Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.795/1999
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1P.795/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                   Séance du 29 mars 2000

Présidence de M. Aemisegger, Président de la Cour.
Présents: MM. les Juges Féraud, Jacot-Guillarmod, Catenazzi
et Favre.
Greffier: M. Zimmermann.

          Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève

                           contre

l'arrêt rendu le 22 novembre 1999 par la Cour de justice
du canton de Genève dans la cause opposant le recourant au
Procureur général du canton de Genève

                (procédure pénale cantonale)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 7 juin 1993, la Cour correc-
tionnelle du canton de Genève a reconnu X.________ coupable
d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de
discernement ou de résistance (art. 191 CP) et l'a condamné
pour ces faits à la peine de vingt mois d'emprisonnement,
sous déduction de douze mois de détention préventive. Elle a
ordonné que X.________ se soumette à une sociothérapie et à
une psychothérapie, l'exécution de la peine étant suspendue
pour autant que le condamné suive régulièrement ces traite-
ments. Le dossier de cette procédure, désignée sous la rubri-
que P/14351/91, contient trois rapports d'expertise psychia-
trique du condamné, datés des 14 août 1980, 4 octobre 1982 et
29 juin 1989, établis dans le cadre de procédures pénales an-
térieures, ainsi qu'un rapport d'expertise psychiatrique éta-
bli le 22 novembre 1991 par le Dr B.________, pour les be-
soins de la procédure P/14351/91.

   Le jugement du 7 juin 1993 est entré en force.

   B.- Le 13 décembre 1994, X.________ a, au volant de
son véhicule automobile, poursuivi un autre automobiliste qui
l'avait empêché de procéder à une manoeuvre, l'a immobilisé
et frappé à la tête avec une chaîne. A raison de ces faits,
le service cantonal compétent a, le 7 février 1995, retiré le
permis de conduire de X.________ pour une durée indéterminée
au motif que, sur le vu d'un certificat médical, il était
inapte à la conduite de véhicules à moteur. Cette décision a
été déclarée "exécutoire nonobstant recours". Par arrêt du 19
mars 1998, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit
administratif formé par X.________ contre l'arrêt rendu le 7

octobre 1997 par le Tribunal administratif du canton de
Genève, confirmant la décision du 7 février 1995 (procédure
2A.496/1997).

   C.- Les 14 août 1995, 7 octobre 1995, 18 avril 1996,
12 et 15 janvier 1997, X.________ aurait circulé au volant de
son véhicule automobile, malgré la mesure de retrait de son
permis. Le 15 mai 1995, il aurait, au volant de son véhicule
automobile, franchi une double ligne de sécurité et circulé à
contresens. Le 5 septembre 1995, il aurait circulé à un en-
droit interdit à la circulation. Le 25 novembre 1995, il
aurait violé ses devoirs en cas d'accident.

   Après avoir constaté que les faits qui seraient sur-
venus les 14 août, 5 septembre, 25 novembre et 7 octobre 1995
étaient prescrits, le Tribunal de police du canton de Genève
a, par jugement du 19 février 1998, reconnu X.________ coupa-
ble pour le surplus d'infractions aux art. 90 ch. 2 et 95 ch.
2 LCR. Il l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonne-
ment avec sursis pendant deux ans. Cette procédure a été dé-
signée sous la rubrique P/12122/94.

   Saisie d'un appel formé par X.________, la Cour de
justice du canton de Genève a, par arrêt du 25 mai 1998, con-
firmé le jugement du 19 février 1998.

   Par arrêt du 28 août 1998, le Tribunal fédéral a ad-
mis partiellement le pourvoi en nullité formé par X.________
contre l'arrêt du 25 mai 1998, qu'il a annulé en renvoyant la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision (procédu-
re 6S.425/1998). Le Tribunal fédéral a tenu l'infraction du
18 avril 1996 pour prescrite, la cour cantonale étant en ou-
tre invitée à compléter l'état de fait s'agissant des repré-
sentations subjectives du recourant lors des infractions des
12 et 15 janvier 1997 et à se prononcer à nouveau sur la
réalisation des conditions de l'art. 100 ch. 1 al. 1 LCR, mis

en relation avec l'art. 95 ch. 2 LCR (consid. 7 de l'arrêt du
28 août 1998).

