Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.749/1999
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1P.749/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       7 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Pierre-Albert Luyet, avocat à
Sion,

                           contre

le jugement rendu le 11 mars 1999 par le Tribunal du IIIe
arrondissement pour le district de Martigny, dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton du
Valais;

        (procédure pénale; appréciation des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 8 juin 1998, sur opposition à
une ordonnance pénale, le Juge suppléant des districts de
Martigny et de Monthey a condamné M.________ à dix jours
d'emprisonnement et à 2500 fr. d'amende pour conduite en état
d'ivresse et tentative de soustraction à une prise de sang.
Ce jugement retient que M.________, arrêté vers 4 heures le
matin du 13 mars 1997 sur l'autoroute à Martigny, avait refu-
sé de se soumettre au contrôle de l'éthylomètre, puis à une
prise de sang. Après avoir été entendu par le Juge d'instruc-
tion, il s'était soumis à une prise de sang à 9 heures 45,
qui avait révélé un taux d'alcool de 0,43 g 0/00. Il avait
déclaré avoir cessé de boire vers 3 heures du matin. Selon
les rapports de police des 14 mars et 3 avril 1997 (corri-
geant sur ce point le procès-verbal du premier interrogatoire
et celui de la saisie provisoire du permis de conduire),
l'heure de l'interpellation était 3 heures 40 et non 4 heures
10 comme le prétendait M.________; le calcul rétrospectif in-
diquait, pour ce moment, une alcoolémie de 0,91 g 0/00 au mi-
nimum. Le sursis a été refusé, et le délai d'épreuve relatif
à une précédente condamnation a été prolongé d'un an.

   B.- Par jugement du 11 mars 1999, le Tribunal du
IIIe arrondissement pour le district de Martigny a rejeté
l'appel formé par M.________. En fait, le tribunal a retenu
que l'heure d'interpellation était bien 3 heures 40, l'heure
indiquée sur les premiers rapports étant erronée. Le taux
d'alcool estimé était bien de 0,91 g 0/00, ce que confirmait
l'attitude du conducteur au moment de son arrestation.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
M.________ demande au Tribunal fédéral l'annulation de ce
dernier jugement. Il a par la suite demandé l'effet suspen-
sif, qui lui a été accordé.

   Le Tribunal a renoncé à répondre. Le Ministère pu-
blic du Bas-Valais conclut au rejet du recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recours est formé en temps utile contre un
arrêt final rendu en dernière instance cantonale. Le recou-
rant a qualité pour agir (art. 88 OJ).

   2.- Le recourant se plaint d'une violation de son
droit d'être entendu, grief d'ordre formel qu'il y a lieu
d'examiner en premier. Il reproche à la police de ne pas
l'avoir informé de la correction apportée sur les rapports
initiaux et sur son permis de conduire, à propos de l'heure
de son interpellation. Le rapport de conduite sous l'in-
fluence de l'alcool, du 3 avril 1997, indique en effet que
l'heure d'interpellation figurant sur les formulaires pré-
cédents est erronée, M.________ ayant été interpellé à 3
heures 40.

   a) Le droit constitutionnel d'être entendu (art. 4
aCst., 29 al. 2 Cst.; le recourant n'invoque aucune dispo-
sition du droit cantonal de procédure) comprend notamment le
droit de consulter le dossier (ATF 125 I 257 consid. 3b p.
260), de participer à l'administration des preuves et de se
déterminer, avant le prononcé de la décision, sur les faits
pertinents (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51).

   b) En l'espèce, ce droit a été respecté car, si le
recourant n'a pas été entendu avant la modification mention-
née dans le rapport de police du 3 avril 1997, il a eu con-
naissance de ce rapport et a pu par la suite s'exprimer,
devant les juridictions cantonales, sur l'heure de son arres-
tation. L'instruction, à laquelle il a pu participer, a lar-
gement porté sur cette question, et le recourant ne soutient
pas qu'une offre de preuve faite à ce propos aurait été écar-

tée à tort. Le grief est par conséquent manifestement mal
fondé.

