Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 626/1998
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 1998
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 1998


I 626/98 Bn

                       Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer,
Spira, Rüedi et Widmer; Wagner, Greffier

                   Arrêt du 25 mai 2000

                       dans la cause

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des syndicats patronaux, rue de St-Jean 98, Genève,
recourante,

                          contre

M.________, intimé, représenté par Maître B.________,
avocat,

                            et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

     A.- M.________, né en 1943, menuisier-ébéniste, a été
victime le 26 février 1990 d'une rupture du biceps droit et
le 7 janvier 1991 d'une récidive de la déchirure de ten-
dons. Il en est résulté une invalidité totale pendant la
période du 1er janvier au 31 octobre 1992, réduite selon
une communication à la caisse de compensation de l'Office
cantonal AI du canton de Genève, du 29 mai 1996, à 50 % dès

le 1er novembre 1992. Pour calculer le montant de la demi-
rente allouée à l'assuré, à partir du 1er avril 1993,
l'office AI, dans une décision du 1er juillet 1996, s'est
fondé sur un revenu annuel moyen déterminant de
48'888 francs, une durée de cotisations de 27 ans et 4 mois
et l'échelle de rente 43.
     Le 4 novembre 1996, M.________ fut victime d'une
fracture comminutive du calcanéum du pied droit. Présentant
une importante limitation fonctionnelle de la cheville, il
sollicita le 13 octobre 1997 l'allocation d'une rente en-
tière d'invalidité. Dans une communication à la caisse de
compensation du 5 novembre 1997, l'office AI retint une in-
validité de 100 %. Par décision du 22 décembre 1997, cet
office alloua à l'assuré, dès le 1er octobre 1997, une ren-
te entière de 1'665 francs par mois, assortie d'une rente
complémentaire pour épouse s'élevant à 499 francs et d'une
rente complémentaire pour enfant de 666 francs. Appliquant
l'échelle de rente 43, il se fondait sur un revenu annuel
moyen déterminant de 50'148 francs et sur une durée de
cotisations de 27 ans et 4 mois.

     B.- M.________ a recouru contre cette décision devant
la Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'AVS/AI, en demandant que soient prises en compte dans le
calcul de la rente entière toutes les années de cotisa-
tions, y compris celles pendant lesquelles il était inva-
lide à 50 %.
     Par jugement du 22 septembre 1998, la juridiction can-
tonale a admis le recours en ce sens qu'elle a renvoyé la
cause à la caisse pour qu'elle rassemble les comptes indi-
viduels de M.________ jusqu'à l'événement du 4 novembre
1996 et qu'elle procède sur cette base à un calcul compara-
tif du montant de la rente entière.

     C.- La Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédéra-
tion romande des syndicats patronaux interjette recours de

droit administratif contre ce jugement, en concluant à
l'annulation de celui-ci.
     M.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. De leur côté, l'Office cantonal AI du
canton de Genève et l'Office fédéral des assurances
sociales (OFAS) proposent de l'admettre.

                  Considérant en droit :

     1.- a) Dans la décision administrative litigieuse du
22 décembre 1997, l'office AI s'est fondé sur une durée de
cotisations de 27 ans et 4 mois. Il a donc repris pour le
calcul de la rente entière les mêmes bases que celles de la
demi-rente versée du 1er novembre 1992 au 30 septembre
1997.

     b) Selon les premiers juges, il y a lieu, en vertu de
l'art. 51 al. 3 RAVS en corrélation avec l'art. 30bis LAVS,
de comparer le calcul sur lequel se fonde la décision du
22 décembre 1997 avec un nouveau calcul de la rente entière
«après rassemblement des comptes individuels de cotisations
s'agissant de la période entre les deux accidents». En ef-
fet, d'après le jugement cantonal, «le but visé par le lé-
gislateur consiste manifestement à ne pas pénaliser l'as-
suré car à l'évidence, les revenus réalisés en tant qu'in-
valide seront vraisemblablement plus faibles que ceux qu'il
aurait pu gagner en bonne santé et risque de conduire à
l'octroi d'une rente plus faible (cf. RCC 1970, 599)».

     c) De son côté, la recourante se fonde sur le
ch. m. 5627 des directives de l'OFAS concernant les rentes
(DR) dont le contenu est le suivant :
     «Si une modification du degré de l'invalidité influe
également (sur) le droit à la rente (rente entière, demie
ou quart de rente), les mêmes bases de calcul que celles

applicables à la rente versée jusque-là continuent de
s'appliquer à la nouvelle rente (échelle de rentes et re-
venu annuel moyen déterminant). Si l'autre conjoint est
également au bénéfice d'une rente, il y a lieu de réexami-
ner le plafonds».