   D.- Par "arrêt préparatoire" du 26 novembre 1998, la
Cour de justice a ordonné une expertise psychiatrique de
X.________, établie le 1er août 1999 par le Dr T.________.
Selon l'expert, X.________ souffrirait d'un trouble de la
personnalité grave, correspondant à une maladie mentale chro-
nique. Au moment d'agir, il ne possédait que partiellement la
capacité d'apprécier le caractère illicite de ses actes et de
se déterminer selon cette appréciation; une thérapie compor-
tementale ambulatoire était nécessaire. Au cours d'une au-
dience qu'a tenue la Cour de justice le 26 octobre 1999, en
présence de X.________, l'expert a considéré la responsabili-
té de celui-ci comme restreinte "à 50% sous toute réserve".

   Par arrêt du 22 novembre 1999, la Cour de justice,
après avoir ordonné "préparatoirement" l'apport du dossier de
la procédure P/14351/91, a confirmé le jugement du 19 février
1998 en tant qu'il avait reconnu X.________ coupable d'in-
fractions à l'art. 90 ch. 2 LCR, les infractions des 12 et 15
janvier 1997 étant en outre prescrites. La Cour de justice a
admis que la responsabilité de X.________ était restreinte et
l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement, avec un
délai d'épreuve de deux ans, le sursis étant subordonné à la
condition que le condamné se soumette à un traitement psy-
chiatrique (thérapie comportementale ambulatoire) avec le mé-
decin de son choix.

   E.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
22 novembre 1999. Il invoque la présomption d'innocence, son
droit d'être entendu et l'interdiction de la reformatio in
peius. Il requiert l'assistance judiciaire.

   La Cour de justice se réfère à son arrêt. Le Procu-
reur général s'en remet à justice.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recours est formé pour violation du droit
d'être entendu, arbitraire dans l'application du droit canto-
nal de procédure interdisant la reformatio in peius et viola-
tion de la présomption d'innocence. Ces griefs sont receva-
bles dans le cadre du recours de droit public (art. 84 al. 2
OJ et 269 al. 2 PPF; ATF 117 Ia 3 consid. 1b). Dans la mesure
où le recourant se prévaut, à l'appui de son grief tiré de
l'interdiction de la reformatio in peius, des art. 41 et 43
CP, il aurait dû agir par la voie du pourvoi en nullité (ATF
115 IV 87; 123 IV 1; 120 IV 1; 119 IV 309 consid. 8b p. 313-
315; 116 IV 101). Le recours de droit public est irrecevable
sur ce point (cf. consid. 3 ci-dessous); il ne peut être con-
verti en pourvoi en nullité, les délais de l'art. 272 PPF
n'étant pas respectés. Pour les mêmes raisons, est irreceva-
ble le grief tiré de la présomption d'innocence dans la me-
sure où le recourant semble, par ce biais, remettre en dis-
cussion la quotité de la peine infligée.

   2.- a) La portée du droit d'être entendu et les mo-
dalités de sa mise en oeuvre sont tout d'abord déterminées
par la législation cantonale, dont le Tribunal fédéral revoit
l'application sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 125
I 257 consid. 3a p. 259; 124 I 241 consid. 2 p. 242/243; 124
II 49 consid. 3a p. 51, et les arrêts cités). Il examine en
revanche librement si les garanties minimales consacrées par
le droit constitutionnel fédéral ont été respectées (ATF 125
I 257 consid. 3a p. 259; 124 I 241 consid. 2 p. 242/243; 124
II 49 consid. 3a p. 51, et les arrêts cités). Le droit d'être
entendu est de nature formelle; sa violation entraîne en

principe l'annulation de la décision attaquée, quel que soit
son sort au fond (ATF 124 V 180 consid. 4a p. 183 et les
arrêts cités).

   b) Les parties à une procédure judiciaire ou admi-
nistrative ont le droit d'être entendues (art. 29 al. 2
Cst.). Cela inclut le droit de s'expliquer avant qu'une déci-
sion ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir
accès au dossier, de participer à l'administration des preu-
ves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur
propos (cf., pour la jurisprudence rendue en application de
l'art. 4 de l'ancienne Constitution, ATF 124 I 49 consid. 3a
p. 51, 242 consid. 2 p. 242; 124 V 90, 180 consid. 1a p. 181,
372 consid. 3b, et les arrêts cités). L'autorité qui verse au
dossier de nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir
dans son jugement est tenue d'en aviser les parties (ATF 114
Ia 97 consid. 2c p. 100; 112 Ia 198 consid. 2a p. 202; 111 Ib
294 consid. 2b p. 299).

   c) Le recourant reproche à la Cour de justice
d'avoir statué après avoir ordonné l'apport du dossier de la
procédure P/14351/91, sans lui fournir l'occasion de se dé-
terminer préalablement à ce sujet. L'arrêt attaqué précise
que si la Cour de justice s'est volontairement abstenue d'in-
terpeller le recourant, c'est parce que celui-ci avait lui-
même produit le jugement du 7 juin 1993 comme pièce jointe à
son appel et qu'il avait été partie à la procédure
P/14351/91.

