Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 385



99 Ib 385

50. Extrait de l'arrêt du 2 novembre 1973 dans la cause Terme di San
Pellegrino S.p.A. et Saprochi SA contre Département de la prévoyance
sociale et de la santé publique du canton de Genève. Regeste

    Art. 288 ter LMV; alkoholfreie Bitter.

    Soweit die erwähnte Bestimmung untersagt, ein verdünnt in den Verkehr
gebrachtes alkoholfreies Getränk des Typs "Bitter" als "alkoholfreien
Bitter" zu bezeichnen, ist sie durch die Delegation des Art. 54 LMG nicht
gedeckt und daher nicht anwendbar.

Sachverhalt

    A.- Le 29 novembre 1961, le Service fédéral de l'hygiène publique -
ci-après: le Service fédéral - a autorisé la maison Saprochi SA, à Genève,
à mettre dans le commerce sous la désignation de "Bitter analcoolico San
Pellegrino" un amer sans alcool dilué avec de l'eau, produit par la maison
Terme di San Pellegrino S.p.A., à Milan (Italie).

    Par lettre du 19 février 1963, le Service fédéral a enjoint à Saprochi
SA de remplacer le terme de "bitter" par celui d'"apéritif", le premier
étant réservé, en vertu de l'ordonnance sur les denrées alimentaires du
26 mai 1936 (ODA) dans sa version de l'époque, à des boissons alcoolisées.
Saprochi SA a refusé de se soumettre et a demandé que l'on introduise dans
l'ordonnance une définition du "bitter sans alcool". Le Service fédéral
a décidé de donner suite à cette suggestion et a depuis lors toléré le
maintien de la désignation autorisée en 1961.

    Dans la teneur que lui a donnée l'arrêté du Conseil fédéral du 3
novembre 1967, l'art. 288ter ODA est ainsi conçu:

    "Les bitters sans alcool sont des boissons fabriquées avec des extraits
de plantes amères et aromatiques ou de parties de plantes et d'épices,
d'huiles essentielles et d'essences naturelles et d'eau, avec ou sans
addition de sucre. Ils doivent avoir une teneur en extrait sans sucre d'au
moins 10 grammes par litre et peuvent être colorés artificiellement. Il est
licite de les additionner d'acides organiques propres à la consommation.

    Une éventuelle teneur en alcool ne doit pas dépasser 0,7 pour cent
en volume.

    Il est licite de conserver un bitter sans alcool à l'aide de 1 gramme
par litre d'acide benzoïque ou sorbique ou de la quantité équivalente
de leurs sels alcalins, à condition de le déclarer. Cette déclaration,
qui devra figurer de manière bien visible et lisible sur les étiquettes
et dans les prospectus, sera:'avec agent conservateur'.

    Des boissons de cette catégorie diluées avec de l'eau minérale ou de
l'eau potable, prêtes à être consommées dans cet état, tombent sous le
coup des prescriptions de l'article 286. De telles boissons nettement
amères et gazéifiées peuvent être désignées comme ,limonades amères'
ou ,boissons de table amères sans alcool'."

    Le texte allemand de l'al. 4 est le suivant:

    "Mit Mineralwasser oder Trinkwasser verdünnte, zum direkten Konsum
bestimmte Getränke der erwähnten Art fallen unter die Vorschriften
von Artikel 286. Ausgesprochen bittere, kohlensäurehaltige Getränke
können als ,Bitter-Limonaden' oder ,Bittere alkoholfreie Tafelgetränke'
bezeichnet werden."

    Dans le texte italien de ce même alinéa, les expressions "gazose amare"
et "bibite amare, analcooliche" correspondent aux expressions "limonades
amères" et "boissons de table amères sans alcool" du texte français.

    B.- En avril 1968, le chimiste cantonal de Genève a fait savoir
à Saprochi SA que la désignation "bitter analcoolico San Pellegrino"
n'était plus admissible au regard du nouvel art. 288ter ODA. Tout en la
contestant, Saprochi SA s'est pliée à l'injonction, se réservant toutefois
de poser à nouveau la question de principe de l'usage du mot "bitter"
pour désigner son produit.

