
avec l'accord des parties, que la procédure serait limitée dans un premier
temps à la question du principe de la responsabilité de l'Etat, l'étendue du
dommage étant, au besoin, examinée ultérieurement. La mise en oeuvre d'une
expertise médicale a été en outre ordonnée.
En compagnie d'un second juge (art. 5 al. 3 PCF), le juge délégué a procédé à
l'audition de dix-huit témoins lors des audiences des 11, 12 septembre et  30
novembre 2000. Les 5 et 9 octobre 2000, respectivement, la Caisse de pensions
de l'Etat de Vaud et l'Office de l'Assurance-invalidité pour le canton de
Vaud ont produit leur dossier concernant X.________. Par ordonnance du 3
novembre 2000, F.________, médecin-directeur de l'Hôpital Y.________, a été
désigné en qualité d'expert et un questionnaire lui a été soumis. Après de
très nombreux rappels du juge délégué, l'expert a finalement établi son
rapport le 11 février 2002.  Ce rapport d'expertise a été jugé insuffisant.
Aussi, le juge délégué a décidé d'ordonner une seconde expertise qui a été
confiée au Dr G.________, médecin-chef du Centre médico-psychologique de
Z.________, par ordonnance du 9 octobre 2002. Ce dernier médecin a déposé son
rapport le 7 mai 2003. Il a répondu à des questions complémentaires le 30
juin 2003.

F.
Dans son ordonnance du 1er septembre 2003, le juge délégué a avisé les
parties de la clôture de la procédure probatoire et pris acte qu'elles
renonçaient aux débats principaux, avec plaidoiries, délibérations et
votations. Il leur a fixé un délai pour déposer un mémoire résumant leur
position respective. Chacune des parties a déposé son mémoire le 3 novembre
2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 3 PCF, le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité de
l'action.

1.1  Aux termes de l'art. 42 aOJ - abrogé le 1er janvier 2001 (RO 2000 2719
ss), mais en vigueur au moment du dépôt de la demande et donc applicable en
principe à la présente espèce -, le Tribunal fédéral est compétent pour juger
en instance unique de contestations de droit civil entre un canton d'une part
et des particuliers d'autre part, lorsque l'une des parties le requiert en
temps utile et que la valeur litigieuse est d'au moins 8'000 fr. Le tribunal,
en ce cas, est compétent soit que, d'après la législation cantonale, la cause
doive être traitée en la procédure ordinaire, soit qu'elle relève d'autorités
spécialement désignées et statuant suivant une procédure spéciale. Sont des
contestations de droit civil au sens de l'art. 42 al. 1 aOJ, non seulement
celles qui sont soumises au droit privé stricto sensu, mais également
d'autres prétentions patrimoniales contre l'Etat, lorsque sa responsabilité
légale, contractuelle ou quasi contractuelle est engagée en vertu du droit
public. Cette notion large comprend notamment les actions en réparation du
dommage causé par des actes de puissance publique, licites ou illicites,
engageant la responsabilité légale du canton (ATF 118 II 206 consid. 2c;
Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, Berne 1990, vol. II, n. 2.1.1 ad art. 42). Selon la
jurisprudence, l'action doit être considérée comme ayant été engagée en temps
utile au sens de l'art. 42 al. 1 aOJ, lorsque le demandeur s'adresse au
Tribunal fédéral avant de saisir du même litige une autorité de jugement
cantonale (ATF 121 III 204 consid. 1a; Poudret, op. cit., n. 2.4 ad art. 42
OJ; Thomas Hugi Yar, Direktprozesse, in Geiser/Peter/Münch, Prozessieren vor
Bundesgericht, 2e éd., 1998, n. 7.9 p. 249).

1.2  En principe, les agents publics répondent de leurs actes illicites selon
les règles ordinaires des art. 41 ss CO. Toutefois, la législation fédérale
ou cantonale peut déroger à ces règles en ce qui concerne la responsabilité
encourue par ces agents publics pour le dommage ou le tort moral qu'ils
causent dans l'exercice de leur charge (art. 61 al. 1 CO). Lorsque de telles
normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au droit civil
fédéral, ce qui découle aussi de l'art. 59 al. 1 CC (cf. ATF 122 III 101
consid. 2 p. 103 et les arrêts cités).
Le canton de Vaud a fait usage de cette possibilité en édictant la loi du 16
mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents
(ci-après: LREC/VD ou loi sur la responsabilité/VD), qui règle la réparation
des dommages causés par les agents de l'Etat illicitement ou en violation de
leurs devoirs de service dans l'exercice de la fonction cantonale ou
communale (art. 1, 3 et 4 LREC). A la différence du droit privé qui
subordonne la responsabilité aquilienne à une faute (art. 41 CO), le texte de
l'art. 4 LREC/VD n'exige, pour engager la responsabilité de l'Etat, qu'un
acte objectivement illicite, un dommage et un lien de causalité entre l'un et
l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 4C.229/2000 du 27 novembre 2001, publié in
SJ 2002 I 253, consid. 2b). Au demeurant, l'art. 8 LREC/VD prévoit que les
dispositions du code des obligations relatives aux obligations résultant
d'actes illicites sont, au surplus, applicables par analogie à titre de droit
cantonal supplétif.

