Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1A.212/1999
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1A.212/1999/odi

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        24 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme la Juge suppléante Pont Veuthey.
Greffier: M. Jomini.

                       _____________

       Statuant sur le recours de droit administratif
                         formé par

le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel,

                           contre

l'arrêt rendu le 22 juillet 1999 par le Tribunal administra-
tif de la République et canton de Neuchâtel, dans la cause
qui oppose C.________ au Département de la gestion du terri-
toire de la République et canton de  N e u c h â t e l;

              (constructions en zone agricole)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

        A.- C.________ loue et exploite à des fins hortico-
les un terrain de 1,5 ha appartenant à son père en zone
agricole sur le territoire de la commune de Boudevilliers
(parcelle n° 2492 du cadastre).

        Le 21 août 1998, C.________ a demandé un permis de
construire pour l'installation sur ce terrain - à côté d'une
serre, ou tunnel maraîcher, dont l'implantation avait l'ob-
jet d'une autorisation en 1996 - d'une caravane destinée à
abriter le bureau, les vestiaires et les locaux sanitaires
de son entreprise; cette demande portait également sur la
création d'une fosse septique. En traitant ce dossier, le
service cantonal de l'aménagement du territoire a constaté
la présence sur ce terrain de trois nouvelles serres, ins-
tallées sans autorisation. Il a demandé qu'un dossier soit
établi par C.________ pour une procédure de régularisation.
Une enquête publique a été organisée du 9 au 28 octobre
1998; il n'y a pas eu d'opposition.

        Par une décision rendue le 2 décembre 1998, le Dé-
partement de la gestion du territoire de la République et
canton de Neuchâtel (ci-après: le département cantonal) a
refusé l'autorisation de construire pour les serres, la ca-
ravane et la fosse septique. Il a considéré que ces instal-
lations n'étaient pas conformes à la destination de la zone
agricole et qu'une dérogation selon l'art. 24 de la loi fé-
dérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) ne se
justifiait pas.

        B.- C.________ a recouru contre cette décision au-
près du Tribunal administratif cantonal. Son recours a été
admis par un arrêt rendu le 22 juillet 1999, l'affaire étant
renvoyée au département cantonal pour qu'il délivre l'auto-
risation nécessaire à l'aménagement des installations fai-
sant l'objet de la demande de permis de construire. La Cour
cantonale a retenu en substance que les nouvelles serres
n'avaient qu'une fonction accessoire pour l'ensemble de
l'exploitation et qu'elles étaient en étroite relation avec
les cultures effectuées en plein air; aussi la conformité à
l'affection de la zone agricole (art. 16 et 22 al. 2 let. a
LAT) a-t-elle été admise pour ces serres, de même que pour
les installations annexes (caravane et fosse septique).

        C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, le Conseil d'Etat de la République et canton de
Neuchâtel demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif. Il se plaint d'une violation du
droit fédéral de l'aménagement du territoire et d'une cons-
tatation manifestement inexacte et incomplète des faits per-
tinents. Selon le gouvernement cantonal, les éléments du
dossier ne permettent pas d'établir que l'exploitation de
C.________, y compris les trois serres litigieuses, serait
dépendante du sol pour sa plus grande part; c'est pourquoi
le Tribunal administratif aurait dû, à tout le moins, com-
pléter l'instruction avant d'annuler la décision du départe-
ment cantonal et d'ordonner la délivrance d'un permis de
construire. Le Conseil d'Etat estime que, sans autres indi-
cations probantes, on ne saurait admettre l'existence d'une
entreprise dépendante de l'exploitation du sol, les exigen-
ces fixées par la jurisprudence relative aux art. 16 ou 24
al. 1 LAT n'étant alors pas remplies.

        Dans sa réponse, C.________ propose le rejet du re-
cours.

        Invité à se déterminer, l'Office fédéral de l'amé-
nagement du territoire déclare ne pas pouvoir se prononcer,
en l'état du dossier, sur l'admissibilité des installations
litigieuses en zone agricole. Les parties ont eu l'occasion
de se prononcer sur les déterminations de cet office.

        D.- Par ordonnance du 11 octobre 1999, le Président
de la Ie Cour de droit public a, sur requête du Conseil
d'Etat, accordé l'effet suspensif au recours.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

        1.- La voie du recours de droit administratif (art.
97 ss OJ) est ouverte contre une décision, prise en dernière
instance cantonale, admettant la conformité d'une construc-
tion ou d'une installation à l'affectation de la zone agri-
cole, quand la contestation porte sur la possibilité de dé-
livrer une autorisation au sens des art. 16 et 22 al. 2 let.
a LAT ou bien, si cette autorisation n'entre pas en considé-
ration, une dérogation selon l'art. 24 LAT; cela découle de
l'art. 34 al. 1 LAT (cf. ATF 125 II 278 ss; 120 Ib 48 con-
sid. 1a p. 50; 114 Ib 131 consid. 2 p. 132). Un canton a,
par l'intermédiaire de son gouvernement, qualité pour recou-
rir (art. 34 al. 2 LAT et art. 103 let. c OJ). Le recours de
droit administratif, déposé en temps utile (art. 106 OJ),
est donc recevable.