   Cette appréciation n'est pas compatible avec les
exigences du droit d'être entendu. La Cour de justice a pris
en compte, dans son appréciation de la responsabilité du re-
courant, les expertises des 14 août 1980, 4 octobre 1982, 29
juin 1989 et 22 novembre 1991, confortant, selon elle, le
rapport du Dr T.________. En cela, la Cour de justice a re-

connu à ces pièces tirées du dossier P/14351/91 un caractère
déterminant pour sa décision, ce qui lui imposait, pour sau-
vegarder le droit d'être entendu du recourant, de recueillir
son avis à ce propos avant de statuer. Il apparaît de sur-
croît que les expertises antérieures ne corroborent pas celle
du Dr T.________, car elles concluaient à ce que le recourant
n'était pas, à l'époque, atteint d'une maladie mentale; s'il
souffrait d'un développement mental incomplet, sa capacité
d'apprécier le caractère illicite de ses actes n'était que
légèrement diminuée. Un traitement psychothérapeutique ambu-
latoire pouvait être souhaitable, sans qu'un internement ne
soit nécessaire. Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu la
Cour de justice, les expertises en question, se rapportant à
des époques éloignées de la vie du recourant, n'étaient pas
harmonieuses entre elles. Cela commandait d'autant plus d'of-
frir au recourant la possibilité de s'exprimer à leur propos.
La Cour de justice ne pouvait en outre se fonder sur le fait
que le recourant avait lui-même évoqué le jugement du 7 juin
1993 dans sa détermination pour en conclure qu'il avait ipso
facto acquiescé à toutes les pièces contenues dans le dossier
de la procédure P/14351/91. En omettant d'inviter le recou-
rant à se déterminer sur l'apport de cette procédure et sur
le contenu des expertises qu'elle contenait, la Cour de jus-
tice a violé le droit d'être entendu du recourant.

    d) Cela n'entraîne pas pour autant l'admission du
recours sur ce point et l'annulation de l'arrêt attaqué.
Celui-ci se fonde, pour admettre la nécessité d'une thérapie
ambulatoire du recourant, sur un autre élément d'apprécia-
tion, lequel n'est pas contesté par le recourant. La Cour de
justice a en effet pris en compte le procès-verbal de l'audi-
tion par le Tribunal tutélaire, le 1er septembre 1999, du Dr
M.________, médecin-traitant du recourant. Selon cette pièce,
produite devant la Cour de justice par le recourant, celui-
ci, dépressif, devrait être pris en charge par un psychiatre
habilité à lui prescrire un traitement médicamenteux complé-

mentaire. Le recourant ayant assisté à cette audience, en
présence de son défenseur, la Cour de justice pouvait consi-
dérer qu'il connaissait ce témoignage et pouvait en apprécier
la portée pour l'issue de la cause, sans qu'il ne soit de
surcroit nécessaire de l'inviter à se prononcer formellement
à ce sujet. L'arrêt attaqué se fondant ainsi sur un autre
élément que le recourant a eu la faculté de remettre en dis-
cussion, son droit d'être entendu n'a pas été violé sous cet
aspect décisif.

   3.- Le recourant reproche à la Cour de justice
d'avoir violé arbitrairement l'art. 246 al. 2 CPP gen., à te-
neur duquel la cour ne peut, sur le seul appel du condamné,
aggraver le sort de l'appelant. Sur ce point, le recours est
recevable dans la mesure limitée où le recourant ne met pas
en discussion l'application des art. 41 et 43 CP (consid. 1
ci-dessus).

   Il est constant que seul le recourant ayant formé un
appel contre le jugement du 19 février 1998, l'art. 246 al. 2
CPP gen. s'appliquait en l'espèce. En première instance can-
tonale, le Tribunal de police a condamné le recourant à la
peine de deux mois d'emprisonnement avec un délai d'épreuve
de deux ans. Le recourant ne conteste pas que l'arrêt atta-
qué, le condamnant à la peine d'un mois d'emprisonnement avec
un délai d'épreuve de deux ans, lui est plus favorable. Il
estime toutefois que le fait de subordonner le sursis à un
traitement ambulatoire thérapeutique aggraverait sa situation
par rapport au jugement antérieur, lequel n'avait pas fait
dépendre l'octroi du sursis de mesures de sûretés.