    De fait, en février 1970, Terme di San Pellegrino S.p.A. et Saprochi
SA ont requis le Département fédéral de l'intérieur de constater
que leur produit peut être mis sur le marché suisse sous le nom de
"bitter analcoolico San Pellegrino", éventuellement avec l'adjonction:
"bibita di tavola"; subsidiairement, elles requéraient l'autorisation
correspondante. Le Département n'est pas entré en matière, se jugeant
incompétent. Saisi d'un recours de droit administratif contre cette
décision, le Tribunal fédéral l'a admis partiellement et invité le
Département de l'intérieur à transmettre la cause à l'autorité compétente
du canton de Genève, conformément à l'art. 8 LPA.

    C.- Par décision du 2 octobre 1972, le Département de la prévoyance
sociale et de la santé publique du canton de Genève (ci-après: le
Département cantonal) a rejeté la requête, en considérant que, même avec
l'adjonction "bibita di tavola", la désignation "bitter analcoolico San
Pellegrino" n'était pas conforme à l'art. 288ter al. 4 ODA, seules étant
admissibles les désignations: limonade amère; boisson de table amère,
sans alcool; Bitter-Limonade; bitteres alkoholfreies Tafelgetränk; gazosa
amara; bevanda (bibita) di tavola amara, analcoolica.

    D.- Terme di San Pellegrino S.p.A. et Saprochi SA forment un recours
de droit administratif et demandent à être autorisées à mettre leur
boisson sur le marché suisse sous la désignation "Bitter analcoolico San
Pellegrino", éventuellement avec l'adjonction "bibita di tavola".

    E.- Le Département cantonal conclut au rejet du recours.
Le Département fédéral de l'intérieur a renoncé à se déterminer.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Les recourantes admettent que leur produit tombe sous le coup de
l'art. 288ter ODA, dans sa teneur actuelle. Elles soutiennent cependant que
c'est l'al. 1 qui doit être appliqué, ou éventuellement l'al. 4, 1e phrase,
à l'exclusion de l'al. 4, 2e phrase, de sorte que la désignation litigieuse
serait en tout état de cause admissible, le cas échéant avec l'adjonction
"bibita di tavola" imposée en vertu du renvoi à l'art. 286 ODA.

    a) Il n'est pas contesté que le produit en cause correspond, quant à
sa composition, à la description de l'art. 288ter al. 1 ODA. Cependant,
la deuxième phrase du même article pose une condition supplémentaire,
celle de la teneur en extrait sans sucre de 10 grammes par litre au
moins. Cette exigence montre clairement que l'art. 288ter al. 1 ne
s'applique qu'aux produits présentés sous forme concentrée; seul l'al. 4
vise les boissons déjà diluées et prêtes à la consommation. Certes,
l'eau est citée au nombre des composants du produit selon l'al. 1; mais
le produit concentré en contient déjà une certaine proportion. C'est
dès lors manifestement à tort que les recourantes prétendent que l'al. 1
s'applique à leur produit. Selon les observations de l'autorité cantonale,
celui-ci ne contient que 2,9 g d'extrait par litre et les recourantes
n'ont elles-mêmes jamais soutenu qu'il y en eût davantage.

    b) Dès lors qu'il ne tombe pas sous le coup de l'art.  288ter al. 1
ODA, faute d'une teneur suffisante en extrait sans sucre, le produit
en cause doit être désigné, en vertu de l'al. 4 du même article et de
l'art. 286 ODA, comme "limonade" ou comme "boisson de table sans alcool",
cette désignation pouvant être complétée par l'adjonction de l'adjectif
"amer" dans la langue correspondante, s'il a un goût nettement amer (art.
288ter al. 4, 2e phrase, ODA).

    On ne peut que s'étonner de voir les recourantes soutenir que le
produit en cause n'est pas "nettement amer" ("ausgesprochen bitter"),
mais "normalement amer". Elles ne peuvent rien en déduire à l'appui
de leurs conclusions. Si, contrairement à ce qui paraît ressortir de
l'ensemble de l'acte de recours et de la réponse, ce produit n'était en
réalité pas nettement amer, il ne tomberait pas davantage sous le coup
de l'art. 288ter al. 1 ODA.

    c) Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est conforme
à l'ordonnance.

