Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4C.314a/1992
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4C.314/1992

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                 Séance du 21 novembre 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme Charif Feller.

                        _____________

                  Dans la cause qui oppose

le Canton du Valais, représenté par Me Yannis Sakkas, avocat
à Martigny, demandeur,

                              à

1. l'Elvia, Compagnie d'Assurances S.A., représentée par Me
Jean-Luc Martenet, avocat à Monthey,

2. Verglimit S.A., à Genève, représentée par Me Dominique de
Weck, avocat à Genève, qui représente aussi

3. Plastiroute S.A., à Genève,

toutes trois défenderesses

                            et à

4. l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), à Zurich,
représentée par Me Thomas Hefti, avocat à Glaris, dénoncée et
intervenante;

          (action du canton responsable en tant que
propriétaire d'une route; responsabilité du fournisseur;
                       procès direct)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.- Les 6 et 17 août 1977, deux accidents de la
circulation se sont produits sur deux tronçons distincts de
la route nationale A 114 Martigny-Grand-St-Bernard, soit
entre Bovernier et Sembrancher, au lieu-dit "Les Trappistes",
et entre Martigny et Bovernier, sous la galerie du Tiercelin.
Un revêtement auquel avait été incorporé du Verglimit, un
produit destiné à empêcher la formation de verglas, avait été
posé sur lesdits tronçons respectivement entre le 30 juin et
le 7 juillet 1977 ainsi qu'entre le 12 et le 15 juillet 1977.
Ces accidents ont fait l'objet de deux jugements rendus par
le Tribunal fédéral le 9 octobre 1990, respectivement dans
les causes C.508/1985 et C.302/1984 (publiée aux ATF 116 II
645). Dans les deux affaires, Plastiroute S.A., le fournis-
seur du produit incriminé, et Verglimit S.A. n'ont pas donné
suite à la dénonciation de litige, qui leur a été signifiée
par le canton du Valais.

    Le Verglimit a été utilisé et examiné pour la pre-
mière fois en juin 1974, en Autriche. En septembre 1974, le
canton du Valais a fait poser, à des fins d'essai, un revête-
ment contenant du Verglimit sur le tronçon du Brocard. Des
problèmes de rugosité ont surgi. Ces problèmes de glissance,
plus particulièrement ceux dus à l'apparition d'un film gras
et humide ("Verseifung"), ont été expressément abordés lors
d'un symposium tenu à Martigny en 1975, lequel portait prin-
cipalement sur les effets du Verglimit en hiver. Dans le
rapport y relatif, il est recommandé de poser un revêtement
plus dur qu'un "AB/10 avec B 80/100". Le même rapport men-
tionne les mesures préconisées pour atténuer l'effet de glis-
sance, à savoir le sablage et la limitation des vitesses.
S'agissant de la première mesure, elle a également été recom-
mandée dans une étude réalisée en 1976 par le professeur Dul-

tinger et considérée, à l'époque, comme un ouvrage de réfé-
rence.

    Des mesures sur l'adhérence avaient été effectuées
sur 11 des 23 chantiers aménagés précédemment, notamment sur
des autoroutes en Autriche, en Allemagne, en France ainsi que
sur plusieurs routes en Suisse. Ces études avaient conclu à
de bons résultats. Elles avaient été soumises au canton du
Valais, de même qu'un rapport (S 207/1) du 7 juillet 1976,
que Plastiroute S.A. avait commandé à l'EPFZ.

    B.- Par demande du 8 octobre 1992, le canton du Va-
lais a introduit un procès direct devant le Tribunal fédéral.
Le demandeur entend exercer une action récursoire, au sens
des art. 50 ss CO, 46 LCA et 60 LCR, contre l'Elvia, Compa-
gnie d'Assurances S.A. (ci-après: l'Elvia), Verglimit S.A. et
Plastiroute S.A. Il conclut au paiement par celles-ci de
677 426 fr.80 et des intérêts légaux, courant dès diverses
dates, sur les montants constituant cette somme, soit, d'une
part, les montants qui ont fait l'objet des deux jugements du
Tribunal fédéral du 9 octobre 1990 et, d'autre part, divers
montants que le demandeur allègue être en rapport avec les
accidents des 6 et 17 août 1977.

    Dans sa réponse du 8 janvier 1993, l'Elvia requiert
à titre préjudiciel, d'une part, la disjonction de sa cause
de celles opposant le demandeur à Verglimit S.A. et à Plasti-
route S.A. et, d'autre part, que sa cause ne soit reprise
qu'une fois connu le sort des deux autres.

    Dans leur mémoire de réponse du 26 avril 1993,
Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. soulèvent préalablement
une exception d'irrecevabilité de la demande, le canton du
Valais ne s'étant pas conformé, à leurs yeux, aux impératifs
découlant de l'art. 24 al. 2 PCF (cumul subjectif d'actions).
Sous réserve du sort de cette exception, elles concluent au

rejet de l'action. Verglimit S.A. et Plastiroute S.A. dénon-
cent le litige à la Confédération Suisse et à l'EPFZ, en
concluant à ce que celles-ci les relèvent de toute condamna-
tion éventuelle dans la présente procédure et, dans cette hy-
pothèse, à ce qu'elles leur remboursent 21 053 fr., pour di-
vers expertises et analyses effectuées entre 1976 et 1982.

