Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2C.3/1998
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2C.3/1998

       IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
      ***********************************************

                        16 mars 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Revey.

          Statuant sur l'action en responsabilité
                        intentée par

A.________, demanderesse, représentée par Me Eric Alves de
Souza, avocat à Genève,

                           contre

l'Etat de  V a u d, défendeur, représenté par le Conseil
d'Etat, au nom de qui agit Me Etienne Laffely, avocat à Lau-
sanne;

 (art. 42 OJ: responsabilité de l'Etat pour acte illicite)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- A.________, née le 15 janvier 1949, domiciliée à
B.________, travaille à Genève comme administratrice et ges-
tionnaire de sociétés, en particulier d'un hôtel important
de la place.

     A.________ souffre d'une sclérose en plaques depuis
1976. Cette maladie s'est aggravée au fil des ans et l'a no-
tamment handicapée au niveau des jambes. En particulier, en
1991, A.________ a éprouvé de la difficulté à marcher en
raison d'un raidissement de sa jambe droite. Elle a alors
obtenu de la gendarmerie vaudoise une autorisation de parca-
ge sur les places réservées aux handicapés, renouvelée an-
nuellement.

     B.- En 1995, constatant que son pied droit s'était af-
faibli, A.________ résolut de faire équiper son véhicule
d'un dispositif pour conducteur handicapé permettant d'ac-
tionner manuellement la commande des gaz et celle des
freins. Le 24 mars 1995, le Dr C.________ rédigea un certi-
ficat médical à cette fin, dans la teneur suivante: "L'état
neurologique de A.________ s'est nettement aggravé. Cette
patiente nécessitant impérativement de pouvoir conduire son
automobile, il est indispensable que son véhicule soit adap-
té à sa situation et notamment en installant des commandes
manuelles."

     Peu après, un garage spécialisé de Genève équipa l'au-
tomobile de A.________ d'une boule sur le volant et d'un le-
vier d'accélération et de freinage placé à droite de celui-
ci. En revanche, il laissa la pédale des gaz librement ac-
cessible, sans dispositif d'escamotage ou de protection.

     C.- Le 17 mai 1995, le Service des automobiles, cycles
et bateaux du canton de Vaud (ci-après: le Service des auto-
mobiles) convoqua A.________ afin de procéder à un examen de
conduite de transition et à une inspection technique du vé-
hicule. Ceux-ci s'étant déroulés avec succès le 6 juin 1995,
le Service des automobiles délivra de nouveaux permis de
conduire et de circulation.

     D.- Le 20 mars 1996, A.________ prit place dans sa voi-
ture, garée devant sa maison à B.________, en vue de reculer
pour sortir de sa propriété. Elle mit le moteur en marche et
se retourna sur sa gauche pour regarder si la voie était li-
bre. Soudainement, le véhicule recula à pleins gaz, traversa
la cour de la maison et le chemin attenant, heurta le muret
et la clôture en treillis métallique bordant la propriété
d'en face, puis une autre voiture stationnée devant la villa
de celle-ci, et acheva sa course contre le mur de cette mai-
son.

     Appelée sur les lieux, la gendarmerie relata l'accident
dans le constat en ces termes: "Peu après avoir mis le con-
tact, la voiture s'est mise rapidement en mouvement, en mar-
che arrière, pour une raison indéterminée." Deux témoins
précisaient en outre que la voiture était sortie "comme une
bombe." Sous la rubrique "causes et dénonciation", ce docu-
ment indiquait "inattention à la conduite de son véhicule et
perte de maîtrise. Art. 31 al. 1 de la loi fédérale du 19
décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01)
et 3 al. 1 de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les rè-
gles de la circulation routière (OCR; RS 741.11)." Toujours
selon ce rapport, la voiture, une Mercedes, avait l'arrière
complètement enfoncé et la conductrice, fortement choquée,
avait été transportée en ambulance à F.________.

     A.________ demeura hospitalisée jusqu'au 25 mars 1996.
Selon le rapport médical établi par F.________ le 10 avril

1996, elle souffrait d'un choc émotionnel et de contractures
musculaires. Après quelques jours de convalescence à son do-
micile, elle recommença son activité professionnelle le 1er
avril 1996.

     Sur demande de A.________, G.________, spécialiste de
l'équipement des véhicules automobiles pour handicapés en
Suisse, de la maison H.________, à I.________, examina la
Mercedes. Par lettre du 2 mai 1996, il informa l'intéressée
que, selon lui, le fait de se retourner sur le siège du con-
ducteur avait pu déclencher un spasme d'extension - les per-
sonnes souffrant d'une sclérose multiple ayant le plus sou-
vent une spasticité élevée -, ce qui avait alors pu conduire
le pied droit à pousser à fond la pédale des gaz, dès lors
que celle-ci n'était ni rabattable ni escamotable, contrai-
rement à une directive de l'Association des services des au-
tomobiles. En outre, le système de freinage assisté était
inefficace lorsque la pédale de l'accélérateur était enfon-
cée au maximum et, s'agissant d'une voiture à traction ar-
rière, l'effet du freinage s'exerçait principalement sur les
roues avant, ce qui le rendait presque inopérant en marche
arrière.

     E.- Le 17 avril 1996, le Service des automobiles a in-
formé A.________ qu'il envisageait de la soumettre à une
course de contrôle pratique de conduite.

     Le 2 mai 1996, A.________ s'est entretenue avec le Ser-
vice des automobiles et, par lettre de son conseil du lende-
main, elle a confirmé la teneur de cette séance à l'autori-
té, annexant une copie du courrier précité de G.________ et
soulignant que l'absence de système de rabattage ou d'esca-
motage de la pédale des gaz était contraire à la directive
citée par G.________, de sorte qu'elle estimait n'avoir com-
mis aucune faute dans l'accident.