     D'après la recourante, on se trouve dans un cas où la
modification du degré d'invalidité a entraîné la révision
du droit à une rente en cours selon l'art. 41 LAI et le
passage d'une demi-rente à une rente entière, de sorte que
cette directive s'applique en l'espèce et que la nouvelle
rente doit être calculée sur les mêmes bases que la demi-
rente versée jusque-là. Elle en conclut que la question du
calcul comparatif ne se pose pas.

     2.- Selon l'art. 36 al. 2 première phrase LAI, sous
réserve de l'art. 36 al. 3 LAI, les dispositions de la LAVS
sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinai-
res (cf. ATF 124 V 159).
     L'art. 29bis al. 1 LAVS, dans sa teneur en vigueur de-
puis le 1er janvier 1997 (dixième révision de l'AVS),
dispose que le calcul de la rente est déterminé par les
années de cotisations, les revenus provenant d'une activité
lucrative ainsi que les bonifications pour tâches
éducatives ou pour tâches d'assistance entre le 1er janvier
qui suit la date où l'ayant droit a eu 20 ans révolus et le
31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré
(âge de la retraite ou décès).
     En vertu de l'art. 30bis troisième phrase LAVS, le
Conseil fédéral peut régler la prise en compte des frac-
tions d'années de cotisations et des revenus d'une activité
lucrative y afférente et prévoir que la période de cotisa-
tions durant laquelle l'assuré a touché une rente d'invali-
dité et les revenus obtenus durant cette période ne seront
pas pris en compte.
     Édicté sur la base de cette délégation de compétence,
l'art. 51 al. 3 RAVS, applicable par analogie au calcul des

rentes ordinaires de l'assurance-invalidité (art. 32 al. 1
RAI), prévoit que pour le calcul d'une rente de vieillesse
ou de survivant ne succédant pas immédiatement à une rente
d'invalidité, les années civiles durant lesquelles une ren-
te d'invalidité a été accordée, ainsi que le revenu de
l'activité lucrative y afférent, ne sont pas pris en compte
pour la fixation du revenu annuel moyen, lorsque cela est
plus avantageux pour les ayants droit.

     3.- En l'espèce, l'intimé était invalide à 50 %, avant
de le devenir à 100 % à la suite de la survenance d'une
nouvelle affection. Se pose dès lors la question de savoir
si la part d'augmentation de l'invalidité constitue un nou-
veau cas d'assurance, ce qui est décisif pour le calcul de
la rente entière succédant à une demi-rente.

     a) Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée
survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, pro-
pre à ouvrir droit aux prestations entrant en considéra-
tion. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après
l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas
d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à
laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir
de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide
pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré ap-
prend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé
peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF
118 V 82 consid. 3a et les références).
     En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à
une rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à
une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un
quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les
cas pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis
LAI, prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au
moins.

     Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente
au sens de l'art. 28 LAI prend naissance au plus tôt à la
date à partir de laquelle l'assuré présente une incapacité
de gain durable de 40 pour cent au moins (let. a) ou à par-
tir de laquelle il a présenté, en moyenne, une incapacité
de travail de 40 pour cent au moins pendant une année sans
interruption notable (let. b).

