Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 II 214



99 II 214

30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 juillet 1973 dans
la cause Assurance mutuelle vaudoise contre les accidents contre Rial.
Regeste

    Art. 46 Abs. 1 OR.

    Arbeitsunfähigkeit. Konkrete Berechnung des Schadens auf den Urteilstag
des kantonalen Gerichtes, das noch auf neue Tatsachenabstellen darf
(Erw. 3a-b). Berücksichtigung des Einkommens aus neuer Tätigkeit infolge
beruflicher Wiedereingliederung (Erw. 3d).

    Beeinträchtigung der künftigen Erwerbsfähigkeit.  Medizinische
Invalidität und Erwerbsunfähigkeit (Erw. 4a-b). Beeinträchtigung der
künftigen Erwerbsfähigkeit bejaht, obwohl der Geschädigte nicht mehr
arbeitsunfähig ist (Erw. 4c-d).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Henri Rial a été victime d'un accident de la circulation le 16
août 1964. Il a subi une commotion cérébrale, ainsi que des fractures des
rochers avec otorragie bilatérale, de l'omoplate droite et des deuxième
et troisième côtes droites.

    Avant l'accident, Rial était au service de l'entreprise de travaux
publics Grisoni, Zaugg SA Au bénéfice de l'assuranceinvalidité, il a
été placé au Centre de réadaptation professionnelle de Morges. Dès le 4
novembre 1968, il a trouvé un emploi stable de mécanicien dans l'atelier
de Philippe Audemars, à Aubonne.

    B.- Rial a ouvert action le 22 janvier 1971 contre l'Assurance mutuelle
vaudoise, qui couvre les détenteurs des deux voitures impliquées dans
l'accident contre les conséquences de leur responsabilité civile. Il a
conclu principalement au paie ment de 113 484 fr. 05.

    Statuant le 26 octobre 1972, la Cour civile du Tribunal cantonal de
Fribourg a condamné la défenderesse à payer au demandeur:

    "a) à titre de réparation du dommage matériel, pour solde, un montant
de 292,80 fr. avec intérêt au 5% dès le 16 août 1964;

    b) à titre d'indemnité pour incapacité de travail durant la période
du 16 août 1964 au 26 octobre 1972, pour solde, un montant de 29 240 fr.,
dont à déduire la somme de 12 859,90 fr. versée, avec intérêt au 5 %
dès le 1er janvier 1969;

    c) à titre d'indemnité pour invalidité permanente un montant de 89
505 fr., dont à déduire la somme de 18 000 fr. versée, avec intérêt au 5%
dès le 26 octobre 1972;

    d) à titre d'indemnité pour tort moral un montant de 10 000 fr.,
avec intérêt au 5% dès le 16 août 1964."

    C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle
conclut au rejet de la demande, sauf la somme de 292 fr. 80 qu'elle
se déclare disposée à payer au demandeur. L'intimé propose le rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- ...

    a) Le dommage doit en principe être déterminé de façon concrète
dans chaque espèce et sauf cas exceptionnels prévus par la loi la
preuve en incombe au lésé (art. 8 CC; RO 89 II 219 consid. 5 b). Ce
principe vaut notamment en matière de lésions corporelles, pour les
conséquences de l'incapacité de travail (art. 46 al. 1 CO; OFTINGER,
Schweizerisches Haftpflichtrecht I, p. 172, 189). Le dommage réside ici
dans l'impossibilité pour la victime d'utiliser pleinement sa capacité
de travail; il suppose que cette entrave cause un préjudice économique;
ce qui est déterminant est non pas l'atteinte à la capacité de travail
comme telle, mais la diminution de la capacité de gain (RO 49 II 164,
72 II 206, 77 II 298 s., 91 II 426 consid. 3 b, 95 II 264 consid. 7
a; STAUFFER/SCHAETZLE, Barwerttafeln, 3e éd., 1970, p. 30). Le calcul
concret des conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail jusqu'au
moment du jugement implique d'abord la détermination du gain que le lésé
aurait obtenu par son activité professionnelle s'il n'avait pas subi
d'accident, compte tenu des améliorations ou changements de profession
probables. Puis il y a lieu de déduire de ce gain le revenu effectif de
l'activité professionnelle exercée durant la même période. La différence
représente le dommage concret issu de l'incapacité de travail (RO 77 II
152, 314; 84 II 300 consid.7).

