Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.363/1999
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1A.363/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       4 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Jacot-Guillarmod et Favre. Greffier: M. Kurz.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

L.________, représentée par Me Renato Cabrini, avocat à
Lugano,

                           contre

l'ordonnance rendue le 26 novembre 1999 par le Ministère pu-
blic de la Confédération;

              (entraide judiciaire à l'Italie)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 26 juillet 1997, le Procureur de la Républi-
que de Milan a adressé à la Suisse une demande d'entraide ju-
diciaire pour les besoins d'une procédure pénale dirigée con-
tre P.________ et autres, pour recyclage d'argent. Cette de-
mande est complémentaire à de précédentes requêtes, notamment
celle du 14 octobre 1996, dans laquelle le magistrat requé-
rant exposait que P.________ aurait détourné d'importants
montants du groupe X.________ et aurait obtenu de l'argent de
la part d'entrepreneurs italiens pour le compte du Parti so-
cialiste italien. La Banque des Patrimoines Privés, à Genève
(ci-après: BPP, anciennement Karfinco), aurait été utilisée
pour recueillir le produit de ces agissements. L'exécution de
ces précédentes demandes avait permis à l'autorité requérante
d'obtenir des renseignements sur les comptes dont P.________
pouvait disposer. Dans son complément du 26 juillet 1997,
l'autorité requérante expose qu'une partie des montants dé-
tournés a été reversée sur des comptes déjà identifiés à
l'occasion de précédentes commissions rogatoires. D'autres
montants auraient été répartis sur une série de comptes ban-
caires ouverts auprès de la BPP, désignés par un nom ou un
numéro, dont l'autorité requérante désire connaître les
ayants droit économiques.

   B.- Le 29 juillet 1997, le Ministère public de la
Confédération (ci-après: le MPC), chargé de l'exécution de
cette procédure d'entraide, est entré en matière. La BPP
était invitée à vérifier l'existence des comptes mentionnés
dans la demande, parmi lesquels le n° xxx, et à en identifier
les titulaires et bénéficiaires.

   Le 3 octobre 1997, L.________, ex-épouse de
N.________ et titulaire du compte n° xxx, s'est opposée à la
transmission de documents relatifs à son compte. Elle se di-

sait étrangère aux agissements décrits dans la demande: les
fonds, obtenus après son divorce, avaient été confiés à
P.________ pour être investis. Elle demandait à être entendue
personnellement par le MPC.

   Par ordonnance du 5 février 1998, après avoir libéré
certains comptes sans rapports avec la demande d'entraide, le
MPC a ordonné la production de la documentation bancaire re-
lative notamment au compte n° xxx.

   Le 9 avril 1998, L.________ renouvela sa demande
d'audition. Il n'était pas exclu que certaines opérations
suspectes puissent avoir été effectuées sur son compte, mais
celles-ci pouvaient facilement être identifiées.

   C.- Par ordonnance de clôture du 26 novembre 1999,
le MPC a décidé de transmettre la documentation relative au
compte précité (documents d'ouverture, relevés et justifica-
tifs), considérant que celui-ci avait pu être utilisé par
P.________ pour des transactions destinées à dissimuler les
fonds de provenance illicite, de sorte que la documentation
bancaire pourrait être d'un grand intérêt pour reconstituer
le cheminement des fonds faisant l'objet de l'enquête en
Italie.

   D.- L.________ forme un recours de droit administra-
tif contre cette dernière décision. Elle requiert l'effet
suspensif - accordé ex lege - et demande, principalement,
l'annulation de l'ordonnance de transmission, subsidiairement
le renvoi de la cause au MPC pour nouvelle décision, après
avoir procédé à l'audition de la recourante.

   Le MPC conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
de la police se réfère à la prise de position du MPC.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- a) Le recours de droit administratif est formé
en temps utile contre une décision de clôture rendue par
l'autorité fédérale d'exécution (art. 80g de la loi fédérale
sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS
351.1). La recourante, titulaire du compte concerné, a quali-
té pour agir (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).

   b) Même si le recours de droit administratif est ré-
digé en italien, la décision attaquée est en français. Le
présent arrêt est dès lors rédigé dans cette langue (art. 37
al. 3 OJ).