     Le 14 mai 1996, le Service des automobiles a néanmoins
infligé un avertissement à A.________, tenant compte du rap-
port de gendarmerie précité et des explications données par
l'intéressée. Ce prononcé retenait que A.________ "n'a pas
voué une attention suffisante à la conduite de sa machine,
raison pour laquelle elle en a perdu la maîtrise, qu'elle a
dès lors fautivement enfreint les règles de la circulation
routière et compromis la sécurité du trafic, qu'au vu de
l'ensemble des circonstances, le cas peut encore être quali-
fié exceptionnellement de peu de gravité au sens de l'art.
16 al. 2 LCR (...)".

     En outre, pour des motifs identiques, le Préfet du dis-
trict de Nyon a prononcé le 10 mai 1996 une amende de
100 fr. à l'encontre de A.________, en application des art.
31 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR.

     Par la suite, sur demande de réexamen, le Préfet a ce-
pendant libéré A.________ de la poursuite pénale le 27 juin
1996, laissant néanmoins à sa charge les frais d'interven-
tion de la gendarmerie vaudoise à hauteur de 130 fr. Il a
considéré notamment que l'intéressée "n'a pas fait d'autre
faute que de réagir à une situation donnée en freinant acti-
vement sans réaction de la voiture, qu'il faut tenir compte
de son état physique qui l'a empêchée d'avoir une autre ré-
action et qu'il n'y a en fait pas de faute de circulation
caractérisée."

     De même, statuant le 22 août 1996 sur recours de l'in-
téressée, le Tribunal administratif a annulé l'avertissement
prononcé par le Service des automobiles. Tenant notamment
compte de la lettre précitée de G.________, il a retenu en
fait que, "suite vraisemblablement à un spasme dû à sa mala-
die, la jambe de A.________ a eu un mouvement incontrôlable
et a appuyé à fond sur la pédale des gaz. Les efforts de la
recourante pour freiner sa machine ont été vains." En droit,

considérant que les conditions nécessaires lui permettant de
s'écarter de la décision pénale rendue par le Préfet
n'étaient pas remplies, il a confirmé qu'aucune négligence
ne pouvait être reprochée à l'intéressée. En effet, "comme
elle a été victime de spasmes involontaires et incontrôla-
bles, sa jambe a appuyé sur la pédale des gaz qui n'était
pas rétractable (...). La recourante conduisait un véhicule
homologué comme adapté à son handicap et aucune faute ne lui
est imputable à cet égard. Au surplus, elle a tenté, mais
sans résultat, de stopper sa voiture (...). On ne peut pas
non plus reprocher à la recourante de ne pas avoir, dans ces
circonstances particulièrement inhabituelles et précipitées,
songé à couper le contact."

     F.- Par courrier du 6 décembre 1996, A.________ a ré-
clamé au Service des automobiles 34'534 fr. au titre de dom-
mages-intérêts, dont 20'000 fr. à raison du tort moral cau-
sé.

     Le 14 février 1997, le Service de justice et législa-
tion du canton de Vaud écarta cette requête et, le 25 juil-
let suivant, il confirma ce refus sur demande de réexamen de
l'intéressée.

     Par lettres des 18 mars et 10 décembre 1997, le canton
de Vaud renonça à se prévaloir de la prescription jusqu'au
30 juin 1998, dans la mesure où elle n'était pas acquise le
18 mars 1997.

     G.- Par demande adressée le 26 juin 1998 au Tribunal
fédéral, A.________ a ouvert action en responsabilité contre
l'Etat de Vaud en concluant au paiement d'une somme de
37'273.60 fr. à titre de dommages-intérêts, soit de
7'273.60 fr. à raison du préjudice matériel et de 30'000 fr.
comme indemnité pour tort moral, avec intérêts à 5% l'an dès
le dépôt de la demande.

     Dans sa réponse du 7 octobre 1998, l'Etat de Vaud a
conclu au rejet de toutes les conclusions prises contre lui
par la demanderesse.

     H.- Par lettre du 25 novembre 1998, le Dr C.________ a
répondu aux questions d'ordre médical posées par le Juge dé-
légué de la IIe Cour de droit public.

     I.- Le 15 décembre 1998, une délégation du Tribunal fé-
déral a tenu une audience de débats préparatoires au cours
de laquelle les parties ont été entendues et une concilia-
tion tentée en vain.

     Le 26 avril 1999, la délégation du Tribunal fédéral a
entendu six témoins en présence des parties. Au terme de
cette séance, A.________ et l'Etat de Vaud ont renoncé à une
audience publique avec plaidoiries et ont été autorisés à
produire en lieu et place un ultime mémoire, qu'ils ont dé-
posé le 30 juin 1999 en maintenant leurs conclusions.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- a) Le Tribunal fédéral connaît en instance unique
des contestations de droit civil entre un canton d'une part
et un particulier d'autre part, lorsque l'une des parties le
requiert en temps utile et que la valeur litigieuse est d'au
moins 8'000 fr. (art. 42 al. 1 OJ). Sont des contestations
de droit civil au sens de l'art. 42 al. 1 OJ, non seulement
celles qui sont soumises au droit privé stricto sensu, mais
également d'autres prétentions patrimoniales contre l'Etat,
lorsque sa responsabilité légale, contractuelle ou quasi
contractuelle est engagée en vertu du droit public. Cette
notion comprend notamment les actions en réparation du dom-
mage causé par des actes de puissance publique, licites ou

illicites, engageant la responsabilité légale du canton (ATF
118 II 206 consid. 2c p. 209; Jean-François Poudret, Commen-
taire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II,
Berne 1990, n. 2.1.1 ad art. 42).

