Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.522/1999
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1P.522/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        11 avril 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Thélin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 26 juillet 1999 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

            (indemnisation du défenseur d'office)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- X.________ exerce la profession d'avocat dans le
canton de Vaud. Dès le mois d'octobre 1996, il a été désigné
en qualité de défenseur d'office de O.________; celle-ci
était soupçonnée d'avoir pris part, avec un autre individu, à
l'assassinat de sa fille A.________. Me X.________ a assisté
sa cliente au cours de l'instruction, jusqu'à un arrêt de
non-lieu rendu en faveur de cette prévenue le 5 juillet 1999.

   Me X.________ a ensuite demandé au Tribunal d'accu-
sation du Tribunal cantonal, qui avait prononcé le non-lieu,
de statuer sur son indemnité de défenseur d'office. Il pro-
duisait une liste de ses opérations et requérait le paiement
de 8'250 fr. pour vingt-cinq heures d'activité; il prétendait
avoir droit au tarif normalement applicable à un défenseur
librement mandaté par son client. Par arrêt du 26 juillet
1999, le Tribunal d'accusation a décidé d'allouer à l'avocat
2'741 fr.25, sans motiver l'évaluation de ce montant.

   B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
Me X.________ a requis le Tribunal fédéral d'annuler ce pro-
noncé. Invoquant l'art. 4 aCst., il se plaignait d'une appli-
cation arbitraire des règles concernant l'indemnisation du
défenseur d'office et d'une évaluation arbitraire des presta-
tions accomplies en faveur de sa cliente.

   Invité à répondre, le Tribunal d'accusation a déposé
des observations pour expliquer de façon circonstanciée qu'un
avocat normalement efficace n'aurait pas eu besoin de consa-
crer à l'affaire plus de quinze heures d'activité. L'indemni-
té avait été calculée sur cette base, au tarif horaire de 170
fr., TVA comprise; par erreur, un montant correspondant à
7,5 % avait encore été ajouté.

   A réception de cette réponse, Me X.________ s'est
adressé au Tribunal fédéral pour se plaindre de la motivation
lacunaire de l'arrêt attaqué, et faire valoir qu'il aurait pu
critiquer ce prononcé de façon plus appropriée s'il avait su
que son décompte d'heures était tenu pour exagéré. Il n'a
toutefois pas contesté, dans cette écriture, la réduction de
son décompte à quinze heures d'activité utile à la cause.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Bien que la dernière écriture du recourant n'ait
pas été autorisée, il se justifie de l'admettre à titre de
mémoire complétif au sens de l'art. 93 al. 2 OJ.

   2.- Selon la jurisprudence relative à l'art. 4
aCst., l'avocat d'office a contre l'Etat une prétention de
droit public à être rétribué dans le cadre des prescriptions
cantonales applicables; il ne s'agit dès lors pas d'examiner
à quelle rémunération l'avocat pourrait prétendre dans le ca-
dre d'une activité librement consentie et pleinement rétri-
buée, mais de savoir ce que l'avocat peut exiger de l'Etat au
titre de l'assistance judiciaire. Dans l'application des nor-
mes cantonales, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'ap-
préciation et l'avocat n'est protégé, en principe, que contre
l'application arbitraire de ces normes.

   Toutefois, l'avocat d'office a droit au moins au
remboursement intégral de ses débours, ainsi qu'à une indem-
nité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire
plaidant aux frais de son client. Pour fixer cette indemnité,
l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance
de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut
présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a
consacré, de la qualité de son travail, du nombre des confé-

rences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du
résultat obtenu et de la responsabilité qu'il a assumée.
L'autorité doit aussi prendre en considération les charges
inhérentes à l'activité indépendante de l'avocat, telles les
absences dues aux maladies, au service militaire et aux va-
cances, ainsi que la nécessité de s'assurer une retraite
convenable. A condition d'être équitable, il est admis que la
rémunération de l'avocat d'office puisse être inférieure à
celle du mandataire choisi. En principe, l'indemnité allouée
à l'avocat d'office devrait couvrir les frais généraux de ce
praticien, dont on estime qu'ils correspondent d'ordinaire à
au moins quarante pour cent du revenu professionnel brut,
voire à la moitié. Une indemnité qui ne correspond pas au
moins à cette fraction des honoraires de l'avocat choisi,
normalement destinée à couvrir les frais généraux de l'étude,
doit en principe être considérée comme inéquitable; à cet
égard, on doit aussi tenir compte de la TVA à acquitter par
l'avocat (ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c, avec références dé-
taillées; voir aussi ATF 122 I 322 consid. 3b p. 325).