   2.- Se référant à la jurisprudence fédérale et can-
tonale, la recourante invoque le principe de la proportionna-
lité. Elle explique avoir ouvert son compte en 1991, peu
après son divorce, pour y recueillir les fonds dus par son
ex-mari, ainsi que les économies de sa mère. Les fonds
étaient gérés par P.________, à l'entière satisfaction de la
recourante. Le compte n'aurait connu que des mouvements ordi-
naires, sans aucune mesure avec les montants indiqués dans la
demande d'entraide. La recourante, sans activité politique ou
officielle, n'aurait aucun rapport avec les infractions dé-
crites, ni même avec son ex-mari. Sa seule qualité de cliente
de la BPP ne suffirait pas à justifier la transmission de
toute la documentation bancaire. Elle se plaint enfin de ne
pas avoir été entendue personnellement - avec sa mère - par
le MPC, ce qui lui aurait permis de faire valoir ses objec-
tions.

   a) Le droit d'être entendu, garanti en matière d'en-
traide judiciaire, par les art. 26 à 30 PA (par renvoi de
l'art. 12 EIMP), permet notamment au justiciable de s'expli-
quer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de
fournir des preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier et

de participer à la procédure probatoire (ATF 124 I 49 consid.
3a et les arrêts cités). La personne touchée par une mesure
d'entraide peut ainsi s'opposer à la transmission de rensei-
gnements déterminés, soit qu'ils apparaissent manifestement
sans rapport possible avec les faits évoqués dans la demande,
soit qu'ils violent d'une autre manière le principe de la
proportionnalité (ATF 116 Ib 190 consid. 5b et la jurispru-
dence citée). Comme le MPC l'a rappelé à la recourante dans
une lettre du 15 décembre 1999, le droit d'être entendu n'im-
pose pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci
devant simplement disposer d'une occasion suffisante pour
faire valoir ses moyens d'opposition avant la transmission
des renseignements recueillis.

   La recourante a manifestement bénéficié d'une telle
occasion puisqu'elle a pu présenter ses objections à diffé-
rents stades de la procédure d'entraide. On ne voit pas en
quoi une audition personnelle lui aurait permis de mieux
s'expliquer.

   b) aa) Le principe de la proportionnalité empêche
d'une part l'Etat requérant de demander des mesures inutiles
à son enquête et, d'autre part, l'autorité d'exécution d'al-
ler au-delà de la mission qui lui est confiée (ATF 121 II 241
consid. 3a). Saisi d'un recours contre une décision de clôtu-
re, le juge de l'entraide doit se borner à examiner si les
renseignements à transmettre présentent prima facie un rap-
port avec les faits motivant la demande d'entraide. Il ne
doit exclure de la transmission que les documents n'ayant
manifestement aucune utilité possible pour les enquêteurs
étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371).

   bb) En l'espèce, il n'est pas contesté que le compte
de la recourante est bien de ceux qui intéressent l'autorité
requérante; il figure en effet dans la liste jointe au com-

plément du 26 juillet 1997. La fourniture des documents ban-
caires constitue certes une légère extension de l'entraide
requise, puisque l'autorité ne demande que l'identité des
ayants droit des comptes mentionnés. Le but de sa démarche
étant d'établir la destination finale des fonds ayant abouti
à la Karfinco, on peut toutefois présumer, avec le MPC, que
l'autorité requérante ne se satisfera pas de ces seuls ren-
seignements, mais cherchera, comme elle l'a déjà fait, à ob-
tenir des détails sur les comptes qui ont pu être identifiés.
La production des documents bancaires permettra ainsi d'évi-
ter la présentation d'une demande complémentaire, conformé-
ment aux exigences d'une entraide rapide et efficace.

   cc) On ne saurait tenir l'entraide pour dispropor-
tionnée, dès lors que, comme le reconnaît la recourante, son
compte a été géré par l'un des principaux inculpés, avec le-
quel elle avait d'ailleurs, de son propre aveu, des relations
plus étroites qu'une simple cliente. Compte tenu de l'ampleur
des agissements reprochés, on ne saurait a priori exclure que
ce compte ait, lui aussi, servi à des opérations suspectes,
même à l'insu de la recourante. La recourante se contente
d'affirmer que son compte aurait connu une gestion régulière;
telle est précisément la question à laquelle désire répondre
l'autorité requérante. Si, comme le prétend la recourante,
aucune opération suspecte n'a pu affecter son compte, l'auto-
rité requérante dispose d'un intérêt à pouvoir l'établir
elle-même. Le principe de la proportionnalité est par consé-
quent respecté.

   3.- Le recours de droit administratif doit par con-
séquent être rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un
émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante,
qui succombe.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours.

   2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 5000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Ministère public de la Confédéra-
tion et à l'Office fédéral de la police (B 103792).

Lausanne, le 4 février 2000
KUR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,