        2.- Le recourant se plaint notamment d'une consta-
tation manifestement inexacte et incomplète, dans l'arrêt
attaqué, des faits pertinents. Ce grief peut être présenté
dans un recours de droit administratif dirigé contre une dé-

cision prise par un tribunal (art. 104 let. b OJ en relation
avec l'art. 105 al. 2 OJ). C'est de l'objet de la contesta-
tion que dépend la pertinence des faits à établir.

        a) La question principale à résoudre en l'espèce
est celle de savoir si les constructions ou installations
pour lesquelles la procédure d'autorisation a été engagée -
trois nouvelles serres, une caravane aménagée en local poly-
valent pour l'entreprise et une fosse septique - sont con-
formes à l'affectation de la zone agricole. Celle-ci com-
prend, selon l'art. 16 al. 1 LAT, les terrains qui se
prêtent à l'exploitation agricole ou horticole (let. a) et
les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être uti-
lisés par l'agriculture (let. b). Les constructions et ins-
tallations à réaliser dans cette zone doivent, sauf déroga-
tion selon l'art. 24 LAT, correspondre par leur destination
au but fixé par l'art. 16 LAT (cf. ATF 125 II 278 consid. 3a
p. 280 et les arrêts cités).

        L'art. 16 al. 1 let. a LAT mentionne expressément
l'horticulture. Cela ne signifie pas que ce type de culture
bénéficierait d'un régime propre, privilégié par rapport à
celui de l'agriculture traditionnelle. L'horticulture est
reconnue conforme à l'affectation de la zone agricole si,
quant à la façon de travailler et aux besoins en terrain,
elle peut être comparée à une utilisation agricole et lors-
qu'il existe un rapport suffisamment étroit avec l'exploita-
tion du sol en plein air. Ces conditions sont remplies dans
certaines entreprises ou jardineries, où les plants poussent
d'abord dans des serres et sont ensuite repiqués à l'exté-
rieur. Les exploitations où les cultures se font essentiel-
lement sous des abris dans lesquels un climat artificiel est
entretenu, ne correspondent pas au but de la zone agricole.
Seules sont conformes à l'affectation de cette zone les en-
treprises horticoles dont la production est pour l'essentiel

dépendante du sol. Un tel rapport de dépendance avec le sol
existe dans une entreprise lorsque, selon une appréciation
globale de son concept d'exploitation à long terme et des
moyens mis en oeuvre à cet effet, on peut la décrire comme
une entreprise de culture en plein air (ATF 125 II 278 con-
sid. 3b p. 281 et les arrêts cités).

        b) L'arrêt du Tribunal administratif est lacunaire
sur plusieurs points décisifs. Il apparaît, sur la base du
dossier et notamment des écritures de l'intimé, que certains
plants sont cultivés en serres jusqu'au mois de mai pour
être ensuite plantés à l'extérieur; d'autres sont directe-
ment vendus à des clients de l'entreprise, sans être trans-
férés en pleine terre. Pour cette partie de la production,
il n'y a pas de rapport avec l'exploitation du sol en plein
air; or on ne peut pas déterminer quelle est la part de cet-
te production dans l'ensemble de l'entreprise. L'intimé pré-
tend par ailleurs retirer 80 à 90 % de son revenu des cultu-
res utilisant les serres (le solde, 10 à 20 %, provenant de
cultures maraîchères ou autres, exclusivement en plein air),
sans préciser de quels genres de cultures il s'agit, dépen-
dant étroitement du sol ou non; ainsi établis, ces faits ne
sont pas probants. Ces indications démontrent à tout le
moins qu'il ne suffit pas de se fonder sur les surfaces res-
pectives des cultures sous serre (1'100 m2) et des cultures
en plein air (13'900 m2) pour déterminer le caractère agri-
cole ou non agricole de l'exploitation selon les critères de
la jurisprudence. Au surplus, ni l'arrêt attaqué ni le dos-
sier ne donnent d'indications sérieuses sur le concept d'ex-
ploitation à long terme, sur les différents types de cultu-
res existantes et envisagées, ni sur les produits vendus di-
rectement dans les serres. Sans la connaissance de ces élé-
ments, il n'est pas possible de résoudre la question de la
conformité à l'affectation de la zone agricole. Cela vaut

tant pour les trois serres litigieuses que pour les instal-
lations annexes directement liées au développement de l'en-
treprise, à savoir la caravane et la fosse septique.

        Il apparaît donc que les faits pertinents ont été
établis de manière manifestement incomplète. Cela justifie
l'admission du recours de droit administratif, en vertu de
l'art. 104 let. b OJ.

        c) Dans les circonstances de l'espèce, il n'appar-
tient pas au Tribunal fédéral de compléter lui-même l'ins-
truction (le cas échéant en procédant à une inspection loca-
le ou en ordonnant une expertise). L'arrêt attaqué doit donc
être annulé et l'affaire doit être renvoyée pour nouvelle
décision au Tribunal administratif (art. 114 al. 2 OJ).

        3.- Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument ju-
diciaire (art. 153, 153a et 156 OJ). Le Conseil d'Etat n'a
pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

        1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et ren-
voie l'affaire pour nouvelle décision au Tribunal adminis-
tratif de la République et canton de Neuchâtel.

        2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re.

        3. Communique le présent arrêt en copie à
C.________, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif
de la République et canton de Neuchâtel, ainsi qu'à l'Office
fédéral de l'aménagement du territoire.
                       _____________

Lausanne, le 24 mai 2000
JIA

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,