I. Zivilabteilung 4C.314a/1992
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4C.314/1992 Ie C O U R C I V I L E **************************** Séance du 21 novembre 2000 Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffière: Mme Charif Feller. _____________ Dans la cause qui oppose le Canton du Valais, représenté par Me Yannis Sakkas, avocat à Martigny, demandeur, à 1. l'Elvia, Compagnie d'Assurances S.A., représentée par Me Jean-Luc Martenet, avocat à Monthey, 2. Verglimit S.A., à Genève, représentée par Me Dominique de Weck, avocat à Genève, qui représente aussi 3. Plastiroute S.A., à Genève, toutes trois défenderesses et à 4. l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), à Zurich, représentée par Me Thomas Hefti, avocat à Glaris, dénoncée et intervenante; (action du canton responsable en tant que propriétaire d'une route; responsabilité du fournisseur; procès direct) Vu les pièces du dossier d'où ressortent les f a i t s suivants: A.- Les 6 et 17 août 1977, deux accidents de la circulation se sont produits sur deux tronçons distincts de la route nationale A 114 Martigny-Grand-St-Bernard, soit entre Bovernier et Sembrancher, au lieu-dit "Les Trappistes", et entre Martigny et Bovernier, sous la galerie du Tiercelin. Un revêtement auquel avait été incorporé du Verglimit, un produit destiné à empêcher la formation de verglas, avait été posé sur lesdits tronçons respectivement entre le 30 juin et le 7 juillet 1977 ainsi qu'entre le 12 et le 15 juillet 1977. Ces accidents ont fait l'objet de deux jugements rendus par le Tribunal fédéral le 9 octobre 1990, respectivement dans les causes C.508/1985 et C.302/1984 (publiée aux ATF 116 II 645). Dans les deux affaires, Plastiroute S.A., le fournis- seur du produit incriminé, et Verglimit S.A. n'ont pas donné suite à la dénonciation de litige, qui leur a été signifiée par le canton du Valais. Le Verglimit a été utilisé et examiné pour la pre- mière fois en juin 1974, en Autriche. En septembre 1974, le canton du Valais a fait poser, à des fins d'essai, un revête- ment contenant du Verglimit sur le tronçon du Brocard. Des problèmes de rugosité ont surgi. Ces problèmes de glissance, plus particulièrement ceux dus à l'apparition d'un film gras et humide ("Verseifung"), ont été expressément abordés lors d'un symposium tenu à Martigny en 1975, lequel portait prin- cipalement sur les effets du Verglimit en hiver. Dans le rapport y relatif, il est recommandé de poser un revêtement plus dur qu'un "AB/10 avec B 80/100". Le même rapport men- tionne les mesures préconisées pour atténuer l'effet de glis- sance, à savoir le sablage et la limitation des vitesses. S'agissant de la première mesure, elle a également été recom- mandée dans une étude réalisée en 1976 par le professeur Dul- tinger et considérée, à l'époque, comme un ouvrage de réfé- rence. Des mesures sur l'adhérence avaient été effectuées sur 11 des 23 chantiers aménagés précédemment, notamment sur des autoroutes en Autriche, en Allemagne, en France ainsi que sur plusieurs routes en Suisse. Ces études avaient conclu à de bons résultats. Elles avaient été soumises au canton du Valais, de même qu'un rapport (S 207/1) du 7 juillet 1976, que Plastiroute S.A. avait commandé à l'EPFZ. B.- Par demande du 8 octobre 1992, le canton du Va- lais a introduit un procès direct devant le Tribunal fédéral. Le demandeur entend exercer une action récursoire, au sens des art. 50 ss CO, 46 LCA et 60 LCR, contre l'Elvia, Compa- gnie d'Assurances S.A. (ci-après: l'Elvia), Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. Il conclut au paiement par celles-ci de 677 426 fr.80 et des intérêts légaux, courant dès diverses dates, sur les montants constituant cette somme, soit, d'une part, les montants qui ont fait l'objet des deux jugements du Tribunal fédéral du 9 octobre 1990 et, d'autre part, divers montants que le demandeur allègue être en rapport avec les accidents des 6 et 17 août 1977. Dans sa réponse du 8 janvier 1993, l'Elvia requiert à titre préjudiciel, d'une part, la disjonction de sa cause de celles opposant le demandeur à Verglimit S.A. et à Plasti- route S.A. et, d'autre part, que sa cause ne soit reprise qu'une fois connu le sort des deux autres. Dans leur mémoire de réponse du 26 avril 1993, Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. soulèvent préalablement une exception d'irrecevabilité de la demande, le canton du Valais ne s'étant pas conformé, à leurs yeux, aux impératifs découlant de l'art. 24 al. 2 PCF (cumul subjectif d'actions). Sous réserve du sort de cette exception, elles concluent au rejet de l'action. Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. dénon- cent le litige à la Confédération Suisse et à l'EPFZ, en concluant à ce que celles-ci les relèvent de toute condamna- tion éventuelle dans la présente procédure et, dans cette hy- pothèse, à ce qu'elles leur remboursent 21 053 fr., pour di- vers expertises et analyses effectuées entre 1976 et 1982. Le 27 août 1993, la Confédération Suisse, représen- tée par l'Administration fédérale des finances, a refusé la dénonciation du litige, alors que l'EPFZ l'a admise et est intervenue au procès (art. 16 al. 1 PCF). Invoquant le défaut de personnalité juridique avant 1993, l'EPFZ conclut à l'ir- recevabilité, voire au rejet des conclusions prises à son en- contre; elle propose, subsidiairement, le rejet de la demande dans la mesure où elle est recevable. Dans sa réplique du 22 novembre 1993, le demandeur a porté ses conclusions en capital à 678 276 fr.80, laissant à l'appréciation du tribunal la répartition de ce montant et de ses intérêts. Dans sa duplique du 27 décembre 1993, l'EPFZ soulè- ve l'exception de prescription et maintient ses conclusions initiales. Dans leur duplique du 14 février 1994, Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. proposent le rejet des conclusions prises contre elles par le demandeur. À l'audience préparatoire, qui s'est tenue le 25 avril 1994, la conciliation tentée a échoué. La question de la disjonction des causes a été réservée, l'Elvia ayant con- senti à procéder comme intervenante dans la procédure proba- toire concernant les questions autres que celles touchant au contrat d'assurance. Le demandeur a été autorisé à se déter- miner par écrit sur les allégations nouvelles contenues dans les dupliques et dans la détermination de l'EPFZ. Dans le cadre de l'administration des preuves, la délégation du Tribunal fédéral a entendu, le 22 juin 1994, Gabriel Magnin, chef du service des ponts et chaussées du canton, Louis Genoud, ingénieur adjoint auprès dudit service, Martin Terrettaz, chef de chantier au département des travaux publics du canton, Gaston Bruttin et Monique Conforti, res- pectivement directeurs de Billieux S.A. et d'Erval S.A., en- treprises ayant posé les revêtements sur les tronçons incri- minés. Le 22 septembre 1994, la délégation du Tribunal fédé- ral a interrogé Moïse Bollag, directeur général de Plastirou- te S.A., Harald Johannes, directeur de Verglimit S.A. et Maurice Pasquinoli, ancien officier de police responsable de la circulation du canton demandeur. Une expertise a été ordonnée et confiée à Fridolin Bühlmann, ingénieur civil, à Zollikon. Celui-ci a déposé un premier rapport le 14 janvier 1997 et un rapport complémen- taire le 20 mars 1999. Donnant suite au complément de preuves requis par le demandeur, la délégation du Tribunal fédéral a (ré)entendu, le 29 juin 1999, Gabriel Magnin et Marcel Pralong, chef du service cantonal des routes et cours d'eau du canton. Par ordonnance du 1er juillet 1999, le juge délégué à l'instruction a prononcé la clôture de la procédure proba- toire. Le 22 juillet 1999, il a ordonné la disjonction des causes et, par conséquent, la suspension du procès en tant qu'il concerne l'action dirigée contre l'Elvia (défenderesse 1). Dans son mémoire final du 11 octobre 1999, le de- mandeur maintient ses conclusions tendant à la condamnation de Plastiroute S.A. et Verglimit S.A. (défenderesses 2 et 3) au paiement de 678 276 fr. 80, avec intérêts. Les défenderesses 2 et 3, d'une part, et l'inter- venante, d'autre part, maintiennent, dans leurs mémoires fi- nals respectivement des 1er mai et 5 juillet 2000, leurs conclusions formulées précédemment. Avec l'accord des parties et de l'intervenante, les mémoires finals remplacent les plaidoiries. C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 1.- La recevabilité de l'action est examinée d'of- fice (art. 3 al. 1 PCF). La présente demande, déposée direc- tement par un canton devant le Tribunal fédéral, tend à ob- tenir la condamnation de deux personnes morales de droit privé au paiement d'un montant de 678 276 fr.80, plus inté- rêts, et remplit, par conséquent, les conditions de l'art. 42 al. 1 OJ en ce qui concerne tant la nature de la cause que la valeur litigieuse requise (cf. ATF 118 II 206 consid. 2). En outre, comme le demandeur n'a pas entrepris de démarches ju- diciaires auprès d'autorités cantonales, ni ne s'est soumis implicitement à leur juridiction, l'action a été formée en temps utile (cf. ATF 81 I 266 consid. 1; Poudret, COJ II, n. 4 ad art. 42, p. 85); elle est donc recevable. 2.- Au moment des faits en 1977, la société Vergli- mit S.A. n'existait pas encore. Les défenderesses 2 et 3 al- lèguent que celle-ci a été créée le 17 avril 1979 et que ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle a repris de la société Plas- tiroute S.A. les droits et les obligations, relatifs au pro- duit Verglimit. Seule Verglimit S.A. aurait donc la qualité de défenderesse. En l'espèce, les défenderesses 2 et 3 ne prétendent pas que Verglimit S.A. aurait repris tous les actifs et les passifs de Plastiroute S.A. - cette société existe du reste toujours -, mais uniquement les droits et les obligations relatifs au produit Verglimit. L'on se trouve, en l'espèce, en présence d'une reprise cumulative de dette interne (art. 175 CO), qui ne saurait fonder, en ce qui concerne les obli- gations découlant de la livraison du Verglimit, une respon- sabilité exclusive du reprenant, mais bien une responsabilité solidaire des défenderesses 2 et 3, ce d'autant plus qu'elles ont constamment agi en cours d'instance comme une entité dé- fendant une position commune. 3.