Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 V 193



99 V 193

59. Arrêt du 5 novembre 1973 dans la cause Société vaudoise et romande
de secours mutuels contre W. et Tribunal des assurances du canton de
Vaud Regeste

    Unwirtschaftliche Behandlung (Überarztung) im Sinne von Art.  23 KUVG.

    -  Die Erhebungen über das Bestehen und gegebenenfalls über den Umfang
einer Überarztung gehören zum Beweisverfahren und unterliegen somit dem
kantonalen Recht.

    - Bei der Abklärung, ob eine Überarztung vorliege, soll die
vergleichende Methode der analytischen wo möglich vorgezogen werden.

Sachverhalt

    A.- Le Dr W. pratique la médecine générale. Il est membre de la Société
vaudoise de médecine (SVM). La Société vaudoise et romande de secours
mutuels (SVRSM) et la Société suisse de secours mutuels Helvétia (SSSMH)
sont des caisses-maladie reconnues. Les caisses-maladie du canton de Vaud,
dont la SVRSM et la SSSMH, ont conclu avec la SVM une série d'accords sur
les tarifs. La SVRSM et la SSSMH ayant contesté en 1968 le bien-fondé,
au regard du tarif médical, d'un certain nombre de factures du Dr W.,
le différend fut soumis à la commission paritaire cantonale, organe de
conciliation institué par la convention tarifaire alors en vigueur. Après
avoir constaté qu'il était arrivé au Dr W. de se tromper dans l'application
du tarif, la commission paritaire proposa au médecin de réduire de 25%
le montant facturé pour les prestations spéciales.

    B.- Le Dr W. refusa. Il requit la constitution du tribunal arbitral des
assurances prévu par l'art. 25 LAMA, devant lequel il conclut à ce que la
SVRSM fût reconnue sa débitrice de la somme de 3457 fr. 80 et la SSSMH,
de 4702 fr. 25; dans les deux cas avec intérêt à 5% dès le 15 septembre
1968, échéance moyenne. La SVRSM conclut à libération. La SSSMH reconnut
devoir 1313 fr. 50 et conclut pour le surplus à libération.

    Selon la SVRSM, la retenue de 3457 fr. 80 opérée sur ses paiements
au demandeur représentait le 25% des sommes concernant des prestations
spéciales contenues dans les factures en compte, conformément à la
proposition de la commission paritaire. Selon la SSSMH, il fallait
rectifier comme il suit le compte du demandeur:
   a) conclusions du demandeur: Fr. 4702.25 b) dont à déduire, déjà payé:
   Fr. 1691.65 c) dont à déduire, à payer: Fr. 1313.50: Fr. 3005.15 d)
   retenue de 25% sur les prestations spéciales: Fr. 1697.10

    Le tribunal estima que la méthode de la réduction globale des frais ou
d'une catégorie de frais, proposée par les caissesmaladie, n'était qu'un
pis-aller, inapplicable lorsqu'il est possible de rectifier chacune des
notes entachées d'erreur ou relatives à un traitement peu économique. Il
ordonna une expertise et, malgré l'opposition des défenderesses, demanda
à l'expert de déterminer en détail les points sur lesquels les notes
du demandeur contrevenaient au tarif ou au principe de l'économie
des moyens. L'expert, le Dr B., interniste, dans son rapport du 5
novembre 1971 et un rapport complémentaire du 20 mars 1972, releva que
le demandeur s'était trompé, au préjudice des caisses-maladie, lors de
certaines facturations et que, dans plusieurs cas déterminés, il n'avait
pas soigné les assurés avec un souci suffisant d'économie.

    Fondé sur ce rapport, le tribunal déclara dans son jugement, daté
du 28 février 1973, que les caisses-maladie défenderesses devaient payer
les notes du demandeur soumises au tribunal arbitral, sous déduction de
rectifications qu'énumère le dispositif du jugement. Le dispositif ne
précise ni le montant des notes ni celui des réductions. Les notes à
rectifier, dans le cas de la SVRSM, sont au nombre de 31; dans le cas
de la SSSMH, de 22. Le tribunal mit les frais de la cause, soit 3610
fr. dont 1600 fr. de frais d'expertise, pour les trois quarts à la charge
du demandeur et pour un huitième à la charge de chacune des défenderesses.