     En l'espèce, la présente action remplit les conditions
de l'art. 42 al. 1 OJ pour être recevable. Le Tribunal fédé-
ral est dès lors compétent pour connaître du présent litige
opposant la demanderesse au canton de Vaud.

     b) Dans le canton de Vaud, la créance en dommages-inté-
rêts résultant d'une responsabilité de l'Etat pour acte il-
licite se prescrit par un an dès la connaissance du dommage
et en tout cas par dix ans dès l'acte dommageable (art. 7 de
la loi cantonale du 16 mai 1961 sur la responsabilité de
l'Etat, des communes et de leurs agents [LREC]).

     En l'occurrence, l'accident est survenu le 20 mars 1996
et le canton de Vaud a renoncé à se prévaloir de la pres-
cription jusqu'au 30 juin 1998 dans la mesure où elle
n'était pas acquise le 18 mars 1997. Cependant, il n'a nul-
lement soulevé cette exception dans la présente procédure,
de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce point plus
avant, dès lors que, selon la jurisprudence, la question de
la prescription de créances de droit public ne doit pas être
examinée d'office lorsqu'elle joue au détriment du citoyen
qui actionne l'Etat (ATF 111 Ib 269 consid. 3a/bb p. 277;
106 Ib 357 consid. 3a p. 364).

     2.- a) En principe, les agents publics répondent de
leurs actes illicites selon les règles ordinaires des art.
41 ss CO. Toutefois, la législation fédérale ou cantonale
peut déroger à ces règles en ce qui concerne la responsabi-
lité encourue par ces agents publics pour le dommage ou le
tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge
(art. 61 al. 1 CO). Lorsque de telles normes existent, la

responsabilité des agents publics échappe au droit civil fé-
déral, ce qui découle aussi de l'art. 59 al. 1 CC (cf. ATF
122 III 101 consid. 2 p. 103 et les arrêts cités).

     b) Le canton de Vaud a fait usage de cette possibilité
en édictant la loi précitée sur la responsabilité de l'Etat,
des communes et de leurs agents, qui règle la réparation des
dommages causés par les agents de l'Etat illicitement ou en
violation de leurs devoirs de service dans l'exercice de la
fonction cantonale ou communale (art. 1, 3 et 4 LREC). A la
différence du droit privé qui subordonne la responsabilité
aquilienne à une faute (art. 41 CO), le texte de l'art. 4
LREC n'exige, pour engager la responsabilité de l'Etat,
qu'un acte objectivement illicite, un dommage et un lien de
causalité entre l'un et l'autre (Pierre Moor, Le régime de
la responsabilité de l'Etat dans la loi vaudoise du 16 mai
1961, RDAF 1978 p. 166 ss). La loi cantonale ne définit pas
les conditions de la responsabilité énoncées à ses art. 4 et
6, notamment l'acte illicite, le dommage, le lien de causa-
lité, et l'atteinte aux intérêts personnels, de sorte qu'il
y a lieu de considérer en principe que ces notions ont la
même signification qu'en droit privé de la responsabilité
civile (cf. notamment ATF 115 Ib 175 consid. 2b p. 180/181;
Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, p. 465). Au
demeurant, l'art. 8 LREC prévoit que les dispositions du co-
de des obligations relatives aux obligations résultant d'ac-
tes illicites sont, au surplus, applicables par analogie à
titre de droit cantonal supplétif.

     c) La demanderesse fonde son action sur le comportement
que les agents du Service des automobiles ont adopté dans
l'exercice des compétences que la loi sur la circulation
routière réserve aux autorités cantonales, soit notamment
l'octroi d'un permis de circulation (art. 22 al. 1 LCR) et
le prononcé d'un avertissement (art. 16 al. 2 LCR). Dès
lors, la loi précitée sur la responsabilité de l'Etat, des

communes et de leurs agents est applicable à la présente
cause.

     3.- Il convient d'abord d'examiner si le Service des
automobiles a commis en l'espèce un acte illicite.

      a) Selon la jurisprudence, le comportement d'un magis-
trat ou d'un fonctionnaire est illicite lorsqu'il viole des
injonctions ou des interdictions de l'ordre juridique desti-
nées à protéger le bien lésé. Toute illégalité ne peut ce-
pendant pas être qualifiée d'acte illicite lorsque l'on a
affaire non pas à une action matérielle illégale, mais à une
décision administrative. Comme en matière de responsabilité
du juge, on doit considérer que si l'autorité ou le magis-
trat a interprété la loi, fait usage de son pouvoir d'appré-
ciation ou de la latitude que lui laisse une notion juridi-
que imprécise, d'une manière conforme à ses devoirs, son ac-
tivité ne peut pas être tenue pour illicite du seul fait que
son appréciation ou son interprétation n'est pas retenue par
une autorité supérieure ou de recours saisie du cas par la
suite. Pour qu'une décision puisse être qualifiée d'illici-
te, il faut une violation grave du droit, réalisée par exem-
ple lorsque le magistrat ou l'autorité abuse de son pouvoir
d'appréciation ou l'excède, lorsqu'il viole un texte clair,
méconnaît un principe général du droit, n'instruit pas un
dossier correctement ou agit par malveillance (ATF 112 II
231 consid. 4 p. 234 et les références citées).