- La Loi sur les EPF (RS 414.110) est entrée en vigueur le 1er février 1993. Son art. 5 al. 1 prévoit que l'EPFZ est un établissement autonome de droit public de la Confédération, qui jouit de la personnalité juridique. L'EPFZ pouvait donc, en tant que telle, être dénoncée au litige le 26 avril 1993. Toutefois, l'intervention et la dénonciation d'instance, telles que prévues à l'art. 15 et 16 PCF, ne con- fèrent ni à l'intervenant ni au dénoncé la qualité de partie au procès, de telle sorte que ne peuvent être admises à leur encontre que des conclusions portant sur les frais du procès (art. 69 al. 2 PCF; cf. Habscheid, Schweizerisches Zivil- prozess- und Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., n. 328; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd., n. 3 ad art. 44 ZPO/BE; Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., p. 162). Par consé- quent, les conclusions des défenderesses 2 et 3, tendant à ce que l'intervenante les relève de toute condamnation éventuel- le, sont irrecevables. 4.- Les défenderesses 2 et 3 ont joint à leur mé- moire final du 1er mai 2000 un bordereau complémentaire de pièces et ont adressé, le 18 juillet 2000, deux autres pièces au juge délégué à l'instruction, auquel le demandeur a égale- ment fait parvenir divers documents, le 25 octobre 2000. a) Selon l'art. 19 al. 1 PCF, les parties articu- lent à la fois tous leurs moyens de demande ou de défense. Aucune requête pour le complètement des preuves administrées n'ayant été présentée après la clôture de la procédure pré- paratoire dans le délai de dix jours, prévu légalement (art. 67 al. 2 PCF; Hugi Yar, in: Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, 2e éd., ad n. 7.51), se pose la question de savoir si l'on est en présence d'un retard excusable (art. 19 al. 2 PCF) permettant de tenir compte des pièces produites après le début de l'administration des preuves, ou s'il y a lieu d'en tenir compte d'office (art. 3 al. 2 PCF par renvoi de l'art. 19 al. 2 PCF). Tel est le cas lorsque la prise en considération, selon l'appréciation du tribunal, peut servir à clarifier l'état de fait (Hugi Yar, op. cit., ad n. 7.27). b) En l'espèce, le retard excusable peut d'emblée être exclu pour toutes les pièces produites tardivement par les parties. Par ailleurs, à l'exception de la lettre adres- sée le 4 novembre 1999 à Verglimit S.A. par le département des travaux publics du canton de Schwyz, les pièces présen- tées par les défenderesses 2 et 3 figuraient déjà dans le dossier, tandis que celles produites par le demandeur ne font que confirmer des informations que le dossier contenait déjà. Quant à ladite ladite lettre du canton de Schwyz, censée cer- tifier la bonne qualité d'un revêtement posé en 1982, elle doit être écartée. En effet, rien n'indique que ce revêtement aurait été réalisé dans les mêmes conditions qu'en Valais, soit en été et sans recours au sablage préconisé par les dé- fenderesses 2 et 3 dès 1980. 5.- a) Les défenderesses 2 et 3 font valoir, pour la première fois dans leur mémoire final, que le commandement de payer, notifié par le demandeur le 7 (recte: 6) janvier 1992, intervient plus d'une année après la vente du Vergli- mit, ce qui suffirait, à leurs yeux, pour rejeter ses préten- tions. b) Le demandeur allègue que les défenderesses 2 et 3 avaient renoncé, la dernière fois par courrier du 30 août 1989, à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 décembre 1990. Par la suite, il leur a notifié des commandements de payer le 1er février 1991 et le 6 janvier 1992. Savoir si la créance que le demandeur a fait valoir par demande du 8 octo- bre 1992, est prescrite, dépend également du fondement juri- dique de l'éventuelle responsabilité des défenderesses 2 et 3. 6.- a) Dans les jugements rendus le 9 octobre 1990, le Tribunal fédéral a conclu à la responsabilité du canton du Valais en sa qualité de propriétaire d'une route (art. 58 CO), en concours avec la responsabilité des détenteurs des véhicules automobiles impliqués. En regard du fait que les défenderesses 2 et 3 n'ont pas donné suite, à l'époque, à la dénonciation du litige, qui leur a été signifiée dans les deux procédures, la question se pose de savoir si la remise en cause desdits jugements dans le présent procès n'est pas contraire aux règles de la bonne foi (ATF 120 III 143 consid. 3b; 100 II 24 consid. 1c; 90 II 404 consid. 1). Quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de revenir sur la res- ponsabilité du canton en tant que propriétaire d'une route. Aucun élément nouveau, singulièrement l'expertise Bühlmann, ne justifie une remise en cause des appréciations lesquelles, à l'époque, se sont essentiellement appuyées sur les mêmes preuves invoquées par les parties dans la présente procédure. Par conséquent, l'examen se limitera, en l'espèce, à la ques- tion de savoir si le demandeur, responsable selon l'art. 58 CO, peut se retourner contre le fournisseur du Verglimit, soit contre les défenderesses 2 et 3. b) Le demandeur allègue que le contrat qui le lie aux défenderesses 2 et 3 serait un contrat mixte, soit un contrat de vente avec une composante importante de mandat, voire même un contrat d'entreprise. aa) Selon les définitions légales des contrats en cause, le contrat de vente se caractérise par la livraison et le transfert de la propriété de la chose vendue à l'acheteur (art. 184 al. 1 CO), le mandat par l'engagement du mandataire à gérer une affaire ou à rendre des services en vue d'un ré- sultat non garanti (art. 394 CO), tandis que le contrat d'en- treprise se caractérise par le fait que l'entrepreneur promet un ouvrage, soit le résultat d'une activité (art. 363 CO), qui peut être garanti et dont on peut déterminer sur la base de critères objectifs s'il correspond aux exigences contrac- tuelles. La différence essentielle entre ces deux derniers contrats tient au fait que l'entrepreneur promet non seule- ment de rendre certains services mais garantit en outre un résultat (ATF 115 II 53/54 consid. 1b). bb) En l'espèce, il est incontestable que les par- ties sont liées par un contrat dont l'objet est la vente par Plastiroute S.A. du produit Verglimit au demandeur. Il reste à examiner si l'assistance, prêtée à celui-ci par les défen- deresses 2 et 3 lors des travaux, est constitutive d'un man- dat ou d'un contrat d'entreprise. L'annexe à l'appel d'offre, adressée par le deman- deur aux entreprises soumissionnaires, contient le passage suivant: "L'adjonction de Verglimit se fera à raison de 5,5% sur le poids total de l'enrobé et selon les directives du fournisseur (Plastiroute, Genève)". Celui-ci s'est donc ex- pressément engagé à vérifier si le Verglimit était correcte- ment utilisé, voire incorporé dans le mélange bitumineux, ce qui est du reste confirmé par les témoins Magnin, Genoud et Terrettaz. Il ressort également des pièces du dossier et de différents témoignages que le fournisseur a de surcroît char- gé une société spécialisée de l'établissement des courbes granulométriques, qu'il a surveillé le lavage de la chaussée après la pose du revêtement - dont il n'est pas établi qu'il se soit occupé - et qu'il a fait procéder à un essai sur la route, en vue de contrôler l'adhérence. La présence sur le chantier, à différents moments, des directeurs actuels des deux entreprises ainsi que de l'inventeur du Verglimit, em- ployé à l'époque par l'une d'entre elles, n'est pas contestée par les défenderesses 2 et 3, mais uniquement le but de ladi- te présence. cc) Dans la présente cause, l'intervention du four- nisseur peut être assimilée à "la vente avec surveillance du montage" (Gauch, Le contrat d'entreprise, [adaptation fran- çaise par Benoît Carron], 1999, n. 134 et n. 131 avec les ré- férences; Honsell, Schweizerisches Obligationenrecht, Beson- derer Teil, 5e éd., p. 260). Dans ce type de contrat, le ven- deur d'une chose ou d'un ensemble de choses ne s'occupe pas du montage à proprement parler de la chose livrée, mais s'engage simplement à surveiller les travaux de montage ef- fectués par l'acheteur ou confiés à des tiers. Dans la mesure où l'obligation de surveiller le montage n'apparaît pas comme une obligation accessoire secondaire du contrat de vente, l'on se trouve en présence d'une relation contractuelle mixte qui relève à la fois de la vente et du mandat. Les défenderesses 2 et 3 prétendent que le prix convenu par les parties n'engloberait que la livraison du Verglimit à l'exclusion de toute autre prestation, ce qui confirmerait la conclusion d'un contrat de vente. Toutefois, les défenderesses 2 et 3 n'apportent pas la preuve qui leur incombe (art. 8 CC), la brochure de vente publicitaire sur le Verglimit, citée à l'appui de leur thèse, n'étant pas propre à étayer celle-ci. Par ailleurs, le critère du prix n'est pas absolu, dans la mesure où les prestations découlant du man- dat, tels les conseils ou les informations, peuvent être ef- fectuées à titre gratuit (cf. ATF 112 II 347 consid. 3b; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 3928 p. 480; Hon- sell, op. cit., p. 291), la gratuité pouvant constituer, le cas échéant, un facteur de limitation de la responsabilité. L'assistance fournie par les défenderesses 2 et 3 ne peut, en l'espèce, être considérée comme accessoire, comp- te tenu de son ampleur, c'est-à-dire de l'intervention desdi- tes défenderesses avant la pose du revêtement (courbes granu- lométriques), de leur présence sur le chantier pendant (in- corporation du Verglimit) et après (lavage de la chaussée, essai) la pose du revêtement. Cela démontre aussi le carac- tère indispensable pour le demandeur de l'assistance apportée qui apparaît, en l'espèce, comme une prestation quasiment équivalente à la livraison de la chose par le vendeur. Dans ces conditions, et quand bien même l'on se trouve en présence d'une nouvelle relation contractuelle unique, il n'y a pas d'obstacle à l'application par analogie des dispositions ap- propriées de l'un et de l'autre des types de contrats consi- dérés selon les prestations en question (Gauch, op. cit., n. 131 et 328; cf. ATF 119 II 29 consid. 