    b) La recourante considère à tort que le dommage concret doit être
calculé jusqu'à "la date de l'arrêt que rendra le Tribunal fédéral". La
date du "jugement" à laquelle doit être arrêté le dommage consécutif à
l'incapacité de travail est celle du prononcé de l'instance cantonale
qui peut encore connaître de faits nouveaux (RO 77 II 153). Lié par les
faits régulièrement constatés par la dernière autorité cantonale (art. 55
al. 1 litt. c et 63 al. 2 OJ), le Tribunal fédéral ne peut tenir compte
de circonstances postérieures.

    c) La Cour civile fribourgeoise a retenu un salaire mensuel de 1200
fr. pour la période du 15 juin 1966 au 26 octobre 1972. Elle constate
qu'au moment de l'accident, le demandeur travaillait comme machiniste
(conducteur de pelle mécanique) dans l'entreprise Grisoni, Zaugg SA;
en août 1964, son salaire horaire était de 4 fr. 15 et en juillet 1970,
il aurait été de 6 fr. 50; il a fondé lui-même ses prétentions sur un
gain annuel de 15 000 fr., incontesté en défense.

    Le salaire mensuel moyen de 1200 fr. (soit 14 400 fr. par an) retenu
par les premiers juges correspond ainsi aux données concrètes de l'espèce.

    d) Il est constant qu'à l'issue de son stage au Centre de réadaptation
professionnelle de Morges, où il a reçu une formation de mécanicien
aux frais de l'assurance-invalidité, le demandeur a travaillé dès le 4
novembre 1968, de façon stable et rémunérée, dans l'atelier de Philippe
Audemars, à Aubonne. Le Tribunal cantonal aurait dû tenir compte du revenu
de cette activité pour déterminer le dommage consécutif à l'incapacité de
travail. En se bornant à considérer le taux de l'invalidité médicale, soit
33 1/3 puis 30%, ainsi que le gain qu'aurait procuré au lésé sa profession
antérieure, il ne s'est pas conformé aux principes qui président au calcul
concret du dommage. Si le demandeur a obtenu dès le 4 novembre 1968,
dans l'exercice de sa nouvelle activité, un salaire égal ou supérieur
à celui qu'il aurait gagné chez Grisoni, Zaugg SA, il n'a subi depuis
lors aucun dommage lié à une incapacité de travail. Les premiers juges
considèrent à tort que le gain supérieur que le lésé peut réaliser grâce
aux prestations de l'assurance-invalidité (reclassement professionnel)
ne peut pas être pris en considération: le reclassement tend précisément,
selon l'art. 17 LAI, à sauvegarder ou améliorer de manière notable la
capacité de gain de l'assuré.

    e) (Le demandeur n'ayant pas établi de perte de gain depuis son
engagement chez son nouvel employeur, l'indemnité qui lui a été allouée
pour incapacité de travail à partir de ce moment est mal fondée.)

Erwägung 4

    4.- Choisissant entre les avis divergents des experts médicaux,
le Tribunal cantonal a opté pour l'appréciation du Dr Buffat, expert
judiciaire. Il a arrêté en conséquence à 30% le "taux d'incapacité de
travail permanente, compte tenu de l'atteinte à l'avenir économique".