     b) En l'espèce, d'après la demanderesse, les agents du
Service des automobiles ont commis un acte illicite en vio-
lant les dispositions de la circulation routière sur la sé-
curité des véhicules admis à la circulation, puis en abusant
de leurs pouvoirs administratifs envers elle.

     c) Selon l'art. 11 LCR, le permis de circulation ne
peut être délivré que si, notamment, le véhicule est confor-

me aux prescriptions et s'il présente toutes garanties de
sécurité. A cet égard, l'art. 29 LCR prévoit que "les véhi-
cules ne peuvent circuler que s'ils sont en parfait état de
fonctionnement et répondent aux prescriptions. Ils doivent
être construits et entretenus de manière que les règles de
la circulation puissent être observées, que le conducteur,
les passagers et les autres usagers de la route ne soient
pas mis en danger et que la chaussée ne subisse aucun domma-
ge" (cf. aussi art. 10 et 13 LCR, 26 al. 2 et 71 al. 1 de
l'ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l'admission des per-
sonnes et des véhicules à la circulation routière [OAC; RS
741.51], ainsi que l'art. 34 al. 4 de l'ordonnance du 19
juin 1995 concernant les exigences techniques requises pour
les véhicules routiers [OETV; RS 741.41; entrée en vigueur
le 1er octobre 1995] qui correspond à l'art. 83 al. 4bis de
l'ancienne ordonnance du 27 août 1969 sur la construction et
l'équipement des véhicules routiers [OCE]). De plus, l'art.
220 al. 1 lettre h OETV (équivalant à l'art. 46 OCE) prévoit
que le Département fédéral de l'environnement, des trans-
ports, de l'énergie et de la communication édicte des ins-
tructions sur l'équipement uniforme des véhicules de handi-
capés. Toutefois, d'après une lettre du 18 septembre 1996 de
l'Office fédéral de la police, figurant au dossier, de tel-
les directives n'ont pas encore été élaborées.

     Cependant, l'Association des services des automobiles a
édicté le 20 novembre 1991, en se fondant sur la loi sur la
circulation routière et en accord avec l'Office fédéral des
assurances sociales, l'Office fédéral de la police et l'As-
sociation suisse des paraplégiques, une directive n° 14 in-
titulée "Admission des handicapés physiques à la circulation
routière au moyen de véhicules adaptés". L'annexe II de
cette directive prescrit notamment que, lorsque la commande
des gaz est manuelle, la pédale des gaz originale doit être
maintenue, mais doit être rabattable ou escamotable.

     d) En l'occurrence, le Service des automobiles admet
qu'il connaissait la directive n° 14 mais précise avoir re-
noncé à l'appliquer dans le cas de la demanderesse. Par ail-
leurs, il ne conteste pas que l'accident a été causé par un
spasme, dû à la maladie, de la jambe droite de l'intéressée,
lequel a inopinément conduit le pied droit de la demanderes-
se à enfoncer la pédale des gaz. Enfin, il ne dénie pas da-
vantage que l'accident aurait été évité si cette pédale
avait été rabattue ou escamotée, ni que le comportement de
l'intéressée lors de l'accident était exempt de faute.

     Toutefois, le Service des automobiles soutient que
cette omission ne constitue pas un acte illicite. En effet,
la directive n° 14 n'est pas une norme contraignante et per-
met à l'autorité de se prononcer chaque fois à la lumière
des circonstances de l'espèce. Ainsi, soucieux de laisser à
la disposition d'un conducteur handicapé un véhicule aussi
bien adapté que possible à son état, le Service des automo-
biles a régulièrement admis que l'installation de commandes
de gaz manuelles n'excluait pas obligatoirement l'utilisa-
tion de la pédale des gaz. Cela se justifiait notamment pour
certains usagers qui disposaient encore d'une force suffi-
sante dans les jambes, même réduite, pour appuyer en toute
sécurité sur la pédale des gaz, par exemple lors de trajets
limités. En revanche, le Service des automobiles ordonnait
que la pédale des gaz soit rabattable ou escamotable si le
certificat médical présenté par l'usager le prescrivait ou
donnait des informations claires quant aux problèmes physi-
ques du conducteur propres à entraîner une pression inopinée
et involontaire sur la pédale des gaz, par exemple une mala-
die pouvant engendrer des spasmes. En résumé, le Service des
automobiles pratiquait dans ce domaine une politique relati-
vement accommodante fondée sur "la bonne foi" de l'usager.

     En l'espèce, l'inspection du véhicule et l'examen de
conduite avaient été effectués au vu du certificat médical

du 24 mars 1995 du Dr C.________. Or, toujours selon le dé-
fendeur, ce document ne contenait aucune information médica-
le ou autre qui aurait été susceptible d'amener le Service
des automobiles à imposer l'installation d'une pédale des
gaz rabattable ou escamotable. De plus, interrogée à l'occa-
sion de cet examen, la demanderesse avait affirmé utiliser
régulièrement cette pédale pour effectuer les trajets sépa-
rant son domicile de son lieu de travail. Dans ces condi-
tions, rien n'obligeait l'Etat de Vaud à imposer à la deman-
deresse un tel équipement.

     e) aa) La directive n° 14 a été élaborée par une asso-
ciation dont fait partie le Service des automobiles. Elle
énonce les principes reflétant les avis des spécialistes
quant à l'interprétation du droit et vise à permettre aux
autorités d'appliquer les dispositions pertinentes selon des
critères appropriés.

