Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.501/1999
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1P.501/1999

        Ie  C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       *********************************************

                      24 janvier 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Parmelin.

                         __________

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

M.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 29 juillet 1999 par le Tribunal d'accusa-
tion du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la cause
qui oppose le recourant à l'Etat de  V a u d;

            (indemnisation du prévenu acquitté)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

        A.- Dès 1989, M.________ a fait l'objet d'investi-
gations de la part de la Police de sûreté vaudoise dans le
cadre d'une enquête pénale dirigée contre lui à raison de
diverses infractions contre le patrimoine qu'il aurait com-
mises au préjudice de K.________ et de tiers dans le cadre
de la gestion des sociétés T.________ SA et R.________ SA
dont il était l'administrateur. Il était également soupçonné
d'avoir commis dans le canton de Lucerne différents vols en-
tre les mois de février et octobre 1990.

        Par jugement du Tribunal correctionnel d'Avenches,
du 28 novembre 1997, réformé selon un arrêt de la Cour de
cassation pénale du canton de Vaud du 22 juin 1998,
M.________ a été acquitté des chefs d'accusation relatifs à
tous les faits instruits dès 1989 par les autorités vaudoi-
ses et condamné à douze mois d'emprisonnement, sous déduc-
tion de 303 jours de détention préventive, pour les vols
perpétrés dans le canton de Lucerne. Il a formé en temps
utile un recours de droit public et un pourvoi en nullité
auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral
contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 juin
1998.

        B.- Par acte du 1er août 1998, M.________ a saisi
le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud (ci-après, le Tribunal d'accusation) d'une requête en
allocation d'une indemnité équitable fondée sur les art. 67
et 163a du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), qui
tienne compte du préjudice subi en relation avec sa déten-
tion injustifiée et avec le séquestre ordonné sur divers ob-
jets personnels dans le cadre de la procédure pénale. Il de-
mandait en outre l'ouverture d'une enquête disciplinaire et

pénale à l'encontre de plusieurs fonctionnaires et magis-
trats vaudois qu'il tenait pour responsables de la prolonga-
tion de son incarcération.

        Le 10 août 1998, le Tribunal d'accusation a suspen-
du l'examen de la requête jusqu'à droit connu sur la procé-
dure de recours pendante devant le Tribunal fédéral; il pré-
cisait qu'au surplus, et pour autant qu'elle concernait les
autorités judiciaires vaudoises, la demande était incompré-
hensible et qu'il n'y serait pas donné suite.

        Par arrêts du 5 février 1999, la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi en nullité et
le recours de droit public formé par M.________ contre l'ar-
rêt de la Cour de cassation pénale du 22 juin 1998.

        Le 16 mars 1999, ce dernier a demandé à être enten-
du personnellement à l'audience du tribunal, avec l'assis-
tance d'un interprète de langue maternelle allemande, en vue
de préciser l'objet de sa requête. Il a par ailleurs solli-
cité l'audition de Me Muriel Epard, qui fut son avocate
d'office du 29 janvier 1991 au 18 juin 1997.

        C.- Par arrêt du 29 juillet 1999, le Tribunal d'ac-
cusation a rejeté la demande d'indemnité pour détention in-
justifiée au motif que le requérant avait été condamné pour
vol à douze mois d'emprisonnement et que la détention pré-
ventive subie était inférieure à celle de la peine prononcée
à son encontre.

        D.- Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, M.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet
arrêt et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. Il voit une
violation de son droit d'être entendu, garanti par l'art. 4
aCst., et de l'art. 6 § 1 et 3 CEDH, dans le fait que le

Tribunal d'accusation a statué sans l'avoir préalablement
entendu à son audience et sans avoir procédé à l'audition de
Me Muriel Epard en qualité de témoin, malgré les requêtes
formulées en ce sens. Il lui reproche également d'avoir com-
mis un déni de justice en ne se prononçant que sur une par-
tie de sa requête. Il requiert l'assistance judiciaire.

        Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt. Le
Ministère public du canton de Vaud n'a pas déposé d'observa-
tions.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

        1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué qui rejette sa demande d'indemnité équitable
pour les préjudices résultant de sa détention injustifiée;
il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à
ce que ce jugement soit annulé et a, partant, qualité pour
recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une
décision finale rendue en dernière instance cantonale, le
recours répond aux exigences des art. 86 al. 1, 87 et 89 al.
1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.