1.3  Le demandeur a actionné l'Etat de Vaud à raison de l'activité du groupe
d'accompagnement, mis sur pied en 1996, qui, selon lui,  aurait porté
atteinte à son intégrité physique et psychique en violation notamment de
l'art. 328 CO. Ce groupe était dirigé par le pasteur A.________; il était
composé en outre de C.________, animatrice de formation pour adultes au sein
de l'Eglise évangélique réformée vaudoise, de D.________, présidente d'un
conseil de paroisse et du pasteur E.________. C'est le comportement des deux
pasteurs précités qui est principalement mis en cause par le demandeur. Il
s'agit donc d'examiner si les éventuels actes illicites commis par un pasteur
peuvent engager la responsabilité légale de l'Etat de Vaud.
Selon l'art. 4 lettre g de l'ancienne loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le
statut général des fonctions publiques cantonales (ci-après: StF/VD ou
statut) - encore applicable au cas d'espèce dans la mesure où cette  loi a
été abrogée le 31 décembre 2002 (sous réserve de quelques articles) par la
loi du 12 novembre 2001 sur le personnel de l'Etat de Vaud (LPers) -, sont
soumis uniquement à la loi spéciale qui les concerne, sauf renvoi exprès au
statut, en particulier les ministres du culte. D'après l'art. 65 de
l'ancienne loi du 25 mai 1965 sur l'Eglise évangélique réformée du canton de
Vaud  (loi ecclésiastique 1965), les pasteurs ne sont pas des fonctionnaires
au sens du statut, étant toutefois précisé que les art. 30 à 32 StF/VD
(concernant la responsabilité civile) leur sont applicables (cf. aussi art.
22 et 23 de la loi du 2 novembre 1999 sur l'Eglise évangélique réformée du
canton de Vaud [loi ecclésiastique 1999]).
Il s'ensuit que l'Etat répond en principe du dommage que les pasteurs causent
à des tiers d'une manière illicite. D'ailleurs, la loi vaudoise sur la
responsabilité range expressément les "ministres du culte évangélique
réformé" dans la catégorie des agents qui exercent une fonction publique
cantonale (art. 3 al. 1 ch. 7 LREC/VD).

1.4  Comme le demandeur n'a saisi aucune juridiction cantonale avant
d'introduire son action devant le Tribunal fédéral, toutes les conditions de
recevabilité de l'art. 42 aOJ sont réunies. Il convient donc d'entrer en
matière.

2.
Dans le canton de Vaud, la créance en dommages-intérêts résultant d'une
responsabilité de l'Etat pour acte illicite se prescrit par un an dès la
connaissance du dommage et en tout cas par dix ans dès l'acte dommageable
(art. 7 LREC/VD).
En l'occurrence, le demandeur devait ou pouvait connaître son dommage en août
1997, soit au moment où il a été informé par la Caisse de pensions de l'Etat
de Vaud qu'il serait mis au bénéfice d'une pension d'invalidité totale ou, au
plus tard, à la réception du prononcé du 26 mai 1998, par lequel l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud l'a reconnu invalide à 100% et
l'a informé de son droit  à une rente de l'Assurance-invalidité fédérale
(AI). Déposée le 29 juillet 1999, soit plus d'une année après la connaissance
du dommage, la présente action paraît prescrite.

Selon le demandeur, ses prétentions en dommages-intérêts seraient soumises à
la prescription décennale de l'art. 127 CO, vu que ses rapports de travail
étaient régis par des contrats de droit privé. Point n'est besoin de trancher
cette question. Comme le défendeur n'a pas soulevé l'exception de
prescription dans la présente procédure, il n'y a pas lieu de toute manière
d'examiner ce point. En effet, selon la jurisprudence, la question de la
prescription de créances de droit public ne doit pas être examinée d'office
lorsqu'elle joue au détriment du citoyen qui actionne l'Etat (ATF 111 Ib 269
consid. 3a/bb p. 277; 106 Ib 357 consid. 3a p. 364).

