Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.223/1999
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1A.223/1999

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       28 février 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Zimmermann.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

X.________ Ltd,
X.________ Investment,
X.________ S.A.,
X.________ Leasing,
X.________ Holding,
toutes représentées par Me Thomas P. Zemp, avocat à Zurich,

                           contre

le Ministère public de la Confédération;

     (entraide judiciaire avec la Fédération de Russie;
      retard à statuer; principe de la proportionnalité)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 5 mai 1999, le Procureur général de la Fédé-
ration de Russie a demandé l'entraide judiciaire à la Suisse
pour les besoins de la procédure pénale ouverte pour fraude
et blanchiment d'argent contre B.________, G.________ et
S.________, qui auraient acheminé le produit de ces délits
sur des comptes ouverts auprès d'établissements bancaires en
Suisse.

   Le 23 juin 1999, l'Office fédéral de la police (ci-
après: l'Office fédéral) a délégué l'exécution de cette de-
mande au Ministère public de la Confédération (ci-après: le
Ministère public).

   En juillet 1999, le Ministère public a rendu plu-
sieurs décisions ordonnant le séquestre de comptes dont les
sociétés X.________ Ltd, X.________ Investment, X.________
S.A., X.________ Leasing et X.________ Holding (ci-après: les
sociétés X.________), sont les titulaires, ainsi que l'audi-
tion, en présence de fonctionnaires étrangers, de plusieurs
témoins. Contre ces décisions, les sociétés X.________ ont
formé un recours de droit administratif qui a conduit au pro-
noncé de l'arrêt du 29 septembre 1999 (procédure
1A.172/1999).

   B.- Parallèlement à leurs démarches judiciaires, les
sociétés X.________ ont cherché à obtenir du Ministère pu-
blic, à plusieurs reprises, la levée partielle des séquestres
touchant leurs comptes, en vain.

   Le 7 septembre 1999, les sociétés X.________ ont
adressé au Conseil fédéral - comme autorité de surveillance
du Ministère public de la Confédération au sens de l'art. 14
al. 1 PPF -, un recours pour déni de justice et retard injus-

tifié au sens de l'art. 70 PA ("Rechtsverzögerungs- und
Rechtsverweigerungsbeschwerde"), ainsi qu'une dénonciation au
sens de l'art. 71 PA ("Aufsichtsbeschwerde"). Elles ont de-
mandé au Conseil fédéral d'inviter le Ministère public à
traiter rapidement la demande d'entraide, à reconsidérer les
mesures de contrainte pendant la procédure devant le Tribunal
fédéral et à lever les séquestres visant leurs comptes ban-
caires, pour le moins à concurrence d'un montant de 225'000
fr. Elles ont reproché au Ministère public de tarder indûment
à statuer, d'ordonner des mesures disproportionnées et de
surveiller illégalement leurs lignes de téléphone et de télé-
copie.

   Le 24 septembre 1999, le Département fédéral des fi-
nances a transmis la cause au Tribunal fédéral comme objet de
sa compétence, conformément à l'art. 8 al. 1 PA.

   Par arrêt du 23 novembre 1999, le Tribunal fédéral a
rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés
X.________. Il a considéré que le grief de déni de justice
formel pour retard injustifié à statuer, de même que les
griefs soulevés dans la dénonciation, pouvaient faire l'objet
d'un recours de droit administratif, au regard des art. 80e
et 80g EIMP, mis en relation avec l'art. 97 al. 2 OJ, ce qui
fermait tant la voie du recours au Conseil fédéral que celle
de la dénonciation à l'autorité de surveillance.

   Le Ministère public propose le rejet du recours et
de la dénonciation. L'Office fédéral a fait des observations
allant dans le même sens.

   Invitées à se déterminer, les sociétés X.________
ont maintenu leurs conclusions.

   C.- Le 28 décembre 1999, le Ministère public a rendu
une décision de clôture ordonnant la transmission à l'Etat

requérant d'une partie de la documentation réunie lors de
l'exécution de la demande (ch. 1 du dispositif) et levant,
pour un montant de 2 millions de francs, le séquestre visant
le compte N°xxx dont la société X.________ Holding S.A. est
la titulaire. Les sociétés X.________, ainsi que des tiers,
ont formé des recours de droit administratif contre cette
décision (procédures 1A.32/33/34/35/2000).

