Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.575/1999
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1P.575/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         8 mars 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Jomini.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

l'hoirie X.________, soit A.________, B.________, C.________,
D.________, E.________ et F.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 20 août 1999 par la Cour de droit public du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui
oppose les recourants à la Commune de Sierre, représentée par
Me Philippe Pont, avocat à Sierre, et au Conseil d'Etat du
canton du Valais;

                (plan d'affectation communal)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  X.________ était, jusqu'à son décès le 13 mai
1999, propriétaire de la parcelle n° 1842 du cadastre de la
commune de Sierre, au lieu-dit "Pradec". Ce bien-fonds, de
forme allongée et d'une surface de 2'111 m2, est planté en
vigne et il s'étend entre la rampe de Pradec (voie piétonne,
escaliers Jean-Daetwyler) et la tranchée du chemin de fer
SMC, le long du flanc sud-est de la colline sur laquelle est
érigé un monument historique de la ville de Sierre, le
Château Mercier.

   Le 12 septembre 1979, le Conseil d'Etat du canton du
Valais a homologué le règlement des constructions (RCC 1979)
que la commune de Sierre avait adopté le 13 mars 1977. Comme
la parcelle n° 1842 avait alors été classée dans la zone de
paysage sensible, cette réglementation permettait la
construction de maisons d'habitation individuelles, avec un
indice d'utilisation du sol de 0,15 (art. 94 RCC 1979).

   B.-  La commune de Sierre a mis à l'enquête publi-
que, en juin 1995, un projet de révision du plan d'affecta-
tion local. Il prévoit le classement de la parcelle n° 1842
dans la zone de protection du paysage qui entoure le Château
Mercier; sont notamment interdites dans cette zone les
constructions susceptibles d'entraîner une modification sen-
sible du caractère et de l'aspect général du paysage (art.
120 du nouveau RCC).

   X.________ s'est opposé à ce projet en demandant que
sa parcelle demeurât classée en zone de paysage sensible. Le
conseil municipal de Sierre a écarté cette opposition le 16
janvier 1996; le conseil général de cette commune a adopté le
19 juin 1996 la zone de protection du paysage telle qu'elle
avait été mise à l'enquête publique.

   X.________ a formé un recours administratif auprès
du Conseil d'Etat, en demandant l'annulation de la décision
du conseil général de Sierre. Le Conseil d'Etat a rejeté ce
recours par prononcé du 28 octobre 1998, en considérant en
particulier que la vigne litigieuse faisait partie intégrante
du site du Château Mercier, à sauvegarder pour sa grande
qualité paysagère. L'organe d'instruction des recours admi-
nistratifs, le Service juridique des affaires intérieures,
avait auparavant procédé à une inspection locale.

   C.-  X.________ a recouru contre la décision du
Conseil d'Etat auprès du Tribunal cantonal, en persistant à
demander le maintien de sa parcelle dans une zone à bâtir de
paysage sensible, avec un indice d'utilisation du sol de
0,15.

   Au décès de X.________, ses héritiers ont déclaré au
Tribunal cantonal qu'ils lui succédaient dans cette procé-
dure. Ils ont alors été considérés, ensemble, comme la partie
recourante.

   La Cour de droit public du Tribunal cantonal a
statué sur le recours par un arrêt rendu le 20 août 1999;
elle l'a, pour l'essentiel, rejeté (la décision du Conseil
d'Etat a été partiellement réformée quant au montant des
frais perçus par cette autorité). Après avoir estimé inutile
une inspection locale, la Cour cantonale a considéré en
substance que la commune de Sierre avait pour but d'adapter
sa planification aux exigences de la loi fédérale sur l'amé-
nagement du territoire et que ces règles justifiaient le
non classement de la parcelle litigieuse dans la zone à
bâtir, compte tenu des capacités disponibles sur le terri-
toire communal et des motifs de protection des sites et du
paysage.

   D.-  Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, les membres de l'hoirie X.________ demandent au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par le Tribunal
cantonal et de lui renvoyer l'affaire afin qu'il prenne une
nouvelle décision après une visite des lieux et une pesée
complète des intérêts en présence. Ils se plaignent d'une
violation de la garantie de la propriété (art. 22ter aCst.),
le déclassement de leur parcelle représentant pour eux une
atteinte disproportionnée; ils font aussi valoir que la dé-
cision attaquée est arbitraire, dans ses constatations de
fait, dans sa motivation et à propos du refus de procéder à
une inspection locale. Les recourants requièrent au demeurant
une inspection locale par une délégation du Tribunal fédéral.

   La commune de Sierre conclut au rejet du recours.

   Le Conseil d'Etat et la Cour de droit public du
Tribunal cantonal ont renoncé à se déterminer.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.-  Il n'y a pas lieu de procéder à l'inspection
locale requise par les recourants, leurs griefs pouvant être
examinés sur la base du dossier (cf. ATF 123 II 248 consid.
2a; 122 II 274 consid. 1d p. 279).

