Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.692/1999
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1999
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1999


1P.692/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       5 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Jacot-Guillarmod et Favre. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

F.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 1er novembre 1999 par la Chambre d'accusa-
tion du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, dans la
cause qui oppose le recourant au Ministère public du canton
de  N e u c h â t e l ;

  (art. 4 Cst.: irrecevabilité d'un recours cantonal déposé
            par télécopieur; formalisme excessif)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 6 septembre 1999, F.________ a déposé plainte
pénale contre Corinne Favre pour abus de confiance, escroque-
rie et gestion fautive. Par ordonnance du 4 octobre 1999, no-
tifiée le 8 octobre 1999, le Ministère public du canton de
Neuchâtel a classé cette plainte pour motifs de droit.

   F.________ a recouru contre cette décision auprès de
la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel (ci-après, la Chambre d'accusation) par acte daté
du 18 octobre 1999, adressé le même jour par téléfax au
greffe du tribunal et notifié le lendemain par poste sous pli
recommandé.

   Statuant par arrêt du 1er novembre 1999, la Chambre
d'accusation a considéré que le recours, posté le 19 octobre
1999, n'avait pas été formé dans le délai de dix jours prévu
par l'art. 236 du Code de procédure pénale neuchâtelois (CPP
neuch.) et l'a déclaré irrecevable pour tardiveté, après
avoir relevé que le recours, adressé le 18 octobre 1999 au
moyen d'un télécopieur, n'avait pas valablement été déposé en
se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral parue aux
ATF 121 II 252, dont il faisait sienne la motivation.

   B.- Par acte du 12 novembre 1999, F.________ a formé
un recours de droit public contre cet arrêt qui consacrerait,
selon lui, un formalisme excessif prohibé par l'art. 4 Cst.
Il requiert l'assistance judiciaire.

   La Chambre d'accusation se réfère à son arrêt. Le
Ministère public conclut au rejet du recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué qui déclare son recours irrecevable parce que
tardif. Il a qualité pour recourir, au regard de l'art. 88
OJ, indépendamment de sa vocation pour agir au fond (ATF 121
II 171 consid. 1 p. 173 et les arrêts cités). Les conclusions
qui vont au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué
sont irrecevables (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107; 125 II 86
consid. 5a p. 96; 124 I 327 consid. 4a p. 332 et les référen-
ces citées). Il en va de même des développements consacrés au
bien-fondé matériel de la plainte pénale, qui sont exorbi-
tants de l'objet du litige. Sous ces réserves, il y a lieu
d'entrer en matière sur le recours qui répond au surplus aux
exigences des art. 84 ss OJ.

   2.- Le recourant reproche à la Chambre d'accusation
d'avoir fait preuve d'un formalisme excessif en déclarant son
recours tardif et, partant, irrecevable alors qu'il l'avait
adressé par télécopieur le dernier jour du délai de recours.

   a) Selon la jurisprudence, il y a formalisme exces-
sif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par
l'art. 4 Cst., lorsque la stricte application des règles de
procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protec-
tion, devient une fin en soi et complique de manière insou-
tenable la réalisation du droit matériel ou entrave de ma-
nière inadmissible l'accès aux tribunaux. L'excès de forma-
lisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée
au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction
qui lui est attachée. Le Tribunal fédéral examine librement
ce grief. En tant qu'il sanctionne un comportement répréhen-
sible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable,
l'interdiction du formalisme excessif poursuit le même but
que le principe de la bonne foi, déduit de l'art. 4 Cst. A

cet égard, il commande à l'autorité d'éviter de sanctionner
par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément recon-
naissables qui auraient pu être redressés à temps, lors-
qu'elle pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler
utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170 et les
arrêts cités).

   b) En l'espèce, il n'est pas contesté que l'acte de
recours a été posté un jour après l'échéance du délai de dix
jours prévu à cet effet par l'art. 236 CPP neuch. L'autorité
intimée a par ailleurs considéré que le recours adressé le
dernier jour du délai au moyen d'un télécopieur n'avait pas
valablement été déposé; elle s'est référée à un arrêt rendu
le 13 juillet 1995 par le Tribunal fédéral, paru aux ATF 121
II 252, qui dénie la validité d'un recours administratif ou
d'un recours de droit administratif déposé par télécopieur en
raison des risques d'abus liés au défaut de signature origi-
nale.

   Les cantons ne sont certes pas liés par la solution
adoptée en droit fédéral pour l'interprétation de leurs pro-
pres dispositions de procédure. Toutefois, une autorité can-
tonale qui, dans des circonstances similaires, déclarerait un
recours irrecevable, ne fait pas preuve d'arbitraire ou de
formalisme excessif (cf. en ce sens, arrêt non publié du 22
juillet 1993 dans la cause S.-F. contre C. SA, mentionné dans
l'arrêt paru aux ATF 121 II 252). Le recourant prétend néan-
moins que le droit cantonal de procédure n'exigerait pas que
l'acte de recours soit muni de la signature originale de son
auteur, de sorte qu'un recours adressé par télécopieur à la
Chambre d'accusation répondrait aux exigences de l'art. 237
CPP neuch. pour autant qu'il ait été formé dans le délai im-
parti à l'art. 236 CPP neuch.