3.
3.1 Le demandeur n'a pas fondé son action sur la loi sur la responsabilité/VD
qui, comme on l'a vu plus haut, règle pourtant la réparation des dommages
causés par les agents de l'Etat illicitement dans l'exercice de leur fonction
publique cantonale. Le Tribunal fédéral a eu récemment l'occasion de préciser
que cette loi s'applique tant aux prétentions élevées contre l'Etat de Vaud
par un "tiers" lésé qu'à celles d'un "(ex-) fonctionnaire" lésé (arrêt du
Tribunal fédéral 2C.1/1999 du 12 septembre 2000, consid. 2c).
Le demandeur se place sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Il
soutient que, ayant été engagé par contrat de droit privé, il serait soumis à
un régime de droit privé, si bien que le droit civil privé serait applicable
tel quel. Il se plaint essentiellement d'une violation de l'art. 328 al. 1 CO
prévoyant, en substance, que l'employeur doit protéger et respecter, dans les
rapports de travail, la personnalité du travailleur, manifestant ainsi les
égards voulus pour sa santé. Selon l'art. 5 al. 1 et 2 StF/VD, les
engagements par contrat de droit privé sont effectivement soumis aux
dispositions du Code des obligations sur le contrat de travail.
Indépendamment du fait que la loi ecclésiastique 1965 ne renvoie de toute
manière pas à l'art. 5 StF/VD, le Tribunal fédéral - sans toutefois trancher
définitivement la question - a relevé que les rapports de service de toute
personne qui reçoit de l'Etat de Vaud un traitement pour exercer une fonction
étaient plutôt régis par le droit public; dès lors que le contrat
d'engagement renvoyait aux dispositions du Code des obligations, ce droit
s'appliquait non pas comme tel, mais par analogie, comme droit public
cantonal supplétif (arrêt du Tribunal fédéral 2C.1/1996 du 5 février 1998,
consid. 4a et les références citées). Dans une autre affaire, le Tribunal
fédéral a eu l'occasion de préciser que les pasteurs n'étaient pas des
fonctionnaires, mais qu'étant rémunérés par l'Etat, ils avaient un statut
analogue aux agents de la fonction publique (arrêt 2P.384/1995 du 4 juin
1996, consid. 2a). En l'occurrence, les divers contrats de droit privé qui
liaient le demandeur à l'Etat ne se référent d'ailleurs pas aux dispositions
du Code des obligations mais aux dispositions de droit public cantonal. Quoi
qu'il en soit, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement le point de
savoir si le demandeur est soumis à un régime de droit privé ou de droit
public. En effet, que le droit privé (art. 328 CO) s'applique en tant que tel
dans le cadre d'une action en dommages-intérêts contractuelle ou à titre de
droit public supplétif dans une action en dommages-intérêts délictuelle ne
change rien à l'issue du litige.

3.2  Sous l'angle de la loi sur la responsabilité/VD, il convient  d'examiner
si l'Etat de Vaud doit répondre du dommage subi par le demandeur, ce qui
présuppose en premier lieu l'existence d'un acte illicite commis par ses
agents. Cela revient à déterminer si ceux-ci ont  enfreint un devoir général,
soit une règle de comportement s'imposant à tout employeur telle que
consacrée par l'art. 328 CO (cf. aussi art. 5 LPers qui prévoit une règle
analogue). Les règles de comportement peuvent trouver leur source dans
l'ensemble de l'ordre juridique suisse, qu'il s'agisse du droit écrit ou non
écrit, privé ou public, fédéral ou cantonal (ATF 116 Ia 162 consid. 2c).

3.3  La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit
public cantonal de la responsabilité (cf. arrêt 4C.229/2000 précité, consid.
3a). Un comportement est illicite s'il est contraire à un devoir général,
soit parce qu'il porte atteinte à un droit absolu du lésé (telle la
personnalité), soit parce qu'il enfreint une injonction ou une interdiction
écrite ou non écrite de l'ordre légal destinée à protéger le bien
juridiquement atteint (ATF 123 II 577 consid. 4c et les arrêts cités).