   2.-  Les recourants se plaignent à la fois d'une
violation de la garantie de la propriété et d'arbitraire. Ils
critiquent les constatations de fait du Tribunal cantonal
quant à la nature ou à la situation de leur parcelle, en fai-
sant valoir qu'une inspection locale eût dû être organisée
par cette juridiction. La méconnaissance de faits détermi-
nants - la position de la parcelle au sein d'une aggloméra-
tion largement bâtie, l'existence d'une séparation entre

cette vigne et le site du Château Mercier, l'absence de ca-
ractéristiques spécifiques de ce terrain - aurait ainsi em-
pêché le Tribunal cantonal de procéder à une pesée correcte
des intérêts en jeu; en conséquence, il aurait admis une me-
sure de planification disproportionnée en tant que, contrai-
rement à la réglementation précédente, elle prive les pro-
priétaires de toute possibilité de construire.

   a)  Une mesure d'aménagement du territoire, telle
qu'une interdiction de construire en raison du classement
dans une zone à protéger, représente une restriction au droit
de propriété; elle n'est compatible avec la garantie consti-
tutionnelle de la propriété - l'art. 22ter de la Constitution
fédérale du 29 mai 1874 (aCst.) est déterminant en l'occur-
rence, le Tribunal fédéral étant appelé à contrôler un arrêt
rendu avant l'entrée en vigueur de la Constitution fédérale
du 18 avril 1999 (Cst.) - que pour autant qu'elle repose sur
une base légale, qu'elle soit justifiée par un intérêt public
suffisant et que, en vertu du principe de la proportionnali-
té, elle n'aille pas au-delà de ce qu'exige cet intérêt pu-
blic (cf. ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141; 121 I 117 consid.
3b p. 120; 120 Ia 227 consid. 2c p. 232 et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, seule est dénoncée, en relation avec
l'art. 22ter aCst., une violation du principe de la propor-
tionnalité.

   Le Tribunal fédéral examine librement si l'intérêt
public invoqué est assez important pour prévaloir sur les
intérêts opposés, et si les restrictions respectent le prin-
cipe de la proportionnalité. Mais il fait preuve de retenue
dans l'examen de questions qui relèvent de la pure apprécia-
tion ou des circonstances locales, qu'un gouvernement ou un
Tribunal cantonal est censé mieux connaître que lui (ATF 125
II 86 consid. 6 p. 98 et les arrêts cités). Le Tribunal fédé-
ral n'est pas l'autorité supérieure de planification et il
n'a pas à substituer son appréciation à celle des autorités

cantonales. Il doit néanmoins examiner - dans le cadre des
griefs soulevés (art. 90 al. 1 let. b  OJ) - si la décision
attaquée se prononce de façon complète sur les motifs d'in-
térêt public invoqués pour justifier l'atteinte au droit de
propriété et si, dans la pesée des intérêts, les intérêts
privés ont été pris en considération de manière adéquate (cf.
ATF 120 Ia 270 consid. 3b p. 275; 118 Ia 384 consid. 4b p.
388, 394 consid. 2b p. 397 et les arrêts cités). Le grief
d'arbitraire dans la détermination et la pesée des intérêts
en jeu n'a pas de portée indépendante (cf. notamment ATF 118
Ia 384 consid. 4b p. 388).

   b)  Le Tribunal cantonal a relevé que les réserves
dans les zones à bâtir du nouveau plan d'aménagement local
étaient suffisantes pour faire face aux besoins futurs de la
construction. Il a ainsi, implicitement, considéré qu'une
extension de la zone à bâtir sur la parcelle des recourants
ne se justifiait pas au regard de l'art. 15 let. b de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Cet
argument n'est pas contesté. Le Tribunal cantonal a par
ailleurs exclu un classement sur la base de l'art. 15 let. a
LAT, qui dispose que les zones à bâtir comprennent les ter-
rains propres à la construction qui sont déjà largement bâ-
tis: il a considéré que l'application de cette norme était
sans pertinence ("irrelevante") car d'autres motifs, liés à
la protection des sites et du paysage, expliquent l'inclusion
de la parcelle litigieuse dans une zone non constructible. En
d'autres termes, la zone litigieuse est une zone à protéger
au sens de l'art. 17 LAT.

   c) aa)  Les recourants font valoir que leur parcelle
n'a rien d'exceptionnel du point de vue paysager, s'agissant
d'une vigne pas particulièrement belle. Or ce n'est pas, se-
lon l'arrêt attaqué, pour ses caractéristiques propres que la
parcelle a été incluse dans la zone de protection du paysage,

mais bien parce qu'elle fait partie d'un site plus vaste,
soit de l'espace entourant le Château Mercier.

