Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.778/1999
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1P.778/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        10 mars 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

la société anonyme D.________, représentée par Me Etienne
Soltermann, avocat à Genève,

                           contre

l'ordonnance rendue le 26 octobre 1999 par la Chambre d'accu-
sation du canton de Genève, dans la cause qui oppose la re-
courante à M.________, représenté par Me Marc Bonnant, avocat
à Genève, à la Banque A.________, représentée par Mes Charles
Poncet et Bernard Ziegler, avocats à Genève, et au Procureur
général du canton de Genève;

        (procédure pénale; ordonnance de classement)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 15 décembre 1998, la société anonyme
D.________ a déposé plainte pénale contre son ancien admi-
nistrateur, M.________, et divers consorts pour escroquerie,
abus de confiance et gestion déloyale.

   Par ordonnance du 20 avril 1999, le Procureur géné-
ral du canton de Genève a classé cette plainte pour des mo-
tifs d'opportunité et d'économie de procédure.

   Statuant le 26 octobre 1999, la Chambre d'accusation
du canton de Genève (ci-après, la Chambre d'accusation) a
rejeté un recours formé contre cette décision par la plai-
gnante.

   B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la société anonyme D.________ demande au Tribunal fédéral
d'annuler cette ordonnance et de renvoyer la cause à l'auto-
rité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants. Elle reproche à cette dernière d'avoir violé
son droit à un procès équitable et son droit d'être entendue,
tels qu'ils sont garantis par les art. 6 § 1 CEDH et 4 aCst.,
et d'avoir appliqué de manière arbitraire le droit cantonal
de procédure en admettant l'intervention de la Banque
A.________ à la procédure en qualité de partie.

   La Chambre d'accusation se réfère aux considérants
de sa décision. La Banque A.________ conclut principalement à
l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet dans
la mesure où il est recevable. Le Procureur général et
M.________ proposent de rejeter le recours.

          C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t  :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125
I 412 consid. 1a p. 414; 125 II 497 consid. 1a p. 499; 125
III 461 consid. 2 p. 463 et la jurisprudence citée).

   a) Seule la voie du recours de droit public est ou-
verte en l'occurrence pour se plaindre de la violation du
droit d'être entendu découlant de l'art. 4 aCst. et du droit
à un procès équitable consacré à l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 120
IV 113 consid. 1a p. 114) ou pour invoquer l'application ar-
bitraire du droit cantonal, dans la mesure où la recourante
ne prétend pas que la décision attaquée reviendrait à violer
le droit fédéral (cf. ATF 119 IV 92 consid. 3b p. 101).

   b) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ,
le plaideur qui intervient dans le procès pénal, notamment à
titre de lésé, n'a en principe pas qualité pour former un re-
cours de droit public contre les ordonnances refusant d'in-
culper l'auteur présumé d'une infraction, ou prononçant un
classement ou un non-lieu en sa faveur, car l'action pénale
appartient exclusivement à la collectivité publique (ATF 121
IV 317 consid. 3b p. 324 et les arrêts cités). En règle géné-
rale, l'intervenant n'a qu'un simple intérêt de fait à obte-
nir que cette action soit effectivement mise en oeuvre; un
intérêt juridiquement protégé n'est reconnu qu'à la victime
d'une atteinte à l'intégrité physique, sexuelle ou psychique,
selon les art. 2 al. 1 et 8 de la loi fédérale sur l'aide aux
victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5). Le plaignant ou
l'intervenant qui ne répond pas à cette définition n'a dès
lors pas qualité pour recourir sur le fond; il peut seulement
se plaindre, le cas échéant, d'une violation de ses droits de
partie à la procédure que lui reconnaît le droit cantonal de
procédure ou qui découlent directement de dispositions cons-

titutionnelles ou conventionnelles telles que celles des art.
4 aCst. et 6 CEDH, lorsque cette violation équivaut à un déni
de justice formel (ATF 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les
arrêts cités; cf. ATF 125 II 86 consid. 3b p. 94).

   En l'occurrence, la recourante n'a manifestement pas
qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI et ne peut
contester au fond le classement en opportunité de sa plainte;
en revanche, elle peut se plaindre de la violation de ses
droits de partie, équivalant à un déni de justice formel.

   2.- La recourante reproche à la Chambre d'accusation
d'avoir violé son droit d'être entendue et son droit à un
procès équitable, tels qu'ils sont garantis aux art. 4 aCst.
et 6 § 1 CEDH, et d'avoir appliqué de manière arbitraire
l'art. 23 du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.) en
admettant la Banque A.________ à participer à la procédure en
qualité de partie.

   Il est douteux que ces dispositions confèrent au
plaignant, en tant que partie à la procédure de recours can-
tonale (cf. art. 191 al. 1 let. a CPP gen.), un droit juridi-
quement protégé au sens de l'art. 88 OJ à s'opposer à ce
qu'un tiers participe à la procédure de recours devant la
Chambre d'accusation sans y être partie et prenne des conclu-
sions. Cette question peut cependant demeurer indécise car à
supposer qu'un tel droit existe, il n'a pas été violé en
l'occurrence.

   L'ordonnance de classement n'a en effet été communi-
quée qu'à la recourante. Seul le Procureur général a reçu une
copie du recours formé contre cette décision par la société
D.________ et a été invité à présenter des observations. La
Chambre d'accusation n'a par ailleurs cité que la recourante
à l'audience d'appel de causes du 12 mai 1999. La Banque
A.________ n'a pas été convoquée; elle se serait toutefois

présentée spontanément à cette audience en demandant à pou-
voir consulter le dossier de la procédure afin de se détermi-
ner sur l'opportunité de plaider. Il ne ressort pas du dos-
sier que la Chambre d'accusation aurait fait droit à cette
requête, de sorte que le Tribunal fédéral ne saurait tenir ce
fait, au demeurant contesté par l'intimée, pour établi. Il
est en revanche admis que cette dernière a assisté à l'au-
dience de plaidoirie du 19 mai 1999. L'état de fait, non
contesté, de la décision attaquée ne précise pas qu'à cette
occasion, elle aurait plaidé, pris des conclusions sur le re-
cours formé par la plaignante ou exercé d'autres droits inhé-
rents aux parties. Il n'est dès lors pas établi que la Banque
A.________ aurait été admise en qualité de partie à la pro-
cédure. On ne saurait tirer pareille conséquence du seul fait
que la Banque A.________ est mentionnée comme "intimée" et
"recourante" dans l'ordonnance attaquée et qu'un exemplaire
de celle-ci lui a été communiqué. Enfin, à supposer même que
l'intimée se soit exprimée à l'audience de plaidoirie, cela
ne suffirait pas encore à retenir que la recourante aurait
été privée de la garantie d'un procès équitable au sens de
l'art. 6 § 1 CEDH, dans la mesure où l'autorité intimée n'en
tire aucune conséquence dans sa motivation.

   3.- Le recours doit ainsi être rejeté, dans la me-
sure où il est recevable, aux frais de la recourante qui suc-
combe (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Cette dernière verse-
ra en outre une indemnité de dépens à la Banque A.________
qui obtient gain de cause avec l'assistance d'avocats (art.
159 al. 1 OJ); il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des
dépens à M.________ qui s'est borné à conclure au rejet du
recours en se référant aux considérants de la décision atta-
quée.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

   2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de la recourante;

   3. Dit que la recourante versera une indemnité de
1'000 fr. à la Banque A.________, à titre de dépens;

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Procureur général et à la Chambre
d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 10 mars 2000
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,