2). Au vu de ce qui précède, point n'est besoin de se déterminer sur une éven- tuelle responsabilité extracontractuelle. En particulier, la loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits du 18 juin 1993 (LRFP; RS 221.112.944) ne s'applique, selon son art. 13, qu'aux produits mis en circulation après son entrée en vigueur le 1er janvier 1994, ce qui n'est pas le cas du Verglimit, en l'espèce. 7.- a) Pour le demandeur, ce sont les prestations lors de la phase de l'assistance fournie par les défenderes- ses 2 et 3 qui sont à l'origine du litige. Ces prestations relèvent du mandat. Si la responsabilité contractuelle des défenderesses 2 et 3 est avérée, celles-ci répondront du dommage subi par le demandeur du fait de sa propre responsa- bilité vis-à-vis d'un tiers lésé ("Haftungsinteresse" ou "uneigentliche Drittschadensliquidation"; von Tuhr/Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol. II, 3e éd., p. 110; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. II, 7e éd., n. 2695 et les références; Niklaus Lüchinger, Schadenersatz im Ver- tragsrecht, Thèse Fribourg, 1999, n. 145, p. 52; cf. égale- ment ATF 116 II 441 consid. 2c), à condition que les préten- tions du demandeur ne soient pas prescrites. b) En l'espèce, les défenderesses 2 et 3 ne contes- tent pas avoir fait des déclarations répétées de renonciation à la prescription, dont il est établi que la dernière remonte au 30 août 1989, pour une durée échéant au 31 décembre 1990. La faculté de renoncer à l'exception de prescription avant que celle-ci ne soit acquise est limitée par les art. 129 et 141 al. 1 CO. Toutefois, en se prévalant de la prescription pour la première fois dans leur mémoire final, les défende- resses 2 et 3 commettent un abus de droit (art. 2 al. 2 CC), leur comportement ayant incité le créancier à renoncer à en- treprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription (cf. ATF 113 II 264 consid. 2e p. 269; 108 II 278 consid. 5b p. 287; cf. également Eugen Bucher, Schwei- zerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 448 et note 22, lequel est d'avis qu'une déclaration de renon- ciation à la prescription peut être considérée comme un acte interruptif, au sens de l'art. 135 ch. 1 CO, même si le dé- biteur conteste simultanément la dette réclamée). 8.- a) Les obligations du mandataire doivent être exécutées dans le respect du devoir de diligence et de fidé- lité qui lui incombe (art. 398 al. 2 CO). L'étendue de son devoir de diligence se détermine, en principe, selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes, car la qualité des services que le mandant peut attendre du mandataire dépend des circonstances et du degré des diffi- cultés auxquelles celui-ci est confronté. La violation de son devoir de diligence constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de mandataire et correspond ainsi, au plan contractuel, à la notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle (cf. ATF 115 Ib 175 consid 2b p. 181 et les références). Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une faute du mandataire, le client pourra obtenir des dommages-intérêts. La faute, qui est présumée (art. 97 al. 1 CO), est l'élément subjectif de la responsabilité. Elle n'existe que si la violation du devoir de diligence peut être imputée au mandataire, ce qui suppose que celui-ci, à consi- dérer les circonstances du cas particulier, aurait pu adopter un comportement adéquat mais ne l'a pas fait, soit intention- nellement, soit, en règle générale, par négligence. Sous ce dernier aspect, le mandataire pourra se disculper en démon- trant que tout mandataire ayant des connaissances et une ca- pacité professionnelle conformes à la moyenne n'aurait pas agi différemment s'il avait été placé dans la même situation que lui. Le mandataire répond en principe de toute faute; sa responsabilité est donc aussi engagée pour une faute légère (ATF 117 II 563 consid. 2a). Dès qu'une violation du devoir de diligence est établie, le mandataire peut échapper à une condamnation au paiement de dommages-intérêts dans l'hypothè- se où ce manquement ne pourrait pas lui être imputé à faute. Dans le cas contraire, le degré de gravité de la faute n'in- fluerait que sur l'étendue de la réparation (art. 43 al. 1 CO en liaison avec l'art. 99 al. 3 CO). b) En vertu du devoir de fidélité, le mandataire doit sauvegarder entièrement les intérêts de son client, ce qui implique en particulier qu'il le conseille et qu'il l'in- forme. Les renseignements porteront sur tous les points qui revêtent de l'importance pour le mandant (ATF 119 II 333 con- sid. 5a). L'étendue du devoir d'information variera selon les cas puisqu'elle dépend des connaissances et de l'expérience du mandant. c) De l'avis de l'expert Bühlmann, l'incorporation du Verglimit, dont le contrôle a été consenti expressément par les défenderesses 2 et 3, s'est faite selon les règles de l'art. Le fournisseur est cependant également intervenu à d'autres égards: il a confié à une entreprise spécialisée l'établissement de la courbe granulométrique, il a conseillé et assisté le demandeur lors du lavage de la chaussée, préco- nisé pour empêcher la glissance, et il a effectué in situ un test sur l'adhérence. aa) Le rapport établi suite au symposium de Marti- gny recommandait