Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 66



99 Ib 66

8. Extrait de l'arrêt du 2 mars 1973 en la cause X. contre Département
fédéral de Justice et police. Regeste

    Art. 36 Abs. 4 ZG; Veröffentlichungen und Gegenstände unsittlicher
Natur.

    Gegenstände oder Schriften, die das geschlechtliche Schamgefühl
verletzen, können von der Zollverwaltung ohne Rücksicht auf den
Verwendungszweck beschlagnahmt werden.

Sachverhalt

    A.- Le 12 novembre 1971, le bureau des douanes suisses de Neuchâtel
a séquestré provisoirement, conformément à l'art. 36 LD et à l'art. 55
du règlement d'exécution de la LD, un envoi postal destiné à X. et
contenant trois publications illustrées, intitulées "Nudist Fair",
vol. 1 no l'"Suite" no 16 et "Mod Nude" vol. 1 no 1. Le Ministère public
fédéralayant maintenu le séquestre, X. a recouru auprès du Département
fédéral de justice et police.

    B.- Le Département fédéral a considéré que ces publications étaient
manifestement obscènes au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral
concernant l'art. 204 CP; or ce qui est obscène au sens du code pénal
est en tout cas immoral au sens de l'art. 36 LD. Par ailleurs, la LD
impose le séquestre des objets à caractère immoral, indépendamment du fait
qu'ils sont ou non destinés à la vente ou à la diffusion dans le public.
Estimant en conséquence que le Ministère public fédéral n'avait pas violé
le droit fédéral ni même pris une décision inopportune, le Département
fédéral de justice et police a rejeté le recours, le 25 août 1972.

    C.- X. a formé un recours de droit administratifau Tribunal fédéral;
il conclut à la restitution de son bien.

    Le Département fédéral de justice et police propose le rejet du
recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Le seul moyen qui reste à examiner porte sur le caractère
immoral des publications saisies. Le réalisme de celles-ci ne serait
pas, selon le recourant, de nature à offusquer gravement un individu
normal. De plus, l'immoralité d'une chose dépendrait essentiellement de
l'usage qui en est fait, usage qui en l'occurence n'est pas mauvais. La
décision attaquée constituerait donc tant une violation de la vie privée
de l'individu qu'une atteinte à la liberté de choix et d'information.

    La question posée relève de l'application du droit. Par ailleurs,
si la notion d'immoralité est de celles que l'on qualifie d'imprécises
(cf. IMBODEN, I no 221, p. 70 ss.), il ne s'ensuit pas nécessairement
que les premiers juges jouissent en l'appliquant d'une certaine marge
d'appréciation. Cette dernière ne se justifie en effet que si l'autorité
de seconde instance ne dispose pas de renseignements aussi complets que
celle qui l'a précédée. In casu, tous les éléments nécessaires et même
utiles figurent au dossier, si bien que la chambre de céans a la faculté
de revoir librement la décision dans son ensemble.

    b) Il ressort des travaux préparatoires de la LD que la disposition
prévue à l'art. 36 al. 4 ne figurait pas dans le projet initial du 4
janvier 1924 (FF 1924 I p. 69 ss.); elle apparaît pour la première
fois lors des délibérations de la Commission duConseil national, à la
suite d'une proposition du Département fédéral de justice et police. Le
Conseil national ayant adopté la disposition dans sa rédaction actuelle
(Bull. stén. CN 1925 p. 75/76), la Commission du Conseil des Etats voulut
remplacer le qualificatif "immoraux" par celui d'"obscènes", de façon à
faire, d'une part, coïncider les termes utilisés dans la loi en préparation
avec ceux figurant dans les actes internationaux relatifs à la répression
de la circulation des publications obscènes et avec ceux qui devaient
être repris par la suite dans le CP et, d'autre part, à éviter la notion
trop générale d'immoralité. Finalement, les deux Conseils en restèrent à
la formulation initiale, précisément parce qu'elle était plus large que
celle proposée en modification (Bull. stén. 1925 p. 225/226).

    Les autorités compétentes de la Confédération se sont par la suite
attachées à préciser leur jurisprudence. Dans le rapport du Conseil
fédéral de 1954 (p. 240), il est précisé que:

    "L'Office central considère comme immoral (sic)... tous les imprimés
qui offensent la pudeur sexuelle et dont les éditeurs ont le dessein
évident de spéculer sur les bas instincts."

    Cette définition n'est pas sans rappeler celle de la jurisprudence
relative à l'art. 204 CP, citée expressément dans la décision attaquée
(RO 86 IV 19; 87 IV 73; 89 IV 195; 96 IV 64; 97 IV 99). On relève
cependant l'absence de la condition voulant que le sentiment général
de la décence soit froissé "d'une manière non négligeable". Cette
différence correspond, d'une part, à l'intention exprimée dans le texte
même de la loi et, d'autre part, aux buts respectifs des dispositions en
présence. L'art. 204 CP en effet assure la répression d'un délit; l'art. 36
al. 4 LD tend à la prévention. Il tombe sous le sens que l'intervention
de l'autorité répressive doit être plus limitée que celle de l'autorité
purement administrative. En conséquence, tout objet ou écrit justifiant
l'épithète d'immoral pourra être saisi, mais il ne pourra donner lieu à
des poursuites pénales fondées sur l'art. 204 CP que s'il est obscène,
c'est-à-dire si l'atteinte aux moeurs est caractérisée.

    On peut se demander pourquoi les autorités fédérales ont mentionné
le "dessein évident (de l'éditeur) de spéculer sur les bas instincts".
Considérée comme une restriction au principe exposé plus haut, cette
phrase ne trouverait aucun fondement dans la loi, qui ne se réfère pas
à l'intention de qui que ce soit.

    En revanche, elle peut être prise comme une référence au cas le plus
fréquent d'application de la loi.

    L'immoralité au sens de la LD n'est en réalité pas très différente
de celle qui figure à la note marginale de l'art. 212 CP, dont le but
fondamental - la sanction prévue est légère - est également d'assurer une
action préventive et dont la base d'application est plus large que celle
de l'art. 204 CP (cf. consid. 3 a non publié de l'arrêt Marti, RO 97 IV
99). Il suffit, pour tomber sous le coup de l'art. 212 CP, d'exposer
des écrits ou images qui sont objectivement de nature à compromettre
le développement moral ou physique des enfants et des adolescents en
surexcitant ou en égarant leur instinct sexuel, et il n'est pas nécessaire
que l'une des personnes protégées ait réellement subi une atteinte.

    S'agissant de l'art. 36 al. 4 LD, peu importe également que les
biens saisis soient adressés à un adulte qui n'a aucune intention de les
diffuser, car rien ne permet d'exclure que, volontairement ou non, ils
tomberont un jour dans des mains auxquelles ils ne sont pas destinés. Il
est sans importance non plus que ces écrits ou objets portent des mentions
telles que "adults only" ou autres, car elles sont précisément de nature
à éveiller l'intérêt de la jeunesse.

    c) Au vu de ce qui précède, il est sans conséquence que le recourant
n'ait pas fait un mauvais usage des publications litigieuses, qu'il ne
les ait pas diffusées et qu'il n'ait eu aucune intention illicite à leur
sujet. Dès lors qu'elles ont été découvertes à l'occasion d'un contrôle
douanier, le bien-fondé de la décision attaquée dépend du seul point de
savoir si elles ont ou non un caractère immoral. Il suffit à cet égard de
se référer à la description qui en a été faite pour admettre qu'elles sont
non seulement immorales mais encore obscènes, dans la presque totalité
de leurs illustrations.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.