Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 415/1998
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I 415/98 Co

                       IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; von
Zwehl, Greffière

                   Arrêt du 21 mars 2000

                       dans la cause

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, Genève, recourant,

                          contre

Z.________, Macédoine, intimé, représenté par B.________,
intimé,

                            et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

     A.- Z.________, ressortissant macédonien, a travaillé
en Suisse comme manoeuvre. Le 19 février 1990, il a été
victime d'une chute à vélo, qui a entraîné diverses
contusions au visage et au genou gauches, ainsi que des

dommages dentaires. Depuis l'incident, le prénommé s'est
plaint de douleurs persistantes à la tête avec vomissements
et vertiges et n'a jamais repris d'activité professi-
onnelle, à l'exception d'un essai non concluant au mois
d'octobre 1990. Son cas a été pris en charge par la Caisse
nationale suisse en cas d'accidents (CNA). Malgré les
nombreuses investigations neurologiques auxquelles il s'est
soumis, les médecins consultés n'ont pas pu objectiver de
lésions somatiques significatives, si ce n'est une légère
anosmie ainsi qu'une diminution de l'audition à l'oreille
gauche (cf. dossier de la CNA). Sur le plan psychique, les
docteurs S.________ et X.________ de la Clinique psychia-
trique universitaire ont mis en évidence des troubles
discrets dans l'EEG ainsi qu'une dépression majeure; ils
ont conclu à une incapacité de travail de 90 % (rapport
d'expertise du 30 juillet 1991). Le 7 août 1991, Z.________
a présenté une demande de prestations à l'assurance-inva-
lidité. De son côté, la CNA lui a dénié le droit à des
indemnités journalières à partir du 1er mai 1992. L'assuré
a définitivement quitté la Suisse pour son pays d'origine
le 22 mai 1993.
     Par décision du 3 avril 1995, l'Office de l'assurance-
invalidité pour les personnes résidant à l'étranger (ci-
après : l'office) a rejeté sa demande, motif pris qu'il ne
présentait pas d'atteinte invalidante à la santé.

     B.- Par jugement du 1er décembre 1995, la Commission
fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, sur-
vivants et invalidité pour les assurés résidant à l'étran-
ger (ci-après : la commission) a admis le recours de l'as-
suré contre cette décision et renvoyé la cause à l'office
pour un complément d'instruction sous la forme d'une exper-
tise auprès du Centre d'observation médicale de l'assuran-
ce-invalidité (COMAI) à St-Gall, suivant en cela la propo-
sition faite par ledit office en cours de procédure. Ce ju-

gement a été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral des as-
surances du 1er mai 1996 (cause I 66/96).
     Le 10 juin 1997, l'office a rendu une nouvelle déci-
sion par laquelle il a confirmé le rejet de la demande de
prestations. Cette décision se fondait sur l'expertise du
COMAI, selon laquelle l'incapacité de travail de l'assuré
n'avait jamais dépassé 20 % depuis l'événement accidentel.
Produisant d'autres certificats médicaux, dont certains
faisant état d'une affection épileptique, l'assuré a dere-
chef recouru contre la décision précitée, en concluant à
l'allocation d'une rente d'invalidité.
     Par jugement du 10 juillet 1998, la commission a admis
le recours en ce sens qu'elle a reconnu à l'assuré le droit
à une rente entière d'invalidité dès le 1er février 1991.

     C.- L'office interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
     Z.________ conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales propose son
admission.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le droit de l'intimé à une
rente d'invalidité. Ce dernier étant domicilié à l'étran-
ger, il ne peut en effet prétendre à des mesures de réadap-
tation (art. 8a 1er paragraphe de la Convention de sécurité
sociale entre la Suisse et la Yougoslavie du 8 juin 1962).

     2.- a) Les règles légales et les principes jurispru-
dentiels relatifs au droit à la rente, ainsi que les dispo-
sitions de la Convention de sécurité sociale entre la
Suisse et la Yougoslavie applicables l'intimé, ont été cor-
rectement rappelés dans le jugement entrepris, de sorte
qu'il suffit d'y renvoyer.

     b) Lorsque l'administration confie des expertises à
des spécialistes externes reconnus, le juge peut, dans le
cadre de l'appréciation des preuves, leur reconnaître une
pleine force probante dans la mesure où celles-ci se fon-
dent sur des examens complets ainsi qu'une étude fouillée
du dossier et qu'il n'existe pas non plus d'indices con-
crets qui permettraient de douter de leur bien-fondé (ATF
125 V 353 consid. 3b/bb, 122 V 161 consid. 1c et les réfé-
rences). Cette jurisprudence est pareillement applicable
lorsqu'un office AI aménage une expertise auprès d'un cen-
tre spécialisé indépendant tel que le COMAI (arrêt non pu-
blié V. du 24 janvier 2000, I 128/98, consid. 3c).