     De telles instructions données afin d'assurer une ap-
plication uniforme de dispositions légales n'ont pas force
de loi et, en conséquence, ne lient ni les administrés, ni
les tribunaux, ni même l'administration, d'autant moins
lorsque, comme en l'espèce, elles émanent d'une association
qui n'a pas de pouvoir réglementaire. Elles ne constituent
pas des normes de droit fédéral au sens de l'art. 104 lettre
a OJ et ne sont pas obligatoires pour le juge. Elles ne peu-
vent pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure
qu'elles sont censées concrétiser, partant, à défaut de la-
cune, ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de
la législation ou de la jurisprudence (ATF 121 II 473 con-
sid. 2b p. 478; 117 Ib 225 consid. 4b p. 231; 104 Ib 49;
Raymond Spira, Le contrôle juridictionnel des ordonnances
administratives en droit fédéral des assurances sociales, in
Mélanges Grisel, Neuchâtel 1983, p. 803 ss). En conséquence,
si elles présentent une utilité certaine en tant qu'elles
servent à créer une pratique administrative uniforme, par-

tant, favorisent l'application du principe de l'égalité de
traitement, leur inobservation ne constitue pas, en soi, une
violation du droit, ni un excès ou un abus du pouvoir d'ap-
préciation de l'autorité. Du reste, elles ne dispensent pas
les agents publics de se prononcer chaque fois à la lumière
des circonstances de l'espèce et de modifier cas échéant la
pratique lorsque la situation l'exige (Blaise Knapp, Précis
de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, nos 365 à 367
p. 76/77).

     Cela ne signifie toutefois pas que ces directives n'ont
pas de portée juridique, dans la mesure où elles sont l'ex-
pression des connaissances et expériences de spécialistes
avertis, soit de ce qui est considéré comme conforme "aux
règles de l'art" et nécessaire pour une bonne application de
la loi, de sorte que l'autorité ne saurait s'en écarter sans
motifs particuliers (ATF 116 V 95 consid. 2b p. 98; 110 Ib
382 consid. 3b p. 383; Robert Patry, Le problème des direc-
tives de l'Administration fédérale des contributions, Archi-
ves 1990 p. 23 ss, spéc. p. 28).

     bb) En l'occurrence, la disposition topique de la di-
rective n° 14 est appropriée. En effet, l'installation d'une
pédale rabattable ou escamotable permet d'exclure que le
conducteur handicapé actionne la pédale des gaz par inadver-
tance et compromette ainsi gravement sa propre sécurité et
celle des autres usagers de la route. Certes, dans certains
cas, une telle mesure ne paraît guère utile, notamment s'il
s'agit, selon les exemples donnés par le Service des automo-
biles, de personnes amputées des deux jambes, ou maîtrisant
suffisamment celles-ci pour les maintenir sous le siège, ou
encore les attachant au siège. Cependant, même dans ces hy-
pothèses, tout risque n'est pas supprimé. Par exemple, une
jambe mal maîtrisée ou mal attachée peut appuyer par inad-
vertance sur la pédale. Dans ces conditions, les inconvé-
nients d'un tel système, soit son coût (de 200 à 500 fr. se-

lon le témoin G.________) ainsi que l'atteinte à la suscep-
tibilité des personnes handicapées, paraissent minimes au
regard de la gravité des dangers qu'il permet d'éviter. Du
reste, ainsi que l'a relevé le témoin K.________, inspec-
teur-chef au Service des automobiles, il est peu judicieux
de permettre à la même personne de conduire alternativement
avec les deux équipements, car cela trouble inévitablement
les automatismes de conduite et augmente le risque d'une ré-
action inadéquate en cas d'urgence. Dès lors, la disposition
topique de la directive n° 14 doit en principe être systéma-
tiquement appliquée.

     Or, aucun motif particulier ne permettait au Service
des automobiles de déroger à cette disposition dans le cas
de la demanderesse. En effet, il savait, ainsi que l'atteste
le rapport "conducteur handicapé" relatif à l'examen du 6
juin 1995, que A.________ souffrait d'une maladie neurologi-
que évolutive. En outre, le témoin K.________ précité, qui a
procédé ce jour-là au contrôle des capacités de conduite de
l'intéressée, a déclaré que celle-ci l'avait informé à cette
occasion souffrir d'une sclérose en plaques. Enfin, l'Etat
de Vaud a reconnu que la demanderesse marchait alors avec
difficultés. En conséquence, si le Service des automobiles
pouvait ignorer que l'intéressée souffrait précisément de
spasmes de la jambe droite, il disposait de suffisamment
d'informations pour imposer un système de protection de la
pédale ou, à tout le moins, pour réclamer au médecin les dé-
tails de l'état de santé de la demanderesse s'il estimait
que le certificat ne permettait pas de déterminer l'équipe-
ment nécessaire du véhicule. Il n'appartenait pas au médecin
d'indiquer les modifications techniques à effectuer.

     Dans ces conditions, le Service des automobiles devait
s'assurer que le véhicule incorporait le dispositif permet-
tant de rabattre ou d'escamoter la pédale des gaz. En y re-
nonçant, il a violé les devoirs imposés par les art. 22 al.

1 et 29 LCR. En conséquence, l'omission commise est consti-
tutive d'un acte illicite.

     f) En revanche, contrairement à ce que soutient la de-
manderesse, l'Etat de Vaud n'a pas commis d'acte illicite en
prononçant à son encontre un avertissement et une amende. Il
ressort en effet du dossier que les procédures administrati-
ves et judiciaires ont suivi normalement leur cours, que les
arguments avancés par le Service des automobiles dans ces
procédures n'étaient pas dénués de tout fondement et que la
demanderesse a pu régulièrement se défendre. Le Service des
automobiles a peut-être manqué de doigté, mais il ne s'agit
nullement d'un "acharnement administratif" constitutif d'un
acte illicite.