   3.- D'après la législation vaudoise, le défenseur
d'office a droit à une indemnité dont le versement incombe
soit à l'Etat, soit à la partie que le défenseur a assistée,
selon que celle-ci est indigente ou ne l'est pas. Dans le
premier cas, l'indemnité est fixée sur la base d'un tarif
spécifique (art. 110 CPP vaud.; art. 30 du tarif des frais
judiciaires pénaux, du 28 avril 1992); dans l'autre cas, où
la partie assistée n'est pas indigente, l'indemnité doit
correspondre à des "honoraires normaux" (art. 111 CPP vaud.).
En l'occurrence, le Tribunal d'accusation a implicitement
retenu que la prévenue dont le recourant avait été le défen-
seur d'office était indigente, car l'arrêt attaqué se réfère
à la disposition précitée du tarif et met l'indemnité de
2'741 fr.25 à la charge de l'Etat. Ce point n'est toutefois
pas litigieux car le recourant ne se prévaut aucunement de

l'art. 111 CPP vaud. pour réclamer une indemnité correspon-
dant à la rétribution d'un mandataire choisi.

   A cette fin, le recourant invoque seulement l'arrêt
du Tribunal fédéral du 17 juillet 1995 concernant une cause
bernoise (ATF 121 I 113). D'après la réglementation applica-
ble dans ce canton, le prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu
a droit à des dépens. Le Tribunal fédéral a jugé arbitraire
de substituer à ces dépens une indemnité versée directement
au défenseur d'office et réduite aux trois quarts des hono-
raires normaux. Selon les règles générales du canton de Berne
concernant les avocats d'office, une indemnité ainsi réduite,
à la charge du fisc, n'entre en considération que si la par-
tie assistée a succombé ou si, cette partie ayant obtenu gain
de cause, les dépens se sont révélés irrécouvrables; par ail-
leurs, l'avocat a le droit de réclamer à son client la diffé-
rence entre l'indemnité et les honoraires normaux. Or, dans
le cas d'espèce, la partie assistée avait obtenu gain de
cause et les dépens étaient dus par l'Etat, de sorte que la
substitution précitée apparaissait dépourvue de base légale;
au surplus, elle avait pour effet de priver l'avocat de sa
créance correspondant au quart d'honoraires non couvert, et
de le placer ainsi, paradoxalement, dans une situation moins
favorable que celle qui aurait résulté d'une condamnation de
son client.

   Le droit vaudois n'accorde pas de dépens - en tous
cas pas à la charge du fisc - au prévenu mis au bénéfice d'un
non-lieu (art. 163 al. 1 CPP vaud.). Par ailleurs, il ressort
clairement de l'art. 110 CPP vaud. que le défenseur d'office
n'a aucune créance contre son client indigent, cela quelle
que soit l'issue de la cause pénale; le défenseur est, même
en cas d'acquittement ou de non-lieu, indemnisé par l'Etat et
dans les limites du tarif. L'arrêt du 17 juillet 1995, qui se
rapporte à une réglementation fondamentalement différente,
n'est donc d'aucun appui au recourant. Celui-ci ne parvient

pas à établir son droit à une rétribution équivalant à celle
d'un mandataire choisi.

   Pour le surplus, le recourant ne conteste pas sé-
rieusement que son activité utile à la cause puisse être éva-
luée à quinze heures, selon l'appréciation du Tribunal d'ac-
cusation. Cette appréciation apparaît d'ailleurs plausible à
l'examen du dossier. Le recourant ne met pas non plus en dou-
te qu'une indemnité horaire de 170 fr. corresponde à peu près
à la fraction des honoraires normalement destinée à couvrir
les frais généraux de l'étude de l'avocat. Par conséquent, le
recours pour violation de l'art. 4 aCst. se révèle entière-
ment privé de fondement et doit donc être rejeté.

   4.- En règle générale, il n'est pas alloué de dépens
à la partie qui succombe et celle-ci doit au contraire ac-
quitter l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1, 159 al. 1
OJ). En l'occurrence toutefois, du fait que la motivation de
l'arrêt attaqué était lacunaire sur un point essentiel et
qu'elle n'a été complétée que dans la procédure consécutive
au recours, l'auteur de celui-ci pouvait se croire fondé à
saisir le Tribunal fédéral. Il se justifie donc de lui accor-
der les dépens (art. 159 al. 3 OJ), alors même qu'il procède
sans le concours d'un autre avocat (ATF 125 II 518), tandis
que l'émolument judiciaire n'est pas perçu à la charge du
canton intimé (art. 156 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l  :

   1. Rejette le recours.

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   3. Dit que le canton de Vaud versera une indemnité
de 600 fr. au recourant à titre de dépens.

   4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, à la Cour de cassation pénale et au Tribunal d'accusa-
tion du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 avril 2000
THE/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,