Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.652/1999
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1P.652/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       11 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

C.________, représenté par Me Pascal Junod, avocat à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 27 septembre 1999 par la Chambre pénale de
la Cour de justice du canton de Genève, dans la cause qui
oppose le recourant à A.________ et au Procureur général du
canton de Genève;

        (procédure pénale; appréciation des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 21 avril 1999, le Tribunal de
police du canton de Genève a condamné C.________ à 15 jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour lésions
corporelles simples avec usage d'un objet dangereux. Le 22
juillet 1998, peu après une altercation à propos d'une place
de stationnement, C.________ aurait agressé A.________ avec
un spray lacrymogène, alors que celui-ci se trouvait au vo-
lant de son véhicule, arrêté à un feu rouge; C.________
aurait ensuite pris la fuite, bien que se déplaçant avec une
canne. Le Tribunal a écarté le témoignage de l'épouse du pré-
venu, selon laquelle il aurait quitté les lieux de l'alterca-
tion avec sa famille. C.________ pouvait disposer d'un spray
lacrymogène dans son matériel d'agent de sécurité, et son
geste s'expliquait par la dispute avec A.________. Les droits
de ce dernier, victime de lésions à l'oeil, ont été réservés.

   B.- Par arrêt du 27 septembre 1999, la Chambre péna-
le de la Cour de justice de Genève a confirmé ce jugement.
C.________ reconnaissait s'être emporté contre A.________ peu
avant les faits, et ses explications quant à la suite des
événements avaient varié. Il prétendait se déplacer avec deux
cannes, mais cela était contredit par le dossier médical. Mê-
me si le spray lacrymogène ne faisait pas partie de l'équipe-
ment des agents de sécurité, on en trouvait en vente libre en
France. La version présentée par le plaignant était claire et
constante et on ne voyait pas pour quelle raison un quidam,
se déplaçant avec une canne, aurait agressé un inconnu en
pleine ville.

   C.- C.________ forme un recours de droit public con-
tre cet arrêt. Il en demande l'annulation, et le renvoi de la
cause à la Chambre pénale, pour nouvelle décision au sens des
considérants, avec suite de frais et dépens.

   La Chambre pénale se réfère aux considérants de son
arrêt. Le Procureur général conclut au rejet du recours.
A.________ demande la confirmation de l'arrêt attaqué.

   Le recourant a par la suite requis l'assistance ju-
diciaire.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le recours est formé en temps utile contre un
arrêt final rendu en dernière instance cantonale. Le recou-
rant a qualité pour agir (art. 88 OJ). Il ne peut toutefois
requérir que l'annulation de l'arrêt attaqué, à l'exclusion
de toute mesure positive; la conclusion tendant au renvoi de
la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants
est dès lors irrecevable.

   2.- Le recourant invoque le principe de la présomp-
tion d'innocence. Il conteste avoir varié dans ses explica-
tions: après l'altercation, il serait rentré chez lui, s'ar-
rêtant en chemin à la banque et dans un café. L'usage de deux
cannes au moment des faits - attesté par son épouse, selon
laquelle il se déplaçait avec une canne lorsqu'il avait un
autre moyen d'appui, sinon avec deux - ne serait en rien
contredit par le dossier: le médecin avait revu son précédent
diagnostic le lendemain des faits et préconisé à nouveau
l'usage des deux cannes. Contrairement à ce qu'affirme la
cour cantonale, les déclarations du plaignant ne seraient ni
claires ni constantes, notamment à propos du moment où il a
relevé le numéro d'immatriculation de son véhicule. Le plai-
gnant prétendait aussi que C.________ avait été poursuivi par
des agents de police avant de reprendre son véhicule, mais il
n'y aurait aucune trace d'une telle intervention, d'ailleurs
incongrue compte tenu des difficultés de déplacement du re-
courant. La Chambre pénale aurait enfin relevé qu'il n'y

avait pas de témoin des faits, alors qu'à ce moment les lieux
étaient particulièrement fréquentés.

   a) Consacré à l'art. 6 par. 2 CEDH, le principe de
la présomption d'innocence n'exige pas que l'administration
des preuves aboutisse à une certitude de culpabilité absolue,
mais simplement que l'autorité de jugement renonce à condam-
ner lorsqu'il subsiste un doute sérieux quant à la réalisa-
tion des conditions objectives et subjectives de l'infrac-
tion. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
ne revoit la constatation des faits et l'appréciation des
preuves que sous l'angle de l'arbitraire; il n'intervient que
si l'appréciation des preuves est manifestement insoutenable,
soit qu'elle se trouve en contradiction avec la situation ef-
fective telle qu'elle ressort clairement du dossier et des
débats, soit qu'elle résulte d'une inadvertance manifeste ou
qu'elle fasse fi de circonstances objectives et dûment éta-
blies qui auraient dû susciter un doute sérieux quant à la
culpabilité du condamné.

   L'art. 32 al. 1 Cst. (entré en vigueur le 1er jan-
vier 2000), qui consacre spécifiquement la présomption d'in-
nocence, ne fait que reprendre les principes posés dans ce
domaine par la jurisprudence (FF 1997 1ss, 188-189). L'art. 9
Cst. (4 aCst.), seul invoqué par le recourant, n'a pas de
portée propre dans ce contexte.

   b) En l'espèce, le recourant se contente d'une argu-
mentation appellatoire, irrecevable dans le cadre du recours
de droit public. De toute manière, les incertitudes relevées
par le recourant sur certains points (le moment où A.________
a relevé le numéro d'immatriculation du véhicule du recou-
rant, la ou les cannes utilisées par celui-ci, sa fuite après
les faits) ne rendent pas pour autant arbitraire le prononcé
de condamnation. La cour cantonale a en effet pour l'essen-
tiel fondé sa conviction sur le fait que le recourant avait

admis avoir eu une altercation avec A.________ peu avant
l'agression, et que le plaignant avait reconnu son agresseur
en la personne du recourant. Elle pouvait ainsi considérer
que le recourant, après son altercation avec A.________,
avait décidé de se venger de ce dernier au moment où, au vo-
lant de son véhicule, il ne pourrait pas résister ni profiter
d'une meilleure motricité. Cette appréciation apparaît plau-
sible, et ne se trouve contredite par aucun élément du dos-
sier.

   3.- Manifestement mal fondé, le recours de droit pu-
blic doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Cette issue était d'emblée prévisible, de sorte que l'assis-
tance judiciaire ne peut être accordée au recourant. Toute-
fois, ce refus n'ayant pas fait l'objet d'une décision préa-
lable, il se justifie exceptionnellement de ne pas percevoir
d'émolument judiciaire. L'intimé A.________, qui obtient gain
de cause, n'a pas procédé avec l'aide d'un mandataire. Il n'y
a pas lieu de lui allouer des dépens.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

   3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens.

   4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Procureur général et à la Cour de justice du canton de
Genève.

Lausanne, le 11 janvier 2000
KUR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,