Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 V 12



99 V 12

3. Extrait de l'arrêt du 9 mai 1973 dans la cause Pianaro contre Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et Tribunal des assurances
du canton de Neuchâtel Regeste

    Art. 71 Abs. 1 KUVG, Art. 12 VwG.

    Die Verwendung unrechtmässig erwirkten Beweismaterials ist nur dann
unzulässig, wenn es nicht rechtmässig hätte beschafft werden können (hier:
Muskelfasern, die ohne Einwilligung der Hinterlassenen des Versicherten
von dessen Leiche entnommen wurden).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

    La recourante demande que soit éliminée du dossier l'analyse du
prélèvement musculaire, ce moyen de preuve ayant été obtenu d'une manière
illicite et qui, de plus, l'avait privée de ses possibilités de défense.

    a) Il est constant que la Caisse nationale a chargé le Dr B. d'opérer
un prélèvement musculaire sur le corps du défunt, à des fins d'analyse,
sans requérir l'assentiment des proches. Ceux-ci n'ont appris le
prélèvement qu'après coup, ainsi qu'en témoigne un entretien téléphonique
du lendemain 9 mars (1971) entre le frère du défunt et un fonctionnaire
de la Caisse nationale.

    Plainte pénale a été déposée par la veuve le 2 juillet 1971 pour
atteinte à la paix des morts. Dans sonjugement du 5 avril 1972, le Tribunal
de police du district de La Chaux-de-Fonds a considéré que le fonctionnaire
de la Caisse nationale responsable du prélèvement paraissait avoir
commis objectivement le délit de soustraction d'une partie d'un cadavre
humain au sens de l'art. 262 al. 2 CP; qu'il était douteux qu'il pût se
prévaloir de l'art. 32 CP, selon lequel ne constitue pas une infraction
l'acte ordonné par un devoir de fonction ou que la loi déclare permis;
que le prévenu pouvait toutefois être mis au bénéfice de l'erreur de droit
selon l'art. 20 CP, sa façon d'agir répondant en de telles circonstances
à une pratique courante qui n'avait provoqué jusqu'alors ni réaction ni
plainte de la part de ceux qui auraient pu se sentir blessés dans leurs
sentiments intimes, et qu'il devait donc être libéré.

    b) L'art. 71 al. 1 LAMA dispose que, sitôt informée de l'accident,
la Caisse nationale en fait constater les circonstances, les causes
et les suites; elle peut à cet effet avoir recours aux autorités
cantonales. L'art. 12 LPA, qui lui est applicable, précise qu'elle constate
les faits d'office et procède s'il y a lieu à l'administration de preuves,
notamment par expertises; enfin, l'art. 13 al. 1 LPA impose aux parties
l'obligation de collaborer à la constatation des faits.

    Dans les circonstances de l'espèce, où seule une défaillance du
conducteur pouvait expliquer l'accident - il n'est en effet nulle part
question de verglas, mais tout au plus de route "légèrement givrée", et
la voiture était par ailleurs munie de pneus à clous -, la température
ambiante, le lieu et l'heure de l'accident devaient nécessairement faire
penser au premier chef à un état d'ivresse. Aussi la Caisse nationale
avait-elle non seulement la faculté, mais encore le devoir de vérifier
l'hypothèse vraisemblable d'une alcoolémie. La police n'ayant pas
ordonné de prise de sang (aucun tiers n'était impliqué dans l'accident,
et le décès du conducteur éteignait toute poursuite pénale éventuelle
selon les art. 55 et 91 al. 1 LCR) et le temps écoulé entre le moment
de l'accident et celui où la Caisse nationale en a eu connaissance
privant ce moyen courant d'investigation de la sûreté indispensable,
seule demeurait possible l'analyse d'un prélèvement musculaire. Mais
la Caisse nationale peut-elle ordonner un tel prélèvement de sa propre
autorité et sans l'assentiment de proches?

    Les termes de l'art. 71 al. 1 LAMA n'excluent pas pareille
faculté, mais ils ne l'octroient pas non plus expressément. Les travaux
préparatoires de la loi ne fournissent guère de lumières sur ce point
(FF 196 VI pp. 335 et 379; Bull. stén. CN 1908 pp. 133, 162, 467 et
468). Quant à l'art. 12 LPA, il ne précise pas la portée qu'il entend
donner à la notion d'expertise et au pouvoir de l'administration d'y
procéder. Là aussi, les travaux préparatoires ne sont d'aucun secours
(FF 1965 II p. 1402; Bull. stén. CN 1966 p. 633).

