Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.290/1998
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2A.290/1998
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126 II 249

  26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du
8 juin 2000 dans la cause Administration fédérale des
contributions contre X. (recours de droit administratif)
   Art. 26 al. 2 et 34 lettre a ch. 2 OTVA: provisions sur
les honoraires d'avocats.
  Les provisions sur honoraires versées à un avocat sont
des contre-prestations au sens de l'art. 26 al. 2 OTVA.
Elles sont soumises à la TVA dès leur encaissement, en tant
que paiements anticipés (art. 34 let. a ch. 2 OTVA)
(consid. 3 et 4).
   Art. 26 Abs. 2 und Art. 34 lit. a Ziff. 2 MWSTV:
Kostenvorschüsse an Anwälte.
  Die einem Anwalt geleisteten Kostenvorschüsse sind
Gegenleistungen im Sinne von Art. 26 Abs. 2 MWSTV. Sie
unterliegen ab ihrer Vereinnahmung als Vorauszahlungen der
Mehrwertsteuer (Art. 34 lit. a Ziff. 2 MWSTV) (E. 3 und 4).
   Art. 26 cpv. 2 e 34 lett. a n. 2 OIVA: anticipi sugli
onorari degli avvocati.
  Gli anticipi sugli onorari versati ad un avvocato sono
delle controprestazioni ai sensi dell'art. 26 cpv. 2 OIVA.
In quanto pagamenti anticipati, essi sono sottoposti
all'imposta sul valore aggiunto dal loro incasso (art. 34
lett. a n. 2 OIVA) (consid. 3 e 4).
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   X., avocate à Lausanne (ci-après: l'intéressée), est
immatriculée dans le registre des assujettis à la taxe sur
la valeur ajoutée (ci-après: TVA) depuis le 1er janvier
1995. Elle est autorisée à établir ses décomptes selon les
contre-prestations reçues, en appliquant un "taux de dette
fiscale nette" de 5,2 %. Lors du dépôt de ses décomptes
trimestriels pour l'année 1995, elle a indiqué que les
provisions sur honoraires encaissées depuis le 1er janvier
n'étaient pas comprises dans son chiffre d'affaires soumis
à la TVA.
  Par décision formelle du 4 juillet 1996, confirmée sur
réclamation le 30 janvier 1997, l'Administration fédérale
des contributions a notamment estimé que de telles
provisions étaient des paiements anticipés faisant naître
la créance fiscale, conformément à l'art. 34 lettre a ch. 2
de l'ordonnance du Conseil fédéral du 22 juin 1994
régissant la TVA (OTVA; RS 641.201). Seules les provisions
déposées sur un compte distinct pour chaque client, ouvert
auprès d'un établissement bancaire sis en Suisse et donnant
droit au remboursement de l'impôt anticipé, échappaient à
la TVA.
  Le 3 mars 1997, X. a recouru auprès de la Commission
fédérale de recours en matière de contributions (ci-après:
la Commission fédérale de recours) en soulignant notamment
que les provisions sur honoraires avaient un caractère de
garantie et ne pouvaient être assimilées à des paiements
anticipés. Il était par ailleurs disproportionné d'admettre
que seules celles qui étaient versées sur un compte
bancaire séparé au nom de chaque client pouvaient échapper
à la TVA.
  Par décision du 6 mai 1998, la Commission fédérale de
recours a admis le recours de l'intéressée et annulé la
décision précitée du 30 janvier 1997. Elle a considéré que
les provisions sur honoraires n'étaient pas des
contre-prestations imposables au moment de leur réception.
En effet, tant l'avocat que ses clients ignoraient pour
quelles opérations ces provisions seraient utilisées. Il ne
s'agissait
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dès lors pas de contre-prestations pour des opérations
futures mais de "futures contre-prestations potentielles".
En outre, elles remplissaient une fonction de sûreté en
rapport avec le recouvrement des honoraires du mandataire
et, même si elles ne constituaient pas de véritables
garanties au sens du droit privé, elles en assumaient la
fonction économique, ce qui était décisif.
  Agissant par la voie du recours de droit administratif,
l'Administration fédérale des contributions demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de dire que X.
doit déclarer les provisions sur honoraires durant la
période de décompte au cours de laquelle elle les reçoit.
  Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé la
décision attaquée et confirmé celle sur réclamation.