    La recourante reproche en substance aux premiers juges d'avoir
méconnu la distinction entre l'invalidité médicale du lésé d'une
part, son incapacité de travail et sa perte de gain effectives d'autre
part. Faisant état de déclarations des experts médicaux et de deux faits
souverainement constatés par le jugement déféré - savoir le salaire
que le demandeur aurait réalisé sans l'accident, soit 15 000 fr.,
et celui qu'il gagne actuellement, soit 15 787 fr. 20, elle soutient
"que l'intimé ne subira aucune perte effective de gain futur et qu'il
n'a droit à aucune indemnité de ce chef". La recourante conteste toute
atteinte à l'avenir économique. Elle relève qu'à dire d'expert, le
métier qu'exerce actuellement le demandeur convient tout à fait à ses
possibilités physiques. Ses chances d'accéder à un poste supérieur ne
sont pas diminuées. Enfin, au cas où il quitterait sa place, il ne lui
serait pas particulièrement difficile de trouver un autre emploi.

    a) Pour déterminer le dommage consécutif à une invalidité, le juge
arrête d'abord de manière abstraite le taux de l'atteinte à l'intégrité
corporelle, soit l'invalidité théorique ou médicale. Ses constatations à
cet égard, qui reposent sur l'avis des experts médecins, ressortissent au
fait. Puis il apprécie l'incidence de cette invalidité sur la capacité du
lésé d'exercer une activité lucrative. Il examine pour cela la situation
personnelle de l'intéressé, son métier et son avenir professionnel
prévisible, sur la base des preuves administrées. Lorsque les effets
de l'invalidité sur la capacité de gain ne peuvent être estimés avec
une sûreté suffisante, le juge détermine le dommage équitablement en
considération du cours ordinaire des choses (art. 42 al. 2 CO; RO 77 II
299). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral peut examiner si
l'autorité cantonale a fondé son appréciation sur des critères pertinents;
si elle n'a pas omis, ou au contraire pris en considération à tort certains
éléments; si le préjudice ne se trouve pas réduit, voire exclu par des
circonstances particulières en dépit d'une atteinte avérée à la capacité
de travail (RO 49 II 165, 72 II 206, 77 II 299; arrêt non publié Commune
de Bienne c. Härri, du 21 juin 1966, consid. 4 b).

    b) Dans son rapport du 5 février 1970, précisé le 18 décembre 1970,
le Dr Campiche estime à 20% au maximum le "dommage permanent consécutif
au traumatisme d'août 1964". Il ressort de ses considérations que ce
taux concerne l'invalidité médicale et le préjudice esthétique; une
atteinte à la capacité du lésé d'exercer une activité lucrative est en
revanche niée. Le Dr Buffat, en réponse à une question portant sur le
"taux de l'invalidité médicale permanente", l'arrête à 30%. Il écrit dans
son rapport du 21 mars 1972 que "seul un travail léger, tel que celui
qu'accomplit maintenant Monsieur Rial, convient... Ce patient n'est
plus apte à travailler dans des chantiers, à faire de gros travaux et
le métier qu'il exerce actuellement me paraît tout à fait convenir à ses
possibilités physiques."

    Les deux experts médecins admettent ainsi une invalidité médicale chez
le demandeur; ils ne divergent que sur le pourcentage. En choisissant celui
de 30% retenu par le Dr Buffat de préférence à celui de 20% proposé par
le Dr Campiche, les premiers juges ont souverainement constaté le taux
de l'invalidité médicale.

    Mais ils se bornent ensuite à mettre ce taux à la base de leur
calcul de 1,"indemnité pour invalidité permanente et atteinte à l'avenir
économique", sans rechercher du tout dans quelle mesure cette invalidité
médicale a influé sur la capacité du demandeur d'exercer une activité
lucrative. Ce mode de calcul du dommage est contraire à la jurisprudence du
Tribunal fédéral. Au surplus, on a déjà relevé que l'opinion de la cour
cantonale, selon laquelle le gain supérieur obtenu par le lésé grâce
aux prestations de l'assurance-invalidité telles qu'un reclassement
professionnel ne peut pas être pris en considération, est erronée. Peu
importe qu'une amélioration de la capacité de gain soit l'effet d'un
traitement médical ou d'un reclassement financé par l'assurance-invalidité;
ce qui compte est l'accroissement notable et durable de l'aptitude à
exercer une activité lucrative.