    C.- Agissant au nom de la SVRSM, Me G. a formé en temps utile un
recours de droit administratif contre le jugement cantonal. La recourante
soutient que la "polypragmasie" ("Überarztung") ne peut être décelée et
réprimée que sur la base de la méthode statistique, soit en comparant
le coût des traitements du médecin en cause avec celui des traitements
d'autres médecins placés dans des conditions semblables. La méthode
analytique ou concrète, en l'espèce appliquée par le tribunal arbitral
contre l'avis des caisses-maladie, serait si longue et si coûteuse que son
adoption amènerait les caisses à ne plus exiger le respect de l'art. 23
LAMA, cela au détriment des assurés. La recourante conclut derechefau
rejet pur et simple des conclusions libératoires du Dr W.

    La SSSMH n'a pas recouru.

    L'intimé conclut au rejet du recours, par l'intermédiaire de Me F.

    Dans son préavis, l'Office fédéral des assurances sociales estime que
la juridiction cantonale a agi dans les limites du pouvoir d'appréciation
que lui confère l'art. 30bis al. 3 lit. c LAMA à l'égard des preuves. Il
conclut donc au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 23 LAMA dispose que, lorsqu'ils traitent les assurés, leur
prescrivent ou fournissent des médicaments, prescrivent ou appliquent des
traitements scientifiquement reconnus ou font des analyses, les médecins,
les pharmaciens, les chiropraticiens, les sages-femmes, le personnel
paramédical, les laboratoires et les établissements hospitaliers doivent
se limiter à ce qui est exigé par l'intérêt de l'assuré et par le but
du traitement.

    Dans un arrêt du 31 décembre 1969 (RJAM 1970 p. 82), le Tribunal
fédéral des assurances a émis, à propos de l'art. 23 LAMA, notamment deux
considérations qu'on peut résumer comme il suit:

    a) Le médecin qui a fait payer par l'assurance des traitements
superflus ou trop coûteux, au regard du précepte de l'économie des moyens,
doit restituer le montant injustifié à la caissemaladie, qui a l'obligation
de le lui réclamer. Il s'agit d'un cas de restitution de l'indû régi
par le droit fédéral, qu'on applique les art. 62 et suivants du Code des
obligations ou qu'on en fasse une institution non écrite du droit public.

    b) Pour établir si le médecin a contrevenu au précepte de l'économie
des moyens et dans quelle mesure, il n'est pas nécessaire d'analyser
toutes les rubriques de toutes ses notes. Le juge peut, sans arbitraire,
se borner à comparer la statistique des frais moyens de traitement auprès
du médecin en cause avec celle qui concerne les traitements auprès d'autres
médecins, qui travaillent dans des conditions semblables, pourvu que la
comparaison s'étende sur une période assez longue et que les éléments
statistiques soient rassemblés d'une manière analogue.

    Dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a précisé
que - lorsqu'on se trouve en présence d'un dépassement généralisé des
normes usuelles et non de quelques cas déterminés de dépassement la
méthode comparative est, pratiquement, seule applicable. Selon cette
jurisprudence, il y a toujours "polypragmasie" ("Überarztung") lorsqu'un
nombre considérable de notes remises par un médecin à une caisse-maladie
sont en moyenne sensiblement plus élevées que celle d'autres médecins
pratiquant dans une région et avec une clientèle semblables, alors
qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coût
(RO 98 V 158).

Erwägung 2

    2.- Suivant l'art. 25 al. 1 LAMA, les contestations entre caisses,
d'une part, et médecins, pharmaciens, chiropraticiens, sages-femmes,
personnel paramédical, laboratoires ou établissements hospitaliers, d'autre
part, sont jugées par un tribunal arbitral dont la juridiction s'étend
à tout le canton. Les cantons désignentle tribunal arbitral et fixent
la procédure (art. 25 al. 4). Le droit fédéral exige que les jugements
soient motivés, qu'ils indiquent les moyens de recours et qu'ils soient
communiqués par écrit (art. 25 al. 5).