   Les recourants ne nient pas que l'on puisse recon-
naître au site du Château Mercier une certaine qualité pay-
sagère; ils prétendent toutefois que cela resterait à démon-
trer. Or, il leur appartenait, s'ils voulaient contester ef-
ficacement les caractéristiques et la valeur de ce site,
d'alléguer des faits concrets et de discuter l'appréciation
des autorités cantonales. Ils se sont cependant bornés à in-
diquer que ce site n'entrait pas dans la catégorie des zones
à protéger au sens de l'art. 17 LAT (ou de l'art. 23 de la
loi cantonale concernant l'application de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire, dont la teneur correspond à
celle de l'art. 17 LAT). Les recourants n'ont donc fourni
aucun élément permettant de mettre en doute la nécessité de
protéger le site du Château Mercier. Cet objectif, d'intérêt
public, a été admis par le Tribunal cantonal, qui s'est no-
tamment référé sur ce point à l'appréciation du Conseil
d'Etat. Le Tribunal fédéral, compte tenu de son pouvoir
d'examen (cf. supra, consid. 2a), n'a pas de raisons de
s'écarter de ces constatations.

   Une zone à protéger, par exemple pour un lieu histo-
rique ou un monument culturel, peut être délimitée même dans
la partie largement bâtie d'une agglomération (cf. notamment
ATF 116 Ib 377). Elle peut comprendre les alentours de l'ob-
jet, si cela s'avère nécessaire au regard des buts de la pro-
tection (cf. ATF 109 Ia 185; arrêts non publiés du 17 août
1999, B. et M. c. VS, TC, CE et commune de Sierre, consid. 5
et les références, concernant la Tour de Goubing). Le fait
que la parcelle litigieuse - comme le Château Mercier du
reste - se trouve dans la ville de Sierre, à proximité de
terrains bâtis et de voies de circulation, ne constitue donc
pas un obstacle à la mesure de planification contestée. Il
reste donc à examiner le grief des recourants selon lequel

leur parcelle serait matériellement coupée de la colline sur
laquelle est construit le Château Mercier et que, dans cette
situation, un régime juridique permettant la construction
d'une villa dans la partie supérieure du terrain ne compro-
mettrait pas la sauvegarde du site.

   bb)  A ce sujet, les recourants prétendent qu'il
était arbitraire, de la part de la Cour de droit public, de
renoncer à une inspection des lieux. Or, contrairement à ce
qu'ils affirment dans leur mémoire, l'intérêt à la protection
du site du Château Mercier n'a pas été invoqué pour la pre-
mière fois en dernière instance cantonale, mais il l'avait
été également devant le Conseil d'Etat. Cette dernière auto-
rité en avait tenu compte dans sa décision; elle disposait
d'un large pouvoir d'appréciation (cf. art. 33 al. 3 let. b
LAT) et elle avait organisé une inspection locale. Le Tribu-
nal cantonal pouvait, sans arbitraire (quant à la notion
d'arbitraire, cf. ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10
consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid. 2b
p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les arrêts cités), se
référer à ces constatations et considérations et ne pas admi-
nistrer d'autres preuves, d'autant plus que - ce qui n'est
pas contesté, s'agissant d'un site construit dans une des
villes principales du canton - certains membres de la Cour
cantonale connaissaient les lieux.

   cc)  Le maintien de vignes sur les flancs de colline
du Château Mercier est manifestement une mesure apte à assu-
rer la sauvegarde du site. Les autorités cantonales pou-
vaient, sans abuser de leur pouvoir d'appréciation, estimer
que la construction d'une maison dans la partie supérieure de
la parcelle des recourants - la partie inférieure s'y prêtant
mal - compromettrait sérieusement cet objectif. Il n'est pas
exclu que, de certains endroits, une telle construction ne
ferait pas obstacle à la vue sur le château, à cause de la
bande de forêt mentionnée par les recourants; ce n'est toute-

fois pas le seul critère à retenir car c'est l'aspect général
de la colline, et non seulement le monument historique, qui
font l'objet de la protection. Il ressort du dossier que la
délimitation de la zone protégée est cohérente au regard des
caractéristiques du site et que les autorités cantonales pou-
vaient, du côté est, en fixer la limite le long de la voie du
funiculaire SMC, plutôt que de celui de la rampe de Pradec,
comme le demandent les recourants. En définitive, le Tribunal
fédéral n'a aucun motif de qualifier de disproportionnée la
mesure de planification à laquelle la parcelle des recourants
est soumise. Les griefs d'arbitraire et de violation de la
garantie de la propriété sont donc mal fondés.

   3.-  Il s'ensuit que le recours de droit public est
rejeté. Les recourants, qui succombent, doivent payer l'émo-
lument judiciaire (art. 153 al. 1, 153a al. 1 et 156 al. 1
OJ). Les autorités intimées n'ont pas droit à des dépens (cf.
art. 159 al. 1 et 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours;

   2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 3'000 fr.;

   3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des recourants et de la Commune de Sierre, au Conseil
d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du
canton du Valais.

Lausanne, le 8 mars 2000
JIA/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,