     4.- Il reste à examiner si les dommages allégués sont
en lien de causalité naturelle et adéquate avec le comporte-
ment incriminé, soit l'omission de faire installer une péda-
le des gaz rabattable ou escamotable, et si le montant de
l'indemnité réclamée est justifié.

     a) En premier lieu, la demanderesse requiert une indem-
nité pour dégâts matériels.

     aa) L'intéressée déclare que son assurance-casco lui a
versé une somme d'environ 10'000 fr. représentant la valeur
vénale de la Mercedes, irréparable, mais qu'elle a retenu
une franchise et supprimé son "bonus", soit augmenté les
primes. La demanderesse requiert dès lors, pièces à l'appui,
une somme de 500 fr. au titre de franchise ainsi qu'un mon-
tant de 967.90 fr. correspondant à la perte totale de bonus.

     Le point de savoir si le responsable de dégâts causés à
une voiture doit assumer, au titre de dommages-intérêts en
vertu de l'art. 41 CO, l'augmentation des primes d'assuran-
ces casco subie par le propriétaire du véhicule atteint,

soit une perte de bonus, reste largement discuté dans la ju-
risprudence et la doctrine.

     Selon la doctrine majoritaire (Roland Brehm, Commentai-
re bernois, 1998, n° 84 ad art. 41 CO; Bussy/Rusconi, Code
suisse de la circulation routière, 3e éd., Lausanne 1996,
ch. 2.3 ad art. 62 p. 574; Roland Schaer, Wandlung des Scha-
densbegriffes, der Schadensberechnung und der Schadensver-
teilung - dargestellt am Beispiel des Autoschadens -, in:
Strassenverkehrsrechts-Tagung 1990, n° 3 p. 31 ss) et la
sentence arbitrale d'un juge du Tribunal cantonal du canton
de Vaud (JdT 1981 I 462 ss), le lésé qui choisit par commo-
dité de faire appel à son assurance-casco - ce qui lui épar-
gne de résoudre des questions de responsabilité civile et,
parfois, lui permet d'obtenir une indemnité supérieure à la
valeur vénale du véhicule -, décide librement de courir le
risque d'une perte de bonus, de sorte que celle-ci n'est pas
la conséquence de l'accident, mais résulte au contraire de
la seule volonté du preneur lésé. Elle ne constitue donc pas
un élément du dommage à réparer, faute de lien de causalité
adéquate avec l'accident. La sentence arbitrale précitée ré-
serve néanmoins le cas de circonstances exceptionnelles de
nature à rendre pratiquement indispensable le recours à
l'assureur casco, par exemple l'hypothèse où l'auteur d'une
collision a pris la fuite et n'est retrouvé que plusieurs
semaines après l'accident. Par ailleurs, Alfred Keller
(Haftpflicht im Privatrecht, vol. II, Berne 1998, p. 211) se
limite à exclure la réparation de la perte de bonus lorsque
celle-ci résulte d'une indemnisation de la valeur à neuf du
véhicule. En outre, Roland Schaer (loc. cit.) précise que
celui qui, en conduisant l'automobile d'un tiers, cause fau-
tivement un dommage à ce véhicule, doit assumer la perte de
bonus, car il profite indirectement des prestations de l'as-
surance-casco, sans lesquelles il aurait dû supporter lui-
même le coût de la réparation.

     En revanche, d'après Oftinger/Stark (Schweizerisches
Haftpflichtrecht, vol. I, Allg. Teil, 5e éd., Zurich 1995,
p. 76 note 31), qui se réfèrent à la jurisprudence allemande
(NJW 1966 655 et 1974 2134) et d'après la jurisprudence du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (JdT 1979 p. 459 ss), la
perte de bonus est au contraire un dommage devant être in-
demnisé.

     En l'occurrence, on ne saurait reprocher à la demande-
resse d'avoir recouru à son assurance-casco dès lors qu'elle
s'est adressée en vain à l'Etat de Vaud - une mise en demeu-
re étant inutile vu le déroulement des faits - et que les
prestations versées par l'assurance, ayant conduit à la per-
te de bonus, ne dépassent pas le montant du dommage causé au
véhicule. Il ne pouvait être exigé de la demanderesse
qu'elle avance cette somme jusqu'à ce que l'Etat de Vaud
soit, cas échéant, condamné à la rembourser partiellement ou
entièrement selon sa part de responsabilité. Dans ces condi-
tions, on ne peut dire que la perte de bonus ne se trouve-
rait pas dans un rapport de causalité avec l'acte illicite,
ni que la demanderesse aurait failli à son devoir de réduire
le préjudice en recourant à son assurance-casco. En consé-
quence, la perte de bonus doit être assumée par le défen-
deur.

     Quant au montant de la franchise, il constitue égale-
ment une perte en lien de causalité avec la destruction du
véhicule, si bien que cette somme doit de même être mise à
la charge de l'Etat de Vaud.

     bb) Puis, la demanderesse déclare n'avoir pu disposer
d'un nouveau véhicule adapté à ses besoins et équipé de com-
mandes manuelles que le 2 septembre 1996. Elle réclame en
conséquence 5'546 fr. au titre de remboursement des frais de
transport encourus pendant ces cinq mois, expliquant avoir
dû se faire conduire par des tiers, soit des bénévoles, des

amis ou des chauffeurs de taxis, pour exercer son activité
professionnelle et se rendre à des contrôles médicaux ou
chez son conseil.