Erwägung 3

    3.- Il reste à examiner si cette ordonnance est elle-même conforme à
la loi. Le Département cantonal a fait preuve à bon droit sur ce point de
retenue et s'est contenté avec raison d'examiner s'il y avait violation
grossière de la loi. Cette retenue est justifiée de la part d'une autorité
cantonale chargée d'appliquer le droit fédéral et soumise à la surveillance
de l'autorité fédérale (GRISEL, Le contrôle des ordonnances fédérales en
Suisse, in Conseil d'Etat, Etudes et documents, Paris 1962, fascicule
16, p. 195; AUBERT, Droit constitutionnel suisse, no 451; BRUNNER, Die
Überprüfung der Rechtsverordnungen des Bundes..., thèse Berne 1953,
p. 142). Les critiques que les recourantes formulent à l'encontre de
l'argumentation du Département cantonal sur ce point sont infondées.

    Le Tribunal fédéral peut quant à lui revoir les ordonnances du Conseil
fédéral du point de vue de leur légalité (RO 75 IV 79, 76 IV 290, 84 IV 76,
87 IV 33, 92 I 161, 93 I 491) et - en tant que la délégation elle-même ne
l'interdit pas - du point de vue de leur constitutionnalité (RO 92 I 433;
GRISEL, Droit administratif suisse, p. 86 ss.).

    a) Selon l'art. 54 al. 1 de la loi fédérale du 8 décembre 1905 sur
le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels (LCDA),
le Conseil fédéral édicte les dispositions propres à sauvegarder la santé
publique et à prévenir toute fraude dans le commerce des marchandises et
objets soumis au contrôle institué par la loi; en vertu de l'al. 2, il est
expressément chargé de prescrire, pour le commerce de gros et de détail
des denrées alimentaires, l'emploi de désignations précises, qui rendent
impossible toute erreur sur la nature et la provenance de la marchandise.

    Il résulte sans aucun doute de ces dispositions que le Conseil fédéral
peut édicter par voie d'ordonnance des prescriptions sur la désignation des
marchandises. La délégation couvre toute prescription servant à empêcher
l'usage de désignations trompeuses. Elle ne s'étend pas, en revanche, à des
restrictions qui ne seraient pas nécessaires à cette fin et constitueraient
une entrave injustifiée à la libre concurrence (cf. RO 91 I 462).

    b) Il n'est pas contesté que le substantif "bitter" est devenu
usuel en Suisse, dans les trois régions linguistiques, pour désigner une
boisson au goût amer. A l'origine, les boissons de ce genre mises sur le
marché étaient toutes alcooliques; aussi bien la version originaire de
l'ordonnance sur les denrées alimentaires ne prévoyait-elle ce terme -
dans les trois langues déjà - que pour des boissons contenant de l'alcool
et même une proportion relativement élevée d'alcool (20%; art. 403
ODA). Lorsque, par la suite, l'industrie est parvenue à produire, au moyen
d'extraits de plantes de même nature, des boissons de goût semblable, mais
non alcoolisées, il n'y avait pas de motif objectif, du point de vue de la
police du commerce des denrées alimentaires, de réserver le nom de "bitter"
aux boissons contenant de l'alcool, comme l'a proposé la Société suisse
des liquoristes, et le Conseil fédéral a renoncé à donner suite à cette
suggestion. Par son arrêté du 3 novembre 1967, il a reconnu l'existence,
à côté de la bière sans alcool (art. 288 ODA) et du vermouth sans alcool
(art. 288bis ODA), du bitter sans alcool (art. 288ter ODA). Contrairement
à ce que pense le Département cantonal, on ne peut plus rien tirer du
fait que le "bitter" était autrefois toujours alcoolique. En adoptant
l'art. 288ter ODA, le Conseil fédéral a clairement décidé que cette
désignation ne resterait pas réservée aux boissons contenant de l'alcool.

    c) Cependant, ainsi qu'on l'a déjà relevé, l'art. 288ter ODA réserve la
désignation de "bitter sans alcool", dans les trois langues officielles,
à une boisson concentrée, contenant au minimum 10 g par litre d'extrait
sans sucre. Pour les produits semblables, mais vendus dilués avec de
l'eau minérale ou de l'eau ordinaire, l'art. 288ter al. 4 ODA n'autorise
le mot "bitter" qu'en allemand, sous la forme substantive et dans la
combinaison "Bitter-Limonade", tandis qu'en français et en italien ce
même mot n'est pas prévu, seule l'adjonction des adjectifs "amer" ou
"amaro" étant autorisée.

    aa) Les recourantes soutiennent que les bitters sans alcool concentrés,
répondant entièrement à la description de l'art. 288ter al. 1 ODA, n'ont
pratiquement aucune importance commerciale, car ils se conserveraient mal
une fois la bouteille ouverte. Dans sa réponse, le Département cantonal
cite toute une série de boissons de ce type. Le Tribunal fédéral n'a
pas à se demander si ces produits ont une importance commerciale; il
lui suffit de constater que la fabrication d'un produit répondant à la
définition de l'art. 288ter al. 1 ODA n'est pas exclue, pas même au dire
des recourantes. Dès lors, la distinction faite par l'ordonnance sur
les denrées alimentaires entre ce produit et le produit dilué n'apparaît
pas d'emblée dépourvue de justification du point de vue de la police du
commerce des denrées alimentaires.

    bb) En revanche, il convient d'examiner si, en raison de cette
différence, il est admissible d'exclure l'emploi du nom "bitter", en
français et en italien, s'agissant de boissons diluées, alors qu'il est
admis pour les boissons concentrées.

    Le substantif "bitter" est devenu usuel en français et en italien
pour désigner une boisson à base d'extraits de plantes, au goût
amer. En revanche, il ne donne en soi aucune indication sur le degré
de concentration du produit. Sans doute le terme s'est-il répandu déjà
à une époque où il n'existait de "bitter" qu'alcoolique et où, si on
consommait aussi cette boisson additionnée d'eau, il n'était pas d'usage
de la mettre dans le commerce sous forme diluée. Mais, précisément,
les usages commerciaux se sont modifiés et la mise en vente de boissons
diluées prêtes à la consommation est aujourd'hui courante. Il n'est pas
contestable que le fabricant ou le commerçant qui met en vente une boisson
du type "bitter", sans alcool, sous forme diluée, a un intérêt à user aussi
du terme "bitter", qui la caractérise dans l'esprit du public, et il est
vraisemblable que l'interdiction d'en user soit de nature à influer sur les
conditions de concurrence, d'autant plus que la désignation de "limonade"
("Limonade", "gazosa"), prévue par l'ordonnance, est elle-même équivoque,
se rapportant généralement à des boissons bon marché, sans caractère
nettement accusé, mais de saveur douce, et que même avec l'adjonction
de l'adjectif "amère", elle ne renseigne pas clairement sur la nature
du produit. Or les prescriptions de police du commerce des denrées
alimentaires ne doivent pas sans nécessité influencer les conditions
de concurrence. En particulier, il faut éviter de désavantager, par des
prescriptions sur les dénominations, les boissons sans alcool par rapport
aux boissons alcooliques de même type.

    Aussi bien n'est-il nullement nécessaire, ni même réellement
utile, même si l'on admet qu'il y a lieu de distinguer entre le produit
concentré et le produit dilué, d'interdire l'emploi du mot "bitter" pour
la boisson diluée. Le résultat peut être atteint de manière beaucoup
plus sûre en prescrivant une adjonction qui indique que le produit est
étendu d'eau. Cette solution, qui paraît s'imposer d'elle-même, se trouve
déjà à l'art. 282 al. 10 ODA pour les jus de fruits. Une adjonction telle
que "dilué" ou "avec eau minérale", ou toute autre adjonction de même
genre suffirait à indiquer la différence entre la boisson concentrée
et la boisson diluée, sans exclure cette dernière de la catégorie des
"bitters" sans alcool, à laquelle elle appartient par sa composition,
son goût et son genre d'utilisation.

    Il s'ensuit que dans la mesure où il prohibe l'emploi du mot "bitter",
en français et en italien, pour désigner des boissons sans alcool diluées,
mais répondant pour le surplus à la description de l'art. 288ter al. 1
ODA, alors même qu'il existe un moyen de marquer la distinction jugée
nécessaire sans désavantager ces boissons sur le marché, l'art. 288ter
al. 4 ODA n'est plus couvert par la délégation de l'art. 54 LCDA.

    cc) La décision attaquée doit dès lors être annulée.  Cependant,
si l'appellation "bitter analcoolico San Pellegrino" doit être admise,
l'autorité administrative pourra se juger fondée à prescrire une
adjonction indiquant qu'il s'agit d'une boisson diluée. Il n'appartient
pas au Tribunal fédéral de fixer définitivement la teneur de cette
adjonction. La cause doit dès lors être renvoyée à l'autorité cantonale,
qui la déterminera, s'il y a lieu, après s'être mise en rapport avec le
Service fédéral.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet partiellement le recours au sens des considérants, annule
la décision attaquée et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.