    Le 27 août 1993, la Confédération Suisse, représen-
tée par l'Administration fédérale des finances, a refusé la
dénonciation du litige, alors que l'EPFZ l'a admise et est
intervenue au procès (art. 16 al. 1 PCF). Invoquant le défaut
de personnalité juridique avant 1993, l'EPFZ conclut à l'ir-
recevabilité, voire au rejet des conclusions prises à son en-
contre; elle propose, subsidiairement, le rejet de la demande
dans la mesure où elle est recevable.

    Dans sa réplique du 22 novembre 1993, le demandeur
a porté ses conclusions en capital à 678 276 fr.80, laissant
à l'appréciation du tribunal la répartition de ce montant et
de ses intérêts.

    Dans sa duplique du 27 décembre 1993, l'EPFZ soulè-
ve l'exception de prescription et maintient ses conclusions
initiales. Dans leur duplique du 14 février 1994, Verglimit
S.A. et Plastiroute S.A. proposent le rejet des conclusions
prises contre elles par le demandeur.

    À l'audience préparatoire, qui s'est tenue le 25
avril 1994, la conciliation tentée a échoué. La question de
la disjonction des causes a été réservée, l'Elvia ayant con-
senti à procéder comme intervenante dans la procédure proba-
toire concernant les questions autres que celles touchant au
contrat d'assurance. Le demandeur a été autorisé à se déter-
miner par écrit sur les allégations nouvelles contenues dans
les dupliques et dans la détermination de l'EPFZ.

    Dans le cadre de l'administration des preuves, la
délégation du Tribunal fédéral a entendu, le 22 juin 1994,
Gabriel Magnin, chef du service des ponts et chaussées du
canton, Louis Genoud, ingénieur adjoint auprès dudit service,
Martin Terrettaz, chef de chantier au département des travaux
publics du canton, Gaston Bruttin et Monique Conforti, res-
pectivement directeurs de Billieux S.A. et d'Erval S.A., en-
treprises ayant posé les revêtements sur les tronçons incri-
minés. Le 22 septembre 1994, la délégation du Tribunal fédé-
ral a interrogé Moïse Bollag, directeur général de Plastirou-
te S.A., Harald Johannes, directeur de Verglimit S.A. et
Maurice Pasquinoli, ancien officier de police responsable de
la circulation du canton demandeur.

    Une expertise a été ordonnée et confiée à Fridolin
Bühlmann, ingénieur civil, à Zollikon. Celui-ci a déposé un
premier rapport le 14 janvier 1997 et un rapport complémen-
taire le 20 mars 1999.

    Donnant suite au complément de preuves requis par
le demandeur, la délégation du Tribunal fédéral a (ré)entendu,
le 29 juin 1999, Gabriel Magnin et Marcel Pralong, chef du
service cantonal des routes et cours d'eau du canton.

    Par ordonnance du 1er juillet 1999, le juge délégué
à l'instruction a prononcé la clôture de la procédure proba-
toire. Le 22 juillet 1999, il a ordonné la disjonction des
causes et, par conséquent, la suspension du procès en tant
qu'il concerne l'action dirigée contre l'Elvia (défenderesse
1).

    Dans son mémoire final du 11 octobre 1999, le de-
mandeur maintient ses conclusions tendant à la condamnation
de Plastiroute S.A. et Verglimit S.A. (défenderesses 2 et 3)
au paiement de 678 276 fr. 80, avec intérêts.

    Les défenderesses 2 et 3, d'une part, et l'inter-
venante, d'autre part, maintiennent, dans leurs mémoires fi-
nals respectivement des 1er mai et 5 juillet 2000, leurs
conclusions formulées précédemment. Avec l'accord des parties
et de l'intervenante, les mémoires finals remplacent les
plaidoiries.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

    1.- La recevabilité de l'action est examinée d'of-
fice (art. 3 al. 1 PCF). La présente demande, déposée direc-
tement par un canton devant le Tribunal fédéral, tend à ob-
tenir la condamnation de deux personnes morales de droit
privé au paiement d'un montant de 678 276 fr.80, plus inté-
rêts, et remplit, par conséquent, les conditions de l'art. 42
al. 1 OJ en ce qui concerne tant la nature de la cause que la
valeur litigieuse requise (cf. ATF 118 II 206 consid. 2). En
outre, comme le demandeur n'a pas entrepris de démarches ju-
diciaires auprès d'autorités cantonales, ni ne s'est soumis
implicitement à leur juridiction, l'action a été formée en
temps utile (cf. ATF 81 I 266 consid. 1; Poudret, COJ II, n.
4 ad art. 42, p. 85); elle est donc recevable.

    2.- Au moment des faits en 1977, la société Vergli-
mit S.A. n'existait pas encore. Les défenderesses 2 et 3 al-
lèguent que celle-ci a été créée le 17 avril 1979 et que ce
n'est qu'à ce moment-là qu'elle a repris de la société Plas-
tiroute S.A. les droits et les obligations, relatifs au pro-
duit Verglimit. Seule Verglimit S.A. aurait donc la qualité
de défenderesse.

    En l'espèce, les défenderesses 2 et 3 ne prétendent
pas que Verglimit S.A. aurait repris tous les actifs et les
passifs de Plastiroute S.A. - cette société existe du reste

toujours -, mais uniquement les droits et les obligations
relatifs au produit Verglimit. L'on se trouve, en l'espèce,
en présence d'une reprise cumulative de dette interne (art.
175 CO), qui ne saurait fonder, en ce qui concerne les obli-
gations découlant de la livraison du Verglimit, une respon-
sabilité exclusive du reprenant, mais bien une responsabilité
solidaire des défenderesses 2 et 3, ce d'autant plus qu'elles
ont constamment agi en cours d'instance comme une entité dé-
fendant une position commune.

