Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.482/1999
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1P.482/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         9 juin 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Favre.
Greffier: M. Thélin.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                et de droit public formé par

C.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 18 juin 1999 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel dans la cause qui oppose le recourant
à P.________, au Locle, représenté par Me Anne Klauser-
Péquignot, avocate à Couvet;

           (construction à proximité de la forêt)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- P.________ est propriétaire de la parcelle n°
8836 de la commune du Locle et a demandé l'autorisation de
construire une villa familiale sur ce bien-fonds. L'immeuble
est classé en zone de faible densité 1 par le plan d'affecta-
tion adopté le 4 juin 1997 par le Conseil général de la com-
mune. Son projet a été soumis à l'enquête publique en mars
1998, avec l'indication que la distance légale à la forêt
n'était pas respectée et devrait faire, le cas échéant, l'ob-
jet d'une dérogation. C.________, propriétaire d'une maison
d'habitation sise sur la parcelle voisine n° 8068, où il est
domicilié, a fait opposition.

   Par décision du 27 mai 1998, le Département cantonal
de la gestion du territoire a accordé la dérogation et levé
l'opposition de C.________. Le même jour, le Conseil communal
du Locle a délivré l'autorisation de construire.

   B.- C.________ a recouru au Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel. Il soutenait que la dérogation était
injustifiée, que l'emplacement de la lisière n'était pas in-
diqué de façon certaine sur les plans et que, depuis que ces
documents avaient été établis, plusieurs arbres avaient été
supprimés. Il faisait également valoir qu'en raison de la
pente du terrain, la construction nouvelle constituerait un
danger pour sa propre maison. Au besoin, il demandait une
inspection des lieux et l'audition de l'architecte Philippe
Langel, à qui il avait demandé une expertise privée, en qua-
lité de témoin.

   Statuant le 29 octobre 1998, le Tribunal administra-
tif a déclaré le recours irrecevable au motif que son auteur
n'avait pas qualité pour agir selon la législation cantonale

sur la procédure et la juridiction administratives. Il a con-
sidéré que le recours tendait seulement à la sauvegarde de
l'intérêt général au respect de la loi, sans établir l'exis-
tence d'un intérêt important du recourant, économique, maté-
riel ou idéal, résultant de sa situation par rapport à l'ob-
jet du litige. Par arrêt du 16 avril 1999, sur recours de
C.________, le Tribunal fédéral a annulé ce prononcé pour
violation de l'art. 98a al. 3 OJ, au motif que la qualité
pour agir avait été examinée au regard d'un critère indûment
restrictif.

   Le Tribunal administratif, par un nouvel arrêt rendu
le 19 juin 1999, a rejeté le recours dont il était saisi; il
n'a pas procédé à l'inspection des lieux ni entendu le témoin
proposé.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 4 aCst., ou subsidiairement par cel-
le du recours de droit administratif, C.________ requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 19 juin 1999. Il re-
prend, pour l'essentiel, les griefs déjà développés en ins-
tance cantonale.

   Invités à répondre, P.________ a conclu au rejet du
recours; le Tribunal administratif et le Département de la
gestion du territoire ont renoncé à déposer des observations.
Sans prendre de conclusions, l'Office fédéral de l'environne-
ment, des forêts et du paysage a déposé un avis détaillé qui
a été soumis aux parties et aux autorités intimées. Le recou-
rant s'est exprimé pour persister dans son argumentation.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de
droit public n'est recevable que dans la mesure où les griefs
soulevés ne peuvent pas être présentés au Tribunal fédéral
par un autre moyen de droit, tel que le recours de droit ad-
ministratif.

   a) Celui-ci est ouvert contre les décisions cantona-
les de dernière instance fondées sur le droit public fédéral
(art. 97, 98 let. g OJ), ou qui auraient dû être fondées sur
ce droit, à condition qu'aucune des exceptions légales ne
soit réalisée. Le recours de droit administratif est égale-
ment recevable contre des décisions fondées à la fois sur le
droit cantonal ou communal et sur le droit fédéral, dans la
mesure où la violation de dispositions de droit fédéral di-
rectement applicables est en jeu. Le Tribunal fédéral examine
aussi, dans le cadre de cette procédure, les mesures prises
en vertu de dispositions cantonales d'exécution du droit fé-
déral dépourvues de portée indépendante; il examine en outre
les mesures prises sur la base d'autres dispositions cantona-
les, lorsque celles-ci présentent un rapport de connexité
suffisamment étroit avec les questions de droit fédéral à
élucider. Pour le surplus, en tant que l'acte attaqué est
fondé sur des dispositions cantonales qui n'ont pas ce rap-
port de connexité avec le droit fédéral, la voie du recours
de droit public est seule ouverte (ATF 124 II 409 consid.
1d/dd p. 414; voir aussi ATF 125 II 10 consid. 2a p. 13, 123
II 231 consid. 2 p. 233, 122 II 274 consid. 1a p. 277).