   3.- Le recourant se plaint d'une violation de la
présomption d'innocence. Les juridictions seraient tombées
dans l'arbitraire en retenant que l'heure de son interpella-
tion aurait été 3 heures 40. Les policiers entendus comme
témoins s'étaient contentés d'une estimation, n'ayant pas
contrôlé l'heure au moment de l'interpellation. Les gendarmes
Dumoulin et Léger avaient spontanément et sans concertation
indiqué 4 heures 10 dans trois documents différents. Le chan-
gement apporté après-coup par le Sergent R.________ serait
fondé sur une estimation du temps écoulé entre l'interception
et l'arrivée sur les lieux du premier interrogatoire à
Charrat. Pour sa part, le recourant avait toujours déclaré
avoir pris le volant vers 4 heures. Il soupçonne que l'avan-
cement de l'heure de son arrestation ait eu pour seul but
d'obtenir une estimation du taux d'alcool supérieure à
0,8 g 0/00.

    a) Consacré à l'art. 6 par. 2 CEDH, le principe de
la présomption d'innocence n'exige pas que l'administration
des preuves aboutisse à une certitude de culpabilité absolue,
mais simplement que l'autorité de jugement renonce à condam-
ner lorsqu'il subsiste un doute sérieux quant à la réalisa-
tion des conditions objectives et subjectives de l'infrac-
tion. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
ne revoit la constatation des faits et l'appréciation des
preuves que sous l'angle de l'arbitraire; il n'intervient que
si l'appréciation des preuves est manifestement insoutenable,
soit qu'elle se trouve en contradiction avec la situation ef-
fective telle qu'elle ressort clairement du dossier et des
débats, soit qu'elle résulte d'une inadvertance manifeste ou
qu'elle fasse fi de circonstances objectives et dûment éta-
blies qui auraient dû susciter un doute sérieux quant à la
culpabilité du condamné. L'art. 32 al. 1 Cst. (entré en vi-

gueur le 1er janvier 2000), qui consacre spécifiquement la
présomption d'innocence, ne fait que reprendre les principes
posés dans ce domaine par la jurisprudence (FF 1997 1ss, 188-
189). L'art. 139 ch. 3 CPP val., qui consacre la libre appré-
ciation des preuves, n'offre pas de garantie supplémentaire.

   b) Pour l'essentiel, le recourant reprend l'argumen-
tation figurant dans son mémoire d'appel. Un tel procédé
n'est pas recevable sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ. De toute manière, supposé recevable, le grief relatif à
la présomption d'innocence apparaît manifestement mal fondé.

   c) On peut certes s'étonner de la modification ap-
portée après-coup au sujet de l'heure de l'interpellation du
recourant. Il n'en demeure pas moins que les explications
fournies par les policiers à ce sujet sont cohérentes. L'heu-
re indiquée à l'origine se rapportait à l'arrivée dans les
bureaux de Charrat. Compte tenu des événements précédents
(interception du recourant, questions à celui-ci, présenta-
tion des permis, vérification du coffre, stationnement du
véhicule de M.________ devant le Restoroute de Martigny et
déplacement au poste), dont la durée a été estimée à une
demi-heure, le moment de l'interpellation a été situé vers 3
h 40. Les trois agents entendus ont présenté les mêmes expli-
cations; ils n'ont pas caché qu'une telle rectification était
rare. Cela étant, la version retenue par les juridictions pé-
nales ne se trouve en contradiction flagrante avec aucun élé-
ment du dossier. Cela suffit pour lui dénier tout caractère
arbitraire.

   4.- Le recours de droit public doit par conséquent
être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Un émolument
judiciaire est mis à la charge du recourant, qui succombe
(art. 156 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours.

   2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 3000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton du Valais
et au Tribunal du IIIe arrondissement pour le district de
Martigny.

Lausanne, le 7 février 2000
KUR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,