    3.- La Loi sur les EPF (RS 414.110) est entrée en
vigueur le 1er février 1993. Son art. 5 al. 1 prévoit que
l'EPFZ est un établissement autonome de droit public de la
Confédération, qui jouit de la personnalité juridique. L'EPFZ
pouvait donc, en tant que telle, être dénoncée au litige le
26 avril 1993. Toutefois, l'intervention et la dénonciation
d'instance, telles que prévues à l'art. 15 et 16 PCF, ne con-
fèrent ni à l'intervenant ni au dénoncé la qualité de partie
au procès, de telle sorte que ne peuvent être admises à leur
encontre que des conclusions portant sur les frais du procès
(art. 69 al. 2 PCF; cf. Habscheid, Schweizerisches Zivil-
prozess- und Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., n. 328;
Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilprozessordnung für
den Kanton Bern, 5e éd., n. 3 ad art. 44 ZPO/BE; Kummer,
Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., p. 162). Par consé-
quent, les conclusions des défenderesses 2 et 3, tendant à ce
que l'intervenante les relève de toute condamnation éventuel-
le, sont irrecevables.

    4.- Les défenderesses 2 et 3 ont joint à leur mé-
moire final du 1er mai 2000 un bordereau complémentaire de
pièces et ont adressé, le 18 juillet 2000, deux autres pièces
au juge délégué à l'instruction, auquel le demandeur a égale-
ment fait parvenir divers documents, le 25 octobre 2000.

    a) Selon l'art. 19 al. 1 PCF, les parties articu-
lent à la fois tous leurs moyens de demande ou de défense.
Aucune requête pour le complètement des preuves administrées
n'ayant été présentée après la clôture de la procédure pré-
paratoire dans le délai de dix jours, prévu légalement (art.
67 al. 2 PCF; Hugi Yar, in: Geiser/Münch, Prozessieren vor
Bundesgericht, 2e éd., ad n. 7.51), se pose la question de
savoir si l'on est en présence d'un retard excusable (art. 19
al. 2 PCF) permettant de tenir compte des pièces produites
après le début de l'administration des preuves, ou s'il y a
lieu d'en tenir compte d'office (art. 3 al. 2 PCF par renvoi
de l'art. 19 al. 2 PCF). Tel est le cas lorsque la prise en
considération, selon l'appréciation du tribunal, peut servir
à clarifier l'état de fait (Hugi Yar, op. cit., ad n. 7.27).

    b) En l'espèce, le retard excusable peut d'emblée
être exclu pour toutes les pièces produites tardivement par
les parties. Par ailleurs, à l'exception de la lettre adres-
sée le 4 novembre 1999 à Verglimit S.A. par le département
des travaux publics du canton de Schwyz, les pièces présen-
tées par les défenderesses 2 et 3 figuraient déjà dans le
dossier, tandis que celles produites par le demandeur ne font
que confirmer des informations que le dossier contenait déjà.
Quant à ladite ladite lettre du canton de Schwyz, censée cer-
tifier la bonne qualité d'un revêtement posé en 1982, elle
doit être écartée. En effet, rien n'indique que ce revêtement
aurait été réalisé dans les mêmes conditions qu'en Valais,
soit en été et sans recours au sablage préconisé par les dé-
fenderesses 2 et 3 dès 1980.

    5.- a) Les défenderesses 2 et 3 font valoir, pour
la première fois dans leur mémoire final, que le commandement
de payer, notifié par le demandeur le 7 (recte: 6) janvier
1992, intervient plus d'une année après la vente du Vergli-
mit, ce qui suffirait, à leurs yeux, pour rejeter ses préten-
tions.

    b) Le demandeur allègue que les défenderesses 2 et
3 avaient renoncé, la dernière fois par courrier du 30 août
1989, à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 décembre
1990. Par la suite, il leur a notifié des commandements de
payer le 1er février 1991 et le 6 janvier 1992. Savoir si la
créance que le demandeur a fait valoir par demande du 8 octo-
bre 1992, est prescrite, dépend également du fondement juri-
dique de l'éventuelle responsabilité des défenderesses 2 et
3.

    6.- a) Dans les jugements rendus le 9 octobre 1990,
le Tribunal fédéral a conclu à la responsabilité du canton du
Valais en sa qualité de propriétaire d'une route (art. 58
CO), en concours avec la responsabilité des détenteurs des
véhicules automobiles impliqués. En regard du fait que les
défenderesses 2 et 3 n'ont pas donné suite, à l'époque, à la
dénonciation du litige, qui leur a été signifiée dans les
deux procédures, la question se pose de savoir si la remise
en cause desdits jugements dans le présent procès n'est pas
contraire aux règles de la bonne foi (ATF 120 III 143 consid.
3b; 100 II 24 consid. 1c; 90 II 404 consid. 1). Quoi qu'il en
soit, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de revenir sur la res-
ponsabilité du canton en tant que propriétaire d'une route.
Aucun élément nouveau, singulièrement l'expertise Bühlmann,
ne justifie une remise en cause des appréciations lesquelles,
à l'époque, se sont essentiellement appuyées sur les mêmes
preuves invoquées par les parties dans la présente procédure.
Par conséquent, l'examen se limitera, en l'espèce, à la ques-
tion de savoir si le demandeur, responsable selon l'art. 58
CO, peut se retourner contre le fournisseur du Verglimit,
soit contre les défenderesses 2 et 3.