   Outre que le prononcé d'une telle mesure n'est pas
en soi incompatible avec le principe de l'interdiction de la
reformatio in peius (ATF 123 IV 1 consid. 4c p. 8; arrêt ren-
du le 10 août 1999 dans la cause 6S.418/1999, cité par le re-
courant), il est douteux que le fait de réduire la peine pro-

noncée en première instance tout en suspendant l'exécution de
celle-ci pour les besoins d'un traitement ambulatoire au sens
de l'art. 43 ch. 1 in fine CP puisse constituer une aggrava-
tion de la peine, prohibée par l'art. 246 al. 2 CPP gen. A
cela s'ajoute que le recourant suit, depuis 1991 au moins, un
traitement lié à son état de santé psychique et que dans ce
cadre, il lui a été prescrit des médicaments contre la dé-
pression dont il souffre. On ne voit donc pas en quoi, de ma-
nière concrète, l'arrêt attaqué aurait pour effet de limiter
la liberté personnelle du recourant par rapport à sa situa-
tion actuelle. Sans doute encourt-il, pour le cas où il ne
suivrait pas régulièrement le traitement médical ambulatoire
auquel il sera soumis, le risque de voir rapportée la mesure
de sûreté dont il est l'objet et révoqué le sursis accordé à
l'exécution de la peine. Le recourant ne saurait toutefois
tirer de l'art. 246 al. 2 CPP gen. l'obligation pour la Cour
de justice soit de maintenir, soit de réduire la peine pro-
noncée en première instance, à l'exclusion de toute mesure
justifiant de surseoir à l'exécution de la peine, elle-même
réduite dans sa quotité.

   4.- Le recourant reproche à la Cour de justice
d'avoir violé la présomption d'innocence garantie par les
art. 6 par. 2 CEDH et 4 de la Constitution genevoise.

   a) La présomption d'innocence n'interdit pas seule-
ment à l'autorité de prononcer un verdict de condamnation
lorsque la culpabilité de l'accusé ne repose pas sur une ap-
préciation objective des preuves recueillies, mais aussi, à
toute autorité ayant à connaître de l'affaire à un titre
quelconque, de désigner une personne coupable d'un délit,
sans réserve et sans nuance, incitant ainsi l'opinion publi-
que à tenir la culpabilité pour acquise et préjugeant de
l'appréciation des faits par l'autorité appelée à statuer au
fond (ATF 124 I 327 consid. 3b p. 331, se référant sur ce
point à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

du 10 février 1995 dans la cause Allenet de Ribemont c.
France, Série A, vol. 308, par. 35-41; cf. aussi, désormais,
l'art. 32 al. 1 Cst.). La présomption d'innocence est aussi
méconnue lorsque, sans établissement préalable de la culpabi-
lité du prévenu et, notamment, sans que ce dernier ait eu
l'occasion d'exercer ses droits de défense, une décision ju-
diciaire le concernant reflète le sentiment qu'il est coupa-
ble, même en l'absence de constat formel (ATF 124 I 327
consid. 3b p. 331, se référant à l'arrêt de la Cour euro-
péenne des droits de l'homme du 25 mars 1983 dans la cause
Minelli c. Suisse, Série A, vol. 62, par. 137). L'art. 4 de
la Constitution genevoise, à teneur duquel toute personne ac-
cusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce
que sa culpabilité ait été légalement établie, n'a pas de
portée propre à cet égard.

   b) Dans un premier moyen, le recourant reproche à la
Cour de justice d'avoir, dans son arrêt du 25 mai 1998, fixé
la quotité de la peine en tenant compte, dans une certaine
mesure, des infractions reprochées au recourant, bien que
celles-ci étaient prescrites, comme la Cour de justice
l'avait d'ailleurs reconnu elle-même.