4.
4.1 En l'occurrence, le comportement des deux pasteurs E.________ et
A.________, membres du groupe d'accompagnement, ne saurait être qualifié
d'illicite.
Il convient tout d'abord de relever que la mise sur pied de ce groupe
d'accompagnement en 1996 à l'instigation du Conseil synodal était justifiée
dans son principe, compte tenu des difficultés rencontrées auparavant par le
demandeur dans ses relations avec certains paroissiens de Genolier. Le
demandeur ne le conteste d'ailleurs pas. Ce groupe d'accompagnement avait
pour mandat de soutenir et d'aider le demandeur dans l'exercice de son
ministère dans la paroisse de Sainte-Croix d'une part et d'évaluer ses
compétences professionnelles en vue de décider d'un éventuel réengagement au
sein de l'EERV d'autre part. Selon le demandeur, cette double mission
comportait une ambiguïté, qui a contribué à l'aggravation du stress et de la
tension qu'il a éprouvés lors des entrevues avec le groupe d'accompagnement.
Mais, compte tenu de l'ensemble des circonstances, ce double mandat
apparaissait justifié et n'était en soi pas illicite. A cela s'ajoute qu'un
tel mandat a été défini par les membres du groupe d'accompagnement avec
l'accord - à tout le moins en présence - du demandeur. Celui-ci n'a en tout
cas pas protesté ni émis des réserves sur le double objectif que s'était fixé
le groupe d'accompagnement.
Le groupe d'accompagnement a tenu en tout et pour tout cinq séances en
présence du demandeur à raison d'une fois par mois environ.  Tous les témoins
s'accordent pour dire que le groupe a cherché à aider le demandeur à prendre
conscience des lacunes et des problèmes qu'il pouvait rencontrer dans
l'exercice de son ministère, notamment sur le plan relationnel avec ses
paroissiens. Ce sont surtout les deux dernières séances qui ont donné lieu à
des discussions serrées et même à des confrontations entre le demandeur et
les membres du groupe. A titre d'exemple, durant la séance du 4 décembre
1996, le demandeur, commentant un incident survenu dans la paroisse
d'Ormonts-Dessus à la suite d'un suicide, a exprimé l'opinion que le suicide
était inadmissible. Estimant que cette remarque ne tenait pas compte de la
souffrance des gens, le pasteur E.________  lui a reproché d'être "un suicidé
des sentiments". Le recourant a été fortement ébranlé par cette remarque.
Lors de la séance du 15 janvier 1997, le demandeur a eu l'impression qu'on
lui reprochait d'être incapable d'écouter, ce qui l'a affecté. Les propos qui
ont été tenus au cours de ces séances notamment par le pasteur E.________ ne
sont toutefois pas illicites, mais tout au plus maladroits. Les membres du
groupe d'accompagnement se sont comportés à l'égard du demandeur comme chacun
le ferait vis-à-vis d'un collègue qui a besoin d'un regard critique sur son
activité. Rien ne permet d'affirmer que les pasteurs en question - dont
E.________ qui avait été choisi par le demandeur lui-même - aient eu la
volonté d'écraser le demandeur ou de le harceler.
Il est vrai que le Dr B.________, psychiatre, qui suivait le demandeur
souffrant d'un état dépressif et anxieux depuis juin 1996, a pris contact
avec le pasteur A.________ à plusieurs reprises pour lui faire part de son
inquiétude quant à des dérapages du rôle du groupe d'accompagnement vers une
forme de "psychanalyse sauvage". Il a demandé que le groupe mette un terme à
cet "accompagnement" (soutien) qui était de nature à déstabiliser son patient
pour se consacrer exclusivement à l'évaluation des capacités professionnelles
de celui-ci.  C'est à la suite de la dernière séance du 15 janvier 1997,
après laquelle l'état de santé du demandeur s'était aggravé, que le Dr
B.________ l'a fait hospitaliser d'urgence. Les membres du groupe
d'accompagnement ont donc été avertis, au cours de leur mandat et au plus
tard en novembre 1996, du danger que pouvait représenter ces séances pour la
santé psychique du demandeur. Leur comportement ne saurait pour autant être
qualifié d'illicite. Le groupe d'accompagnement avait en effet pour but
d'aider le demandeur à résoudre les difficultés de travail et d'évaluer son
activité de pasteur. Le groupe n'avait pas - à supposer même qu'il en ait eu
les compétences - à se prononcer sur l'état de santé du demandeur, ni à
chercher à l'influencer, d'autant moins qu'il savait que celui-ci était pris
en charge par un psychiatre. Si le Dr B.________ estimait que son patient
n'était plus en mesure, vu l'évolution de son état anxio-dépressif
préexistant, de supporter les séances avec le groupe d'accompagnement, il
aurait dû lui conseiller d'interrompre les séances et, le cas échéant, lui
prescrire un arrêt de travail. Or il n'a pas jugé bon de le faire avant le 18
janvier 1997. Dans ces conditions, on ne saurait a fortiori reprocher au
groupe d'accompagnement de ne pas s'être rendu compte des conséquences que
pouvaient avoir ces séances sur la santé du demandeur. Les membres du groupe
d'accompagnement, en particulier les pasteurs A.________ et E.________, n'ont
ainsi pas violé le devoir général interdisant à tout employeur de porter
atteinte à la personnalité de l'employé, en ne manifestant pas les égards
voulus à sa santé tel que consacré par l'art. 328 CO.