    L'administration des preuves devant le tribunal arbitral est donc
régie en principe par le droit cantonal.

    En vertu des art. 128 et 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral des
assurances connaît en dernière instance des recours de droit administratif
contre des décisions au sens de l'art. 5 LPA. Aux termes des alinéas 1
et 2 de cette disposition légale:

    "Sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités
dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant
pour objet:
   a)  De créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations;

    b)  De constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits
ou d'obligations;

    c)  De rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à
créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

    Sont aussi considérées comme décisions les mesures en matière
d'exécution (art. 41, 1er al., lettres a et b), les décisions incidentes
(art. 45), les décisions sur opposition (art. 30, 2e al., lettre b, 46,
lettre b, et 74, lettre b), les décisions sur recours (art. 61 et 70),
les décisions prises en matière de revision (art. 68) et l'interprétation
(art. 69)."

    Selon l'art. 45 LPA, les décisions préjudicielles et autres décisions
incidentes rendues dans une procédure précédant la décision finale et qui
peuvent causer un préjudice irréparable sont séparément susceptibles de
recours (al. 1). Tel est le cas, en particulier, du refus d'admettre des
preuves (art. 45 al. 2, auquel la condition du préjudice irréparable
s'applique aussi; cf. les arrêts du Tribunal fédéral des assurances
en la cause Arboreta AG, cité ci-dessus, et du Tribunal fédéral en la
cause Caversazio du 13 octobre 1972 [RO 98 I b 282]). Pour le surplus,
les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que conjointement
avec le recours contre la décision finale (al. 3). D'ailleurs, suivant
les art. 129 al. 2 et 101 lit. a OJ, le recours n'est pas recevable
contre les décisions incidentes si le recours n'est pas ouvert contre la
décision finale.

    Enfin, lorsque la décision attaquée émane d'un tribunal cantonal et
qu'elle ne concerne pas l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,
on ne peut recourir auprès du Tribunal fédéral des assurances que: a)
pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation; b) pour arbitraire dans la constatation des faits, soit
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis
au mépris des règles de la procédure (art. 132, 104 et 105 al. 2 OJ).

Erwägung 3

    3.- En l'occurrence, il n'est pas contestable que le médecin intimé
a contrevenu à l'art. 23 LAMA. Cela n'entache point sa qualification
professionnelle mais indique qu'il n'avait pas entièrement compris la
nécessité de traiter les assurés le plus économiquement possible. Dès
lors, conformément à la jurisprudence citée ci-avant, il doit rembourser
à la caisse-maladie l'excédent du prix des traitements trop coûteux,
qu'elle est en droit de retenir sur ses propres prestations. Le litige
ne porte plus que sur la manière de calculer cet excédent, manière qui
peut d'ailleurs influer sur le montant de ce dernier.

    S'agissant d'établir l'existence de traitements trop coûteux et le
montant du dépassement des normes, le Tribunal fédéral des assurances a
donné la préférence, dans l'arrêt déjà cité du 7 septembre 1972 (RO 98
V 158), à la méthode comparative sur la méthode analytique. La présente
espèce est précisément un exemple des inconvénients de cette méthode-ci.
Premièrement, elle est fort coûteuse, puisque les frais de justice se
montent à 3600 fr. dans une contestation qui porte sur 6846 fr. 55
en capital (4702 fr. 25 + 3457 fr. 80 - 1313 fr. 50). Une petite
caissemaladie ne voudra pas courir un pareil risque, qui fera hésiter
même une caisse importante. Encore l'expert a-t-il été modéré dans ses
exigences, au regard de l'ampleur de ses recherches. Car il s'agissait
de déterminer, pour chaque acte médical, en tenant compte du dossier du
patient, si cet acte demeurait dans les normes. Force est ainsi d'admettre,
avec la recourante, que des décisions telles que celle qu'elle attaque
sont de nature à nuire à l'efficacité de l'art. 23 LAMA. Deuxièmement, la
méthode décèlera certes la tendance à pratiquer une médecine dispendieuse,
mais elle en mesurera assez mal l'ampleur: l'expert ne retiendra en
général que les cas les plus frappants.