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) L'arrêt partiel du 23 novembre 1999 a défini-
tivement tranché la question de la compétence du Tribunal fé-
déral à connaître des griefs soulevés dans le recours et la
dénonciation adressés au Conseil fédéral le 7 septembre 1999.
Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

   b) Dans le système de l'EIMP révisée selon la novel-
le du 4 octobre 1996, le recours de droit administratif doit
en principe être formé contre la décision de clôture (art.
80e let. a EIMP, mis en relation avec l'art. 80d de la même
loi) et, conjointement avec celle-ci, contre les décisions
incidentes antérieures (art. 80e let. a EIMP). Exceptionnel-
lement, le recours de droit administratif peut être formé
directement contre une décision incidente antérieure à la
décision de clôture, en cas de préjudice irréparable (art.
80e let. b EIMP). Dans un cas comme dans l'autre, la voie du
recours de droit administratif est en principe ouverte lors-
que, comme en l'espèce, le recourant reproche à l'autorité
intimée d'avoir indûment tardé à statuer soit sur la clôture
de la procédure, soit sur les décisions incidentes antérieu-
res à celle-ci (art. 80e EIMP, mis en relation avec l'art. 97
al. 2 OJ). En l'occurrence, selon l'arrêt du 23 novembre
1999, peuvent être soulevés dans le cadre du recours adminis-
tratif et de la dénonciation à l'autorité de surveillance,

traités comme recours de droit administratif, les griefs de
déni de justice pour retard injustifié à statuer et de viola-
tion du principe de la proportionnalité, pour autant que les
autres conditions du recours de droit administratif soient
remplies (consid. 3b/bb de l'arrêt du 23 novembre 1999).
C'est ce qu'il reste à examiner.

   c) A qualité pour agir quiconque est personnellement
et directement touché par une mesure d'entraide et a un inté-
rêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée
(art. 80h let. b EIMP, exprimant, dans le domaine de l'en-
traide, la règle générale de la juridiction administrative
fédérale, inscrite aux art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ;
cf. aussi l'art. 21 al. 3 EIMP). L'intérêt actuel et pratique
doit perdurer jusqu'au moment où le Tribunal fédéral statue
sur le recours; à défaut, celui-ci est déclaré sans objet
(art. 72 PCF, applicable par renvoi de l'art. 40 OJ; ATF 123
II 285 consid. 4 p. 286/287; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7, 356
consid. 1a p. 359; 111 Ib 56 consid. 2a p. 58/59). Perd no-
tamment son objet le recours pour retard injustifié à statuer
lorsque l'autorité rend sa décision pendant la procédure de
recours (arrêts non publiés V. du 25 février 1998, N. du 3
septembre 1997, consid. 5b à d et V. du 11 juillet 1996).

   Le prononcé, le 28 décembre 1999, de l'ordonnance de
clôture de la procédure d'entraide a privé le recours de son
objet. Cela concerne les conclusions 1 et 2 formulées à l'ap-
pui du recours du 7 septembre 1999. Quant aux conclusions 3.1
et 3.2 tendant à la levée complète, subsidiairement partiel-
le, du séquestre visant les comptes bancaires des recouran-
tes, elles n'ont plus d'objet dès l'instant où elles ont été
reprises à l'appui du recours de droit administratif formé le
28 janvier 2000 par les recourantes contre la décision de
clôture. De même, il n'y a plus d'intérêt actuel et pratique
à examiner, dans le cadre du présent recours, le grief de

violation de la proportionnalité soulevé contre la décision
de clôture.

   d) A l'instar de ce qui vaut pour le recours de
droit public (art. 88 OJ; cf. ATF 125 I 394 consid. 4b p.
397; 124 I 231 consid. 1b p. 233; 121 I 279 consid. 1 p.
281/282, et les arrêts cités), le Tribunal fédéral renonce
toutefois à faire de l'intérêt actuel une condition de rece-
vabilité du recours de droit administratif lorsque cette exi-
gence l'empêcherait de contrôler un acte qui peut se repro-
duire en tout temps, qui, en raison de la brève durée de ses
effets, échapperait toujours à sa censure et lorsqu'il existe
un intérêt public important à résoudre la question de prin-
cipe que soulève le recours (ATF 111 Ib 56 consid. 2b p. 59).