    b) Le demandeur allègue que le contrat qui le lie
aux défenderesses 2 et 3 serait un contrat mixte, soit un
contrat de vente avec une composante importante de mandat,
voire même un contrat d'entreprise.

    aa) Selon les définitions légales des contrats en
cause, le contrat de vente se caractérise par la livraison et
le transfert de la propriété de la chose vendue à l'acheteur
(art. 184 al. 1 CO), le mandat par l'engagement du mandataire
à gérer une affaire ou à rendre des services en vue d'un ré-
sultat non garanti (art. 394 CO), tandis que le contrat d'en-
treprise se caractérise par le fait que l'entrepreneur promet
un ouvrage, soit le résultat d'une activité (art. 363 CO),
qui peut être garanti et dont on peut déterminer sur la base
de critères objectifs s'il correspond aux exigences contrac-
tuelles. La différence essentielle entre ces deux derniers
contrats tient au fait que l'entrepreneur promet non seule-
ment de rendre certains services mais garantit en outre un
résultat (ATF 115 II 53/54 consid. 1b).

    bb) En l'espèce, il est incontestable que les par-
ties sont liées par un contrat dont l'objet est la vente par
Plastiroute S.A. du produit Verglimit au demandeur. Il reste
à examiner si l'assistance, prêtée à celui-ci par les défen-
deresses 2 et 3 lors des travaux, est constitutive d'un man-
dat ou d'un contrat d'entreprise.

    L'annexe à l'appel d'offre, adressée par le deman-
deur aux entreprises soumissionnaires, contient le passage
suivant: "L'adjonction de Verglimit se fera à raison de 5,5%
sur le poids total de l'enrobé et selon les directives du
fournisseur (Plastiroute, Genève)". Celui-ci s'est donc ex-
pressément engagé à vérifier si le Verglimit était correcte-
ment utilisé, voire incorporé dans le mélange bitumineux, ce
qui est du reste confirmé par les témoins Magnin, Genoud et
Terrettaz.

    Il ressort également des pièces du dossier et de
différents témoignages que le fournisseur a de surcroît char-
gé une société spécialisée de l'établissement des courbes
granulométriques, qu'il a surveillé le lavage de la chaussée

après la pose du revêtement - dont il n'est pas établi qu'il
se soit occupé - et qu'il a fait procéder à un essai sur la
route, en vue de contrôler l'adhérence. La présence sur le
chantier, à différents moments, des directeurs actuels des
deux entreprises ainsi que de l'inventeur du Verglimit, em-
ployé à l'époque par l'une d'entre elles, n'est pas contestée
par les défenderesses 2 et 3, mais uniquement le but de ladi-
te présence.

    cc) Dans la présente cause, l'intervention du four-
nisseur peut être assimilée à "la vente avec surveillance du
montage" (Gauch, Le contrat d'entreprise, [adaptation fran-
çaise par Benoît Carron], 1999, n. 134 et n. 131 avec les ré-
férences; Honsell, Schweizerisches Obligationenrecht, Beson-
derer Teil, 5e éd., p. 260). Dans ce type de contrat, le ven-
deur d'une chose ou d'un ensemble de choses ne s'occupe pas
du montage à proprement parler de la chose livrée, mais
s'engage simplement à surveiller les travaux de montage ef-
fectués par l'acheteur ou confiés à des tiers. Dans la mesure
où l'obligation de surveiller le montage n'apparaît pas comme
une obligation accessoire secondaire du contrat de vente,
l'on se trouve en présence d'une relation contractuelle mixte
qui relève à la fois de la vente et du mandat.

    Les défenderesses 2 et 3 prétendent que le prix
convenu par les parties n'engloberait que la livraison du
Verglimit à l'exclusion de toute autre prestation, ce qui
confirmerait la conclusion d'un contrat de vente. Toutefois,
les défenderesses 2 et 3 n'apportent pas la preuve qui leur
incombe (art. 8 CC), la brochure de vente publicitaire sur le
Verglimit, citée à l'appui de leur thèse, n'étant pas propre
à étayer celle-ci. Par ailleurs, le critère du prix n'est pas
absolu, dans la mesure où les prestations découlant du man-
dat, tels les conseils ou les informations, peuvent être ef-
fectuées à titre gratuit (cf. ATF 112 II 347 consid. 3b;
Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 3928 p. 480; Hon-

sell, op. cit., p. 291), la gratuité pouvant constituer, le
cas échéant, un facteur de limitation de la responsabilité.

    L'assistance fournie par les défenderesses 2 et 3
ne peut, en l'espèce, être considérée comme accessoire, comp-
te tenu de son ampleur, c'est-à-dire de l'intervention desdi-
tes défenderesses avant la pose du revêtement (courbes granu-
lométriques), de leur présence sur le chantier pendant (in-
corporation du Verglimit) et après (lavage de la chaussée,
essai) la pose du revêtement. Cela démontre aussi le carac-
tère indispensable pour le demandeur de l'assistance apportée
qui apparaît, en l'espèce, comme une prestation quasiment
équivalente à la livraison de la chose par le vendeur. Dans
ces conditions, et quand bien même l'on se trouve en présence
d'une nouvelle relation contractuelle unique, il n'y a pas
d'obstacle à l'application par analogie des dispositions ap-
propriées de l'un et de l'autre des types de contrats consi-
dérés selon les prestations en question (Gauch, op. cit., n.
131 et 328; cf. ATF 119 II 29 consid. 2). Au vu de ce qui
précède, point n'est besoin de se déterminer sur une éven-
tuelle responsabilité extracontractuelle. En particulier, la
loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits du 18
juin 1993 (LRFP; RS 221.112.944) ne s'applique, selon son
art. 13, qu'aux produits mis en circulation après son entrée
en vigueur le 1er janvier 1994, ce qui n'est pas le cas du
Verglimit, en l'espèce.

