Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 425



99 Ib 425

57. Extrait de l'arrêt du 21 septembre 1973 dans la cause Borden contre
Département fédéral de justice et police. Regeste

    Schweizerbürgerrecht, Wiedereinbürgerung, Art. 58 bis BüG.

    Ausländerinnen, die das durch eine erste Heirat erworbene
Schweizerbürgerrecht infolge Wiederverheiratung mit einem Ausländer vor
dem Inkrafttreten des Bundesgesetzes von 1952 verloren haben, können
wiedereingebürgert werden, wenn besondere Umstände es rechtfertigen.

    Unvollständige Feststellung des rechtserheblichen Sachverhalts
(Art. 104 lit. b OG).

Sachverhalt

    A.- D'origine danoise, Vibeke Agnete Borden, née Valentin-Hansen, était
venue en Suisse en 1937, en vue d'y terminer ses études. Elle a épousé en
1939 Max Engelhard, dont elle a acquis la nationalité suisse; elle a vécu
avec lui à St-Blaise (Neuchâtel) jusqu'à la dissolution de leur mariage
par le divorce, à fin 1944/début 1945. Aucun enfant n'est né de leur union.

    Rentrée au Danemark après son divorce, elle a épousé, en 1946,
le ressortissant danois Ole Borden; ainsi a-t-elle acquis à nouveau la
nationalité danoise et perdu la nationalité suisse.

    En 1952, les époux Borden sont allés se fixer aux Etats-Unis.
Par la suite, ils ont acquis tous deux la nationalité américaine par
naturalisation.

    En 1970, d'accord avec son mari, dame Borden est venue s'installer en
Suisse avec ses quatre enfants nés de son second mariage. Elle habite
Crans-sur-Sierre; ses enfants ont fait ou font encore leurs études
en Valais. Son fils aîné étudie actuellement dans une université
anglaise. Son époux continue à exploiter aux Etats-Unis une entreprise
commerciale et passe de temps en temps ses vacances avec sa famille à
Crans-sur-Sierre.

    Au cours de ces dernières années, les époux Borden ont envisagé
l'installation complète de la famille en Suisse; mais ils ont abandonné
cette idée.

    Le 13 juillet 1970, dame Borden a déposé auprès du Consulat général
de Suisse à New York une demande de réintégration dans la nationalité
suisse, fondée sur l'art. 58 bis de la loi fédérale du 29 septembre 1952
sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN).

    Par décision du 15 mars 1973, le Département fédéral de justice et
police a rejeté la demande de réintégration de dame Borden, en relevant
notamment que les conditions posées par l'art. 58 bis LN n'étaient pas
remplies en l'espèce, les contacts de dame Borden avec la Suisse se
résumant à quelques séjours de vacances, alors que toutes ses attaches
et ses relations essentielles sont orientées vers sa patrie d'origine ou
sa patrie actuelle.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, dame
Borden requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision attaquée et de
prononcer sa réintégration dans la nationalité suisse en application de
l'art. 58 bis LN.

    Elle reproche au Département d'avoir fondé sa décision sur
une constatation incomplète des faits pertinents, d'avoir notamment
ignoré qu'elle vit actuellement en Suisse, avec ses enfants, de façon
ininterrompue depuis près de trois ans, qu'elle y paie ses impôts et que
trois de ses enfants y vont à l'école, de sorte que ses attaches avec la
Suisse sont réelles.

    Elle se plaint également de ce que, sans en indiquer les raisons, la
décision attaquée ne fasse aucune mention des préavis favorables donnés
par les cantons et les communes intéressés.

    Elle pense que la décision attaquée a été prise non pas tant en
raison de sa situation personnelle qu'en raison des conséquences que
la réintégration pourrait avoir sur son mari, auquel les autorités ne
pourraient plus refuser la possibilité de venir s'installer en Suisse et
d'y exercer son activité. A ce propos, la recourante assure que son mari
ne pourrait pas actuellement abandonner son commerce à New York.