    c) Les Drs Campiche et Buffat admettent que la profession actuelle du
demandeur lui convient. Mais la recourante en déduit à tort qu'aucune
atteinte n'est portée à son avenir économique au sens de l'art. 46
al. 1 CO. Bien que généralement liée à une incapacité de travail, une
telle atteinte ne l'implique pas nécessairement (RO 81 II 515 s.). Dans
le cours ordinaire des choses, un individu mutilé ou déformé a plus de
difficulté qu'un individu sain à trouver un emploi, avec une rémunération
identique. L'ère actuelle de plein-emploi ne saurait exclure à longue
échéance l'hypothèse d'un chômage qui frapperait d'abord les personnes
handicapées. D'autre part, on doit tenir compte de l'accoutumance à
l'invalidité et des possibilités d'adaptation de l'activité, en fonction
de l'atteinte subie (RO 72 II 206 s.; arrêt précité Commune de Bienne
c. Härri, p. 12 s.; OFTINGER, op.cit., I p. 188 s.). Il convient en pareil
cas de capitaliser une rente correspondant à l'atteinte portée à l'avenir
économique du lésé, combinée avec une éventuelle incapacité de travail
(RO 82 II 34 s.).

    d) Aux termes du rapport du Dr Buffat, "le pronostic reste réservé
comme il est d'usage à la suite de tout traumatisme cranio-cérébral et il
l'est aussi en ce qui concerne les séquelles du traumatisme de l'épaule
droite, une arthrose proliférodéformante pouvant se développer". Le
Tribunal cantonal a déduit avec raison de ces réserves que la situation
actuelle favorable pouvait prendre fin brusquement en raison même de
l'invalidité; "l'hypothèse d'un tel événement, chez un assuré encore jeune,
et surtout celle d'une évolution ultérieure défavorable des séquelles
du traumatisme crânien subi ne sauraient être écartées purement et
simplement". La réserve émise par l'expert n'est pas une simple clause
de style; elle traduit une expérience générale selon laquelle il faut
compter avec des séquelles, s'agissant de lésions de cette nature. Elle
ne saurait toutefois justifier l'adoption du taux d'invalidité médicale de
30% comme taux d'incapacité de travail et d'atteinte à l'avenir économique.

    Plus de huit ans après l'accident, en effet, le demandeur exerce une
nouvelle profession qui lui assure, malgré son invalidité, un revenu
équivalent à celui qu'il aurait vraisemblablement continué à obtenir
sans l'accident. Selon le rapport du 17 juillet 1968 de l'Office romand
d'intégration professionnelle pour handicapés, il s'agit d'un ouvrier
consciencieux, travailleur, dont l'habileté manuelle est bonne; praticien
capable en rectifiage, il s'est révélé apte à mettre avec succès la main
à des travaux manuels les plus divers. Ces indications, ainsi que celles
des expertises médicales, permettent d'admettre que le demandeur ne subira
pas de nouvelle perte de gain consécutive à l'accident du 16 août 1964,
sauf aggravation de son état. Compte tenu de toutes les circonstances,
une indemnité correspondant à une invalidité de 10% est équitable. Le
salaire de base de 15 000 fr. ainsi que la méthode de calcul appliquée
par l'autorité cantonale sont incontestés.

    (Indemnité arrêtée à 29 835 fr., dont à déduire 18 000 fr. déjà
versés.)

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet partiellement le recours ef réforme le jugement attaqué en ce
sens que la défenderesse est condamnée à payer au demandeur:

    a) 10 292 fr. 80 avec intérêt à 5% dès le 16 août 1964;

    b) 11 835 fr. avec intérêt à 5% dès le 27 octobre 1972.