     3.- En l'espèce, les docteurs W.________ et
Y.________, experts du COMAI, ont posé le diagnostic de
status après commotion cérébrale à la suite d'une chute à
vélo avec contusions à la partie gauche du visage et
lésions dentaires,  ainsi que de simulation de troubles
psychiques; comme affections secondaires, ils ont également
retenu des céphalées posttraumatiques, un syndrome lombaire
douloureux ainsi que des douleurs au genou gauche non ob-
jectivables. Ils ont évalué l'incapacité de travail de
l'assuré à 20 % au plus depuis la date de l'accident.
     Pour rendre leurs conclusions, les experts se sont
fondés sur les résultats d'examens pluridisciplinaires réa-
lisés durant le séjour au COMAI (EEG, hématologie, analyse
d'urine, consultations neurologique et psychiatrique),
ainsi que sur l'ensemble des pièces au dossier, y compris
l'expertise des docteurs S.________ et X.________ ainsi que
les certificats médicaux (établis en Macédoine) que
l'assuré a produits durant l'instruction. Les plaintes de
ce dernier ont également été prises en compte. En
conséquence, le rapport d'expertise du COMAI a pleine
valeur probante pour trancher le litige conformément à la
jurisprudence précitée et, comme on le verra ci-dessous,
c'est à tort que la commission s'en est écartée.

     4.- Les observations médicales du docteur W.________
et celles faites à l'époque par les médecins de la CNA
aboutissent à des conclusions similaires, à savoir que
l'assuré ne présente pas de déficit neurologique significa-
tif. A cet égard, les certificats médicaux du docteur
C.________, faisant état d'une affection épileptique, n'em-
portent pas la conviction, dès lors qu'aucun EEG effectué
depuis 1990 n'a fait ressortir une telle pathologie. Quant
aux céphalées posttraumatiques dont l'intimé s'est toujours
plaint, l'expert considère qu'elles ne sont pas de nature à
limiter notablement sa capacité de travail, appréciation
qui n'est du reste pas contredite par les autres pièces mé-
dicales contenues dans le dossier. En définitive, le noeud
du litige se résume à la question de savoir si l'intimé
présente une atteinte psychique et, le cas échéant, si
celle-ci est invalidante.
     Selon le docteur Y.________, psychiatre, bien que la
situation économique difficile de l'intéressé soit suscep-
tible d'influencer négativement son état de santé, celui-ci
n'est toutefois pas atteint de troubles psychiques invali-
dants; à ses yeux, le comportement apathique de l'assuré
relève bien plutôt de la simulation. Il fonde cette opinion
sur les résultats des tests psychologiques effectués au
COMAI : s'il fallait les interpréter au pied de la lettre,
on devrait en conclure que l'intimé souffre d'un syndrome
démentiel. Or, toujours d'après l'expert, un tel diagnostic
est hautement improbable, au vu de l'absence de lésion cé-
rébrale et du caractère bénin de la commotion subie par
l'intimé ensuite de sa chute à vélo.
     L'avis des médecins qui suivent le patient depuis son
retour en Macédoine n'est pas propre, quoi qu'en pense la
commission, à ébranler la crédibilité des conclusions du
docteur Y.________. D'une part, ces médecins n'apportent
aucun élément permettant de douter du caractère simulé des
troubles psychiques de l'intimé, se contentant de constater
que celui-ci, d'après le résultat de leurs tests psychologi-

ques, est du point de vue psychique gravement atteint,
voire impotent. D'autre part, en ce qui concerne les rap-
ports établis par les médecins traitants, le juge peut et
doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le méde-
cin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à
prendre parti pour son patient en raison de la relation de
confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 353 con-
sid. 3b/cc et les références). Enfin, on peut encore ajou-
ter que les docteurs S.________ et X.________, qui avaient
examiné l'assuré en 1991, attribuaient à cette époque lar-
gement sa dépression à l'état d'isolement socio-familial
qu'il présentait, état qui a disparu avec son retour en
1993 en Macédoine.

     5.- Dans la mesure où l'on se trouve en présence d'une
expertise probante, attestant d'une incapacité de travail
globale de 20 % au plus, les conditions mises à l'alloca-
tion d'une rente d'invalidité ne sont pas données. Le re-
cours de l'office se révèle ainsi bien fondé.

     Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du 10 juillet 1998
     de la Commission fédérale de recours en matière d'as-
     surance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
     personnes résidant à l'étranger est annulé.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
     Commission fédérale de recours en matière d'assurance-

     vieillesse, survivants et invalidité pour les person-
     nes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des
     assurances sociales.

Lucerne, le 21 mars 2000

                                        Au nom du
                             Tribunal fédéral des assurances
                            Le Président de la IIIe Chambre :

                                     Le Greffière :