4.2  En résumé, le comportement des membres du groupe d'accompagnement ne
constitue pas un acte illicite engageant la responsabilité délictuelle de
l'Etat de Vaud en vertu de l'art. 4 LREC/VD. En l'absence d'un acte illicite
- qui est l'une des conditions cumulatives de la responsabilité -, il n'est
pas nécessaire d'en examiner les autres conditions telle l'existence d'un
lien de causalité adéquate.

4.3  A cet égard, on peut simplement relever que si le lien de causalité
naturelle entre l'activité du groupe d'accompagnement et le préjudice subi
par le demandeur peut être retenu, le lien de causalité adéquate fait en
revanche défaut (sur cette notion, cf. ATF 129 II 312 consid. 3.3; 123 III
110 consid. 3a et les arrêts cités). A dire d'expert, la grave décompensation
dépressive et anxieuse survenue en janvier 1997 et qui a entraîné
l'invalidité totale du demandeur serait directement liée au déroulement et au
contenu des deux dernières séances du groupe d'accompagnement (expertise
F.________) ou du moins cette hypothèse peut tout à fait être retenue
(expertise G.________). L'existence d'un rapport de causalité adéquate doit
cependant être appréciée sous l'angle juridique; elle doit être tranchée par
le juge seul et non par les experts médicaux (cf. ATF 96 II 392 consid. 2 p.
397; 107 V 173 consid. 4b). Or, en l'espèce, il y a lieu de retenir que le
comportement des membres du groupe d'accompagnement n'était pas propre,
d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à
entraîner le résultat du genre de celui qui s'est produit chez le demandeur,
soit une grave dépression aboutissant à une incapacité totale de gain. La
Cour de céans a acquis la conviction qu'il est extrêmement peu probable
qu'une personne sans prédisposition constitutionnelle marquée eût réagi
pareillement si elle avait été placée dans la même situation que le
demandeur. A cet égard, on peut noter que le demandeur se trouvait déjà dans
un état anxio-dépressif avant le début des séances du groupe d'accompagnement
et qu'il était suivi pour ces troubles par le Dr B.________ depuis juin 1996
(cet état d'épuisement psychique remontait à un an et demi avant la
consultation). Les deux experts médicaux ont en outre fait état de
prédispositions liées au caractère du demandeur. L'expert F.________ relève
les aspects phobiques et obsessionnels de l'intéressé. Quant à l'expert
G.________, il observe chez le demandeur, qu'il qualifie "d'écorché vif",
l'existence d'une phobie sociale, sous la forme d'une hypersensibilité à la
critique et au rejet, doublée d'une timidité largement au-dessus de la
moyenne et d'un certain entêtement. On doit donc admettre que le demandeur
présentait une certaine "fragilité" aggravée par ses traits de caractère qui
préexistait à sa dépression de janvier 1997. L'activité du groupe n'aurait
pas eu sur une personne ne présentant pas une telle prédisposition les
conséquences qu'elle a eues sur le demandeur.  Dans ces circonstances, il est
vraisemblable que, même si le demandeur n'avait pas suivi les séances du
groupe, il aurait, tôt ou tard,  présenté une incapacité de travail totale.

5.
Vu ce qui précède, la présente demande doit être rejetée. Succombant, le
demandeur doit supporter les frais judiciaires comprenant l'émolument
judiciaire ainsi que les frais d'expertises et les indemnités de témoins
(art. 153 al. 1, 153a et 156 al. 1 OJ en relation avec l'art. 69 al. 1 PCF).
Le demandeur doit en outre verser à l'Etat de Vaud une indemnité à titre de
dépens (art. 159 OJ en relation avec l'art. 69 al. 1 PCF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
L'action du demandeur est rejetée.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr., ainsi que les frais des expertises et
des témoins par 5'099 fr. 10, sont mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera à l'Etat de Vaud une indemnité de 10'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties.

Lausanne, le 26 mars 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: