Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 481



99 Ib 481

66. Arrêt du 19 décembre 1973 dans la cause Commune de Saint-Léonard
contre CFF. Regeste

    Enteignung. Aufhebung eines Niveau-Überganges.

    Unanwendbarkeit des eidgenössischen Enteignungsverfahrens bei der
Aufhebung eines Niveau-Überganges, der nur aus Gefälligkeit und auf
Zusehen hin bestand.

    Streitigkeit aus dem Eisenbahngesetz vom 20. Dezember 1957, die das
Bundesgericht als einzige Instanz beurteilt.

Sachverhalt

    A.- A l'occasion de la pose de la double voie entre Sion et Brigue, les
CFF ont décidé de supprimer, dans la région de St-Léonard, deux passages
à niveau distants de 600 m environ et reliant deux routes qui longent la
voie ferrée, à savoir au nord la route cantonale Sion-Sierre et au sud
le chemin de Mangold, lequel sert de dévestiture à de vastes terrains
cultivés s'étendant en direction du Rhône. Quelques années auparavant
(1962), ils avaient participé par 800 000 fr. environ à la construction
d'un passage routier supérieur et d'un passage inférieur pour petits
véhicules routiers, situés respectivement à 1075 m et 750 m à l'ouest du
plus proche passage à niveau.

    Avant la suppression des passages à niveau, le trafic rural empruntait
la route cantonale jusqu'à ceux-ci; depuis leur suppression, il passe par
le passage supérieur créé en 1962, puis par le chemin de Mangold, de 3 m de
large et sans revêtement, que la commune a décidé d'élargir et d'améliorer;
le coût des travaux était estimé à 540 000 fr. à l'époque. Par lettre du
19 avril 1968, les CFF avaient proposé d'y participer pour 100 000 fr.,
mais la commune avait refusé cette offre, jugée insuffisante. Par lettre
du 16 septembre 1968, les CFF avaient présenté le problème à l'Office
fédéral des transports, en ajoutant qu'au besoin le Tribunal fédéral
aurait à se prononcer en application des art. 19 al. 2 et 40 al. 2 de la
loi fédérale sur les chemins de fer.

    Le 21 février 1969, après une procédure d'enquête dans laquelle
la commune de St-Léonard avait fait opposition, l'Office fédéral des
transports avait approuvé le projet relatif à la pose de la double voie
dans la région. Sa décision disait sous chiffre 4:

    "Notre approbation comporte, entre autres, la suppression des passages
à niveau des km 99'554 et 100'156 sur le territoire de la commune de
Saint-Léonard. Les questions relatives à l'aménagement approprié des
liaisons entre le village de Saint-Léonard et le territoire communal
situé au sud de la voie ferrée ne peuvent être tranchées dans le cadre
de la présente procédure d'approbation de plans. A défaut d'entente entre
les parties, la suppression des passages à niveau devrait, à notre avis,
faire l'objet d'une procédure d'expropriation."

    La commune de St-Léonard avait reçu une copie de cette décision,
laquelle ne fit l'objet d'aucun recours et devint définitive.

    B.- Le 18 septembre 1969, les CFF ont demandé au Président de la
Commission d'estimation du 2e arrondissement (ancienne organisation)
l'autorisation d'ouvrir la procédure sommaire d'expropriation (art. 33
LEx.), ce qui leur a été accordé le 31 janvier 1970. Ils précisaient
dans leur requête qu'il s'agissait d'estimer l'indemnité due par eux
non pas pour la suppression des passages à niveau, mais pour la perte de
l'usage de ces deux passages. La requête était cependant accompagnée d'un
plan d'expropriation indiquant l'emplacement des deux passages à niveau
supprimés et d'un tableau des droits à exproprier mentionnant comme tels
ces deux passages.

    Dans son intervention des 17/18 mars 1970, la commune de St-Léonard
a déclaré n'avoir pas d'opposition à faire à l'expropriation.

    A la séance de conciliation du 11 août 1970, les CFF ont offert la
somme de 50 000 fr., correspondant à leur avis à la capitalisation des
frais annuels d'entretien, alors que la commune réclamait 500 000 fr. La
tentative de conciliation a échoué.

    Dans leur mémoire du 13 juillet 1973 à la Commission d'estimation, les
CFF ont soutenu qu'il n'y avait en l'espèce aucun droit privé de passage;
qu'un passage à niveau public était régi non point par le droit privé,
mais par le droit public, plus précisément par la loi fédérale sur les
chemins de fer; que, par conséquent, l'obligation des CFF se limitait,
conformément à l'art. 20 de cette loi, à la réparation du surcroît de
charge que peut représenter pour la commune le fait que le chemin de
Mangold doit écouler, sur sa partie ouest séparant les passages à niveau
supprimés du nouveau passage supérieur, le trafic qui, précédemment,
ne l'utilisait qu'au-delà de ces passages. Sans mentionner de chiffre,
les CFF demandaient à la Commission d'estimer équitablement le surcroît
de charge précité.