   Le recours de droit administratif peut être formé
pour violation du droit fédéral, y compris les droits consti-
tutionnels (art. 104 let. a OJ; ATF 125 II 1 consid. 2a p. 5,
124 V 90 consid. 3 p. 92, 121 II 235 consid. 1 p. 237/238).

Le recours de droit public est recevable seulement pour vio-
lation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a OJ).

   b) Aux termes de l'art. 17 de la loi fédérale du 4
octobre 1991 sur les forêts (LFo; RS 921.0), en vigueur de-
puis le 1er janvier 1993, les constructions et installations
projetées à proximité de la forêt ne peuvent être autorisées
que si elles n'en compromettent ni la conservation, ni le
traitement, ni l'exploitation (al. 1); les cantons fixent la
distance minimale appropriée qui doit séparer les construc-
tions et installations de la lisière de la forêt, compte tenu
de la situation et de la hauteur prévisible du peuplement
(al. 2). Ces dispositions correspondent à celles qui étaient
prévues, auparavant, à l'art. 29 de l'ordonnance du 1er octo-
bre 1965 concernant la haute surveillance de la Confédération
sur la police des forêts (RO 1965 p. 878, 1971 p. 1196).

   Selon la jurisprudence, le principe d'après lequel
la forêt ne doit subir aucune atteinte du fait des construc-
tions établies à proximité est une règle de droit fédéral
directement applicable, dont l'éventuelle violation peut être
déférée au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
administratif, tandis que les règles cantonales sur la dis-
tance minimale entre les constructions et la lisière de la
forêt ont une portée indépendante par rapport au droit fédé-
ral; leur application ne peut donc être contestée, en princi-
pe, que par la voie du recours de droit public (ATF 112 Ib
320; voir aussi l'arrêt du 19 septembre 1997 in ZBl 1998 p.
444, consid. 1b).

   c) D'après l'art. 10 al. 1 LFo, quiconque prouve un
intérêt digne d'être protégé peut demander au canton de déci-
der si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non.
En tant que le litige porte aussi sur la détermination de la
lisière depuis laquelle la distance minimum doit être mesu-
rée, cette disposition est déterminante et le recours de

droit administratif est donc recevable; en raison de la con-
nexité des questions relevant respectivement du droit fédéral
ou cantonal, l'application des règles cantonales sur la dis-
tance minimale peut aussi être contestée dans le cadre de ce
moyen de droit, mais le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral
est soumis aux principes du recours de droit public (ATF 122
II 274 consid. 1a p. 277; arrêt du 16 octobre 1998 dans la
cause G., consid. 2a/bb).

   d) Par conséquent, la présente contestation relève
du recours de droit administratif pour tout ce qui concerne
la situation de la construction projetée par rapport à la
forêt (consid. 2 et 3 ci-dessous). Pour le surplus, au sujet
de la déclivité du terrain et du danger qui pourrait éven-
tuellement en résulter pour la propriété du recourant, il
n'existe pas de connexité suffisamment étroite avec les ques-
tions régies par le droit fédéral, de sorte que le recours de
droit public est seul recevable (consid. 4).

   2.- Il est d'abord nécessaire d'examiner la procédu-
re suivie pour la délimitation de l'aire forestière dans le
secteur de la parcelle n° 8836, en relation avec la procédure
d'élaboration du plan d'affectation.