    Le Département fédéral de justice et police conclut au rejet du
recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- La principale innovation de la loi fédérale de 1952 sur la
nationalité suisse, entrée en vigueur au 1er janvier 1953, a été de
conférer à la Suissesse qui épouse un étranger la possibilité de conserver
sa nationalité suisse, en faisant une déclaration écrite dans ce sens lors
de la publication ou de la célébration du mariage (art. 9 LN). Pour les
Suissesses de naissance qui, au 1er janvier 1953, avaient déjà perdu leur
nationalité suisse du fait de leur mariage avec un étranger, l'art. 58
des dispositions finales et transitoires de la loi a prévu la possibilité
d'être rétablies dans cette nationalité, moyennant une demande adressée au
Département fédéral de justice et police dans le délai d'une année à partir
de l'entrée en vigueur de la loi. Mais cette disposition ne s'applique
qu'aux femmes qui avaient acquis la nationalité suisse à leur naissance,
du fait de la loi, et non à celles qui étaient devenues Suissesses par
naturalisation ou par mariage, auxquelles on voulait alors expressément
refuser une telle possibilité (FF 1951 II p. 665 ss.; 1956 I p. 1173 ss.,
1re partie paragr. II et VI).

    Une telle solution ne pouvait donner satisfaction en raison de sa
trop grande rigueur. Comme le relevait le Message de 1951 (FF 1951 II
p. 675), la nationalité est le lien externe et interne qui rattache
une personne à une patrie, et il convient de corriger la situation
juridique lorsque le lien externe n'est plus en harmonie avec le lien
interne. Aussi ne devait-on pas tarder à reviser la loi par l'adjonction,
dans les dispositions finales et transitoires, d'un art. 58 bis adopté
par les Chambres fédérales le 7 décembre 1956 et entré en vigueur le 1er
mai 1957; cet article a la teneur suivante:

    "Les anciennes Suissesses qui, avant l'entrée en vigueur de la présente
loi, ont perdu la nationalité suisse par le mariage ou par l'inclusion dans
la libération de leur mari, peuvent, lorsque leur mariage n'est pas dissous
et qu'elles ne sont pas séparées, être réintégrées dans cette nationalité.

    La procédure et les effets de la réintégration sont réglés par les
dispositions des articles 18, 24, 25, 51, 1er alinéa, et 52. Les articles
28 et 37 à 41 sont applicables par analogie."

    Par cette disposition, on a voulu également faciliter la réintégration
aux femmes qui avaient acquis la nationalité suisse par naturalisation
ou par mariage et qui l'ont ensuite perdue par leur mariage avec
un étranger. Mais les "anciennes Suissesses" de l'art. 58 bis LN,
contrairement aux "Suissesses de naissance", n'ont pas un droit à la
réintégration; elles "peuvent" seulement être réintégrées, ce qui veut
dire que l'autorité compétente doit examiner chaque cas pour lui-même et le
trancher selon sa libre appréciation. Cette différence a été expressément
voulue par le législateur. Pour les "Suissesses de naissance", on peut
en effet présumer qu'en principe elles ont gardé des attaches internes
assez fortes avec la Suisse, ce qui n'est pas forcément le cas pour les
"anciennes Suissesses" (cf. FF 1956 p. 1197 s.): si la condition de
l'assimilation et des attaches internes est en général réalisée pour les
femmes qui étaient devenues Suissesses par naturalisation, il n'en va
pas de même de celles qui n'ont acquis la nationalité suisse que par un
premier mariage avec un citoyen suisse. Aussi le législateur a-t-il jugé
nécessaire de se montrer a priori circonspect à l'égard de ces dernières;
mais la réattribution de la nationalité suisse est également possible
dans de tels cas, lorsque des circonstances particulières le justifient
(cf. FF 1956 I p. 1198). Selon l'intention du législateur, un correctif
doit pouvoir être apporté dans les cas "où la situation juridique actuelle
est si manifestement en désharmonie avec les attaches réelles d'une
femme à l'égard de la Suisse qu'il faut tenir pour inéquitables et trop
rigoureuses les conséquences de l'application de l'art. 58. Le correctif
doit profiter avant tout à des femmes qui peuvent être considérées comme
profondément attachées à la Suisse" (FF 1956 II p. 1199).