    Par mémoire du 18 juillet 1973, la commune de St-Léonard a réclamé
500 000 fr. Elle admettait qu'il ne s'agissait pas d'une servitude de
droit privé propre à être expropriée comme droit réel, et qu'aucun droit
de cette nature ne passerait aux CFF ni ne serait supprimé; elle soutenait
en revanche que la suppression de deux passages à niveau obligeait les CFF
à mettre les usagers dans la même situation de commodité qu'auparavant
et à les indemniser pour les détours à faire, pour la moindre commodité
et pour créer des voies d'accès convenables.

    Par prononcé du 18 juillet 1973, la Commission fédérale d'estimation
du 3e arrondissement (nouvelle organisation) a obligé les CFF à participer
aux frais de réfection du chemin de Mangold dans la proportion de 40%
pour le lot I et de 20% pour le lot II, au maximum par 150 000 fr., puis
à verser à la commune de St-Léonard une indemnité de 3000 fr. pour frais
extrajudiciaires en application de l'art. 115 LEx.

    C.- Par recours de droit administratif du 29 septembre 1973, la
commune de St-Léonard demande au Tribunal fédéral d'annuler ce prononcé,
puis de dire que les CFF sont condamnés à lui payer la somme de 500 000
fr. avec intérêt à 5 1/4% dès le 6 septembre 1969, ainsi qu'un montant
de 15 000 fr. à titre de dépens de première instance.

    D.- Dans ses observations, la Commission d'estimation explique son
prononcé sans présenter de proposition.

    Les CFF concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 5 LEx., l'expropriation peut avoir pour objet
les droits réels immobiliers, les droits résultant des dispositions sur
la propriété foncière en matière de voisinage, et en outre les droits
personnels des locataires ou fermiers de l'immeuble à exproprier. La
procédure d'expropriation suppose donc qu'il y ait, d'une manière ou d'une
autre, atteinte à un de ces droits réels ou personnels. La loi fédérale
du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCF), applicable aux CFF en
vertu de l'art. 4 al. 1 de la loi fédérale du 23 juin 1944 sur les CFF,
confirme ce principe général en son art. 20, selon lequel la loi fédérale
sur l'expropriation est applicable à la réparation du "préjudice causé
aux tiers par des empiètements sur leurs droits".

    En l'espèce, la commune de St-Léonard n'était atteinte dans aucun
droit, ni réel ni personnel. Ce point est admis tant par elle-même que
par les CFF et la Commission d'estimation. En tout cas, aucune servitude
de passage en faveur de la commune et de ses habitants n'était inscrite au
registre foncier sur les passages à niveau sources du litige. Il n'y avait
pas non plus de servitude dite apparente dispensée de l'inscription au
registre foncier (art. 676 al. 3 CC): d'une part il ne s'agissait pas de
conduite, d'autre part il aurait fallu une convention dont l'existence n'a
jamais été alléguée. Il ne saurait être question non plus de prescription
acquisitive, dont on peut douter qu'elle soit en principe possible sur
le domaine ferroviaire et qui suppose de toute façon la réalisation
de diverses conditions (art. 662 et 731 al. 3 CC); il eût d'ailleurs
appartenu à la commune de St-Léonard d'en prouver la réalisation, ce
qu'elle n'a même pas cherché à faire. Théoriquement aurait pu exister un
droit découlant d'une concession ou d'un contrat de droit administratif,
encore qu'un tel acte se conçoive difficilement pour l'usage du domaine
ferroviaire par un tiers autre qu'une entreprise de chemin de fer; mais
rien n'a été allégué non plus dans ce sens.

    En définitive, la faculté d'utiliser les passages à niveau n'existait
qu'à bien plaire et avait un caractère précaire, sous réserve de
la législation sur les chemins de fer. Ainsi la procédure fédérale
d'expropriation était inapplicable et la Commission fédérale d'estimation
incompétente.

    b) C'est à tort que, devant cette commission, les parties ont oralement
fait intervenir, en sens contraire, l'art. 69 al. 2 LEx. D'une part,
en effet, il n'y avait aucune contestation sur l'existence d'un droit
faisant l'objet d'une demande d'indemnité au sens de l'art. 69 al. 1,
puisque les deux parties s'accordaient à dire qu'il n'y avait pas de droit
préexistant; d'autre part, si la Commission avait été appelée à statuer
sur ce point, elle n'aurait pu que constater l'absence d'un tel droit,
et en déduire que la prétention à indemnité n'était pas fondée du tout,
selon la loi sur l'expropriation.

    c) En réalité, le litige relevait uniquement de la loi fédérale du
20 décembre 1957 sur les chemins de fer, à première vue de l'art. 19,
éventuellement aussi des art. 25 ss.

