Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.762/1999
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1P.762/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       3 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Jacot-Guillarmod. Greffière: Mme Camprubi.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

G.________, représenté par Me Jean Studer, avocat à
Neuchâtel,

                           contre

l'arrêt rendu le 5 novembre 1999 par le Tribunal administra-
tif du canton de Neuchâtel, dans la cause opposant le recou-
rant au Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel;

             (résiliation, droit d'être entendu)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par décision du 25 août 1999, le Conseil d'Etat
du canton de Neuchâtel a ordonné à G.________, responsable du
service du contentieux de la Caisse cantonale neuchâteloise
de compensation (CCNC), la cessation immédiate de toute acti-
vité et résilié ses rapports de service avec effet au 30 no-
vembre 1999. G.________ a interjeté recours devant le Tribu-
nal administratif du canton de Neuchâtel, qui l'a débouté le
5 novembre 1999.

   B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
G.________ invoque la violation de son droit d'être entendu
et demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif. Le Conseil d'Etat et le Tribunal administratif
concluent au rejet du recours.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité du recours de droit public (ATF 125 I 14
consid. 2a p. 16, 253 consid. 1a p. 254, 412 consid. 1a p.
414 et les arrêts cités).

   Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, seul
a qualité pour agir celui qui est atteint par l'acte attaqué
dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés, ga-
rantis par une règle de droit fédéral ou cantonal ou direc-
tement par un droit fondamental spécifique. Selon la juris-
prudence, l'interdiction générale de l'arbitraire découlant
de l'art. 4 de l'ancienne Constitution fédérale (aCst.) ne
confère pas à elle seule la légitimation exigée par l'art. 88

OJ; le recourant doit encore se trouver dans la sphère de
protection des normes dont il se prévaut (ATF 123 I 41 con-
sid. 5b p. 42; 122 I 44 consid. 2b p. 45 s et 3b/bb p. 47;
121 I 267 consid. 2 p. 268 s; cf. aussi ATF 125 II 86 consid.
3a p. 93 s). A défaut de qualité sur le fond, le recourant
peut se plaindre de la violation de garanties de procédure
équivalant à un déni de justice formel. Dans un tel cas,
l'intérêt juridiquement protégé exigé par l'art. 88 OJ décou-
le non pas du droit de fond, mais du droit de participer à la
procédure tel qu'il est reconnu par le droit cantonal ou, di-
rectement, par la Constitution. Un tel droit existe lorsque
le recourant avait qualité de partie en procédure cantonale
(ATF 125 II 86 consid. 3b p. 94; 123 I 25 consid. 1 p. 26 s;
122 I 267 consid. 1b p. 270; 121 I 218 consid. 4a p. 223 et
les arrêts cités).

   Le recourant avait qualité de partie en procédure
cantonale, et il invoque son droit d'être entendu. Selon la
jurisprudence portant sur l'art. 4 aCst., il aurait donc qua-
lité pour agir. Il n'y a pas lieu de s'interroger sur le
maintien de cette jurisprudence après l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2000, de la nouvelle Constitution fédérale du 18
avril 1999 (Cst.).

   Les autres conditions posées à la recevabilité du
recours de droit public sont également satisfaites.

   2.- Le recourant invoque son droit d'être entendu.
Il se plaint de ne pas avoir pu participer suffisamment à
l'enquête qui a abouti à la résiliation de ses rapports de
service. En outre, on ne lui aurait pas fait part clairement
des faits et omissions reprochés, de sorte qu'il n'aurait pas
pu se défendre correctement. Enfin, les instances cantonales
auraient rejeté arbitrairement les témoignages sollicités.

   a) La portée du droit d'être entendu et les modali-
tés de sa mise en oeuvre sont tout d'abord déterminées par la
législation cantonale, dont le Tribunal fédéral revoit l'ap-
plication sous l'angle restreint de l'arbitraire. Il examine
en revanche librement si les garanties minimales consacrées
par le droit constitutionnel fédéral ont été respectées (pour
l'art. 4 aCst.: ATF 125 I 257 consid. 3a p. 259; 124 I 49
consid. 3a p. 51, 241 consid. 2 i.f. p. 242 s et les arrêts
cités). Les normes du droit cantonal invoquées ici par le re-
courant (art. 21 de la loi neuchâteloise sur la procédure et
la juridiction administratives [LPJA; RSN 152.130] et art. 47
de la loi neuchâteloise sur le statut de la fonction publique
du 28 juin 1995 [LSt./NE]) n'ont pas de portée propre (pour
l'art. 21 LPJA: Robert Schaer, Juridiction administrative
neuchâteloise, Neuchâtel 1995, p. 96). C'est donc à la lu-
mière des garanties minimales de droit fédéral qu'il convient
d'examiner ce recours, et ce en se fondant sur la jurispru-
dence concernant l'art. 4 aCst., la nouvelle Constitution
n'ayant pas amené de changements à cet égard (cf. art. 29 al.
1 et 2 Cst.; Bull. Off. CN 1998, Réforme de la Constitution
fédérale, p. 234; Bull. Off. CE 1998, Réforme de la Consti-
tution fédérale, p. 50 s.).

   b) Le droit d'être entendu comprend le droit de
s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détri-
ment, de fournir des preuves quant aux faits pertinents,
d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration
des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à
leur propos (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51; 123 I 63 consid.
2a p. 66: 123 II 175 consid. 6c p. 183 s; 122 I 109 consid.
2a p. 112; 122 II 274 consid. 6b p. 286 et les arrêts cités).
A ce droit du justiciable de prendre part à la procédure cor-
respondent certains devoirs de prestation des autorités (cf.
ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162). Ainsi, celles-ci doivent
accueillir les preuves produites, se déterminer sur les
conclusions déposées, ou encore motiver leurs arrêts et

jugements (cf. par ex. ATF 124 II 146 consid. 2a p. 149; 121
I 306 consid. 3b p. 308). Le droit de faire administrer des
preuves n'empêche pas cependant le juge de procéder à une
appréciation anticipée des preuves offertes, s'il a la cer-
titude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion
(ATF 122 II 464 consid. 4 p. 469; 120 Ib 224 consid. 2b p.
229). Le refus d'administration de preuves ne viole le droit
d'être entendu du recourant que si l'appréciation à laquelle
l'autorité a ainsi procédé apparaît entachée d'arbitraire
(ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1d p. 162
et les arrêts cités).