   a) L'art. 10 al. 2 LFo prévoit que lors de l'élabo-
ration ou révision d'un plan d'affectation, une constatation
de nature forestière doit être ordonnée là où les zones à
bâtir confinent ou confineront à la forêt. Les limites de la
forêt doivent être fixées sur la base de la constatation
"ayant force de chose jugée" (art. 13 al. 1 LFo). Par la
suite, d'éventuels nouveaux peuplements, à l'extérieur des
limites ainsi fixées et empiétant sur une zone à bâtir, ne
sont pas considérés comme forêt (art. 13 al. 2 LFo). Cette
réglementation est nouvelle par rapport à celle en vigueur
auparavant, jusqu'à fin 1992. Elle a pour but d'assurer la
coordination de la législation forestière avec le droit de

l'aménagement du territoire; à cette fin, elle rompt partiel-
lement avec le principe de la définition dynamique de la fo-
rêt, selon lequel toute surface effectivement conquise par la
végétation forestière devient de plein droit assujettie au
régime forestier, indépendamment de ses caractéristiques et
son affectation antérieures (cf. ATF 124 II 85 consid. 4d p.
92, 120 Ib 339 consid. 4a p. 342; Stefan Jaissle, Der dynami-
sche Waldbegriff und die Raumplanung, thèse, Zurich 1994, p.
96 et ss; Peter Keller, Auswirkungen der neuen Waldgesetzge-
bung auf das Verhältnis von Wald und Raumplanung, Informa-
tionsblatt Raumplanungsgruppe Nordostschweiz 4/93, p. 7;
Markus Bossard, Der Begriff des Waldes und das kantonale
Waldfeststellungsverfahren, PBG aktuell 4/1997, p. 14; voir
aussi Hans-Peter Jenni, Vor lauter Bäumen den Wald noch
sehen: ein Wegweiser durch die neue Waldgessetzgebung, Berne
1993, p. 9 - 10).

   La loi n'indique pas à quelles conditions la consta-
tation de nature forestière acquiert "force de chose jugée"
au sens de l'art. 13 al. 1 LFo. De toute évidence, destinée à
constituer la base d'un plan d'affectation ayant force obli-
gatoire pour chacun, la constatation doit, comme ce plan,
être soumise à une enquête publique; il est en effet indis-
pensable que toutes les personnes éventuellement touchées
puissent exercer des droits de partie et, en particulier,
exercer le droit d'être entendu (cf. art. 21 al. 1 et 33 al.
1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, ci-
après LAT). Pour le surplus, il incombe aux cantons de fixer
les règles de la procédure, dans le cadre des prescriptions
d'exécution prévues par l'art. 50 al. 1 LFo. Plusieurs au-
teurs préconisent une enquête publique commune pour la cons-
tatation de nature forestière et pour le plan d'affectation,
avec, par ailleurs, des procédures coordonnées mais néanmoins
distinctes; ils relèvent, en particulier, que les voies de
recours ouvertes contre la constatation de nature forestière
ne sont pas les mêmes que celles disponibles contre le plan

d'affectation; au besoin, la procédure de planification de-
vrait donc être suspendue jusqu'à droit connu sur celle de
délimitation de l'aire forestière (Jenni, op. cit. p. 46;
Keller, op. cit. p. 7/8; voir aussi Jaissle, op. cit. p. 89
et 102).

   b) Dans le canton de Neuchâtel, la constatation de
nature forestière est régie par les art. 6 à 8 de la loi can-
tonale sur les forêts, du 6 février 1996 (LFo neuch.), et les
art. 31 à 34 de son règlement d'exécution, du 27 novembre
1996 (R ex.); cette législation est entrée en vigueur le 1er
janvier 1997. Lors de l'adoption ou de la révision des plans
d'affectation, les communes doivent demander la constatation
de nature forestière là où les zones à bâtir confinent ou
confineront à la forêt (art. 7 LFo neuch.). Selon les dispo-
sitions précitées du règlement, le service cantonal des fo-
rêts soumet à une enquête publique le plan indiquant la si-
tuation et les dimensions de la forêt, ainsi que la situation
des immeubles touchés; le Département de la gestion du terri-
toire statue sur les oppositions éventuelles, puis il adopte
le plan lorsque les décisions sur opposition sont entrées en
force. Cette procédure d'enquête publique et d'opposition
vise en général tous les cas de constatation de nature fores-
tière. Dans les relations entre la protection des forêts et
l'aménagement du territoire, une coordination et des enquêtes
publiques simultanées ne sont expressément prévues que lors-
qu'une demande d'autorisation de défricher est liée à une
procédure de plan d'affectation (art. 30 R ex.).

   c) Après l'entrée en vigueur de la loi fédérale mais
avant celle des prescriptions d'exécution cantonales, un
grand plan de la ville du Locle intitulé "délimitation des
forêts par rapport à la zone à bâtir (art. 13 loi sur les
forêts du 4.10.1991)", à l'échelle 1:2000, a été signé par
l'inspecteur forestier le 18 octobre 1994, puis soumis à une
enquête publique au mois de novembre suivant; le Département

de la gestion du territoire l'a approuvé le 14 juin 1995 et a
notifié cette décision à environ cinquante opposants. Le plan
avait pour objet la délimitation des secteurs forestiers; il
présentait en outre, à titre indicatif, les limites de la
zone à bâtir selon le projet d'un "nouveau plan d'aménagement
communal", ainsi que, sous forme d'une ligne tracée le long
des limites de la forêt, une proposition de limite d'implan-
tation des constructions par rapport à celle-ci.