                  Extrait des considérants:
   3.- a) Selon l'art. 4 lettre b OTVA, sont soumises à la
TVA, pour autant qu'elles ne soient pas expressément
exclues du champ de l'impôt au sens de l'art. 14 OTVA, les
prestations de service fournies à titre onéreux sur
territoire suisse. L'impôt se calcule sur la
contre-prestation; est réputée telle tout ce que le
destinataire, ou un tiers à sa place, dépense en
contre-partie de la livraison ou de la prestation de
services; la contre-prestation comprend également la
couverture de tous les frais, même s'ils sont facturés
séparément (cf. art. 26 al. 1 et 2 OTVA). Le décompte doit
en principe être établi selon les contre-prestations
convenues (cf. art. 35 al. 1 OTVA). Si la contre-prestation
versée par le destinataire est inférieure à la
contre-prestation convenue (diminution en raison d'un
escompte, d'une remise, d'une perte, etc.; remboursement en
raison de l'annulation de la livraison, d'un rabais
consenti ultérieurement, d'une ristourne, etc.) ou
supérieure à celle-ci, la différence ou le surplus doit
être mentionné dans le décompte (cf. art. 35 al. 2 et 3
OTVA). L'Administration fédérale des contributions peut
autoriser l'assujetti qui le demande à calculer l'impôt
selon les contre-prestations reçues, dans la mesure où cela
simplifie son système comptable; elle doit en fixer les
conditions de manière à ce qu'il ne soit ni favorisé, ni
désavantagé (cf. art. 35 al. 4 OTVA). La créance fiscale
prend naissance pour les livraisons et prestations de
services en cas d'établissement du décompte selon les
contre-prestations reçues au moment de l'encaissement de la
contre-prestation; cela vaut également pour les paiements
anticipés (cf. art. 34 lettre a ch. 2 OTVA).
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  b) A bon droit, la Commission fédérale de recours ne met
en doute ni la constitutionnalité de l'assujettissement des
paiements anticipés à la TVA en cas d'établissement de
décomptes selon les prestations reçues (cf. art. 34 lettre
a ch. 2 OTVA), ni sa conformité au droit communautaire (cf.
art. 10 ch. 2 de la sixième directive du Conseil des
Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière
d'harmonisation des législations des Etats membres
relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires [77/388/CEE;
JOCE 1977 no L 145]). Elle admet également qu'une provision
sur honoraires versée à un avocat est un paiement anticipé.
Elle soutient toutefois qu'une telle provision n'est pas
soumise à la TVA lors de son versement, faute de lien
direct avec les prestations du mandataire. Elle ne
constituerait dès lors pas une contre-prestation mais une
garantie, du moins jusqu'au moment de la compensation avec
les honoraires facturés par celui-ci.
  Selon la recourante, même si son utilisation n'est pas
d'emblée définie, la provision sur honoraires représente
une contre-prestation pour les services fournis par
l'avocat et découle du contrat de mandat qui l'unit à son
client. Le fait qu'elle sert à payer des opérations non
soumises à la TVA (par exemple des frais de justice) peut
donner lieu à des corrections dans le décompte mais ne
modifie pas sa nature.
  L'intimée se rallie à l'argumentation de la Commission
fédérale de recours. Elle fait en outre valoir que le fisc
viole le principe de la proportionnalité en affirmant que
seules les provisions versées sur un compte bancaire séparé
au nom de chaque client peuvent échapper à la TVA (cf.
également JÜRG BRAND, Die mehrwertsteuerliche Behandlung
von Kostenvorschüssen bei Anwälten, in TVA-Journal 1998, p.
99-100, qui approuve la motivation de la décision attaquée).
  Le présent litige porte dès lors exclusivement sur la
qualification juridique de la provision sur honoraires
versée à un avocat ainsi que sur son assujettissement à la
TVA.
   4.- a) Une transaction est imposable selon l'art. 4 al.
1 OTVA lorsqu'elle est effectuée à titre onéreux, ce qui,
selon la doctrine, nécessite (a) l'échange d'une prestation
et d'une contre-prestation, (b) entre un et plusieurs
prestataires, dont l'un au moins est assujetti à la TVA, et
un ou plusieurs bénéficiaires, (c) ainsi qu'un rapport
économique étroit entre la prestation et la
contre-prestation. La question de savoir si le rapport
entre prestation et contre-prestation doit être de
causalité seulement ou également de finalité et s'il doit
être apprécié du point de vue du prestataire ou du
bénéficiaire est toutefois
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discutée (cf. ALOIS CAMENZIND/NIKLAUS HONAUER, Manuel du
nouvel impôt sur la taxe à la valeur ajoutée [TVA], Berne
1996, p. 52 ss; DANIEL RIEDO, Vom Wesen der Mehrwertsteuer
als allgemeine Verbrauchsteuer und von den entsprechenden
Wirkungen auf das schweizerische Recht, thèse Zurich 1998,
p. 223 ss). En règle générale, l'échange de prestations
repose sur un contrat: le prestataire fournit sa prestation
qui justifie la contre-prestation du bénéficiaire. La
conclusion du contrat n'est toutefois pas une condition
nécessaire pour qu'il y ait prestation. Seul est à cet
égard déterminant le comportement de fait du prestataire.