     Les pièces détaillées déposées à cet effet par la de-
manderesse établissent à satisfaction de droit la nécessité
des transports évoqués et le caractère raisonnable de la
somme requise. Dans ces conditions, ce montant doit être as-
sumé par l'Etat de Vaud.

     cc) Enfin, les frais d'intervention de gendarmerie
(130 fr.) et d'homologation du nouveau véhicule (130 fr.)
invoqués par la demanderesse doivent également lui être al-
loués dans leur intégralité, conformément aux pièces ver-
sées.

     b) En second lieu, la demanderesse requiert une indem-
nité pour tort moral s'élevant à 30'000 fr., soutenant à cet
égard que l'effet conjugué du traumatisme lié à l'accident,
de l'activité qu'elle a dû déployer pour assurer sa propre
défense et de l'acharnement de l'administration vaudoise à
son encontre ont entraîné une aggravation irréversible de sa
maladie.

     aa) Selon l'art. 6 al. 2 LREC, celui qui subit une at-
teinte dans ses intérêts personnels peut réclamer une indem-
nité à titre de réparation morale lorsqu'elle est justifiée
par la gravité particulière du préjudice subi.

     D'après la jurisprudence relative à l'art. 47 CO, l'in-
demnité pour tort moral a pour but exclusif de compenser le
préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le
principe et l'ampleur de la réparation morale dépendent
avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psy-
chiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de
la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement

d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa
détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge; en
raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est
destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement
être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son
évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites;
l'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge
en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte
subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse déri-
soire à la victime; s'il s'inspire de certains précédents,
il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour
tenir compte de la dépréciation de la monnaie (cf. ATF 125
III 269 consid. 2a p. 273; 118 II 410 consid. 2a p. 413 et
les arrêts cités). Plus spécialement quant au montant, il
faut se garder de comparaisons schématiques avec d'autres
causes, les circonstances de chaque cas d'espèce étant dé-
terminantes (ATF 123 III 306 consid. 9b p. 315 et les arrêts
cités; voir aussi les indemnités accordées selon la juris-
prudence fédérale et cantonale en matière d'atteinte perma-
nente à l'intégrité corporelle in Hütte/Ducksch/Gross, Le
tort moral, 3e éd., Zurich 1996, tabelles VIII).

     Ainsi, le montant de l'indemnité doit être fixé en
fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnali-
té (ATF 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il faut tenir compte de
toutes les circonstances de l'espèce, et notamment de l'at-
teinte à l'intégrité physique, psychique ou encore à la ré-
putation (ATF 112 Ib 446 consid. 5b/aa p. 458; voir égale-
ment ATF 113 Ib 155 consid. 3b p. 156, 112 Ib 459 consid. 6,
460 consid. 4c p. 461). L'activité professionnelle du lésé
doit être prise en considération dans cette appréciation
(ATF 113 IV 93 consid. 3a p. 98).

     bb) En l'occurrence, la demanderesse soutient que, pri-
vée pendant quelque cinq mois de véhicule, elle a subi un

traumatisme équivalent à celui d'une personne normale subi-
tement privée de l'usage de ses jambes. En outre, sa scléro-
se en plaques a connu une forte poussée entraînant de nou-
velles lésions irréversibles du système nerveux, l'aggrava-
tion s'étant traduite concrètement par les symptômes typi-
ques suivants de cette maladie: problèmes vésicaux plus fré-
quents et sévères; contrôle des sphincters plus difficile;
parésie accrue des jambes et du bras droit; résistance à la
fatigue diminuée et douleurs inflammatoires permanentes. La
demanderesse affirme ne plus pouvoir marcher que sur de très
courtes distances, et seulement avec l'aide d'un tiers ou
d'une canne, ni se tenir debout plus de quelques minutes.
L'utilisation d'un clavier d'ordinateur est très difficile,
l'écriture à la main impossible. Tout mouvement (tenir une
plume, déplacer un dossier, marcher) requiert un effort phy-
sique extraordinaire. La demanderesse a donc vu ses condi-
tions d'existence s'altérer profondément.

     Quant à lui, l'Etat de Vaud ne conteste pas une dété-
rioration postérieure à l'accident de l'état de santé de la
demanderesse, mais réfute un lien de causalité entre ces
deux éléments. En outre, il dément s'être comporté de maniè-
re abusive.

     cc) Selon une attestation du 4 mai 1998 du Dr
D.________, médecin généraliste de A.________, qui s'est
rendu à son chevet à F.________, "le choc physique a provo-
qué des contractures musculaires douloureuses ainsi que des
fortes céphalées, des vomissements et un accroissement tem-
poraire de la spasticité des membres inférieurs. Il a égale-
ment entraîné un stress émotionnel post-traumatique intense.
Cet état a nécessité une hospitalisation de cinq jours au
cours de laquelle divers traitements (dont de la morphine)
ont dû être administrés."

     Par lettre du 6 mai 1998, le Dr C.________ a confirmé
au conseil de la demanderesse que l'affection dont souffrait
celle-ci s'était "nettement péjorée" depuis l'accident. Se-
lon lui, cette aggravation "coïncide avec le choc émotionnel
qu'il a provoqué et l'important stress psychologique qui
s'en est suivi, en raison des différentes procédures admi-
nistratives et juridiques qu'elle a dû affronter (...)."

