Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 452



99 Ib 452

61. Arrêt du 21 septembre 1973 dans la cause Weil contre Département
fédéral de l'intérieur. Regeste

    Kontingentierung der Einfuhr von Filmen; Gesuch um Erhöhung eines
Kontingents. Art. 27 ter BV; Art. 9, 11, 12 und 15 Filmgesetz.

    Die Erhöhung eines Kontingents kann nur bewilligt werden, wenn das
Gesuch unter allen für die Kontingentierung massgebenden Gesichtspunkten
begründet erscheint; die Unabhängigkeit des Verleihers gegenüber dem
Ausland genügt nicht.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Roger Weil, distributeur de films, à Genève, a obtenu en 1956 un
contingent annuel de huit films. Le 30 octobre 1969, il a demandé que son
contingent soit porté à quatorze films. Par décision du 9 décembre 1969,
le Département fédéral de l'intérieur a augmenté ledit contingent de huit
à douze films.

    Par lettre du 14 septembre 1972, Roger Weil a demandé que le nombre
d'unités du contingent soit porté à dix-huit. A l'appui de sa demande,
il invoquait spécialement l'augmentation de ses frais généraux, qui
l'obligeait à disposer d'un plus grand nombre de films pour les couvrir.

    Par décision du 27 décembre 1972, le Département fédéral de l'intérieur
a rejeté la demande d'augmentation du contingent.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, Roger
Weil requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du département
du 27 décembre 1972, et d'ordonner au département d'accorder au recourant
le contingent sollicité de dix huit films dès l'année 1972.

    Le Département fédéral de l'intérieur conclut au rejet du recours.

    Consultées en tant qu'autres intéressés, les associations
professionnelles (Association suisse des distributeurs de films, Union des
associations cinématographiques suisses et Association cinématographique
de la Suisse romande) ont déposé une réponse, sans prendre de conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Fondée sur l'art. 27 ter Cst., qui donne à la Confédération
le droit de légiférer notamment pour réglementer l'importation et la
distribution des films (al. 1 lettre b), la loi fédérale du 28 septembre
1962 sur le cinéma (en abrégé: LC) prévoit en principe l'attribution
de contingents pour l'importation des films scéniques de long métrage
(art.11). Selon l'art. 12 LC, les contingents d'importation sont attribués
individuellement aux distributeurs de films, en considération de leur
activité (al. 1); l'alinéa 5 de ce même article dispose que "des demandes
d'augmentation de contingents existants ne peuvent être agréées que si
cette augmentation n'est pas contraire au but du contingentement énoncé
à l'art. 9, 1er alinéa". Aux termes de cette dernière disposition, "la
Confédération règle l'importation et la distribution de films pour que le
cinéma suisse demeure indépendant de l'étranger". Il n'existe pas d'autres
dispositions réglant directement les conditions à remplir pour obtenir
l'augmentation d'un contingent; notamment l'ordonnance d'exécution II,
du 28 décembre 1962, sur l'importation de films cinématographiques et
le contingentement des films scéniques de long métrage, ne contient pas
de disposition spéciale sur ce point et ne fait que renvoyer à l'art. 12
al. 5 de la loi.

Erwägung 2

    2.- Le principal argument juridique développé dans le recours consiste
à dire que Roger Weil, titulaire du contingent et administrateur de
Neo-Filmor SA, de même que son épouse Monique Weil, unique actionnaire de
la société, sont absolument indépendants de l'étranger; pour cette raison,
dit-il, l'augmentation du contingent devrait être autorisée, en vertu
des dispositions légales. Le recourant confond ainsi l'indépendance dont
un distributeur doit faire preuve à l'égard de l'étranger pour obtenir un
contingent (art. 12 al. 4 LC) et le principe fondamental de l'indépendance
du cinéma suisse vis-à-vis de l'étranger, posé par l'art. 9 al. 1 LC.

    Or le but et le principe formulés par cette dernière disposition
impliquent davantage et autre chose que l'exigence de l'indépendance
économique du titulaire d'un contingent à l'égard de l'étranger. L'octroi
d'un contingent supplémentaire ne dépend pas de cette seule indépendance
économique; l'augmentation d'un contingent ne peut être accordée que si
la requête apparaît fondée au regard de tous les principes déterminants
en matière de contingentement de films (cf. ZBl. 1965, p. 22 consid. 2;
LYK R., Wirtschaftspolitisch motivierte Bewilligungspflichten im
schweiz. Recht, p. 133 n. 44).