Il est sans importance que ce dernier se trouve, ou non,
dans un rapport obligatoire ou, si tel est le cas, qu'un
tel rapport soit illicite, contraire à l'usage, annulable
ou nul (cf. WOLFRAM BIRKENFELD, Das grosse
Umsatzsteuer-Handbuch, 3ème éd. Cologne 1998, Vol. I, 1ère
partie, par. 42 n. 365 ss et 380 ss). L'échange de
prestations peut également intervenir sans que le
prestataire n'y soit juridiquement ou commercialement tenu,
lorsqu'il fournit bénévolement sa prestation tout en
comptant sur une contre-prestation parce que c'est l'usage,
qu'elle peut être espérée ou à tout le moins n'est pas
invraisemblable (cf. BIRKENFELD, op. cit., par. 45 n. 437).
Il y a échange de prestations lorsqu'un mandataire qui agit
gratuitement obtient le simple remboursement de ses frais
(cf. JOHANN BUNJES/REINHOLD GEIST, Umsatzsteuergesetz, 5ème
éd. Munich 1997, par. 1 n. 4).
  Selon la doctrine allemande, le transfert de biens à
seule fin de sûreté ne représente pas une opération
imposable, car l'acquéreur devra les restituer et
n'acquiert pas le pouvoir d'en disposer. La réalisation
ultérieure du bien est en revanche soumise à l'impôt (cf.
BIRKENFELD, op. cit., par. 55 n. 676 ss; BUNJES/GEIST, op.
cit., par. 3 n. 8). Tel est également l'avis de la
recourante qui a indiqué dans ses "Instructions 1997 à
l'usage des assujettis TVA" (cf. ch. 346) que les montants
que le fournisseur de la prestation devra restituer et qui
lui servent de garantie (par exemple dépôt, caution en
matière de location) ne font pas partie de la
contre-prestation imposable.
  b) L'avocat et son client sont liés par un contrat de
mandat. A moins d'un refus immédiat, le mandat est réputé
accepté lorsqu'il se rapporte à des affaires pour la
gestion desquelles le mandataire a une qualité officielle,
ou qui rentrent dans l'exercice de sa profession, ou pour
lesquelles il a publiquement offert ses services (cf. art.
395 CO). L'avocat s'oblige, dans les termes de la
convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à
rendre les services qu'il a promis (cf. art. 394 al. 1 CO).
Son client doit en particulier lui rembourser,
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en principal et en intérêts, les avances et les frais qu'il
a faits pour l'exécution régulière du mandat (cf. art. 402
al. 1 CO). Selon l'art. 394 al. 3 CO, une rémunération est
due au mandataire si la convention ou l'usage lui en assure
une. Tel est le cas pour l'avocat. Elle est due dès la
conclusion du contrat, mais n'est exigible qu'à son terme.
En principe, le mandataire est donc tenu d'exécuter sa
prestation avant de pouvoir exiger le paiement de sa
rémunération. Le contrat qui prend fin autrement que par
l'exécution rend l'honoraire dû exigible. La convention ou
l'usage peuvent toutefois prévoir le paiement d'avances ou
de provisions (cf. PIERRE ENGEL, Contrats de droit suisse,
2ème éd., Berne 2000, p. 493-495; PIERRE TERCIER, Les
contrats spéciaux, Zurich 1995, p. 502-504; JOSEF
HOFSTETTER, Le mandat et la gestion d'affaires, Traité de
droit privé suisse, vol. VII, tome II/1, Fribourg 1994, p.
68-73; FRANZ WERRO, Le mandat et ses effets, Fribourg 1993,
p. 263-264; WALTER FELLMANN, Berner Kommentar, n. 467 ss ad
art. 394 CO; ROLF H. WEBER, Praxis zum Auftragsrecht und zu
den besonderen Auftragsarten, Berne 1990, p. 67-71;
FRANÇOIS JOMINI, Les honoraires et débours de l'avocat
vaudois et leur modération, in JdT 1982 III p. 2 ss, p.
6-7).