    Le jugement cantonal relève à raison que la doctrine est partagée à
propos de l'autopsie: certains auteurs reconnaissent à la Caisse nationale
le droit d'ordonner une telle mesure (HAFTER, Revue pénale suisse 1940,
p. 272; BIERI, Der strafrechtliche Schutz des Totenfriedens, thèse
Fribourg 1954, pp. 92 à 94); d'autres nient ce droit ou le mettent en
doute (GRAVEN, Fiches Juridiques Suisses no 348, p. 8; MAURER, Recht und
Praxis, 2e éd., 1963, p. 178). Dans des arrêts déjà anciens, le Tribunal
fédéral des assurances est manifestement parti de l'idée que la Caisse
nationale ne pouvait ordonner une autopsie contre la volonté des proches
(ATFA 1936 p. 27 et, en matière d'assurance militaire, ATFA 1942 p. 95);
ces arrêts concernaient toutefois, non le problème de l'autopsie en soi,
mais l'effet d'un défaut d'autopsie sur la charge de la preuve (voir à
ce dernier propos la critique de MAURER, op.cit., p. 178).

    Il ne s'agit cependant pas, en l'occurrence, d'autopsie au sens usuel
du terme - auquel cas la Caisse nationale s'efforce régulièrement d'obtenir
l'assentiment préalable des ayants droit -, mais de simple prélèvement
musculaire à seule fin de vérifier l'hypothèse vraisemblable de l'état
d'ivresse. Il est permis de se demander si une intervention aussi minime
doit être qualifiée d'autopsie partielle, comme l'admet le juge cantonal,
ou si elle n'est pas plutôt le corollaire, en cas de décès, de la prise
de sang effectuée sur un vivant, ainsi que la Caisse nationale le plaide
à l'appui de sa pratique constante. Il est dès lors permis aussi, sans
aucunement empiéter sur le domaine dujuge pénal, de se demander si un tel
prélèvement en de telles circonstances constitue encore une soustraction
d'une partie de cadavre.

    Mais, quelque compréhensible que soit le désir de la Caisse nationale
de voir faire "une lumière définitive sur les compétences appartenant
à l'assurance dans le cadre de l'art. 71 al. 1 LAMA", les questions
soulevées n'exigent pas en l'espèce de réponse.

    c) Même en admettant que la Caisse nationale ne pouvait ordonner le
prélèvement musculaire de sa propre autorité et sans l'assentiment des
proches, voire qu'il y a eu infraction au sens de l'art. 262 al. 2 CP,
ainsi qu'en a jugé le Tribunal de police du district de La Chaux-de-Fonds,
aucun motif n'exige que soit éliminé du dossier le moyen de preuve tiré
de l'analyse du prélèvement.

    L'utilisation d'une preuve obtenue de manière illicite n'est en effet
inadmissible que s'il était impossible de se la procurer par un moyen
conforme au droit (RO 96 I 437). Ce principe jurisprudentiel a certes
été posé en matière pénale où, comme le relève la recourante, l'ordre
public commande impérativement que la lumière soit faite par tous les
moyens possibles. Mais cet impératif vaut aussi, et même à plus forte
raison encore, lorsqu'un ayant droit entend déduire des faits un droit
à des prestations fondées sur le droit public. Eliminer un tel moyen du
dossier serait d'ailleurs en contradiction flagrante avec les principes
qui dominent la procédure de l'assurance sociale, à savoir celui de
l'intervention d'office et celui de la libre appréciation des preuves
par le juge.

    Or la preuve ici en cause pouvait être obtenue de façon indubitablement
légale, ainsi que le constate et l'affirme le juge cantonal. Il
serait d'ailleurs inadmissible qu'un canton pût refuser son concours,
contrairement à l'art. 71 al. 1 LAMA, dans un cas où les circonstances
rendent vraisemblable la commission d'un acte délictueux, même si le
décès a éteint l'action pénale, lorsque l'ayant droit entend déduire des
conséquences de cet acte un droit à des prestations de droit public.

    La recourante voit un déni de justice et une violation du droit
d'être entendu dans le fait que, l'analyse ayant été faite à son insu,
elle a été privée de ses possibilités de défense, en particulier de la
faculté de faire effectuer un second prélèvement et de le faire analyser
dans un autre laboratoire. Mais le juge cantonal relève à raison que de
telles mesures n'auraient pu en rien ébranler les conclusions du rapport
d'analyse. Même s'il devait y avoir eu informalité, on ne saurait admettre
que les droits de la partie s'en seraient trouvés réduits d'une manière
qui eussent pu modifier le sort de la cause.