un revêtement plus dur qu'un "AB/10 avec B 80/100". Les défenderesses 2 et 3 reprochent au demandeur d'avoir choisi un revêtement AB/10 fin et peu adéquat, au lieu d'un revêtement comportant une macrotexture plus impor- tante, étant donné la fréquence des accidents sur les tron- çons incriminés. Toutefois, aussi bien la brochure sur le Verglimit, produite par les défenderesses 2 et 3 et datant de 1980, que la correspondance de celles-ci avec la société chargée d'établir la courbe granulométrique mentionnent un revêtement AB/10. Ladite courbe est destinée à fixer la for- mule du mélange adéquat, qui détermine la rugosité initiale du revêtement. L'incorporation du Verglimit ayant une inci- dence sur la courbe et sur la rugosité du revêtement, les défenderesses 2 et 3, parmi lesquelles se trouvait l'inven- teur du Verglimit, devaient impérativement tenir compte du type de revêtement et ne pouvaient arguer du fait qu'elles n'étaient pas spécialisées en la matière, d'autant plus qu'elles avaient été rendues attentives au symposium de Martigny - tout comme le demandeur, il est vrai - à l'impor- tance de la dureté du revêtement. Dès lors que les questions touchant au type de revêtement et à l'adjonction du Verglimit sont indissociables, les défenderesses 2 et 3 ne peuvent re- jeter la responsabilité quant au choix du revêtement exclusi- vement sur le demandeur. Par ailleurs, l'expert Bühlmann se borne à signaler qu'"un AB/16 par exemple, avec un liant plus dur (B 60/70 au lieu de B 80/100), aurait été plus adapté à un tronçon situé à l'extérieur des localités et nécessitant une adhérence élevée; l'expert n'affirme pas qu'un tel choix s'imposait. Au demeurant, selon le témoin Magnin le demandeur a choisi le bitume le plus dur (40/60), tenant ainsi compte des recommandations du symposium; d'après le témoin Pralong, du AB/16, voire du AB/10 avec bitume de pénétration 80/100, continue à être posé sur ce type de route, ce qui relativise cet aspect des problèmes soulevés. bb) Selon le rapport établi suite au symposium de Martigny, les mesures préconisées, à l'époque, pour atténuer l'effet de glissance, à savoir le sablage et la limitation des vitesses, étaient connues du demandeur et des défenderes- ses 2 et 3. Les parties disposaient également de l'étude du professeur Dultinger, laquelle recommandait le sablage en sus du lavage de la chaussée. Nonobstant le fait que sur le tron- çon test du Brocard du sable avait été mis pour parer à la glissance, selon les déclarations des témoins Magnin et Genoud, les défenderesses 2 et 3 avaient renoncé à imposer cette mesure, estimant que ledit problème était résolu par le lavage de la chaussée. Les défenderesses 2 et 3 ne sont reve- nues à la pratique du sablage qu'en 1980, date à partir de laquelle l'entreprise Verglimit S.A. l'a recommandée dans ses directives. Selon le directeur de cette société, cette mesure a été réintroduite pour éviter toute difficulté relative à l'adhérence. Il est toutefois d'avis que le sablage n'est utile que si le niveau d'adhérence est trop bas; si celui-ci est suffisant, le sablage ne sert à rien, sans pour autant nuire. À ses yeux, l'utilisation du sable sur les tronçons incriminés aurait apporté une aide, mais la rugosité insuf- fisante serait due au revêtement. Or, la faible rugosité ini- tiale de tous les nouveaux revêtements, avec ou sans Vergli- mit, est notoire, ce qui aurait dû inciter les défenderesses 2 et 3 à ne pas exiger du demandeur de renoncer au sablage, puisque, à dire d'expert, cette mesure favorise l'améliora- tion de l'adhérence initiale. Par conséquent, une telle amé- lioration ne pouvait d'emblée être exclue et une prudence accrue se justifiait. cc) Au moment où les revêtements contenant du Ver- glimit ont été posés sur les tronçons en question, l'adhéren- ce n'avait été mesurée que sur la moitié environ des chan- tiers déjà réalisés. De plus, les mesures sur l'adhérence, présentées au demandeur par les défenderesses 2 et 3, n'en- globaient pas l'adhérence initiale, comme le relève l'expert Bühlmann pour lequel ces mesures sont indispensables avant la mise en service de revêtements de ce type. Les autres rap- ports que les défenderesses 2 et 3 citent ont été effectués après la survenance des accidents et concernent des revête- ments posés dans d'autres conditions. Les défenderesses 2 et 3 n'ont pas non plus conseillé au demandeur de mesurer l'adhérence initiale, alors que le rapport, commandé à l'EPFZ en 1976, le suggérait. Elles se sont contentées d'un seul es- sai sur le chantier, effectué par le directeur général de Plastiroute S.A. en compagnie d'un représentant du demandeur et consistant à rouler sur la chaussée après son lavage. d) En bref, les défenderesses 2 et 3 n'ont pas en- tièrement satisfait à leurs obligations de diligence et de fidélité, alors que, contrairement au demandeur, elles béné- ficiaient de connaissances accrues en la matière, singuliè- rement en regard du fait que l'inventeur du Verglimit et que le directeur de Verglimit S.A., ancien collaborateur du fa- bricant allemand du produit, faisaient, à l'époque, partie de ses employés. Elles ont donc mal exécuté leurs obligations découlant du mandat. Toutefois, leur faute ne saurait être qualifiée de grave, tant il est vrai que d'autres facteurs ont également contribué à la survenance des accidents, ce qui est confirmé par les différentes expertises ayant trait aux sinistres et à la présente cause. 