Erwägung 4

    4.- Tenant compte de cette situation juridique, le Département a
nié l'existence de circonstances particulières pouvant justifier la
réintégration de la recourante dans la nationalité suisse.

    a) La recourante lui reproche de n'avoir pas pris en considération
son séjour ininterrompu en Suisse avec ses enfants depuis près de trois
ans. Elle y voit une constatation sinon inexacte, du moins incomplète des
faits pertinents (art. 104 lettre b OJ). Ce grief se révèle fondé. Sans
doute n'a-t-elle fait mention, dans sa demande de réintégration, que
de la période où elle a vécu à Neuchâtel de 1937 à 1945, ainsi que de
ses séjours ultérieurs de vacances à Davos, Crans, St-Moritz. Mais cette
demande a été déposée le 13 juillet 1970 déjà, alors que l'installation de
la recourante et de ses enfants à Crans-sur-Sierre est postérieure à cette
date et que le Département n'a statué que le 13 mars 1973. Or ce qui est
déterminant pour la réintégration dans la nationalité suisse, ce sont non
pas les circonstances du moment où la demande a été déposée, mais celles
qui existent au moment où la décision est rendue; il faut en effet tabler
sur des circonstances durables. Les faits qui se sont produits depuis le
dépôt de la demande doivent donc être pris en considération, surtout dans
un cas où, comme en l'espèce, un laps de temps assez long s'est écoulé
entre le dépôt de la demande et la décision statuant sur cette demande.

    La décision attaquée relève que depuis 1945 les contacts de
la recourante avec la Suisse se sont limités à quelques séjours de
vacances. Une telle constatation n'est pas exacte, si l'on s'en remet
aux déclarations de la recourante, non contestées par le Département;
elle est en tout cas incomplète au sens de l'art. 104 lettre b OJ. Bien
que les faits intervenus à partir de fin 1970 soient de nature à prouver
non pas tant l'existence d'anciens liens étroits avec la Suisse que la
création de nouveaux liens, après 25 ans d'établissement à l'étranger,
on ne saurait d'emblée leur nier toute pertinence dans l'examen de la
demande de réintégration. Il y a en effet une différence importante
entre des vacances dans un hôtel ou un chalet en Suisse et le fait d'y
vivre de façon suivie pendant près de trois ans dans un même endroit,
avec ses enfants qui fréquentent les écoles de la région.

    La recourante déclare attacher de l'importance à ce que ses enfants
fassent leurs études en Suisse et qu'ils y soient éduqués dans l'esprit
du pays; pour que cela fût possible, elle a dû trouver pour elle et ses
enfants un logement proche du lieu des études. Au regard de l'art. 58 bis
LN, ces faits permettent en tout cas de conclure à un attachement plus
profond à la Suisse que les quelques séjours de vacances retenus par le
Département dans la décision attaquée.

    b) Dans sa détermination sur le recours de droit administratif,
le Département ne conteste pas les circonstances actuelles de vie de la
recourante et de ses enfants, mais il soutient qu'elles ne permettent pas
non plus de conclure à l'existence de liens suffisamment étroits avec
la Suisse. Une telle conclusion est cependant trop hâtive. La période
qui s'est écoulée depuis la demande de réintégration doit faire l'objet
d'une enquête et d'un examen plus approfondis.

    Le Tribunal fédéral n'a pas à procéder lui-même à cette enquête et à
cet examen; s'agissant d'un domaine où l'autorité de décision jouit d'un
large pouvoir d'appréciation et dispose en outre d'une grande expérience,
il ne saurait se substituer à cette autorité; il en irait autrement s'il
s'agissait d'une disposition précise, dont le Tribunal fédéral devrait
assurer la juste application.

    La décision attaquée doit donc être annulée et l'affaire renvoyée
au Département pour nouvelle décision, après complément d'enquête et
examen approfondi.

    c) Au sujet des préavis cantonaux et communaux, il est exact que le
Département - ainsi qu'il le relève dans sa détermination sur le recours
- n'a pas à les considérer comme déterminants, mais qu'il doit examiner
lui-même si les conditions de réintégration sont remplies dans le cas
d'espèce et décider selon des principes applicables à l'ensemble de
la Suisse.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie l'affaire
au Département fédéral de justice et police pour nouvelle décision.