     Par ailleurs, dans son courrier du 25 novembre 1998
adressé au Tribunal fédéral, le Dr C.________ a précisé ce
qui suit: "Le mode évolutif de (la sclérose en plaques) se
fait sous forme de poussées et de rémissions, souvent impré-
visibles (...). La majorité des cas évolue cependant au dé-
but par des poussées successives, suivies de rémissions et,
plus tardivement, deviennent chroniques, progressives. Le
cas de A.________ évolue de la sorte et la fréquence des
poussées a pu être réduite (par des traitements) permettant
de ralentir, voire de contrôler l'évolution de sa sclérose
en plaques. C'est dans ce contexte que l'état de A.________
s'est nettement aggravé dans les semaines qui ont suivi son
accident. Force est de constater qu'il y a eu chronologique-
ment une nette aggravation de la maladie consécutive à cet
accident qui a provoqué un important stress post-traumati-
que, stress par la suite entretenu par les complications ad-
ministratives qui font l'objet de sa plainte. Les connais-
sances actuelles en immunologie font intervenir le stress
comme un élément pouvant aggraver les maladies dysimmunitai-
res et notamment la sclérose en plaques. Il est donc haute-
ment probable que l'accident et ses suites aient contribué à
l'aggravation de l'état de santé de A.________. D'autre
part, compte tenu de l'histoire naturelle de la sclérose en
plaques, il est bien clair que l'état de A.________ aurait
pu, et se serait aggravé dans le futur, même sans accident."

     Dans son témoignage du 26 avril 1999, le Dr C.________
a déclaré que sa patiente n'avait plus, sept à huit semaines

après l'accident, "de lésion précise objectivable sur le
plan traumatique (...), mais était encore sous le coup d'un
stress considérable consécutif à cet accident". Il a encore
ajouté ce qui suit: "J'ai constaté chez A.________, tout
d'abord, des fluctuations de son état de santé dans les deux
sens, que j'ai mis en rapport avec son état de stress. En
octobre, il y a eu une nouvelle poussée de la maladie (...).
A.________ était également préoccupée par les conséquences
administratives de l'accident. Par ailleurs, elle ne voulait
pas ralentir son activité professionnelle, comme je lui
avais suggéré, et je trouvais que cela faisait beaucoup pour
elle (...). La sclérose en plaques évolue par poussées, mais
il y a aussi des évolutions progressives. Le potentiel évo-
lutif est difficile à prévoir (...). A.________ bénéficiait
(à l'époque de l'accident) du nouveau médicament qu'est
l'Interféron-B qui, dans un certain nombre de cas, ralentit
l'évolution. Ce que je peux dire, en connaissant la situa-
tion de A.________, c'est que, très probablement, l'accident
a eu un effet sur l'aggravation de sa maladie. Le périmètre
de marche a à ce moment nettement diminué. C'est une évolu-
tion du reste sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
En revanche, il ne m'est pratiquement pas possible de vous
dire quel serait actuellement l'état de santé de A.________
sans l'accident."

     Enfin, selon E.________, collègue de travail intervenu
comme témoin, "quand A.________ est revenue au travail, elle
n'était plus la même personne en ce qui concerne ses capaci-
tés (physiques) de travail (...). Elle n'a jamais récupéré
son état antérieur. Elle continue actuellement à travailler,
mais son nombre d'heures et l'ampleur de ses tâches ont été
diminués (...). Elle a également été perturbée par les pro-
cédures administratives qui ont suivi."

     dd) En l'occurrence, ainsi qu'on l'a vu, la manière
dont l'Etat de Vaud a mené les procédures administratives et

judiciaires dans l'affaire en cause ne constitue pas un acte
illicite, de sorte que les prétentions que la demanderesse
fait valoir de ce chef doivent être écartées.

     En revanche, il ressort des certificats et des témoi-
gnages cités ci-dessus que l'accident a été, en lui-même, un
grand choc pour la demanderesse et a aggravé son état de
santé. Toutefois, on ne saurait affirmer qu'il constitue la
cause unique de cette détérioration, dès lors que l'intéres-
sée devait de toute façon compter avec une évolution défavo-
rable à plus ou moins longue échéance. Il n'est donc pas
établi que l'accident ait provoqué à lui seul une aggrava-
tion durable de l'état de santé de la demanderesse, si bien
que les prétentions de celle-ci à cet égard doivent être mo-
dérées.

     Dans ces conditions, tout bien pesé, le montant de
30'000 fr. réclamé par la demanderesse au titre d'indemnité
pour tort moral doit être ramené à 5'000 fr.

     5.- Vu ce qui précède, la présente demande est partiel-
lement admise, à concurrence de 12'273.90 fr., avec intérêts
à 5% l'an dès le 26 juin 1998. Etant donné que la valeur li-
tigieuse, soit le montant réclamé par l'intéressée, était de
37'000 fr., et que la somme allouée est fortement inférieu-
re, il se justifie de fixer les frais judiciaires à
5'000 fr., soit 3'500 fr. à la charge de l'Etat de Vaud et
1'500 fr. à la charge de la demanderesse (art. 153, 156 al.
1 et 2 OJ). Enfin, l'Etat de Vaud versera à la demanderesse
une indemnité réduite de 4'000 fr. à titre de dépens (art.
159 al. 2 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Admet partiellement la demande et condamne l'Etat de
Vaud à payer à la demanderesse 12'273.90 fr. avec intérêts à
5% l'an dès le 26 juin 1998.

     2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la charge
des parties, à raison de 3'500 fr. pour l'Etat de Vaud et de
1'500 fr. pour la demanderesse.

     3. Dit que l'Etat de Vaud versera à la demanderesse une
indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

     4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties.

Lausanne, le 16 mars 2000
RED/mnv

           Au nom de la IIe Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                       La Greffière,