    Cependant, il faut se demander si, en exprimant sa préférence pour la
méthode comparative, le Tribunal fédéral des assurances entend rejeter le
grief d'arbitraire, au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, formé à l'encontre
des juridictions cantonales qui usent de cette méthode, ou s'il entend
imposer ladite méthode en vertu d'une norme jurisprudentielle chaque fois
qu'en sont réalisées les conditions, telles que les prévoient les deux
arrêts précités (RJAM 1970 p. 82 et RO 98 V 158).

    Dans le second cas, le recours devrait vraisemblablement être admis,
ne serait-ce que sur la base des constatations qu'a faites la commission
paritaire. Mais cette solution implique qu'on fasse du dépassement habituel
des normes usuelles, constatable par la statistique, un élément de la
définition de la "polypragmasie" et non un mode de preuve, soit une règle
de fond et non de procédure. Car le juge fédéral ne saurait empiéter sur
le domaine de la procédure devant le juge de première instance, alors
que l'art. 25 LAMA attribue cette procédure aux cantons, avec de rares
réserves, qui ne concernent pas l'administration des preuves. Après un
tel précédent, la tentation serait grande de déclarer fédéraux tous les
préceptes qui sembleraient concourir au bon fonctionnement des assurances
sociales, quand bien même la constitution ou la loi feraient de certains
d'entre eux des règles cantonales.

    Or, la méthode destinée à établir l'existence et l'ampleur d'une
"polypragmasie" ressortit à l'administration des preuves et au droit
cantonal. En effet, il n'est guère concevable de donner au résultat de
la comparaison de statistiques non officielles et établies sans règle
uniforme une valeur telle que ce résultat constitue un élément d'une
infraction à la loi (la tendance générale à la prodigalité des moyens),
sans qu'il soit permis de vérifier l'exactitude de ces statistiques. La
possibilité d'en prouver l'inexactitude étant admise, on se trouve sur
le terrain de l'administration des preuves. La situation se présente dès
lors comme il suit:

    La caisse recourante attaque, avec le jugement au fond, une décision
du tribunal arbitral qui a refusé d'admettre comme preuve de l'existence
et de l'ampleur de la "polypragmasie" alléguée la comparaison statistique
du coût moyen des traitements entrepris par le demandeur avec le coût
moyen des traitements par d'autres médecins. Elle n'aurait pas pu attaquer
cette décision au moyen d'un recours séparé, au sens de l'art. 45 al. 1
et 2 LPA, car il ne s'agissait pas d'une décision fondée sur le droit
public fédéral, au sens de l'art. 5 al. 1 LPA et de l'arrêt Arboreta,
déjà cité. En revanche, au regard des art. 104 et 105 OJ, la décision
prise par le tribunal arbitral en matière de preuve, dès l'instant où
elle a abouti à un jugement au fond, est attaquable devant le Tribunal
fédéral des assurances dans la mesure où elle aurait amené les premiers
juges à arrêter un état de fait manifestement inexact ou incomplet ou à
l'établir au mépris des règles essentielles de la procédure.

    Or, le jugement attaqué échappe à ces griefs. Il admet à
juste titre l'existence d'une "polypragmasie". Quant à l'ampleur de
celle-ci, il aboutit à un résultat peut-être moins juste que la méthode
comparative, mais qu'on ne saurait qualifier de "manifestement inexact
ou incomplet". Enfin, aucune règle essentielle de la procédure - telle
que l'égalité des parties ou le droit d'être entendu - n'a été violée.

    Le recours n'étant pas recevable sur la question du mode de preuve
choisi par le tribunal arbitral, il doit aussi être rejeté sur le fond:
le dispositif du jugement est la conséquence logique du mode de preuve
adopté...