Sozialrechtliche Abteilungen C 324/1998
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C 324/98 Mh IIe Chambre composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari; Berthoud, Greffier Arrêt du 1er mars 2000 dans la cause Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne, recourant, contre C.________, intimé, et Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy A.- Par décision du 29 avril 1997, l'Office fédéral des étrangers a signifié à C.________ qu'il était autorisé à séjourner temporairement en Suisse jusqu'au 30 avril 1998 avec son épouse et ses enfants, dans le cadre de l'action «Bosnie Herzégovine». L'éventuelle activité lucrative exer- cée jusqu'à ce jour pouvait être poursuivie jusqu'à l'éché- ance du délai de départ. Le 29 octobre 1997, C.________ a été licencié pour raisons économiques avec effet au 31 janvier 1998. Statuant sur cas douteux le 19 mars 1998, le Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura (le SAMT) a nié l'aptitude au placement de l'assuré à partir du 1er fé- vrier 1998, soit durant la période de trois mois précédant son départ de Suisse. B.- C.________ a recouru contre cette décision devant la Chambre des assurances du Tribunal cantonal des assuran- ces du canton du Jura, en concluant à son annulation. Par jugement du 19 août 1998, la juridiction cantonale a admis le recours et déclaré C.________ apte au placement dès le 1er février 1998. C.- L'Office fédéral du développement économique et de l'emploi (aujourd'hui le Secrétariat d'Etat à l'économie) interjette recours de droit administratif contre ce juge- ment dont il demande l'annulation. Il conclut principale- ment au rétablissement de la décision du 19 mars 1998, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité can- tonale pour examen de l'aptitude au placement. L'intimé n'a pas répondu. Le SAMT propose d'admettre le recours. Considérant en droit : 1.- Le litige porte sur l'aptitude au placement de l'intimé durant la période s'étendant du 1er février au 30 avril 1998. 2.- a) L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que s'il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé, le chômeur qui est disposé à ac- cepter un travail convenable et est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). b) Selon l'art. 3 al. 3 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), un étranger qui ne possède pas de permis d'établissement ne peut prendre un emploi en Suisse, et un employeur ne peut l'occuper, que si une autorisation de séjour lui en donne la faculté. D'après l'art. 14c al. 3 LSEE, les autorités cantonales autorisent les étrangers admis provisoirement à exercer une activité lucrative dépendante, pour autant que le marché de l'emploi et la situation économique le permet- tent. La procédure d'autorisation est réglée de telle maniè- re que, lorsqu'il s'agit de la prise d'un emploi, l'autori- té prendra au préalable l'avis de l'office de placement compétent (art. 16 al. 2 LSEE). Avant que les autorités cantonales de police des étrangers n'accordent l'autorisa- tion d'exercer une activité, elles doivent ainsi requérir une décision préalable (dans le cas d'une première demande) ou un avis (en particulier en cas de prolongation d'une autorisation ou de changement de place) de l'office canto- nal de l'emploi, qui déterminera si les conditions prévues par les art. 6 ss de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21) sont remplies et si la situation de l'économie et du marché permet l'engagement (art. 42 al. 1 et 43 al. 2 OLE). La décision préalable ou l'avis de l'office cantonal de l'emploi lie les autorités cantonales de police des étrangers; celles-ci peuvent, malgré une décision préalable positive ou un avis favorable, refuser l'autorisation si des considérations autres que celles qui ont trait à la situation de l'économie ou du marché du travail l'exigent (art. 42 al. 4 et 43 al. 4 OLE; ATF 120 V 395-396 consid. 2b). Le changement de place, de profession et de canton est réglé par l'art. 29 OLE. Il postule une autorisation, avec préavis obligatoire de l'office cantonal de l'emploi. Celle-ci ne sera notamment pas accordée aux bénéficiaires d'une autorisation de courte durée (art. 29 al. 2 let. c OLE). Des exceptions à ce principe ne peuvent être faites que si des motifs importants font apparaître qu'un refus entraînerait une rigueur excessive (art. 29 al. 3 OLE). Dans les autres cas, le changement de place, de profession ou de canton sera autorisé lorsque le contrat de travail a été résilié régulièrement et que rien ne s'oppose à ce que l'étranger occupe un nouvel emploi selon les prescriptions fédérales (art. 29 al. 4 OLE). Ces dispositions sont applicables aux requérants d'asile, aux réfugiés statutaires ainsi qu'aux étrangers admis provisoirement (Jacques-André Schneider, Asile et travail salarié : questions choisies in Droit des réfugiés, p. 125). c) D'après la jurisprudence, un requérant d'asile au chômage est réputé apte à être placé au sens de l'art. 15 al. 1 LACI dans la mesure où il peut en principe s'attendre à obtenir une autorisation de travail s'il trouve un tra- vail convenable (SVR 1995 ALV n° 26 p. 61; DTA 1993/1994 n° 2 p. 11). Il en va de même lorsque se pose la question de l'autorisation de changement de place. A cet égard, l'aptitude au placement doit être appréciée en fonction de critères individuels et concrets et non pas d'une manière générale et abstraite (SVR 1995 ALV n° 26 p. 63 consid. 