   Le nouveau plan d'affectation communal comprend le
plan d'ensemble de la commune et le plan d'urbanisation. Ces
documents, sur lesquels les secteurs forestiers sont repor-
tés, ont été signés le 20 juin 1995 par le bureau d'études
chargé de les établir. Conformément à la législation cantona-
le, ils ont été successivement soumis au Conseil communal, au
Département de la gestion du territoire, au Conseil général
et, ensuite seulement, à une enquête publique en juin et
juillet 1997; leur approbation finale par le gouvernement
cantonal doit encore intervenir. Depuis son adoption par le
Conseil général, le plan d'affectation a effet anticipé selon
l'art. 92 al. 2 et 3 de la loi cantonale sur l'aménagement du
territoire (LAT neuch.).

   On constate que la procédure de délimitation de
l'aire forestière a été entièrement accomplie avant le com-
mencement formel de la procédure du plan d'affectation. Néan-
moins, l'intitulé du document soumis à l'enquête publique de
novembre 1994 indiquait explicitement qu'il s'agissait de la
délimitation prévue par l'art. 13 LFo. Chacun pouvait donc se
rendre compte que cette délimitation s'inscrivait dans la
préparation d'un nouveau plan d'affectation, auquel il était
d'ailleurs fait allusion, et qu'elle aurait pour effet indi-
rect, si ce plan était effectivement réalisé, de fixer dura-
blement la limite de l'aire forestière dans le voisinage des
zones à bâtir. Il en résulte un lien suffisant avec la plani-
fication entreprise immédiatement après, alors même que l'em-

placement des futures zones à bâtir n'était signalé qu'à ti-
tre indicatif, l'enquête ne portant pas sur ce point; en ef-
fet, on ne discerne pas en quoi une coordination plus étroite
serait réellement nécessaire, dès lors que la constatation de
nature forestière ne comporte en elle-même aucune pesée d'in-
térêts (ATF 124 II 85 consid. 4d p. 92, 120 Ib 339 consid. 4a
p. 342).

   Le plan d'affectation n'entrera définitivement en
vigueur qu'avec son approbation par le Conseil d'Etat du can-
ton de Neuchâtel. L'Office fédéral de l'environnement, des
forêts et du paysage est d'avis que dans l'intervalle, ce
plan ne peut pas avoir les effets prévus par l'art. 13 al. 2
LFo et que l'aire forestière continue donc, éventuellement,
de croître au détriment des zones à bâtir délimitées par le
plan en voie d'approbation. Selon son argumentation, le re-
port des limites forestières sur le plan d'affectation n'est
accompli qu'au moment de l'approbation finale selon l'art. 26
al. 3 LAT, et celle-ci doit intervenir "le plus rapidement
possible", faute de quoi il est nécessaire de répéter la pro-
cédure de constatation de nature forestière pour appréhender
l'évolution survenue entre-temps (opinions semblables: Jenni,
op. cit. p. 46; Jaissle, op. cit. p. 109); seul un délai de
"quelques mois" est tenu pour admissible après l'aboutisse-
ment de la procédure de délimitation de la forêt.

   Ces exigences sont justifiées dans la mesure où, au
regard du but de la loi, un plan d'affectation ne saurait en-
tériner une délimitation forestière qui serait devenue obso-
lète en raison de retards ou de délais extraordinaires dans
la procédure de planification. Le laps de temps préconisé par
l'Office fédéral apparaît donc exagérément bref. Néanmoins,
en l'occurrence, plus de cinq ans et demi se sont déjà écou-
lés depuis l'établissement du plan de délimitation par l'ins-
pecteur forestier; il serait donc nécessaire que l'approba-
tion finale du plan d'affectation soit accordée sans nouveau

délai pour les terrains qui ne font pas l'objet d'un recours,
conformément à l'art. 96 al. 1 LAT neuch.