9.- a) S'il n'y a pas lieu de revenir sur le com- portement des conducteurs impliqués dans les accidents (cf. consid. 6a ci-dessus), l'attitude du demandeur a en revanche joué un rôle non négligeable en l'espèce. Les défenderesses 2 et 3 lui reprochent de ne pas avoir posé les revêtements in- criminés selon les règles de l'art, de ne pas avoir choisi un revêtement adéquat et de ne pas avoir installé les signaux d'avertissement nécessaires après la mise en service des tronçons en cause. La question du revêtement adéquat ayant déjà été traitée (cf. consid. 8c/aa ci-dessus), seuls seront encore examinés les deux autres problèmes. b) Le demandeur savait qu'une glissance, due à l'apparition d'un film gras et humide, pouvait survenir, lorsque le Verglimit était incorporé dans des conditions non idéales. En effet, cette question a été expressément abordée, bien avant la survenance des accidents, lors du symposium tenu à Martigny en 1975, dont il découle que l'incorporation du Verglimit doit se faire entre le printemps et l'automne, par beau temps. Le rapport fait également état de l'absence de glissance sur un revêtement posé par un jour de forte chaleur. Nonobstant l'avis de l'expert Bühlmann, qui consi- dère que la pose des revêtements n'est pas idéale au mois de juillet, il apparaît que celle-ci a été effectuée par le de- mandeur dans des conditions idéales, du moins conformément à l'état des connaissances de l'époque, soit en été et, con- trairement à ce que prétendent les défenderesses 2 et 3, par beau temps, ce qui est corroboré par la déclaration du chef de chantier Terrettaz. À cet égard, le tableau mensuel de l'Institut Suisse de Météorologie pour Vernayaz (VS), censé prouver qu'il aurait plu lors de ladite pose, n'est pas dé- terminant, la pluie pouvant tomber très localement en juil- let. Le demandeur n'a donc pas enfreint les règles de l'art lors de la pose des revêtements. c) aa) L'absence d'un signal indispensable sur une route peut constituer un défaut d'entretien au sens de l'art. 58 CO (ATF 108 II 51 consid. 2; 103 II 240 consid. 2b). Pour juger si un ouvrage souffre d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien, il faut se référer au but qui lui est as- signé; un ouvrage est défectueux lorsqu'il n'offre pas une sécurité suffisante pour l'usage auquel il est destiné (ATF 126 III 113 consid. 2a/cc p. 116 et les arrêts cités). Le propriétaire n'est pas tenu de parer à tous les dangers ima- ginables, mais seulement à ceux qui résultent de l'ouvrage utilisé normalement. L'obligation du propriétaire sera appré- ciée plus sévèrement si le risque est grave et si la techni- que offre les moyens d'y parer sans grands frais. Un défaut mineur n'engage pas la responsabilité du propriétaire s'il ne peut provoquer d'accident lorsque les usagers ont un compor- tement raisonnable et font preuve de l'attention que l'on peut normalement attendre d'eux. Pour que la responsabilité du propriétaire de l'ouvrage soit engagée, le défaut doit se trouver dans une relation de causalité naturelle et adéquate avec le préjudice. bb) Il est établi qu'au moment des accidents, seul le signal n° 105 "chaussée glissante" était installé. Or, les différents experts s'accordent pour dire que cette mesure était insuffisante. L'expert Bühlmann relève en plus la lon- gueur insuffisante des flèches de rabattement et de l'îlot de sécurité, par rapport au premier accident, et l'absence d'une limitation de vitesse et de la signalisation du virage près de la galerie Tiercelin, par rapport au second accident. Les défenderesses 2 et 3 invoquent la rugosité déficiente desdi- tes flèches. Le demandeur allègue que s'il avait su que ses rou- tes pouvaient "se transformer en patinoire" en plein été, il aurait pris toutes les mesures commandées par les circonstan- ces. Il signale qu'à l'époque, les normes de sécurité n'avaient qu'une valeur de recommandation. aaa) Il est notoire que tout nouveau revêtement, même s'il ne contient pas de Verglimit, peut être glissant les premiers temps suivant sa pose. Le demandeur ne l'igno- rait pas et a déclaré y remédier par la pose systématique du signal "chaussée glissante". En l'espèce toutefois, la situa- tion particulière justifiait des mesures particulières. En effet, les avertissements au sujet de l'état glissant de la chaussée et du nombre d'accidents, adressés par le commandant de la police cantonale au demandeur avant et peu après le premier accident, laissaient supposer que le signal en place n'était pas suffisant pour remédier à cette situation estimée dangereuse. Le demandeur n'a pas jugé utile de s'alarmer sui- te aux avertissements reçus, arguant du fait que seuls deux accidents avaient eu lieu sur les tronçons incriminés, ce qui n'est pas avéré au vu des pièces du dossier. Même si le de- mandeur