Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.804/1999
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1P.804/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        30 mars 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Jacot-Guillarmod et Favre.
Greffier: M. Thélin.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

P.________, représentée par Me Jacques Philippoz, avocat à
Leytron,

                           contre

la décision prise le 24 novembre 1999 par la Chambre pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais;

              (enquête pénale; refus de suivre)

              Considérant en fait et en droit:

   1.- A.________, né en 1952, est entré dans la police
cantonale valaisanne en 1975 et a atteint le grade de ser-
gent. Il s'est suicidé dans la nuit du 5 au 6 janvier 1999,
après avoir téléphoné à son supérieur direct, le lieutenant
G.________, pour lui annoncer sa volonté de mettre fin à ses
jours et lui en imputer la responsabilité. A sa demande, la
communication avait été écoutée et enregistrée par les agents
alors présents à la centrale d'intervention.

   A la suite de ces faits, le Juge d'instruction péna-
le du Valais central a ordonné une enquête préliminaire.
D'après les rapports et procès-verbaux d'audition qui ont été
établis, le suicide du sergent A.________ était la suite de
difficultés professionnelles: le lieutenant G.________ avait
exigé de son subordonné, pour le lendemain matin, un rapport
écrit au sujet d'un incident survenu le jour précédent; le
sergent A.________ redoutait cette procédure qui survenait
dans un contexte où ses prestations étaient étroitement
surveillées, en particulier après une sanction disciplinaire
(blâme) qui lui avait été infligée au mois d'octobre
précédent. Le 6 mai 1999, le Juge d'instruction a décidé de
clore cette enquête sans ouvrir d'instruction pénale.

   Sans succès, P.________, veuve du sergent
A.________, a contesté cette décision par la voie d'une
plainte au Tribunal cantonal, rejetée par décision du 24
novembre 1999.

   2.- Agissant par la voie du recours de droit public,
P.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce pronon-
cé. Elle met en doute l'impartialité des enquêteurs et sou-
tient que des investigations supplémentaires devraient être
accomplies.

   Invités à répondre, ni le lieutenant G.________, ni
les autorités intimées n'ont déposé d'observations.

   3.- a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88
OJ, celui qui se prétend lésé par une infraction n'a en prin-
cipe pas qualité pour former un recours de droit public con-
tre les ordonnances refusant d'inculper l'auteur présumé, ou
prononçant un classement ou un non-lieu en sa faveur. En
effet, l'action pénale appartient exclusivement à la collec-
tivité publique et, en règle générale, le plaignant n'a qu'un
simple intérêt de fait à obtenir que cette action soit effec-
tivement mise en oeuvre. Un intérêt juridiquement protégé,
propre à conférer la qualité pour recourir, est reconnu seu-
lement à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle,
sexuelle ou psychique, au sens de l'art. 2 de la loi fédérale
sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), à condition que
la décision de classement ou de non-lieu puisse avoir des
effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le
prévenu (ATF 121 IV 317 consid. 3 p. 323, 120 Ia 101 consid.
2f p. 109).

   En l'occurrence, d'après l'argumentation de la re-
courante, l'enquête pénale devrait mettre en évidence une
attitude de "mobbing" qui serait imputable, le cas échéant,
au lieutenant G.________ ou à d'autres cadres de la police,
constitutive d'une infraction dont la nature exacte n'est pas
précisée. Or, des prétentions civiles de la recourante, con-
tre ces fonctionnaires, sont d'emblée exclues et elles ne
sauraient donc être élevées dans le cadre de l'éventuel pro-
cès pénal. En effet, la responsabilité des fonctionnaires de
police est régie par le droit public cantonal qui, en Valais,
exclut toute action directe du lésé contre eux (art. 5 de la
loi cantonale sur la responsabilité des collectivités publi-
ques et de leurs agents). En pareil cas, ni la victime ni ses
proches désignés par l'art. 2 al. 2 LAVI n'ont qualité pour
exercer le pourvoi en nullité selon l'art. 270 al. 1 PPF (ATF

125 IV 161 consid. 2 et 3 p. 163); d'une façon générale, ces
personnes ne bénéficient pas de la garantie d'un droit de
recours qui est prévue, sous des conditions semblables à
celles de la disposition précitée, par l'art. 8 al. 1 let. c
LAVI, de sorte que, faute d'un intérêt juridiquement protégé,
elles n'ont en principe pas non plus qualité pour agir par la
voie du recours de droit public (arrêt de la Cour de cassa-
tion pénale du 17 décembre 1999 dans la cause B., consid. 1
et 2).

   b) Si le plaignant ou la plaignante ne procède pas à
titre de victime, ou si la décision qu'il conteste ne peut
pas avoir d'effets sur le jugement de ses prétentions civiles
contre le prévenu (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1b p. 187, 190
consid. 1 p. 191), ce plaideur n'a pas qualité pour recourir
sur le fond et peut seulement se plaindre, le cas échéant,
d'une violation de ses droits de partie à la procédure, quand
cette violation équivaut à un déni de justice formel (ATF 120
Ia 157 consid. 2; voir aussi ATF 121 IV 317 consid. 3b, 120
Ia 101 consid. 1a). Son droit d'invoquer des garanties procé-
durales ne lui permet toutefois pas de mettre en cause, même
de façon indirecte, le jugement au fond; son recours ne peut
donc pas porter sur des points indissociables de ce jugement
tels que, notamment, le refus d'administrer une preuve sur la
base d'une appréciation anticipée de celle-ci, ou le devoir
de l'autorité de motiver sa décision de façon suffisamment
détaillée (ATF 120 Ia 227 consid. 1, 119 Ib 305 consid. 3,
117 Ia 90 consid. 4a).

   4.- Au regard de ces principes, le recours formé en
l'espèce se révèle dans une très large mesure irrecevable,
faute de qualité pour recourir. En particulier, le Tribunal
fédéral n'a pas à examiner si l'enregistrement de la communi-
cation téléphonique, qui est apparu défectueux et n'a pas été
transcrit, aurait dû faire l'objet d'investigations supplé-
mentaires. De toute manière, les autorités intimées peuvent

retenir sans arbitraire que le contenu de cette communication
est suffisamment connu par la relation qu'en ont faite les
agents qui l'ont entendue entièrement; en effet, on ne dis-
cerne aucun indice permettant de soupçonner que des éléments
importants aient été dissimulés par eux. Pour le surplus,
c'est en vain que la recourante conteste l'impartialité des
actes d'enquête effectués par des inspecteurs de la police
judiciaire, en faisant seulement valoir que le lieutenant
G.________ a pris position pour contester catégoriquement
toute accusation de "mobbing" dans la police. Cette prise de
position est intervenue en réponse à une démarche d'une orga-
nisation syndicale; compte tenu de ce contexte, elle ne déno-
te aucune volonté d'influencer les enquêteurs.

   Vu les circonstances, un émolument judiciaire ré-
duit, de 500 fr., sera mis à la charge de la recourante.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Met un émolument judiciaire de 500 fr. à la char-
ge de la recourante.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, à G.________, au Juge d'instruction

pénale et au Ministère public du Valais central, ainsi qu'au
Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 30 mars 2000
THE/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,