   Les recourantes auraient pu former suffisamment tôt
un recours de droit administratif (plutôt qu'un recours ad-
ministratif), de manière à ce que le Tribunal fédéral soit en
mesure de statuer avant le prononcé de la décision au fond.
Les recourantes ayant en outre repris, dans leur recours
contre la décision de clôture du 28 décembre 1999, les cri-
tiques essentielles qu'ils adressent au Ministère public dans
le présent recours, leurs griefs pourront être examinés dans
ce cadre. Aucun motif d'intérêt public n'impose de déroger en
l'espèce à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique au re-
cours.

   2.- Le recours aurait de toute manière dû être reje-
té au fond.

   a) A teneur de l'art. 17a al. 1 EIMP, l'autorité
compétente traite les demandes avec célérité; elle statue
sans délai. Lors des travaux préparatoires de la novelle du
4 octobre 1996, le Conseil national avait proposé de préciser
qu'en règle générale, ce délai ne devait pas dépasser neuf
mois (BO 1995 CN p. 2635-2637). Le Conseil des Etats ne

s'étant pas rallié à cet amendement au motif qu'un délai
d'ordre pouvait produire des effets contraires à ceux es-
comptés (BO 1996 CE p. 227), le Conseil national y a renoncé
(BO 1996 CN p. 743). Le respect par l'autorité du principe de
célérité doit ainsi s'apprécier de manière concrète, sur le
vu des circonstances. Si la décision d'entrée en matière ne
saurait être retardée plus de quelques jours, voire de quel-
ques semaines dans les cas complexes, l'exécution de la de-
mande peut prendre plus ou moins de temps, selon l'ampleur
des mesures de contrainte requises.

   b) En l'espèce, l'Office fédéral a délégué au Minis-
tère public l'exécution de la demande le 23 juin 1999. Entre
la fin du mois de juin et la mi-juillet 1999, le Ministère
public a pris une série de mesures d'exécution, parmi les-
quelles le séquestre de comptes bancaires et la saisie de la
documentation y relative. Le Ministère public a dû, dans le
courant des mois de juillet et d'août 1999, examiner les piè-
ces recueillies en quantité importante, statuer sur les mul-
tiples interventions et demandes de levée partielle des sé-
questres présentées par les recourantes, décider de la pré-
sence de fonctionnaires étrangers lors des auditions de té-
moins, recevoir des demandes complémentaires, répondre aux
recours, etc. Compte tenu de l'importance de l'affaire et de
l'ampleur des mesures à mettre en oeuvre, le délai de six
mois dont le Ministère public a eu besoin pour clore la pro-
cédure ne peut être tenu comme excessif. Il n'apparaît pas,
de surcroît, quoi qu'en disent les recourantes, que le Minis-
tère public se soit fourvoyé en agissant comme il l'a fait,
qu'il ait apprécié de manière grossièrement fausse l'état de
fait ou commis des erreurs graves en raison d'un manque de
personnel qualifié.

   3.- A teneur de l'art. 72 PCF, applicable selon
l'art. 40 OJ, lorsqu'un procès devient sans objet, le tribu-
nal, après avoir entendu les parties mais sans autres débats,

déclare l'affaire terminée et statue sur les frais par une
décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de
choses existant avant le fait qui met fin au litige (cf. ATF
118 Ia 488 consid. 4a p. 494).

   En l'occurrence, sur le vu de ce qui précède, le
sort du recours paraissait d'emblée compromis, raison pour
laquelle les frais, comprenant ceux liés au prononcé du juge-
ment partiel du 23 novembre 1999, doivent en être mis à la
charge des recourantes. Il n'y a pas lieu d'allouer des dé-
pens pour le surplus.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours en tant qu'il a conservé son
objet.

   2. Met à la charge des recourantes un émolument ju-
diciaire de 5000 fr.

   3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

   4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourantes, au Ministère public de la Confédéra-
tion, à l'Office fédéral de la police (B 109672) et au Dépar-
tement fédéral de justice et police.

Lausanne, le 28 février 2000
ZIR/col
            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
            Le Président,           Le Greffier,