    7.- a) Pour le demandeur, ce sont les prestations
lors de la phase de l'assistance fournie par les défenderes-
ses 2 et 3 qui sont à l'origine du litige. Ces prestations
relèvent du mandat. Si la responsabilité contractuelle des
défenderesses 2 et 3 est avérée, celles-ci répondront du
dommage subi par le demandeur du fait de sa propre responsa-
bilité vis-à-vis d'un tiers lésé ("Haftungsinteresse" ou
"uneigentliche Drittschadensliquidation"; von Tuhr/Escher,
Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol.

II, 3e éd., p. 110; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. II, 7e éd., n. 2695
et les références; Niklaus Lüchinger, Schadenersatz im Ver-
tragsrecht, Thèse Fribourg, 1999, n. 145, p. 52; cf. égale-
ment ATF 116 II 441 consid. 2c), à condition que les préten-
tions du demandeur ne soient pas prescrites.

    b) En l'espèce, les défenderesses 2 et 3 ne contes-
tent pas avoir fait des déclarations répétées de renonciation
à la prescription, dont il est établi que la dernière remonte
au 30 août 1989, pour une durée échéant au 31 décembre 1990.
La faculté de renoncer à l'exception de prescription avant
que celle-ci ne soit acquise est limitée par les art. 129 et
141 al. 1 CO. Toutefois, en se prévalant de la prescription
pour la première fois dans leur mémoire final, les défende-
resses 2 et 3 commettent un abus de droit (art. 2 al. 2 CC),
leur comportement ayant incité le créancier à renoncer à en-
treprendre des démarches juridiques pendant le délai de
prescription (cf. ATF 113 II 264 consid. 2e p. 269; 108 II
278 consid. 5b p. 287; cf. également Eugen Bucher, Schwei-
zerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 448
et note 22, lequel est d'avis qu'une déclaration de renon-
ciation à la prescription peut être considérée comme un acte
interruptif, au sens de l'art. 135 ch. 1 CO, même si le dé-
biteur conteste simultanément la dette réclamée).

    8.- a) Les obligations du mandataire doivent être
exécutées dans le respect du devoir de diligence et de fidé-
lité qui lui incombe (art. 398 al. 2 CO). L'étendue de son
devoir de diligence se détermine, en principe, selon des
critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à
cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes,
car la qualité des services que le mandant peut attendre du
mandataire dépend des circonstances et du degré des diffi-
cultés auxquelles celui-ci est confronté. La violation de son
devoir de diligence constitue, du point de vue juridique, une

inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de
mandataire et correspond ainsi, au plan contractuel, à la
notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle
(cf. ATF 115 Ib 175 consid 2b p. 181 et les références). Si
elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double
d'une faute du mandataire, le client pourra obtenir des
dommages-intérêts. La faute, qui est présumée (art. 97 al. 1
CO), est l'élément subjectif de la responsabilité. Elle
n'existe que si la violation du devoir de diligence peut être
imputée au mandataire, ce qui suppose que celui-ci, à consi-
dérer les circonstances du cas particulier, aurait pu adopter
un comportement adéquat mais ne l'a pas fait, soit intention-
nellement, soit, en règle générale, par négligence. Sous ce
dernier aspect, le mandataire pourra se disculper en démon-
trant que tout mandataire ayant des connaissances et une ca-
pacité professionnelle conformes à la moyenne n'aurait pas
agi différemment s'il avait été placé dans la même situation
que lui. Le mandataire répond en principe de toute faute; sa
responsabilité est donc aussi engagée pour une faute légère
(ATF 117 II 563 consid. 2a). Dès qu'une violation du devoir
de diligence est établie, le mandataire peut échapper à une
condamnation au paiement de dommages-intérêts dans l'hypothè-
se où ce manquement ne pourrait pas lui être imputé à faute.
Dans le cas contraire, le degré de gravité de la faute n'in-
fluerait que sur l'étendue de la réparation (art. 43 al. 1 CO
en liaison avec l'art. 99 al. 3 CO).

    b) En vertu du devoir de fidélité, le mandataire
doit sauvegarder entièrement les intérêts de son client, ce
qui implique en particulier qu'il le conseille et qu'il l'in-
forme. Les renseignements porteront sur tous les points qui
revêtent de l'importance pour le mandant (ATF 119 II 333 con-
sid. 5a). L'étendue du devoir d'information variera selon les
cas puisqu'elle dépend des connaissances et de l'expérience
du mandant.

    c) De l'avis de l'expert Bühlmann, l'incorporation
du Verglimit, dont le contrôle a été consenti expressément
par les défenderesses 2 et 3, s'est faite selon les règles de
l'art. Le fournisseur est cependant également intervenu à
d'autres égards: il a confié à une entreprise spécialisée
l'établissement de la courbe granulométrique, il a conseillé
et assisté le demandeur lors du lavage de la chaussée, préco-
nisé pour empêcher la glissance, et il a effectué in situ un
test sur l'adhérence.