  Il est d'usage que le mandataire réclame à son mandant le
versement d'avances (provisions) au début du mandat ou le
paiement d'acomptes en cours d'exécution; la provision
représente un paiement anticipé conditionnel qui éteint par
compensation la créance en honoraires et débours dès
qu'elle est exigible; le mandant ne peut en réclamer la
restitution qu'à la fin du mandat et pour la part qui n'a
pas été utilisée (cf. TERCIER, op. cit., p. 504). Selon les
"Usages du Barreau Vaudois" (cf. art. 30), l'avocat
demande, en principe, des provisions à son client au fur et
à mesure du développement de son mandat. D'un point de vue
comptable, les provisions ne doivent pas être inscrites
immédiatement au compte du client, mais dans un compte
spécial, qui sera débité ultérieurement des frais payés par
l'avocat pour le compte de son mandant (frais de justice,
d'expertise, de traduction, avis de droit, etc.) et de ses
honoraires (cf. ALEXANDER FILLI, Ausgewählte Fragen zur
Unterstellung der Rechtsanwälte und Notare unter die
Mehrwertsteuer, in Archives 63 p. 503 ss, p. 506-507). La
provision a pour but de garantir au mandataire le paiement
de ses honoraires et de ses frais. Elle lui procure des
liquidités et renseigne dans une certaine mesure son client
sur l'ordre de grandeur des montants à sa charge, dans
l'attente du règlement final que représente la facture de
l'avocat (cf. LORENZ HÖCHLI, Das Anwaltshonorar, thèse
Zurich 1991, p. 121-123; PHILIPP GMÜR, Die
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Vergütung des Beauftragten, thèse Fribourg 1993, p. 95-97
et 142).
  c) Même si, économiquement, la provision sur honoraires
joue le rôle d'une garantie, elle est une contre-prestation
au sens des art. 26 al. 2 et 34 lettre a ch. 2 OTVA. En
effet, elle ne constitue ni une sûreté réelle (droit de
gage, dépôt aux fins de sûretés, transfert de propriété aux
fins de garantie), soit un droit complémentaire de l'avocat
sur une chose ou une créance qu'il pourrait au besoin faire
réaliser pour obtenir le paiement de sa créance envers son
client, ni une sûreté personnelle (cautionnement,
porte-fort, reprise cumulative de dette), soit l'engagement
pris par un tiers de garantir ledit paiement (cf. PIERRE
TERCIER, Le droit des obligations, 2ème éd., Zurich 1999,
p. 172 ss). La provision représente la contre-prestation
des services du mandataire et des frais qu'il a avancés,
soit l'exécution par le mandant de ses obligations. Ce
dernier ne verse ce montant que dans l'attente des services
de l'avocat qui ne les offre lui-même que contre une juste
rémunération. La garantie que représente la provision tient
uniquement à son caractère anticipé. Alors que, selon
l'ordre légal, le mandataire devrait en principe fournir le
premier ses services pour être rémunéré à la fin du mandat,
le système des avances et provisions conduit le mandant à
exécuter en premier, ou du moins simultanément, ses
obligations. Le fait qu'un contrat de mandat ne soit pas
d'emblée conclu ou ne soit même jamais conclu n'est pas
déterminant, un échange imposable de prestations n'étant
pas nécessairement lié à l'existence d'un tel contrat et le
simple prélèvement de ses frais par l'avocat sur une
provision par ailleurs restituée étant en principe
imposable.
  La Commission fédérale de recours a dès lors considéré à
tort que la provision sur honoraires ne représentait pas
une contre-prestation dès sa réception, mais seulement au
moment de la compensation entre les honoraires facturés et
les versements du client. Au demeurant, même si l'avocat
est tenu de comptabiliser séparément les provisions reçues
et qu'il est ainsi astreint à une clarté comptable
particulièrement élevée, les versements de ses mandants
n'en demeurent pas moins des paiements anticipés analogues
à ceux qui existent dans d'autres professions ou secteurs
économiques dans le but de garantir le paiement de
certaines prestations et qui ne sont définitivement acquis
que lorsque le prestataire a lui aussi exécuté ses
obligations et en a chiffré le coût.
  Le fait que certaines recettes sont comptabilisées dans
des comptes séparés n'est pas déterminant pour décider de
leur assujettissement à la TVA. Si tel était le cas, il
suffirait en effet à une entreprise ou à
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un indépendant de comptabiliser certaines recettes
séparément pour choisir le moment de leur imposition. Cette
dernière dépend avant tout du fait que le destinataire peut
disposer du montant qu'il encaisse. Tel est le cas de
l'avocat qui a la libre disposition de la provision versée
par son client, même s'il demeure débiteur envers ce
dernier de ses propres prestations, ou, s'il ne les fournit
pas, d'un montant à lui restituer. Le client a une position
de créancier pour la part de sa provision qui n'est pas
utilisée et peut en demander, cas échéant, le remboursement.