3c, n° 42 p. 118 consid. 3b). En l'absence d'une décision de l'autorité cantonale de police des étrangers (et de l'office cantonal du travail), l'administration de l'assurance-chômage ou, en cas de re- cours, le juge ont le pouvoir de trancher préjudiciellement le point de savoir si, au regard de la réglementation ap- plicable, le ressortissant étranger serait en droit d'exer- cer une activité lucrative; lorsqu'ils ne disposent pas d'indices concrets suffisants, ils s'informeront auprès des autorités compétentes pour savoir si l'intéressé peut s'at- tendre à obtenir une autorisation de travail, dans l'hypo- thèse où il trouverait un travail convenable (ATF 120 V 396 consid. 2c). 3.- a) En l'espèce, il s'agit de déterminer si l'in- timé, qui a séjourné temporairement en Suisse dans le cadre de l'action «Bosnie-Herzégovine» au bénéfice d'un permis L, pouvait s'attendre à obtenir une autorisation de travail du 1er février au 30 avril 1998, dans l'éventualité où il aurait trouvé un emploi. b) Les premiers juges ont considéré que la directive du SAMT du 13 mars 1997, aux termes de laquelle les requé- rants d'asile ayant reçu un délai de départ ne sont pas autorisés à prendre un emploi, compte tenu des graves per- turbations touchant le marché du travail jurassien, n'était pas conforme au droit fédéral. Ils ont ensuite retenu que l'intimé avait été occupé durant sept ans par la société X.________ (construction de tunnels dans le cadre de la N16). Comme cette entreprise cherchait en particulier des travailleurs temporaires, souvent étrangers, ils ont admis qu'une disponibilité de quelques mois était suffisante pour obtenir ce genre d'emplois. Le recourant pouvait dès lors s'attendre à obtenir une autorisation de travail, au cas où un emploi lui aurait été proposé. c) Dans son recours, l'autorité fédérale de surveil- lance rappelle qu'en raison de l'avis négatif du SAMT, exprimé dans la directive du 13 mars 1997, la condition de pouvoir compter avec une autorisation de travailler n'était manifestement pas remplie. Si le Tribunal cantonal avait estimé que l'intimé aurait eu une chance d'obtenir l'auto- risation de travailler, il aurait dû instruire l'affaire dans ce sens et exposer dans son jugement les éléments permettant d'arriver à cette conclusion. Le recourant soutient par ailleurs que les premiers juges n'ont pas apporté tout le soin qu'on pouvait attendre d'eux à l'examen de la conformité de la directive du SAMT du 13 mars 1997 au droit fédéral. d) En l'espèce, l'intimé, admis provisoirement en Suisse, était au bénéfice d'une autorisation de séjour de courte durée (permis L). Selon la règle découlant de l'art. 29 al. 2 let. c OLE, il ne pouvait dès lors s'at- tendre à obtenir une autorisation de changement de place, voire de profession. Il n'est toutefois pas possible de déterminer s'il aurait pu en bénéficier, à titre d'excep- tion, faute d'éléments au dossier au sujet de la rigueur excessive d'une décision de refus (art. 29 al. 3 OLE). Le dossier devra en conséquence être retourné à la juridiction cantonale afin qu'elle complète l'instruction sur la question de l'existence d'un cas de rigueur (allégué par l'intimé en procédure cantonale), puis requiert, selon la règle générale exposée ci-dessus, des informations au- près des autorités compétentes en matière d'autorisation de travail. Dans ce cadre, elle pourra, au besoin, interpeller ces autorités sur leur pratique en matière de changement de place à l'égard des détenteurs d'un permis L. Ce n'est que sur la base de cette instruction complémentaire qu'elle pourra statuer préjudiciellement sur le droit de l'intimé d'exercer une activité lucrative pendant la période liti- gieuse, après examen des conditions d'octroi d'une auto- risation de changement de place et de profession. 4.- Au regard des arguments soulevés par le recourant, il y a lieu encore de statuer sur l'aptitude éventuelle au placement de l'intimé. A cet égard, on peut admettre avec la juridiction cantonale que la disponibilité au placement de l'intimé durant le délai de trois mois était suffi- sante : d'une part, les précédents auxquels le recourant se réfère (p. 5 du recours) se rapportent tous à des périodes de disponibilités plus courtes pour nier cette disponibi- lité; d'autre part, il semble plausible qu'un emploi tempo- raire de trois mois puisse être offert à l'intimé dans le secteur d'activité qui était le sien, en particulier lorsqu'il s'agit d'accomplir des tâches ne requérant pas de qualifications professionnelles particulières. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances p r o n o n c e : I. Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Chambre des assurances du Tribunal cantonal des assu- rances du canton du Jura du 19 août 1998 est annulé, la cause étant renvoyée à cette juridiction pour ins- truction complémentaire au sens des considérants et nouveau jugement. II. Il n'est pas perçu de frais de justice. III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Chambre des assurances du Tribunal cantonal des assu- rances du canton du Jura et au Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura. Lucerne, le 1er mars 2000 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIe Chambre : Le Greffier :