    D'ailleurs, l'exigence de l'indépendance du distributeur vis-àvis de
l'étranger n'est imposée qu'aux nouveaux bénéficiaires de contingents (art.
12 al. 4 LC); elle vise aussi à empêcher que des entreprises indépendantes
passent ultérieurement en mains étrangères (art. 15 lettre c LC; RO 98 I
b 113 ss., consid. 3 et 4). Si la loi fédérale ne permet pas d'attribuer
un contingent à de nouveaux distributeurs qui dépendent de l'étranger
(art. 12 al. 4 LC), elle n'exclut en revanche pas une augmentation du
contingent aux titulaires qui sont sous influence étrangère (art. 12 al. 5
LC); mais elle ne permet pas non plus de considérer l'indépendance d'un
distributeur vis-à-vis de l'étranger comme un motif suffisant d'octroi
d'une augmentation de contingent. Si l'on adoptait l'interprétation
soutenue par le recourant, on devrait obligatoirement admettre que
toutes les entreprises de distribution indépendantes de l'étranger
pourraient demander des augmentations illimitées de contingents; or
cela serait contraire au principe même du contingentement, qui vise
à limiter le nombre des films importés (art. 9 al. 4 LC; BIRCHMEIER,
Kommentar zum eidgenössischen Filmgesetz, p. 68; ZBl. 1965 p. 22
consid. 2). On désavantagerait ainsi les entreprises de distribution
de films dépendantes de l'étranger, ce qui ne serait pas compatible avec
l'art. 4 Cst. Cette manière de voir est confirmée par l'art. 19 al. 2 de
l'ordonnance d'exécution II de la loi sur le cinéma, qui n'exclut pas
automatiquement une augmentation de contingent pour les entreprises de
distribution dépendantes de l'étranger. Ce que la loi veut éviter, c'est
uniquement la création de nouvelles entreprises dépendantes de l'étranger,
ou le passage en mains étrangères d'entreprises jusqu'ici indépendantes
(cf. RO 98 I b 113 ss.). Les entreprises de distribution dépendantes de
l'étranger qui avaient été régulièrement constituées ne sont pas, par
rapport aux entreprises indépendantes, automatiquement mises de côté au
point que ces dernières puissent sans difficulté faire augmenter leur
contingent alors que les premières en seraient réduites à simplement
conserver leur contingent primitif.

Erwägung 3

    3.- Le recourant soutient que le système du contingentement lui-même
est contraire au principe constitutionnel de la liberté du commerce et
de l'industrie. Mais il ne saurait faire découler de ce principe un droit
à l'augmentation de son contingent.

    En effet, l'art. 27 ter Cst., qui donne à la Confédération la
compétence de réglementer l'importation et la distribution de films, ainsi
que l'ouverture et la transformation d'entreprises de projection de films,
lui permet au besoin de déroger au principe de la liberté du commerce
et de l'industrie, dans l'intérêt général de la culture et de l'Etat
(art. 27 ter al. 1 lettre b). C'est en se fondant sur cette disposition
que la loi fédérale a introduit le système du contingentement des films
(cf. BIRCHMEIER, op.cit., p. 19; FF 1961 II 1049 ss.).

    Pour l'interprétation des dispositions applicables en la matière, ce
n'est pas la liberté du commerce et de l'industrie qui est déterminante,
mais le sens et le système général de la loi fédérale sur le cinéma, ainsi
que le rôle attribué au contingentement dans les limites de l'art. 27
ter Cst. et de la loi. Cette dernière a prévu la possibilité pour le
Conseil fédéral de remplacer le contrôle numérique de l'importation par
une simple surveillance de l'importation, donc d'introduire le système
d'une simple autorisation (art. 9 al. 4 LC). Mais tant que subsistent,
selon l'appréciation du Conseil fédéral, les conditions qui requièrent
le maintien du contingentement des films, les règles en vigueur doivent
être interprétées et appliquées selon les principes découlant de la loi
fédérale et du rôle attribué au contingentement. On ne saurait procéder,
pour l'octroi ou l'augmentation d'un contingent, en appliquant les règles
tirées de la liberté du commerce et de l'industrie, comme si l'on était
dans un système de simple autorisation de police.

    C'est en vain que le recourant considère le système du contingentement
de films comme dépassé; une telle considération ne saurait amener le
Tribunal fédéral à abandonner les règles relatives au contingentement
pour statuer selon les principes applicables en matière d'autorisation.

Erwägung 4

    4.- La justification du système du contingentement doit être recherchée
dans un des objectifs visés par la disposition constitutionnelle, à
savoir la sauvegarde des intérêts généraux de la culture et de l'Etat
(art. 27 ter al. 1 lettre b Cst.).