        2.- Le recourant voit une violation de son droit
d'être entendu tel qu'il est garanti par l'art. 4 aCst. (cf.
aujourd'hui l'art. 29 al. 2 Cst.) dans le fait que l'autori-
té intimée a statué sans avoir procédé à son audition et à
celle de Me Muriel Epard, qui fut son avocate d'office du-
rant la procédure. Il perd cependant de vue que cette dispo-
sition ne garantit pas au justiciable le droit de s'exprimer
oralement devant l'autorité; celle-ci peut, sans violer
l'art. 4 aCst., statuer uniquement sur la base du dossier
entre ses mains, pourvu que les parties aient pu s'exprimer

sur tous les éléments retenus dans la décision (ATF 125 I
209 consid. 9b p. 219; 122 II 464 consid. 4a p. 469 et les
références citées). De plus, si le particulier a le droit de
fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur
la décision, de participer à l'administration des preuves,
d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos
(cf. notamment ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51, 242 consid. 2
p. 242; 124 V 180 consid. 1a p. 181), ce droit n'est pas
absolu; l'autorité peut renoncer à administrer un moyen de
preuve offert par une partie pour autant qu'elle puisse ad-
mettre sans arbitraire que ce moyen n'aurait pas changé sa
conviction (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 124 V 90 con-
sid. 4b p. 94; 122 II 464 consid. 4a p. 469).

        En l'occurrence, le Tribunal d'accusation a rejeté
la demande d'indemnité pour détention injustifiée présentée
par le recourant parce que ce dernier avait été condamné
pour vol à une peine d'emprisonnement supérieure à la déten-
tion préventive subie; au regard de cette motivation, l'au-
torité pouvait, au terme d'une appréciation anticipée non
arbitraire des preuves et sans violer le droit d'être enten-
du du recourant, tenir pour inutile l'audition de ce dernier
ou de l'avocate qui avait assuré sa défense au cours de la
procédure pénale. Le recours est donc mal fondé sur ce
point. Pour le surplus, il n'y a pas lieu d'examiner d'offi-
ce le bien-fondé matériel de la décision attaquée en l'ab-
sence de tout grief à ce sujet (ATF 125 I 71 consid. 1c p.
76).

        3.- Le recourant reproche à l'autorité intimée
d'avoir commis un déni de justice en limitant l'examen de sa
requête au préjudice subi du fait de sa détention injusti-
fiée, alors qu'il demandait réparation pour l'ensemble des
inconvénients subis dans le cadre de l'enquête instruite
contre lui par les autorités judiciaires vaudoises.

        L'autorité qui se refuse indûment à se prononcer
sur une requête dont l'examen relève de sa compétence commet
un déni de justice formel prohibé par l'art. 4 aCst. (cf.
aujourd'hui art. 29 al. 1 Cst.; ATF 117 Ia 116 consid. 3a p.
117/118 et les arrêts cités; cf. aussi ZBl 96/1995 p. 174
consid. 2 p. 175), ce qu'il appartient au recourant d'éta-
blir (ATF 87 I 241 consid. 3 p. 246).

        En l'espèce, M.________ réclamait, outre une indem-
nité équitable pour les quelque dix mois de détention qu'il
tenait pour injustifiés, la réparation du préjudice que lui
aurait causé le séquestre ordonné sur divers objets person-
nels durant la procédure pénale ainsi qu'une indemnité pour
tort moral à raison des mauvais traitements qu'il aurait su-
bis durant son incarcération. Il a requis son audition et
celle de son avocate d'office afin de préciser l'objet de sa
requête. En estimant n'avoir été saisie que d'une demande en
indemnité pour détention injustifiée et en refusant d'entrer
en matière sur les autres éléments de la requête dont elle
était saisie, éléments qu'elle jugeait à tort incompréhensi-
bles, malgré les mesures d'instruction proposées pour remé-
dier au vice allégué, l'autorité intimée a commis un déni de
justice au détriment du recourant.

        Le recours est donc bien fondé sur ce point. Cela
ne conduit toutefois pas à l'annulation de la décision atta-
quée. Pour rétablir une situation conforme au droit, il suf-
fit de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle
statue sur ces aspects de la requête.

        4.- Le recours doit par conséquent être partielle-
ment admis. Vu l'issue du recours, il y a lieu de statuer
sans frais, ni dépens.

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

        1. Admet partiellement le recours et renvoie la
cause à l'autorité intimée pour qu'elle statue sur les élé-
ments non tranchés de la requête; rejette le recours pour le
surplus;

        2. Dit qu'il est statué sans frais, ni dépens;

        3. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au Ministère public et au Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.
                       _____________

Lausanne, le 24 janvier 2000
PMN/odi

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,