  L'interprétation que donne la Commission fédérale de
recours de la contre-prestation, si elle était suivie,
viderait de tout sens la notion de paiement anticipé de
l'art. 34 lettre a OTVA et rendrait cette disposition
inapplicable. Or, notamment en cas de décompte selon les
contre-prestations reçues, le Conseil fédéral a précisément
voulu fixer la naissance de la créance d'impôt avant
l'exécution complète du contrat et la facturation de ses
prestations par le prestataire, ce qui n'est pas critiqué.
La même règle a d'ailleurs été reprise à l'art. 43 de la
nouvelle loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la TVA
(FF 1999 p. 6752 ss, p. 6775-6776; ci-après: LTVA).
  d) aa) Certes, comme l'a relevé la Commission fédérale de
recours, l'emploi d'une provision n'est pas déterminé dès
son versement; elle peut effectivement servir à couvrir les
honoraires de l'avocat mais également divers frais,
notamment ceux de justice. Cela ne l'empêche toutefois pas
de constituer une contre-prestation. Il suffit que les
prestations pour lesquelles elle est versée soient
déterminables. Le fait que le mandataire jouisse d'une
certaine autonomie dans le choix des opérations à accomplir
est sans incidence à cet égard. Lorsque la provision
concerne plusieurs prestations, dont certaines sont
imposables et d'autres non, elle doit être répartie entre
elles par appréciation (cf. BIRKENFELD, op. cit., Vol. II,
4ème partie, par. 153 n. 237 ss, surtout n. 239.7 et 240).
Si des sommes reçues sont d'emblée affectées à des
opérations exonérées de la TVA, l'avocat débitera le compte
séparé qu'il tient pour les provisions de ses clients et
paiera la TVA sur le montant net à la fin de la période de
décompte; si l'affectation de ces sommes n'intervient que
lors d'une période de décompte ultérieure, il défalquera la
TVA payée lors de leur encaissement (pour les mécanismes
comptables, cf. les "Instructions 1997 à l'usage des
assujettis TVA", n. 884 ss).
  Par ailleurs, comme le souligne la recourante, la
correction des décomptes est prévue par l'art. 35 al. 2 et
3 OTVA lorsque les contre-prestations versées sont
inférieures ou supérieures aux contre-prestations
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convenues (cf. aussi l'art. 44 al. 2 et 3 LTVA). De même,
des corrections sont possibles lorsque les conditions des
art. 10 al. 1 et 2 et 26 al. 6 lettre a OTVA sont remplies.
Au surplus, l'assujetti doit tenir ses livres comptables
régulièrement et de telle manière que les faits importants
pour la détermination de l'assujettissement, le calcul de
l'impôt et celui de l'impôt préalable déductible puissent y
être constatés aisément et de manière sûre (cf. art. 47 al.
1 OTVA). Les exigences qui résultent pour l'intimée du
système qu'elle a choisi (décompte selon les
contre-prestations reçues et taux de dette fiscale nette)
n'apparaissent pas exorbitantes, même si elle doit, sur
certains points, adapter sa comptabilité commerciale.
  bb) L'intimée soutient que l'Administration fédérale des
contributions a violé le principe de la proportionnalité en
prévoyant que seules peuvent échapper à la TVA les
provisions sur honoraires versées auprès d'une banque ou
d'une caisse d'épargne en Suisse, sur un compte séparé du
client lui donnant droit au remboursement de l'impôt
anticipé, ou pouvant lui conférer ce droit s'il était
domicilié en Suisse (cf. la brochure de l'Administration
fédérale des contributions no 610.507-25 destinée aux
avocats et notaires, ch. 8.1 lettre a et 8.2 lettre a in
fine).
  Il est vrai que ces exigences peuvent paraître lourdes.
Elle sont toutefois propres à distinguer la provision -
acquise sous condition à l'avocat - d'avoirs de clients
dont celui-ci n'a pas le pouvoir de disposer en son propre
nom. Par ailleurs, l'intimée n'est nullement tenu de
recourir à cette possibilité, ni de la conseiller à ses
mandants, surtout si la mesure ne vise qu'à retarder
l'assujettissement des provisions et n'a pas de fonction
économique particulière. Son grief est dès lors mal fondé.

Lausanne, le 8 juin 2000