ignorait à l'époque les effets possibles du Verglimit en été, il ne pouvait d'emblée exclure que les accidents ne soient pas également dus à la présence de ce produit dans les revêtements. Quoi qu'il en soit, le demandeur se devait de réagir immédiatement aux signes d'inquiétude exprimés par le commandant de la police, en prenant des mesures concrètes, cela d'autant plus que la mise en place provisoire d'une si- gnalisation complémentaire, telle la réduction de la vitesse maximale autorisée ou la signalisation des virages, ne sau- rait être considérée comme trop coûteuse ou disproportionnée face aux risques encourus par les usagers de la route, qui ignoraient la particularité de ces revêtements. bbb) En revanche, la longueur insuffisante de l'îlot de sécurité, constatée par l'expert Bühlmann, n'est pas pertinente en l'espèce, en raison de l'absence à l'époque de directives en la matière. Du reste, l'interdiction de dé- passer, que celui-ci préconise et qui est simple à mettre en place, aurait suffit pour parer à ce prétendu défaut ainsi qu'à ceux qui, selon l'expert et les défenderesses 2 et 3, affectaient les flèches de rabattement. Dès lors, point n'est besoin d'examiner plus avant cette question. ccc) En conclusion, des signalisations supplémen- taires auraient permis, d'après l'expérience de la vie, de rendre les automobilistes plus attentifs à l'existence des nouveaux revêtements, dont ils ignoraient les caractéristi- ques spéciales, qui pouvaient s'avérer dangereuses. Lesdites signalisations auraient permis si ce n'est d'éviter les ac- cidents, du moins de limiter leurs effets. Autrement dit, leur défaut, imputable au demandeur - propriétaire de l'ou- vrage - était, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, propre à entraîner le dommage qui s'est produit. 10.- Il résulte de ce qui précède que tant le de- mandeur que les défenderesses 2 et 3 sont responsables du dommage causé. Toutefois, la faute concomitante imputable au demandeur justifie la réduction (art. 44 al. 1 CO) de ses prétentions de 50%. Celles-ci, alléguées au chiffre 7 de sa demande, s'élèvent à 678 276 fr.80. Elles sont tenues pour établies, dans la mesure où elles ne sont pas contestées. Les défenderesses 2 et 3 relèvent uniquement qu'elles n'ont pas pris part aux transactions conclues en 1992 par le demandeur avec l'assurance occupants du véhicule impliqué dans le pre- mier accident, d'une part, et avec l'automobiliste impliqué dans le même accident, d'autre part. Le demandeur précise que lesdites transactions, portant respectivement sur les sommes de 36 133 fr. et de 223 920 fr., ont pour base le dommage ef- fectif et le jugement du Tribunal fédéral du 9 octobre 1990. Le demandeur allègue avoir soumis les projets de transaction aux défenderesses 2 et 3 qui n'auraient pas soulevé d'objec- tion, ce qu'elles ne contestent pas. Partant, le montant global de 678 276 fr.80 peut être retenu. 11.- Cela étant, la demande doit être partiellement admise. Le sort réservé aux conclusions respectives des par- ties justifie une répartition des frais de procédure par moi- tié à la charge du demandeur, d'une part, et des défenderes- ses 2 et 3, d'autre part, avec solidarité entre elles. Il y a lieu de compenser les dépens du demandeur et des défenderes- ses 2 et 3, mais de ne point en allouer à l'intervenante (art. 69 al. 2 in fine PCF). Par ces motifs, l e T r i b u n a l f é d é r a l : 1. Admet partiellement la demande et condamne les défenderesses 2 et 3 solidairement à verser au demandeur la somme de 339 138 fr.40, avec intérêts à 5% sur les sommes suivantes: -sur 500 fr., dès le 16.06.1981, -sur 750 fr., dès le 27.04.1982, -sur 650 fr., dès le 23.11.1982, -sur 100 fr., dès le 23.11.1982, -sur 1000 fr., dès le 01.05.1984, -sur 2750 fr., dès le 12.06.1984, -sur 2500 fr., dès le 18.09.1984, -sur 1750 fr., dès le 05.05.1986, -sur 3500 fr., dès le 05.05.1986, -sur 2832 fr.10, dès le 27.10.1990, -sur 117 552 fr.50, dès le 16.11.1990, -sur 1032 fr.50, dès le 19.12.1990, -sur 1239 fr.50, dès le 21.12.1990, -sur 17 500 fr., dès le 27.12.1990, -sur 201 fr.50, dès le 01.01.1991, -sur 14 218 fr., dès le 22.01.1991, -sur 36 909 fr.80, dès le 01.02.1991, -sur 130 026 fr.50, dès le 31.07.1992, -sur 3701 fr., dès le 14.09.1992, -sur 425 fr., dès le 10.03.1993; 2. Rejette pour le surplus la demande dirigée con- tre les défenderesses 2 et 3; 3. Déclare irrecevables les conclusions des défen- deresses 2 et 3 à l'égard de l'intervenante; 4. Met par moitié à la charge du demandeur, d'une part, et des défenderesses 2 et 3, d'autre part, avec so- lidarité entre elles, un émolument judiciaire de 15 000 fr., les frais de témoins par 350 fr. ainsi que les frais d'ex- pertise par 66 822 fr.; 5. Compense les dépens du demandeur et des défen- deresses 2 et 3; 6. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à l'inter- venante; 7. Communique le présent jugement partiel en copie aux mandataires des parties et de l'intervenante. ___________ Lausanne, le 21 novembre 2000 ECH Au nom de la Ie Cour civile du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: Le Président, La Greffière,