     b) Dans un arrêt publié aux ATF 96 V 42, où il s'agis-
sait d'appliquer par analogie, dans la procédure de révi-
sion prévue à l'art. 41 LAI, la variante 2 de l'ancien
art. 29 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur depuis 1968),
le Tribunal fédéral des assurances avait réservé l'éventua-
lité suivante: lors de l'examen rétrospectif de l'incapaci-
té de travail, contrairement à la règle générale selon
laquelle les périodes durant lesquelles une rente courait
devaient être prises en compte, celles-ci ne devaient pas
l'être si l'augmentation du taux d'invalidité était indé-
pendante de l'atteinte à la santé originaire (ATF 96 V 46
consid. 3).
     Cet arrêt n'envisage que cette éventualité, laquelle
n'est pas décisive en ce qui concerne le point de savoir si
la part d'augmentation de l'invalidité constitue un nouveau
cas d'assurance, ou si, au contraire, c'est la procédure de
révision de l'art. 41 LAI qui s'applique. Pour cette rai-
son, il faut trancher le présent litige indépendamment de
l'arrêt précité.

     c) Dans un arrêt non publié A. du 23 avril 1991
(I 81/90), la Cour de céans a laissé indécis le point de
savoir si l'augmentation du taux d'invalidité due à une
atteinte à la santé complètement différente (par ex. un
assuré cardiaque au bénéfice d'une demi-rente est victime
d'un accident qui le rend paraplégique, de sorte qu'il a
droit désormais à une rente entière), constituait un
nouveau cas d'assurance.

     4.- Lorsque l'augmentation du taux d'invalidité jus-
tifiant le passage à une rente plus élevée (art. 28 al. 1
en corrélation avec l'art. 41 LAI) est la conséquence d'une
aggravation de l'atteinte à la santé originaire, il n'y a
pas de nouveau cas d'assurance (arrêt non publié K. du
30 mai 1995 [I 170/94]).
     Dans cet arrêt, le litige avait trait au point de sa-
voir si le passage de la demi-rente à la rente entière
constituait un nouveau cas d'assurance et si celui-ci don-
nait lieu à un calcul comparatif. Le Tribunal fédéral des
assurances, constatant que l'aggravation de l'invalidité
n'était pas due à une atteinte à la santé complètement dif-
férente de celle existant à l'origine, a nié tout nouveau
cas d'assurance. Dès lors, la question du calcul comparatif
ne se posait pas et la rente entière devait être calculée
sur les mêmes bases que la demi-rente.

     5.- Il ne saurait en aller autrement lorsque l'augmen-
tation du taux d'invalidité justifiant le passage à une
rente plus élevée (art. 28 al. 1 LAI) n'est pas la consé-
quence d'une aggravation de l'atteinte à la santé origi-
naire.
     En effet, que l'augmentation de l'invalidité justi-
fiant le passage à une rente plus élevée soit la conséquen-
ce d'une aggravation de l'atteinte à la santé originaire ou
qu'elle ne le soit pas, la loi ne fait sur ce point aucune
distinction.
     Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité au sens de la
loi est la diminution de la capacité de gain, présumée per-
manente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la
santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congé-
nitale, d'une maladie ou d'un accident. D'autre part, en
vertu de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire
de rente se modifie de manière à influencer le droit à la

rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou
supprimée.
     Au regard de ces dispositions légales, l'augmentation
du taux d'invalidité justifiant le passage à une rente plus
élevée (art. 28 al. 1 LAI) constitue donc un cas de révi-
sion du droit à la rente au sens de l'art. 41 LAI, sans
qu'il y ait lieu de se demander si elle est la conséquence
d'une aggravation de l'atteinte à la santé originaire ou si
elle ne l'est pas.

     6.- En l'espèce, il faut donc nier l'existence d'un
nouveau cas d'assurance. Selon le ch. m. 5627 DR, qui est
sur ce point conforme à la loi, les bases de calcul de la
demi-rente s'appliquent aussi à la nouvelle rente entière,
à laquelle a droit l'intimé depuis le 1er octobre 1997. Le
recours est bien fondé.

     7.- Représenté par un avocat, l'intimé, qui succombe,
ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instan-
ce fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135
OJ).

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement de la Commission
     cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-
     vieillesse, survivants et invalidité, du 22 septembre
     1998, est annulé.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
     dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
     Commission cantonale genevoise de recours en matière
     d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, à
     l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton
     de Genève et à l'Office fédéral des assurances
     sociales.

Lucerne, le 25 mai 2000

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la Ière Chambre :

                                    Le Greffier :