    Or, selon l'art. 40 al. 2 LCF, le Tribunal fédéral connaît en instance
unique de toutes les contestations pécuniaires relatives à l'application
des art. 19 al. 2, 21 al. 2, 25 à 32, 34 à 37. La compétence du Tribunal
fédéral est en outre rappelée par l'art. 116 lettre k OJ.

Erwägung 2

    2.- a) En présence de cette situation, le Président de la Commission
fédérale d'estimation du 2e arrondissement (ancienne organisation)
aurait dû refuser l'ouverture de la procédure d'expropriation, et la
Commission d'estimation du 3e arrondissement (nouvelle organisation)
se déclarer d'office incompétente, en renvoyant les parties à agir
selon l'art. 40 al. 2 LCF. L'accord des parties n'y changeait rien,
car les règles de compétence sont, de par leur nature, impératives et on
ne peut pas y déroger par convention, sauf disposition contraire de la
loi. Quand à la remarque faite par l'Office fédéral des transports dans
sa décision d'approbation des plans du 21 février 1969, elle ne liait
pas la Commission d'estimation; c'était en effet une simple opinion,
ainsi que cela ressort des mots "à notre avis" qui y figurent.

    Ayant à appliquer le droit d'office dans la procédure du recours de
droit administratif et étant en outre autorité de surveillance (art. 63
LEx.), le Tribunal fédéral doit constater que la décision attaquée a été
rendue par une autorité incompétente et, partant, l'annuler pour ce motif,
en tant qu'elle concerne le fond de l'affaire (ch. 1 à 4 du dispositif),
quand bien même la recourante a expressément renoncé à faire valoir
ce moyen.

    b) On peut sans doute se demander s'il n'y a pas formalisme excessif,
de la part du Tribunal fédéral, à refuser de statuer sur une affaire dont
il est saisi en tant qu'autorité de recours en matière d'expropriation
fédérale, alors qu'il serait compétent pour statuer sur la même affaire
si elle lui était soumise en instance unique, en application de l'art. 40
al. 2 LCF.

    Mais s'il statuait sur le fond du recours, en faisant abstraction des
questions de compétence, le Tribunal fédéral créerait un fâcheux précédent,
source d'insécurité juridique et de confusion; en outre, il ne saurait
pas très bien quel droit appliquer: la loi sur l'expropriation ou la loi
sur les chemins de fer. Aussi s'imposet-il, pour la clarté de l'affaire,
de la remettre sur la bonne voie en annulant, pour cause d'incompétence,
la décision attaquée.

    Le Tribunal fédéral ne saurait non plus, après avoir prononcé une telle
annulation, convertir d'office le présent recours en une action de droit
administratif, en considérant l'acte de recours comme acte introductif
d'instance. Ce procédé insolite n'apporterait guère de réelle économie de
procédure: il faudrait, en effet, ordonner malgré tout un nouvel échange
de mémoires, pour permettre aux parties de défendre leurs intérêts dans le
cadre de la législation fédérale sur les chemins de fer, puis engager la
procédure préparatoire des art. 34 et 35 PCF, auxquels renvoie l'art. 120
OJ, et prendre enfin des mesures d'instruction, sous forme d'inspection
locale et peut-être d'expertise.

    On peut d'autant mieux s'en tenir à la solution adoptée cidessus
(consid. 2 a) qu'il n'en résulte pas, pour les parties, d'autre préjudice
que d'avoir dû participer à une procédure devenue inutile et subi de ce
fait une perte de temps. Il n'est d'ailleurs pas exclu qu'après l'échec de
leur première procédure, les parties cherchent et parviennent à s'entendre,
pour n'avoir pas à engager un procès direct devant le Tribunal fédéral.

Erwägung 3

    3.- a) L'annulation de la décision attaquée dans les chiffres 1 à 4 de
son dispositif ne dispense pas le Tribunal fédéral de se prononcer sur les
dépens de première instance (chiffre 5 du dispositif). La recourante y a
droit de toute façon, puisqu'elle a dû participer à la procédure annulée
à la suite d'erreurs successives d'autorités fédérales: l'Office des
transports, les CFF et la Commission d'estimation. Elle aurait certes
pu se soustraire d'entrée de cause à cette procédure, en s'opposant à
l'ouverture d'une expropriation; en raison de la façon dont l'affaire
était engagée, on comprend cependant qu'elle ne l'ait pas fait.

    b) La recourante estime insuffisante la somme de 3000 fr.  qui lui
a été allouée pour ses dépens, et elle réclame 15 000 fr., en invoquant
l'art. 115 LEx.