   d) Indépendamment de son éventuelle inaptitude, en
raison du temps écoulé, à constituer la base du plan d'affec-
tation, le plan de délimitation approuvé le 14 juin 1995 a
autorité de chose jugée envers chacun quant à la situation
constatée à cette époque, car il a fait l'objet d'une enquête
publique à laquelle le recourant aurait pu prendre part. Le
tracé de la lisière selon ce plan a été reporté, sans nouvel-
le délimitation, sur les documents du projet de l'intimé qui
ont été soumis à l'enquête publique en mars 1998; ce procédé
échappe à toute critique car aucune modification importante
de la situation effective ne pouvait être intervenue dans
l'intervalle. Dans ces conditions, ledit tracé est détermi-
nant pour mesurer la distance minimum d'implantation applica-
ble à ce projet; le recourant n'est pas autorisé à exiger de
nouvelles constatations sur place.

   3.- D'après la législation cantonale, cette distance
est en principe fixée à trente mètres; des dérogations sont
toutefois admissibles s'il n'en résulte aucun inconvénient
majeur pour la conservation, le traitement et l'exploitation
de la forêt, et qu'aucun autre intérêt prépondérant ne s'y
oppose (art. 16 al. 1 et 3 LFo neuch.). Indépendamment des
dérogations accordées de cas en cas, comme en l'espèce, par
le Département de la gestion du territoire (art. 35 R ex.),
les plans d'affectation peuvent fixer une limite des cons-
tructions à moins de trente mètres, pour autant que les con-
ditions précitées soient satisfaites (art. 37 R ex.). Dans le
secteur concerné, la limite est ainsi fixée à quinze mètres
par le plan d'affectation adopté le 4 juin 1997, tandis que
la décision litigieuse du 27 mai 1998 autorise une implanta-
tion à dix mètres.

   L'Office fédéral indique que l'inspecteur fédéral
des forêts pour le canton de Neuchâtel s'est rendu sur les
lieux le 7 mars 2000 avec un collaborateur du service canto-
nal des forêts. Il a constaté que le terrain à bâtir est en
forte pente et que la forêt occupe un plateau situé au sommet
de cette côte. La lisière est composée de différents feuillus
de hauteur variant entre dix et vingt mètres. Elle présente,
à l'emplacement en cause, un angle saillant prononcé, de sor-
te que seule une petite surface de forêt sera proche de la
construction prévue. L'Office fédéral relève que la déroga-
tion à dix mètres épuise entièrement la marge d'appréciation
dont l'autorité dispose en la matière, mais, néanmoins, il
l'estime appropriée en l'espèce. A son avis, il n'en résulte-
ra aucun inconvénient majeur pour la forêt et, compte tenu de
la hauteur des arbres et de l'angle formé par la lisière, une
sécurité suffisante sera préservée en cas de chute d'arbres.

   Ces indications sur la situation de fait ne sont pas
contestées par le recourant, qui a eu l'occasion de se pro-
noncer à leur sujet. Il n'est donc pas nécessaire de procéder
à une nouvelle inspection des lieux; il ne se justifie pas
non plus d'annuler l'arrêt attaqué pour constatation manifes-
tement incomplète des faits (cf. art. 105 al. 2 OJ). Les
exigences de l'art. 17 al. 1 LFo concernant les constructions
et installations projetées à proximité de la forêt apparais-
sent respectées, de sorte que la décision litigieuse est com-
patible avec le droit fédéral. Pour le surplus, l'argumenta-
tion du recours ne met aucunement en évidence que les condi-
tions d'une dérogation à la distance légale de trente mètres,
posées par l'art. 16 al. 3 LFo neuch., auraient été ignorées
de façon arbitraire, en violation de l'art. 4 aCst. (cf.
consid. 4a ci-dessous). En effet, cette disposition cantonale
n'exige pas que tout risque de chute d'arbre, susceptible
d'atteindre le bâtiment, soit absolument exclu. Par ailleurs,
on ne saurait considérer comme prépondérant, au sens de cette

disposition, l'intérêt du recourant au maintien d'un terrain
libre de construction à proximité de sa propre maison.

   4.- a) Une décision est arbitraire, et donc contrai-
re aux art. 9 Cst. ou 4 aCst., lorsqu'elle viole gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice
et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solu-
tion retenue par l'autorité cantonale de dernière instance
que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne
suffit pas que les motifs de la décision soient insoutena-
bles; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son
résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solu-
tion différente de celle retenue par l'autorité cantonale
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse
même préférable (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10
consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid. 2b
p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88).

   Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al.
2 Cst. ou 4 aCst. confère aux parties le droit d'obtenir
l'administration des preuves qu'elles ont valablement offer-
tes, à moins que celles-ci ne portent sur un fait dépourvu de
pertinence ou qu'elles soient manifestement inaptes à faire
apparaître la vérité quant au fait en cause. Par ailleurs, le
juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des
preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon
exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par
une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser
d'administrer cette preuve (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211,
122 V 157 consid. 1 d p. 162, 119 Ib 492 consid. 5b/bb p.
505).

   b) Aux termes des art. 8 et 11 de la loi neuchâte-
loise sur les constructions, tout édifice ou installation
doit être conçu et réalisé conformément aux règles de l'art
et à l'état de la technique, afin d'assurer la sécurité des
personnes et des biens. En cas de danger particulier, l'ou-
vrage doit faire l'objet d'un dossier technique constitué par
des ingénieurs spécialisés; en particulier, s'il y a lieu,
des plans de génie civil établis par des ingénieurs civils
sont exigibles.

   En l'espèce, le Conseil communal a inséré la clause
suivante dans les modalités de l'autorisation de construire:

     "Au vu de la qualité du sol dans ce secteur, un
     géotechnicien sera mandaté par le maître de l'ou-
     vrage et aux frais de celui-ci. Le géotechnicien
     établira une étude en fonction de l'implantation du
     bâtiment et surveillera les travaux d'excavation et
     de construction des parties soumises à la pression
     et à l'équilibre des terres."

   Le recourant produit une lettre du directeur de
l'Institut de géologie de l'Université de Neuchâtel datée de
1991, qui concernait un projet de construction de bâtiments
semble-t-il importants, mais dont l'emplacement et la nature
exacts ne sont pas précisés. Cette lettre insistait sur
l'existence d'un risque aigu de glissement de terrain à l'en-
droit alors en question, et expliquait de façon détaillée les
causes de l'instabilité caractéristique des craies lacustres
du Locle. Or, cet exposé ne suffit nullement à rendre vrai-
semblable que la construction d'une simple villa familiale,
sur la parcelle n° 8836, présenterait des dangers si impor-
tants que les précautions effectivement exigées par le Con-
seil communal seraient manifestement insuffisantes. Au con-
traire, les plans révèlent qu'il existe déjà de nombreuses
constructions de ce type dans le secteur, telles que, en
particulier, la maison habitée par le recourant; or, celui-ci

ne prétend pas que des études spécifiques du risque d'insta-
bilité soient intervenues avant leur réalisation. C'est en
vain que le recourant se réfère également à l'expertise pri-
vée qu'il a requise de l'architecte Langel; en effet, le rap-
port remis consiste seulement en quelques remarques sommai-
res, sur une seule page. Dans ces conditions, le Tribunal
administratif n'a pas appliqué arbitrairement les règles
cantonales sur la sécurité des constructions; il n'a pas non
plus violé le droit du recourant d'être entendu en considé-
rant que les preuves proposées par lui, soit une inspection
des lieux et l'audition de l'architecte précité en qualité de
témoin, étaient superflues parce qu'impropres à influencer
l'issue de la cause.

   c) Le recourant relève encore de nombreux faits
qu'il considère comme des irrégularités de la procédure, mais
aucun de ceux-ci ne dénote une violation du droit. Il en est
ainsi, notamment, du fait que l'autorité communale a été
chargée de dater elle-même et de notifier la dérogation ac-
cordée par le Département de la gestion du territoire. Par
ailleurs, il est certes exact que dans les documents du pro-
jet litigieux, le plan de la façade sud-ouest comporte une
erreur dans la représentation du terrain après réalisation
des travaux, en ce sens que la pente est sous-estimée. Le
recourant ne prétend toutefois pas que la pente réelle soit
contraire aux prescriptions applicables. Compte tenu des
précautions imposées par le Conseil communal, il n'apparaît
pas non plus que cette erreur ait pu entraîner une méconnais-
sance du risque d'instabilité du talus.

   5.- Le recours se révèle en tous points mal fondé et
doit donc être rejeté. Son auteur doit acquitter l'émolument
judiciaire et les dépens auxquels l'intimé a droit.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours.

   2. Met à la charge du recourant:
   a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
   b) une indemnité de 1'000 fr. à payer à l'intimé à
            titre de dépens.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Département de la gestion du territoire et au Tribunal ad-
ministratif du canton de Neuchâtel, ainsi qu'à l'Office fédé-
ral de l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 9 juin 2000
THE/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,