    aa) Le rapport établi suite au symposium de Marti-
gny recommandait un revêtement plus dur qu'un "AB/10 avec B
80/100". Les défenderesses 2 et 3 reprochent au demandeur
d'avoir choisi un revêtement AB/10 fin et peu adéquat, au
lieu d'un revêtement comportant une macrotexture plus impor-
tante, étant donné la fréquence des accidents sur les tron-
çons incriminés. Toutefois, aussi bien la brochure sur le
Verglimit, produite par les défenderesses 2 et 3 et datant de
1980, que la correspondance de celles-ci avec la société
chargée d'établir la courbe granulométrique mentionnent un
revêtement AB/10. Ladite courbe est destinée à fixer la for-
mule du mélange adéquat, qui détermine la rugosité initiale
du revêtement. L'incorporation du Verglimit ayant une inci-
dence sur la courbe et sur la rugosité du revêtement, les
défenderesses 2 et 3, parmi lesquelles se trouvait l'inven-
teur du Verglimit, devaient impérativement tenir compte du
type de revêtement et ne pouvaient arguer du fait qu'elles
n'étaient pas spécialisées en la matière, d'autant plus
qu'elles avaient été rendues attentives au symposium de
Martigny - tout comme le demandeur, il est vrai - à l'impor-
tance de la dureté du revêtement. Dès lors que les questions
touchant au type de revêtement et à l'adjonction du Verglimit
sont indissociables, les défenderesses 2 et 3 ne peuvent re-
jeter la responsabilité quant au choix du revêtement exclusi-
vement sur le demandeur. Par ailleurs, l'expert Bühlmann se
borne à signaler qu'"un AB/16 par exemple, avec un liant plus

dur (B 60/70 au lieu de B 80/100), aurait été plus adapté à
un tronçon situé à l'extérieur des localités et nécessitant
une adhérence élevée; l'expert n'affirme pas qu'un tel choix
s'imposait. Au demeurant, selon le témoin Magnin le demandeur
a choisi le bitume le plus dur (40/60), tenant ainsi compte
des recommandations du symposium; d'après le témoin Pralong,
du AB/16, voire du AB/10 avec bitume de pénétration 80/100,
continue à être posé sur ce type de route, ce qui relativise
cet aspect des problèmes soulevés.

    bb) Selon le rapport établi suite au symposium de
Martigny, les mesures préconisées, à l'époque, pour atténuer
l'effet de glissance, à savoir le sablage et la limitation
des vitesses, étaient connues du demandeur et des défenderes-
ses 2 et 3. Les parties disposaient également de l'étude du
professeur Dultinger, laquelle recommandait le sablage en sus
du lavage de la chaussée. Nonobstant le fait que sur le tron-
çon test du Brocard du sable avait été mis pour parer à la
glissance, selon les déclarations des témoins Magnin et
Genoud, les défenderesses 2 et 3 avaient renoncé à imposer
cette mesure, estimant que ledit problème était résolu par le
lavage de la chaussée. Les défenderesses 2 et 3 ne sont reve-
nues à la pratique du sablage qu'en 1980, date à partir de
laquelle l'entreprise Verglimit S.A. l'a recommandée dans ses
directives. Selon le directeur de cette société, cette mesure
a été réintroduite pour éviter toute difficulté relative à
l'adhérence. Il est toutefois d'avis que le sablage n'est
utile que si le niveau d'adhérence est trop bas; si celui-ci
est suffisant, le sablage ne sert à rien, sans pour autant
nuire. À ses yeux, l'utilisation du sable sur les tronçons
incriminés aurait apporté une aide, mais la rugosité insuf-
fisante serait due au revêtement. Or, la faible rugosité ini-
tiale de tous les nouveaux revêtements, avec ou sans Vergli-
mit, est notoire, ce qui aurait dû inciter les défenderesses
2 et 3 à ne pas exiger du demandeur de renoncer au sablage,
puisque, à dire d'expert, cette mesure favorise l'améliora-

tion de l'adhérence initiale. Par conséquent, une telle amé-
lioration ne pouvait d'emblée être exclue et une prudence
accrue se justifiait.

    cc) Au moment où les revêtements contenant du Ver-
glimit ont été posés sur les tronçons en question, l'adhéren-
ce n'avait été mesurée que sur la moitié environ des chan-
tiers déjà réalisés. De plus, les mesures sur l'adhérence,
présentées au demandeur par les défenderesses 2 et 3, n'en-
globaient pas l'adhérence initiale, comme le relève l'expert
Bühlmann pour lequel ces mesures sont indispensables avant la
mise en service de revêtements de ce type. Les autres rap-
ports que les défenderesses 2 et 3 citent ont été effectués
après la survenance des accidents et concernent des revête-
ments posés dans d'autres conditions. Les défenderesses 2 et
3 n'ont pas non plus conseillé au demandeur de mesurer
l'adhérence initiale, alors que le rapport, commandé à l'EPFZ
en 1976, le suggérait. Elles se sont contentées d'un seul es-
sai sur le chantier, effectué par le directeur général de
Plastiroute S.A. en compagnie d'un représentant du demandeur
et consistant à rouler sur la chaussée après son lavage.

    d) En bref, les défenderesses 2 et 3 n'ont pas en-
tièrement satisfait à leurs obligations de diligence et de
fidélité, alors que, contrairement au demandeur, elles béné-
ficiaient de connaissances accrues en la matière, singuliè-
rement en regard du fait que l'inventeur du Verglimit et que
le directeur de Verglimit S.A., ancien collaborateur du fa-
bricant allemand du produit, faisaient, à l'époque, partie de
ses employés. Elles ont donc mal exécuté leurs obligations
découlant du mandat. Toutefois, leur faute ne saurait être
qualifiée de grave, tant il est vrai que d'autres facteurs
ont également contribué à la survenance des accidents, ce qui
est confirmé par les différentes expertises ayant trait aux
sinistres et à la présente cause.