   Ce grief doit être écarté, le Tribunal fédéral
ayant, le 28 août 1998, annulé l'arrêt du 25 mai 1998. L'ar-
rêt du 22 novembre 1999 constitue le seul objet de la présen-
te procédure.

   c) Dans un deuxième moyen, le recourant reproche à
la Cour de justice d'avoir, dans l'état de fait de l'arrêt du
22 novembre 1999, indiqué comme consommées les infractions
que le recourant aurait commises les 14 août 1995, 5 septem-
bre 1995, 25 novembre 1995, 7 octobre 1995, 18 avril 1996,
12 et 15 janvier 1997 (paragraphe B let. c à g de l'état de
fait). Même si, dans la suite de l'arrêt, la Cour de justice
avait considéré ces infractions comme prescrites, on ne pou-

vait exclure, selon le recourant, qu'elle ait néanmoins pris
en compte, dans la fixation de la peine, ces infractions
qu'elle aurait tenues implicitement pour commises.

   aa) Toute autorité judiciaire - de la juridiction de
première instance jusqu'au Tribunal fédéral - doit vouer à la
rédaction de ses décisions et de ses arrêts le soin et l'at-
tention particuliers que requiert cette tâche délicate. Elle
doit notamment éviter toute formulation contradictoire ou ma-
ladroite qui pourrait nuire à la clarté de l'exposé des faits
sur lequel s'appuie son raisonnement juridique. Son arrêt
doit être rédigé de manière à écarter le moindre doute qui
pourrait surgir dans l'esprit du justiciable quant aux motifs
qui ont conduit ses juges à trancher comme ils l'ont fait.
Dans l'exposé des faits décisifs pour la solution de la cau-
se, le rédacteur doit soigneusement distinguer ce qui peut
être considéré comme établi des éléments dont la réalisation,
contestée, constitue l'objet du litige. Lorsque le tribunal
est appelé à examiner le bien-fondé d'une accusation pénale
contestée par l'accusé, l'état de fait de l'arrêt doit rela-
ter de manière neutre les charges à raison desquelles l'accu-
sé a été renvoyé en jugement, le point de savoir si les in-
fractions reprochées ont été effectivement commises devant
être tranché sur le vu des considérations juridiques retenues
par le tribunal. L'état de fait de l'arrêt ne doit pas, en
raison de sa rédaction, éveiller l'impression que le tribunal
tient déjà pour établi un fait contesté par l'accusé présumé
innocent.

   bb) Sous cet aspect précis, l'arrêt attaqué n'est
pas irréprochable.

   Si le paragraphe B de la partie de l'arrêt consacrée
aux faits de la cause expose de manière neutre les événements
qui seraient survenus les 14 août 1994 (let. a) et 15 mai
1995 (let. b), impliquant le recourant, l'arrêt attaqué re-

late en revanche les faits mentionnés sous les lettres c à g
de cette partie de l'état de fait d'une manière telle que le
lecteur peut éprouver l'impression que la Cour de justice les
a d'emblée tenus pour établis. Ce sentiment est éveillé no-
tamment par l'utilisation de tournures à l'indicatif ("a cir-
culé" et "a violé"), qui sont, dans la langue courante, la
marque de constats et non d'hypothèses.

   On ne peut toutefois sur ce point adresser d'autre
critique à la Cour de justice que celle d'avoir rédigé cette
partie de l'état de fait de manière malheureuse. Pour se con-
vaincre que la Cour de justice n'a pas violé la présomption
d'innocence à cet égard, il suffit de se reporter au début du
considérant 2 de la partie "en droit" de l'arrêt. Dans ce
passage, la Cour de justice indique que "compte tenu des
prescriptions acquises à ce jour, seules demeurent retenues à
l'encontre de l'appelant les infractions reprises dans la
partie du présent arrêt consacrée aux faits sous lettre B a)
et b) (art. 90 ch. 2 LCR)". Sur le vu de ce considérant dont
le sens est univoque, on ne saurait soupçonner la Cour de
justice d'avoir pris en compte, dans sa décision, les faits
relatés au paragraphe B, lettres c à g de l'état de fait de
l'arrêt attaqué. Considéré dans son ensemble, et notamment à
la lumière de son considérant 2, celui-ci dissipe les doutes
qu'aurait pu éveiller la première lecture de son état de
fait.

   5.- Le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est recevable. Les conditions de l'assistance judiciaire sont
remplies (art. 152 OJ). Il convient de statuer sans frais, de
désigner Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, comme avo-
cat d'office du recourant et allouer à Me Garbade une indem-
nité de 2000 fr. à titre d'honoraires.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Admet la demande d'assistance judiciaire.

   3. Désigne Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
comme avocat d'office du recourant; alloue à Me Garbade une
indemnité de 2000 fr. à titre d'honoraires.

   4. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général et à la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 mars 2000
ZIR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,