    Comme l'industrie suisse du cinéma ne produit que très peu de films
scéniques, c'est de l'étranger que doit être importée la presque totalité
de ces films (RO 98 I b 114). Du point de vue de l'intérêt général de
l'Etat, cette situation présente le danger d'une trop grande dépendance
de l'étranger pour la distribution et la projection des films (FF 1956
I 471, 495 ss.; 1961

II 1032 s., 1049 ss.); d'où l'exigence de l'indépendance de l'étranger
imposée aux entreprises de distribution de films (RO 98 I b 113 ss.,
96 I 173).

    Du point de vue de l'intérêt culturel, la réglementation fédérale
doit contribuer à éviter une baisse de qualité des films; une telle
situation serait à craindre si la Suisse était inondée de films étrangers
et si le marché des films était livré à une concurrence effrénée et
désordonnée (FF 1956 I 495; 1961 II 1039 s., 1059 ss.; RO 96 I 176). Le
contingentement a dès lors pour objectif de limiter la concurrence afin
de placer le distributeur de films dans une situation économique telle
qu'il ne soit pas tenté de rechercher "à éviter la ruine en présentant
des films bon marché, faisant appel aux bas instincts" (FF 1961 II 1040,
1059). Cet aspect de la question revêt une grande importance, notamment
lors de demandes d'augmentation de contingents (BIRCHMEIER, op.cit.,
p. 73). Au lieu du contrôle de la qualité de chaque film importé, on
utilise la menace du retrait du contingent lorsque, par la gestion de
son entreprise, le distributeur agit continuellement à l'encontre des
intérêts généraux de la culture ou de l'Etat (art. 15 al. 1 lettre a LC).

    Ainsi s'explique la réglementation légale de la distribution de films.
Elle repose sur une limitation du nombre des films scéniques importés
et une attribution annuelle de contingents individuels aux distributeurs
reconnus (BIRCHMEIER, loc.cit., p. 68).

    L'attribution de base doit assurer l'activité normale d'une enteprise
commerciale, garantissant une exploitation sur une base économique
saine (art. 12 al. 4 LC). On a d'abord considéré qu'il fallait un
minimum de cinq à six unités de films pour former une base économique
suffisante (BIRCHMEIER, op.cit., p. 74; R. VON GRAFFENRIED, Filmgesetz
und wirtschaftlicher Wettbewerb, RJB 1963 p. 204 s.). Selon la décision
du Département fédéral de l'intérieur du 19 décembre 1969, un contingent
de huit unités se situe à la limite inférieure de ce qui est nécessaire
pour qu'une entreprise soit viable. La même décision a augmenté de huit
à douze unités le contingent du recourant, soit à un nombre sensiblement
supérieur à celui qui est considéré comme limite inférieure.

    Il découle également de la loi que l'autorité qui accorde les
autorisations doit éviter la création de monopole. Si l'on considère en
outre que la porte doit être laissée ouverte à de nouveaux distributeurs,
sans qu'il en résulte d'inconvénients quant à l'objectif visé par
le contingentement, une certaine retenue s'impose dans l'octroi
d'augmentations de contingents.

    Ainsi, la décision à prendre sur une demande d'augmentation doit tenir
compte de tous les éléments découlant du sens et du but du contingentement,
et non seulement de l'indépendance du distributeur requérant vis-à-vis
de l'étranger.

Erwägung 5

    5.- Les arguments que le recourant tire du rendement de son entreprise
et de l'augmentation de ses frais généraux ne sauraient conduire à
l'admission de son recours. D'ailleurs, le recourant fait état de la
situation financière de Neo-Filmor SA, sans donner de renseignements
sur la situation qui découle pour lui-même, distributeur titulaire d'un
contingent, de la location des films importés. On peut cependant se
dispenser de rechercher des données plus précises sur ce point.

    En effet, un distributeur de films doit régler ses dépenses en
fonction du contingent qui lui est attribué. Il ne saurait tirer argument
de l'augmentation de ses dépenses pour prétendre avoir droit à une
augmentation de son contingent, tout au moins tant que le nombre de films
attribués est bien supérieur à celui qui est considéré comme suffisant
pour assurer l'activité normale d'une entreprise commerciale (art. 12
al. 4 LC); au surplus, la distribution de films peut également constituer
une branche accessoire d'une autre activité (cf. RO 96 I 172 ss.).

    En l'espèce, le contingent du recourant, qui était de huit unités
en 1956, a été porté à douze dès l'année 1970, ce qui constitue une
importante augmentation de 50%. Il est tout à fait judicieux de laisser
se consolider la situation consécutive à cette récente augmentation
et d'attendre quelques années avant de réexaminer cette situation
(cf. ZBl. 1965 p. 22 c. 2).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme la décision attaquée.