   3.- a) Que l'enquête menée au sein de la CCNC ait
spécialement visé à éclaircir le comportement du recourant ou
non, son droit de participation à la procédure a été respec-
té. Le Tribunal administratif a constaté qu'après un incident
survenu pendant l'apéritif de Noël de la CCNC en décembre
1998, le chef du Département de l'économie publique (DEP) a
confié le dossier à son secrétaire général. Celui-ci a ren-
contré l'apprentie qui s'était plainte du comportement du re-
courant durant ledit apéritif. Suite à la critique plus géné-
rale de cette dernière, confirmée par le directeur adjoint de
la CCNC, le chef du DEP a étendu l'investigation à l'ensemble
du service du contentieux. Le 3 et le 10 février 1999, divers
employées et employés de ce service, dont le recourant, ont
été interrogés. Le recourant, qui jusque-là n'avait pas pu
participer à l'enquête, en eut l'occasion par la suite: le 29
mars 1999, après avoir pris sa déposition, la direction de la
CCNC envoya au recourant le dossier complet et un résumé des
entretiens menés par le secrétaire général, en lui accordant
un délai de dix jours pour adresser - si nécessaire avec
l'aide d'un mandataire - des observations écrites. Le recou-
rant eut de plus l'occasion d'assister aux dépositions du 12
mai 1999.

   Le droit d'être entendu n'accorde pas de prérogati-
ves plus étendues. L'auteur cité par le recourant (André
Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol.
I, p. 385) déduit du droit d'être entendu celui d'assister à
l'audition des (de tous les) témoins. On ne saurait cependant
y voir une règle absolue. Ainsi, Pierre Moor n'évoque pour sa
part que le droit de l'intéressé de s'exprimer sur les moyens
et les preuves invoqués par l'autorité, à l'administration
desquelles il pourra assister ou sur lesquelles il pourra se
déterminer (Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, Berne
1991, p. 188; cf. aussi Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwal-
tungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème
éd., Zurich 1998, n. 29 et 129 ss). Cela n'implique pas le
droit à une confrontation directe. Le recourant ne fait pas
valoir de circonstances particulières rendant sa présence aux
auditions indispensable à sa défense. En outre, sur le vu des
pièces du dossier, rien ne permet d'affirmer que les autori-
tés cantonales aient délibérément cherché à recueillir les
divers témoignages à l'insu du recourant. A ce stade de l'en-
quête, on ne saurait reprocher aux instances cantonales de ne
pas avoir accordé au recourant une position privilégiée. En-
fin, sous réserve des témoignages sollicités (cf. consid. 3c
infra), le recourant ne se plaint pas de ce que les instances
cantonales n'auraient pas pris connaissance ou pas tenu comp-
te de ses observations; le droit d'être entendu lui a été ac-
cordé à temps, avant la résiliation des rapports de service.

   b) Comme le fait valoir le recourant, la lettre du
22 mars 1999 ne contenait pas de liste détaillée des faits ou
omissions reprochés. Cependant, elle renvoyait aux "faits re-
levés dans les différents procès-verbaux" ainsi qu'au compor-
tement reconnu par le recourant lors de son interrogatoire du
22 mars 1999, et indiquait que ces faits entraînaient une
rupture des rapports de confiance. S'étant vu remettre le
dossier complet, le recourant ne saurait prétendre ne pas
avoir été clairement mis au courant de ce qu'on lui repro-

chait et de ne pas avoir été à même de se défendre correcte-
ment. Ce d'autant moins que les divers comportements relatés
ne laissaient aucun doute quant à leur caractère déplacé.

   Ce résultat est également compatible avec l'art. 47
LSt./NE, selon lequel, avant de prendre sa décision, l'auto-
rité de nomination entend l'intéressé en lui indiquant les
faits ou omissions qui lui sont reprochés.

    c) Enfin, le rejet par les autorités cantonales des
témoignages sollicités n'est pas arbitraire. Le recourant ne
spécifie pas en quoi les déclarations des personnes en ques-
tion, et en particulier de B.________ qui ne put être audi-
tionné pour des raisons médicales, seraient susceptibles de
contredire ou de compléter les témoignages recueillis par le
secrétaire général. Sur la demande du recourant, il a tout de
même été procédé à l'audition de trois personnes, dont une
n'a pas parlé en sa faveur et dont deux ont exposé ne pas
avoir eu de problèmes avec le recourant. Ces dernières n'ont
cependant pas apporté d'éléments susceptibles de jeter une
autre lumière sur les déclarations déjà recueillies. Dans ces
circonstances, les instances cantonales pouvaient renoncer
aux autres auditions sollicitées sans violer le droit à la
preuve du recourant.

   4.- Sur le vu de ce qui précède, le recours doit
être rejeté. Le recourant, qui succombe, sera condamné à un
émolument judiciaire de 3'000 fr. (art. 156 al. 1 en relation
avec les art. 153 et 153a OJ). Il ne sera pas attribué de dé-
pens (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1.- Rejette le recours.

   2.- Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

   3.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Conseil d'Etat ainsi qu'au Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 3 février 2000
CAM/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,