   Cette dernière disposition prévoit que le dépôt du
recours doit être effectué dans les dix jours à compter de

celui où le recourant a eu connaissance du fait ou de la dé-
cision qui fait l'objet du recours. Selon l'art. 237 CPP
neuch., le recours doit être adressé au président de la Cham-
bre d'accusation en deux exemplaires; les détenus peuvent le
remettre au geôlier, qui doit le faire parvenir immédiatement
à ce magistrat. L'art. 83 CPP neuch. précise par ailleurs que
les délais fixés par la loi sont réputés observés lorsque
l'acte pour lequel ils ont été prescrits a été consigné à un
bureau des postes suisses, le dernier jour utile, avant mi-
nuit. Il ressort ainsi de ces dispositions que l'acte de re-
cours doit être communiqué par écrit pour être valablement
déposé. Or l'exigence de la forme écrite implique nécessaire-
ment celle d'une signature manuscrite (cf. ATF 112 Ia 173).
L'autorité intimée n'est dès lors pas tombée dans l'arbitrai-
re en considérant que les conditions de fait et de droit
étaient similaires à celles qui prévalaient dans l'arrêt paru
aux ATF 121 II 252 et n'a pas fait preuve d'un formalisme ex-
cessif en appliquant la solution retenue en droit fédéral
pour le dépôt des actes judiciaires.

   Les autres arguments du recourant ne sont pas de
nature à remettre en cause cette appréciation. Il importe en
effet peu qu'une convention d'élection de for ou une conven-
tion d'arbitrage puisse être valablement passée au moyen d'un
télécopieur selon les art. 5 al. 1 et 178 de la loi fédérale
sur le droit international privé, voire que la forme écrite
selon l'art. 13 CO soit respectée, selon la doctrine, par un
échange de télécopies dans les relations entre parties (cf.
Schmidlin, Berner Kommentar, Das Obligationenrecht, n. 32 ad
art. 13 CO; Schwenzer, in: Honsell/Vogt/Wiegand, Obligatio-
nenrecht I, Bâle 1992, n. 14 ad art. 13 CO. Pour les télex,
cf. ATF 112 II 326 consid. 3a p. 328/329; 111 Ib 253 consid.
5 p. 255. En matière de compromis arbitral, cf. Lalive/Pou-
dret/Reymond, Le droit de l'arbitrage, Lausanne 1989, n. 6.1
ad art. 6 CA). Le Tribunal fédéral a en effet considéré que
ces assouplissements, répondant à la pratique et aux besoins

du commerce interne ou international, ne sauraient être, en
l'état tout au moins, étendus au dépôt des actes judiciaires
(cf. ATF 121 II 252 consid. 3 in fine p. 355). De même, il
est indifférent que la Commission européenne des droits de
l'homme puisse, dans certains cas d'urgence, être valablement
saisie par téléfax, car l'enregistrement formel de la requête
n'a lieu qu'après le dépôt du formulaire que le requérant est
invité à remplir dans un délai de deux mois (cf. Ronny
Abraham, Article 25, in: Petiti/Decaux/Imbert, La Convention
européenne des droits de l'homme, Paris 1995, p. 589; voir
aujourd'hui l'art. 34 CEDH, dans la version revisée par le
protocole no 11, ainsi que l'art. 47 du règlement de la Cour,
publié dans RUDH 1998, p. 358 ss, p. 364/365; pour l'essen-
tiel, les conditions formelles d'introduction d'une requête
devant la Cour sont les mêmes que celles qui prévalaient de-
vant la Commission, cf. Mark E. Villiger, Das 11. Zusatz-
protokoll in der Praxis - Neuerungen für Partaien und Anwälte
und Anwältinnen, SZIER/RSDIE 1999, p. 79 ss, p. 90, ch. 5a).
On ne voit par ailleurs pas en quoi le refus d'admettre la
validité d'un recours adressé par télécopieur serait en con-
tradiction avec le droit de l'accusé de disposer du temps
nécessaire à la préparation de sa défense consacré à l'art. 6
§ 3 let. b CEDH. Lorsque le recourant invoque cette disposi-
tion en sa qualité de plaignant, il lui suffit d'établir, par
témoins, avoir déposé son recours dans une boîte aux lettres
le dernier jour du délai imparti avant minuit, pour que
celui-ci soit valable. On ne saurait enfin reprocher à l'au-
torité intimée d'être restée passive, car le vice consistant
dans l'absence de signature n'a pu être décelé suffisamment
tôt pour que le recourant puisse être invité à corriger l'ir-
régularité dans le délai légal (cf. ATF 125 I 166 consid. 3a
p. 170; 111 Ia 170).

   3.- Le recours doit par conséquent être rejeté, dans
la mesure où il est recevable. Celui-ci étant d'emblée dénué
de toute chance de succès, il y a lieu de rejeter la demande

d'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ) et de mettre un
émolument judiciaire à la charge du recourant qui succombe
(art. 156 al. 1, 153 al. 1 et 153a OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

   2. Rejette la demande d'assistance judiciaire;

   3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 1'000 fr.;

   4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 5 janvier 2000
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,