    9.- a) S'il n'y a pas lieu de revenir sur le com-
portement des conducteurs impliqués dans les accidents (cf.
consid. 6a ci-dessus), l'attitude du demandeur a en revanche
joué un rôle non négligeable en l'espèce. Les défenderesses 2
et 3 lui reprochent de ne pas avoir posé les revêtements in-
criminés selon les règles de l'art, de ne pas avoir choisi un
revêtement adéquat et de ne pas avoir installé les signaux
d'avertissement nécessaires après la mise en service des
tronçons en cause. La question du revêtement adéquat ayant
déjà été traitée (cf. consid. 8c/aa ci-dessus), seuls seront
encore examinés les deux autres problèmes.

    b) Le demandeur savait qu'une glissance, due à
l'apparition d'un film gras et humide, pouvait survenir,
lorsque le Verglimit était incorporé dans des conditions non
idéales. En effet, cette question a été expressément abordée,
bien avant la survenance des accidents, lors du symposium
tenu à Martigny en 1975, dont il découle que l'incorporation
du Verglimit doit se faire entre le printemps et l'automne,
par beau temps. Le rapport fait également état de l'absence
de glissance sur un revêtement posé par un jour de forte
chaleur. Nonobstant l'avis de l'expert Bühlmann, qui consi-
dère que la pose des revêtements n'est pas idéale au mois de
juillet, il apparaît que celle-ci a été effectuée par le de-
mandeur dans des conditions idéales, du moins conformément à
l'état des connaissances de l'époque, soit en été et, con-
trairement à ce que prétendent les défenderesses 2 et 3, par
beau temps, ce qui est corroboré par la déclaration du chef
de chantier Terrettaz. À cet égard, le tableau mensuel de
l'Institut Suisse de Météorologie pour Vernayaz (VS), censé
prouver qu'il aurait plu lors de ladite pose, n'est pas dé-
terminant, la pluie pouvant tomber très localement en juil-
let. Le demandeur n'a donc pas enfreint les règles de l'art
lors de la pose des revêtements.

    c) aa) L'absence d'un signal indispensable sur une
route peut constituer un défaut d'entretien au sens de l'art.
58 CO (ATF 108 II 51 consid. 2; 103 II 240 consid. 2b). Pour
juger si un ouvrage souffre d'un vice de construction ou d'un
défaut d'entretien, il faut se référer au but qui lui est as-
signé; un ouvrage est défectueux lorsqu'il n'offre pas une
sécurité suffisante pour l'usage auquel il est destiné (ATF
126 III 113 consid. 2a/cc p. 116 et les arrêts cités). Le
propriétaire n'est pas tenu de parer à tous les dangers ima-
ginables, mais seulement à ceux qui résultent de l'ouvrage
utilisé normalement. L'obligation du propriétaire sera appré-
ciée plus sévèrement si le risque est grave et si la techni-
que offre les moyens d'y parer sans grands frais. Un défaut
mineur n'engage pas la responsabilité du propriétaire s'il ne
peut provoquer d'accident lorsque les usagers ont un compor-
tement raisonnable et font preuve de l'attention que l'on
peut normalement attendre d'eux. Pour que la responsabilité
du propriétaire de l'ouvrage soit engagée, le défaut doit se
trouver dans une relation de causalité naturelle et adéquate
avec le préjudice.

    bb) Il est établi qu'au moment des accidents, seul
le signal n° 105 "chaussée glissante" était installé. Or, les
différents experts s'accordent pour dire que cette mesure
était insuffisante. L'expert Bühlmann relève en plus la lon-
gueur insuffisante des flèches de rabattement et de l'îlot de
sécurité, par rapport au premier accident, et l'absence d'une
limitation de vitesse et de la signalisation du virage près
de la galerie Tiercelin, par rapport au second accident. Les
défenderesses 2 et 3 invoquent la rugosité déficiente desdi-
tes flèches.

    Le demandeur allègue que s'il avait su que ses rou-
tes pouvaient "se transformer en patinoire" en plein été, il
aurait pris toutes les mesures commandées par les circonstan-

ces. Il signale qu'à l'époque, les normes de sécurité
n'avaient qu'une valeur de recommandation.

    aaa) Il est notoire que tout nouveau revêtement,
même s'il ne contient pas de Verglimit, peut être glissant
les premiers temps suivant sa pose. Le demandeur ne l'igno-
rait pas et a déclaré y remédier par la pose systématique du
signal "chaussée glissante". En l'espèce toutefois, la situa-
tion particulière justifiait des mesures particulières. En
effet, les avertissements au sujet de l'état glissant de la
chaussée et du nombre d'accidents, adressés par le commandant
de la police cantonale au demandeur avant et peu après le
premier accident, laissaient supposer que le signal en place
n'était pas suffisant pour remédier à cette situation estimée
dangereuse. Le demandeur n'a pas jugé utile de s'alarmer sui-
te aux avertissements reçus, arguant du fait que seuls deux
accidents avaient eu lieu sur les tronçons incriminés, ce qui
n'est pas avéré au vu des pièces du dossier. Même si le de-
mandeur ignorait à l'époque les effets possibles du Verglimit
en été, il ne pouvait d'emblée exclure que les accidents ne
soient pas également dus à la présence de ce produit dans les
revêtements. Quoi qu'il en soit, le demandeur se devait de
réagir immédiatement aux signes d'inquiétude exprimés par le
commandant de la police, en prenant des mesures concrètes,
cela d'autant plus que la mise en place provisoire d'une si-
gnalisation complémentaire, telle la réduction de la vitesse
maximale autorisée ou la signalisation des virages, ne sau-
rait être considérée comme trop coûteuse ou disproportionnée
face aux risques encourus par les usagers de la route, qui
ignoraient la particularité de ces revêtements.