    Selon le premier alinéa de cette disposition, l'expropriant est
tenu de verser une indemnité convenable à l'exproprié à raison des
frais extrajudiciaires occasionnés par les procédures d'opposition,
de conciliation et d'estimation. En parlant non pas de remboursement
des frais, mais d'indemnité convenable, cette disposition laisse un large
pouvoir d'appréciation à la Commission d'estimation, et le Tribunal fédéral
ne pourrait intervenir qu'en cas d'excès ou d'abus de ce pouvoir (art. 104
lettre a OJ). Pour en juger, la Commission doit se fonder sur le bordereau
des opérations et débours de l'avocat et sur les pièces établissant des
dépenses particulières et inévitables, lorsque de tels documents ont
été produits. Dans le cas contraire, elle doit estimer le travail et
les frais présumables de l'avocat sur la base du dossier et de la plus
ou moins grande complexité de l'affaire. Le tarif cantonal des avocats
n'est en tout cas pas applicable, car il s'agit d'une procédure fédérale.
Tout au plus la Commission pourrait-elle s'inspirer par analogie du Tarif
du 14 novembre 1959 pour les dépens alloués à la partie adverse dans les
causes portées devant le Tribunal fédéral. Pour les procès directs en
matière de droit public et administratif, l'art. 5 ch. 2 de ce tarif fixe
un minimum de 300 fr. et un maximum de 10 000 fr. La valeur litigieuse
n'est à elle seule pas déterminante. Les plus importants de ces principes
ressortent déjà de la jurisprudence (ZIMMERLI, Die neueste Rechtsprechung
des Bundesgerichts auf dem Gebiet des Enteignungsrechtes, ZBl 74/1973
p. 177 ss., voir 6.11 p. 193 avec citation d'arrêts non publiés).

    En l'espèce, la recourante n'a produit aucune pièce sur ce point,
ni devant la Commission d'estimation, ni devant le Tribunal fédéral
à l'appui de son recours. Elle se borne à dire que le problème était
particulièrement délicat, qu'il a obligé la commune à s'entourer de
conseils techniques et juridiques et que de nombreuses entrevues et séances
ont eu lieu. En réalité, l'affaire était peut-être délicate, mais non pas
très complexe. D'après le dossier, l'avocat de la recourante a agi pour la
première fois le 17 mars 1970, par une intervention écrite de 4 pages dans
la procédure d'opposition à l'expropriation. Puis il a pris part le 11 août
1970 à la séance de conciliation, après quoi il a déposé un mémoire de 7
pages et participé enfin à l'audience de jugement du 18 juillet 1973. En
dehors de cela, il a évidemment dû étudier l'affaire et tenir probablement
un certain nombre de conférences avec sa cliente et d'autres personnes
peut-être. Tout cela n'avait cependant rien d'extraordinaire. En outre, la
Commission d'estimation pouvait appliquer l'art. 115 al. 2 LEx. Introduite
lors de la revision du 18 mars 1971, cette disposition prévoit en effet
qu'il est possible de renoncer complètement ou en partie à allouer des
dépens lorsque les conclusions de l'exproprié sont rejetées intégralement
ou en majeure partie; or, en l'espèce, la commune de St-Léonard n'avait
obtenu que 150 000 fr. au maximum, alors qu'elle réclamait 500 000 fr.;
elle avait donc été déboutée en majeure partie, ce qui justifiait une
réduction des dépens.

    Compte tenu de tout cela, il apparaît que la Commission d'estimation
n'a commis ni excès, ni abus, ni même erreur d'appréciation en fixant à
3000 fr. les dépens dus par les CFF. Le recours doit donc être rejeté
sur ce point.

Erwägung 4

    4.- Pour les mêmes motifs indiqués ci-dessus (consid. 3 a) à propos
des dépens de première instance, il convient d'allouer des dépens à la
recourante en application de l'art. 116 LEx. pour la procédure devant le
Tribunal fédéral, procédure qu'elle a introduite par un mémoire sérieux
de 19 pages.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Annule les chiffres 1 à 4 du dispositif du prononcé rendu le 18
juillet 1973 par la Commission fédérale d'estimation du 3e arrondissement;
confirme le chiffre 5 du même dispositif.

    2. Met à la charge des CFF, en plus d'un émolument de justice, des
frais d'expédition et des débours de la chancellerie, une indemnité de
800 fr. à payer à la recourante à titre de dépens pour l'instance devant
le Tribunal fédéral.