    bbb) En revanche, la longueur insuffisante de
l'îlot de sécurité, constatée par l'expert Bühlmann, n'est
pas pertinente en l'espèce, en raison de l'absence à l'époque
de directives en la matière. Du reste, l'interdiction de dé-
passer, que celui-ci préconise et qui est simple à mettre en

place, aurait suffit pour parer à ce prétendu défaut ainsi
qu'à ceux qui, selon l'expert et les défenderesses 2 et 3,
affectaient les flèches de rabattement. Dès lors, point n'est
besoin d'examiner plus avant cette question.

    ccc) En conclusion, des signalisations supplémen-
taires auraient permis, d'après l'expérience de la vie, de
rendre les automobilistes plus attentifs à l'existence des
nouveaux revêtements, dont ils ignoraient les caractéristi-
ques spéciales, qui pouvaient s'avérer dangereuses. Lesdites
signalisations auraient permis si ce n'est d'éviter les ac-
cidents, du moins de limiter leurs effets. Autrement dit,
leur défaut, imputable au demandeur - propriétaire de l'ou-
vrage - était, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, propre à entraîner le dommage qui
s'est produit.

    10.- Il résulte de ce qui précède que tant le de-
mandeur que les défenderesses 2 et 3 sont responsables du
dommage causé. Toutefois, la faute concomitante imputable au
demandeur justifie la réduction (art. 44 al. 1 CO) de ses
prétentions de 50%. Celles-ci, alléguées au chiffre 7 de sa
demande, s'élèvent à 678 276 fr.80. Elles sont tenues pour
établies, dans la mesure où elles ne sont pas contestées. Les
défenderesses 2 et 3 relèvent uniquement qu'elles n'ont pas
pris part aux transactions conclues en 1992 par le demandeur
avec l'assurance occupants du véhicule impliqué dans le pre-
mier accident, d'une part, et avec l'automobiliste impliqué
dans le même accident, d'autre part. Le demandeur précise que
lesdites transactions, portant respectivement sur les sommes
de 36 133 fr. et de 223 920 fr., ont pour base le dommage ef-
fectif et le jugement du Tribunal fédéral du 9 octobre 1990.
Le demandeur allègue avoir soumis les projets de transaction
aux défenderesses 2 et 3 qui n'auraient pas soulevé d'objec-
tion, ce qu'elles ne contestent pas.

    Partant, le montant global de 678 276 fr.80 peut
être retenu.

    11.- Cela étant, la demande doit être partiellement
admise. Le sort réservé aux conclusions respectives des par-
ties justifie une répartition des frais de procédure par moi-
tié à la charge du demandeur, d'une part, et des défenderes-
ses 2 et 3, d'autre part, avec solidarité entre elles. Il y a
lieu de compenser les dépens du demandeur et des défenderes-
ses 2 et 3, mais de ne point en allouer à l'intervenante
(art. 69 al. 2 in fine PCF).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

    1. Admet partiellement la demande et condamne les
défenderesses 2 et 3 solidairement à verser au demandeur la
somme de 339 138 fr.40, avec intérêts à 5% sur les sommes
suivantes:

          -sur 500 fr.,       dès le 16.06.1981,
          -sur 750 fr.,       dès le 27.04.1982,
          -sur 650 fr.,       dès le 23.11.1982,

          -sur 100 fr.,       dès le 23.11.1982,
          -sur 1000 fr.,      dès le 01.05.1984,
          -sur 2750 fr.,      dès le 12.06.1984,
          -sur 2500 fr.,      dès le 18.09.1984,
          -sur 1750 fr.,      dès le 05.05.1986,
          -sur 3500 fr.,      dès le 05.05.1986,
          -sur 2832 fr.10,    dès le 27.10.1990,
          -sur 117 552 fr.50, dès le 16.11.1990,
          -sur 1032 fr.50,    dès le 19.12.1990,
          -sur 1239 fr.50,    dès le 21.12.1990,
          -sur 17 500 fr.,    dès le 27.12.1990,
          -sur 201 fr.50,     dès le 01.01.1991,
          -sur 14 218 fr.,    dès le 22.01.1991,
          -sur 36 909 fr.80,  dès le 01.02.1991,
          -sur 130 026 fr.50, dès le 31.07.1992,
          -sur 3701 fr.,      dès le 14.09.1992,
          -sur 425 fr.,       dès le 10.03.1993;

    2. Rejette pour le surplus la demande dirigée con-
tre les défenderesses 2 et 3;

    3. Déclare irrecevables les conclusions des défen-
deresses 2 et 3 à l'égard de l'intervenante;

    4. Met par moitié à la charge du demandeur, d'une
part, et des défenderesses 2 et 3, d'autre part, avec so-
lidarité entre elles, un émolument judiciaire de 15 000 fr.,
les frais de témoins par 350 fr. ainsi que les frais d'ex-
pertise par 66 822 fr.;

    5. Compense les dépens du demandeur et des défen-
deresses 2 et 3;

    6. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à l'inter-
venante;

    7. Communique le présent jugement partiel en copie
aux mandataires des parties et de l'intervenante.

                         ___________

Lausanne, le 21 novembre 2000
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,